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5A_365/2010
Arrêt du 5 août 2010
IIe Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
von Werdt et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.
Participants à la procédure
Epoux A.________,
recourants,
contre
Service de protection des mineurs,
rue Adrien-Lachenal 8, 1207 Genève,
intimé.
Objet
garde des enfants,
recours contre la décision de l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève du 6 avril 2010.
Faits:
A.
A.a Les époux A.________ (nés, respectivement, en 1958 et 1960) sont les parents de B.________, né le 6 février 2002, et de C.________, né le 9 janvier 2005.
La situation de ces enfants a été signalée, pour la première fois, au Tribunal tutélaire du canton de Genève le 7 juin 2006 par le Président de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, puis le 6 novembre 2007 par le Service Santé Jeunesse.
A.b Par ordonnance du 25 juin 2008, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Tribunal tutélaire a retiré aux parents la garde des enfants, ordonné leur placement au foyer X.________, instauré une curatelle d'organisation, de surveillance et de financement de ce placement, de même que pour faire valoir leur créance alimentaire, réglé le droit aux relations personnelles des parents avec leurs enfants, instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, ainsi qu'une curatelle d'appui éducatif en faveur des enfants, et nommé D.________, juriste auprès du Service de protection des mineurs du canton de Genève (SPMI), aux fonctions de curatrice, à charge pour elle d'établir un rapport sur l'évolution de la situation des enfants.
Dans son rapport du 19 décembre 2008, le SPMI a relevé, d'une part, l'incompréhension des parents par rapport à cette décision et, d'autre part, l'évolution rapidement positive des enfants au sein du foyer, avec toutefois des éléments comportementaux inquiétants, particulièrement au sujet de C.________. En effet, la mère remettait sans cesse en cause le travail des éducateurs et de nombreux «recadrages» étaient alors nécessaires pour faire face aux appels incessants de l'intéressée, qui intervenait à tout moment, poussée par la colère ou l'angoisse; elle présentait des troubles d'ordre psychiatrique, auxquels son mari, trop effacé, ne parvenait pas à faire face. Les difficultés qui avaient justifié le retrait de la garde s'étaient en définitive accentuées, dans le sens où les professionnels étaient confrontés à des parents qui refusaient de recevoir de l'aide, ce qui éveillait des inquiétudes importantes quant à leur capacité à prendre en charge leurs enfants sur une longue durée; une limitation du droit de visite devait être étudiée, en particulier durant les vacances scolaires.
A.c Par nouvelle ordonnance du 11 mai 2009, le Tribunal tutélaire, sur mesures provisoires, a maintenu les mesures de retrait de garde et de placement des enfants, de même que les modalités du droit de visite et la curatelle d'assistance éducative; il a en outre ordonné une expertise psychiatrique familiale aux fins d'évaluer, notamment, les questions de retrait de garde et de restriction du droit de visite, ainsi que la situation de la famille dans sa globalité.
Dans son rapport du 16 octobre 2009, l'expert désigné par le Tribunal tutélaire, à savoir le Centre Universitaire Romand de Médecine (Dresse E.________ et Dresse F.________), a répondu comme suit aux questions posées:
- le père souffre d'un trouble de la personnalité accompagné de traits paranoïaques; une autre affection est suspectée, mais elle ne peut être confirmée que moyennant d'autres investigations;
- la mère souffre d'un trouble de la personnalité de type paranoïaque, caractérisé par une interprétativité pathologique de la réalité;
- les pathologies des parents mettent en danger le développement psychologique des enfants, à court ou à moyen terme;
- les parents ont tous les deux une conscience d'autrui limitée par leur pathologie et n'arrivent, dès lors, que très difficilement à percevoir les besoins réels de leurs enfants et leurs éventuelles souffrances, le père montrant cependant un peu plus de souplesse;
- il existe chez les parents un conflit conjugal majeur, qui a pour effet l'absence de consensus autour du type d'éducation des enfants, cette situation faisant craindre un effet néfaste sur ceux-ci, par l'absence de repères, par l'instabilité et par sa dimension déstructurante; de surcroît, le développement d'un conflit de loyauté est à craindre;
- B.________ a une personnalité fragile, mais dispose de ressources qui lui ont permis d'évoluer favorablement; il souffre d'un trouble mixte de conduite et des émotions ainsi que de bégaiement;
- C.________ a un retard du développement global et une personnalité très fragile; bien qu'il n'y ait pas de troubles psychotiques, l'évolution vers un tel trouble est possible;
- un suivi pédopsychiatrique s'avère nécessaire pour B.________ et pour C.________, mais celui-ci doit d'abord recevoir l'aide d'un logopédiste;
- le maintien du placement au foyer X.________ reste nécessaire, les garçons devant continuer de bénéficier du milieu structurant offert par cette institution;
- une prise en charge de la mère est fortement conseillée;
- le droit de visite est adéquat à la situation, car, malgré les difficultés posées par le milieu familial, il est important que les enfants gardent un contact régulier avec leurs parents.
Ce rapport est le résultat de l'étude du dossier du Tribunal tutélaire, des entretiens de l'expert avec le père (deux), la mère (quatre), B.________ (trois), C.________ (deux), le pédiatre des enfants, une thérapeute auprès de la Guidance infantile, l'assistante sociale du SPMI, la logopédiste de C.________, l'enseignante de B.________, un éducateur du foyer X.________, une psychologue de «Couple et famille» et la responsable du jardin d'enfants de C.________. Il ressort, par ailleurs, du rapport que les parents, spécialement la mère, mettent systématiquement en question la prise en charge des enfants au sein du foyer X.________, ainsi que l'utilité des interventions du SPMI, de la Guidance infantile et des autres professionnels de la santé. Entendue par le Tribunal tutélaire, F.________ a confirmé son expertise et ses conclusions.
B.
Par ordonnance du 8 mars 2010, le Tribunal tutélaire a maintenu les mesures de retrait de garde et de placement des mineurs B.________ et C.________ au foyer X.________, maintenu le droit de visite selon les modalités en vigueur, confirmé les mesures de curatelle instaurées par l'ordonnance du 25 juin 2008, mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat et débouté les parties de toutes autres conclusions.
Statuant le 6 avril 2010 sur le recours formé par les parents, l'Autorité de surveillance des tutelles a confirmé l'ordonnance attaquée.
C.
Agissant par la voie du recours constitutionnel au Tribunal fédéral, les parents concluent à l'annulation de cette décision, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal tutélaire pour nouvelle expertise. Les recourants sollicitent l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
D.
Par ordonnance du 31 mai 2010, la Présidente de la Cour de céans a rejeté la requête d'effet suspensif - traitée comme requête de mesures provisoires - présentée par les recourants.
Considérant en droit:
1.
1.1 La présente affaire n'étant pas de nature pécuniaire, le recours en matière civile est par principe ouvert; le recours constitutionnel, qui est une voie de droit subsidiaire, n'est dès lors pas recevable (JEAN-MAURICE FRÉSARD, in: Commentaire de la LTF, 2009, n° 27 ad art. 113 LTF). Une conversion du recours étant possible, l'écriture des recourants doit être traitée comme recours en matière civile (ATF 134 III 379 consid. 1.2 et les citations).
1.2 Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 2 let. b ch. 7 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 LTF); les recourants - auxquels le droit de garde a été retiré - ont qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
2.
Les recourants se plaignent d'une violation de leur droit à une décision motivée, découlant du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Ce grief ayant trait à une garantie procédurale de nature formelle (ATF 104 Ia 201 consid. 5g), il convient de l'examiner en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1).
2.1 Les recourants reprochent d'abord à l'autorité cantonale de n'avoir pas fourni la «moindre indication concernant l'audition des enfants».
Il est vrai que la décision attaquée ne reproduit pas, même sous forme résumée, le contenu de l'audition des enfants. Toutefois, les recourants se méprennent sur la portée de cette mesure. Vu l'âge des mineurs, dont le plus jeune n'avait pas six ans à la date de la décision attaquée (ATF 131 III 553 consid. 1.2.3; 133 III 553 consid. 3), l'audition n'avait nullement pour but de leur donner l'occasion d'exprimer leur avis sur le retrait du droit de garde et le placement, mais de permettre à l'autorité compétente de se forger une opinion personnelle de la situation et de disposer d'une source d'informations supplémentaire pour établir les faits pertinents et prendre sa décision (arrêt 5A_119/2010 du 12 mars 2010 consid. 2.1.3 et les citations). Pour le surplus, les recourants ne prétendent pas que l'audition n'aurait pas été effectuée conformément aux exigences légales (cf. sur ce point: arrêts 5A_50/2010 du 6 juillet 2010 consid. 2.1; 5A_859/2009 du 25 mai 2010 consid. 4.5.1, avec les références citées).
2.2 Au demeurant, le moyen est irrecevable.
2.2.1 Les critiques adressées au Tribunal tutélaire sont inadmissibles, seule la décision de l'autorité précédente étant susceptible de recours (art. 75 al. 1 LTF).
2.2.2 Les recourants ne disent pas en quoi consistent les «conclusions écrites» que l'autorité précédente aurait ignorées «sans donner aucune justification pertinente» (art. 106 al. 2 LTF); au reste, le juge n'est pas tenu de discuter tous les arguments que soulèvent les plaideurs, mais il peut se limiter à ceux qui apparaissent pertinents (cf. ATF 130 II 530 consid. 4.3 et la jurisprudence citée). Pour la même raison, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les remarques relatives à des «allégations diffamatoires», sans autre précision (art. 106 al. 2 LTF).
3.
Les recourants se plaignent ensuite d'arbitraire (art. 9 Cst.).
3.1 L'autorité précédente a estimé, à la suite du Tribunal tutélaire, que les conditions du retrait du droit de garde étaient toujours remplies et que la poursuite du placement des enfants en institution s'imposait. Elle s'est fondée sur l'expertise, qui a été réalisée selon les règles de l'art et dont l'auteur «a apporté un soin tout particulier à recueillir, discuter et peser l'ensemble des éléments d'information que les intervenants médicaux, sociaux et scolaires, en plus des recourants et des enfants eux-mêmes, pouvaient lui apporter». Au surplus, elle a fait grief aux parents, «en raison vraisemblablement des problèmes psychiatriques et psychologiques dont ils souffrent», d'avoir adopté «l'attitude la plus défavorable», c'est-à-dire nier l'existence de tout problème, rejeter et discréditer le travail de tous ceux qui tentent de venir en aide à leurs enfants. Enfin, une mesure moins incisive n'est pas envisageable; au contraire, il apparaît nécessaire de cumuler les différentes mesures, la curatelle d'appui éducatif ainsi que d'organisation et de surveillance du droit de visite s'imposant pour contrôler la qualité de la prise en charge des enfants par leurs parents durant l'exercice du droit de visite (tous les week-ends et les vacances scolaires).
3.2 Les recourants ne réfutent aucunement les arguments de l'autorité précédente. Certes, ils s'attaquent à l'expertise, qui serait «entachée d'erreurs de diagnostic», et reprochent aux juridictions cantonales de s'y être référées. Ce faisant, ils se bornent cependant à exposer leur propre argumentation; clairement appellatoire, le moyen est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2). De plus, les critiques dirigées contre les «erreurs d'appréciation» du Tribunal tutélaire et du SPMI sont irrecevables (art. 75 al. 1 LTF).
Le grief adressé à l'autorité précédente de n'avoir pas pris position «par rapport aux causes qui ont donné lieu à la décision initiale du retrait de garde et placement des enfants» est dénué de pertinence. La question décisive est de savoir si la mesure critiquée (retrait du droit de garde accompagné d'un placement en institution) est justifiée au regard de la situation actuelle, telle qu'elle a été appréciée par l'expert et les divers intervenants.
4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure étroite de sa recevabilité. Comme les conclusions des recourants étaient vouées d'emblée à l'échec, leur requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF), ce qui implique leur condamnation solidaire aux frais de justice (art. 66 al. 1 et 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève.
Lausanne, le 5 août 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Hohl Braconi