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16/02/2010 | SUISSE | N°1B_334/2009

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 février 2010, 1B 334/2009


{T 0/2} 1B_334/2009 Arrêt du 16 février 2010 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Eusebio. Greffière: Mme Tornay Schaller. Parties A.________, représentée par Me Marc Cheseaux, avocat, recourante, contre B.________, représenté par Me Jean-Luc Subilia, avocat, intimé, Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne. Objet Séquestre pénal, recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 29 septembre 2009. Faits: A. Le 4 février 2008, le Juge d'instruction de l'arrondis

sement de Lausanne (ci-après: le Juge d'instruction) a inculp...

{T 0/2} 1B_334/2009 Arrêt du 16 février 2010 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Eusebio. Greffière: Mme Tornay Schaller. Parties A.________, représentée par Me Marc Cheseaux, avocat, recourante, contre B.________, représenté par Me Jean-Luc Subilia, avocat, intimé, Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne. Objet Séquestre pénal, recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 29 septembre 2009. Faits: A. Le 4 février 2008, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Juge d'instruction) a inculpé A.________ de complicité de fraude dans la saisie (art. 163 et 25 CP). Il lui est reproché en substance d'avoir aidé C.________, lui-même inculpé de fraude dans la saisie, à organiser son insolvabilité, afin qu'il échappe à ses créanciers, en particulier au plaignant, B.________. C.________ aurait fait disparaître ses avoirs pour éviter de payer à B.________ sa part de liquidation dans la société en nom collectif X.________. Par arrêt du 12 février 2007, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud avait confirmé la sentence arbitrale rendue le 27 avril 2006 et notifiée le 20 octobre 2006, laquelle avait notamment condamné C.________ à payer à B.________ "la somme de 543'250 francs avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er octobre 1989 sur le montant de 443'250 francs sous déduction de 430'00 francs avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er octobre 1990". Entre la fin de l'année 2006 et la première partie de l'année 2007, C.________ a prélevé au comptant tous ses avoirs, y compris ceux qu'il possédait par l'intermédiaire de sa société d'imprimerie, et les a déposés en Espagne. Une commission rogatoire adressée aux autorités espagnoles a permis le blocage des avoirs bancaires de C.________ à concurrence de 180'000 euros, montant correspondant à la créance du plaignant. Le 23 février 2007, le compte épargne n° xxx dont est titulaire A.________ a, quant à lui, été crédité d'un montant de 90'000 francs. Interrogée sur la provenance de cette somme, la prénommée a expliqué que sa soeur lui avait remboursé 50'000 francs, que 30'000 francs représentaient les économies qu'elle gardait chez elle et que le solde provenait d'une gratification. Le 1er mars 2007, un virement de 40'000 francs a été opéré au débit du compte susmentionné en faveur du compte n° yyy. Par ordonnance du 3 septembre 2009, le Juge d'instruction a ordonné le séquestre des comptes n° yyy et n° xxx auprès de la banque Z.________. B. Par arrêt du 29 septembre 2009, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 3 septembre 2009. Il a considéré en substance qu'il était vraisemblable, à ce stade, que les fonds déposés sur les comptes bancaires visés par la mesure de blocage constituent le produit d'une infraction pénale. Les explications données par la prénommée quant à la provenance des fonds incriminés n'étaient pas entièrement convaincantes. C. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du Tribunal cantonal en ce que l'ordonnance du 3 septembre 2009 soit annulée, toute mesure de blocage en relation avec les comptes susmentionnés étant ainsi révoquée. Elle conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Juge d'instruction alternativement au Tribunal cantonal. Le Tribunal cantonal et le Procureur général du canton de Vaud renoncent à se déterminer et se réfèrent aux considérants de l'arrêt attaqué. B.________ conclut au rejet du recours. Considérant en droit: 1. L'arrêt attaqué, qui confirme une mesure de séquestre provisoire, est une décision rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Il émane d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF). La décision par laquelle le juge prononce, maintient ou refuse un séquestre pénal constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure (cf. ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Conformément à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, une telle décision ne peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable. Selon la jurisprudence relative à l'art. 87 al. 2 OJ, et reprise dans le cadre de l'art. 93 LTF, (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les références), le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable, dans la mesure où le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 89 I 185 consid. 4 p. 187 et les références). Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 2. La recourante estime que les éléments figurant au dossier ne sont pas de nature à établir un quelconque lien entre les montants prélevés par C.________ et les montants déposés sur les comptes séquestrés. Elle se plaint implicitement d'un application arbitraire de l'art. 223 du code de procédure pénale vaudoise du 12 septembre 1967 (CPP/VD; RSV 312.01). 2.1 Le séquestre pénal ordonné par une autorité d'instruction est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. En l'espèce, la décision du Juge d'instruction est fondée sur l'art. 223 CPP/VD, disposition selon laquelle "le juge a le droit de séquestrer tout ce qui peut avoir servi ou avoir été destiné à commettre l'infraction, tout ce qui paraît en avoir été le produit ainsi que tout ce qui peut concourir à la manifestation de la vérité". En l'occurrence, il s'agit de la saisie conservatoire du produit présumé de l'infraction (producta sceleris). Comme cela ressort du texte de l'art. 223 CPP/VD, une telle mesure est fondée sur la vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107 et les références citées). Tant que l'instruction n'est pas achevée, et notamment en début d'enquête, une simple probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines; en outre, le juge doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire, ce qui exclut qu'il résolve des questions juridiques complexes ou qu'il attende d'être renseigné de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 99; 103 Ia 8 consid. III/1c p. 13; 101 Ia 325 consid. 2c p. 327). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de confiscation (SJ 1994 p. 90 et 102). 2.2 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'instance précédente que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4; 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 s.; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). 2.3 En l'occurrence, après avoir été l'employée de la société en nom collectif X.________, puis de C.________ lorsque celui-ci a poursuivi l'activité de ladite société en raison individuelle, la recourante a été l'associée commanditaire de la société en commandite X.________, C.________ & Cie. Depuis le 6 décembre 2006, elle poursuit son travail sous la raison individuelle "X.________, A.________". Dans ce contexte, C.________ a prélevé au comptant tous ses avoirs entre la fin de l'année 2006 et la première partie de l'année 2007. A la même période, une somme de 90'000 francs est parvenue sur le compte de la recourante. Selon elle, 50'000 francs correspondraient au remboursement d'un prêt octroyé à sa soeur, 30'000 francs proviendraient d'économies gardées à domicile et 10'000 francs d'une gratification. Par ailleurs, au cours de l'audition du 4 février 2008, la recourante a affirmé dans un premier temps que "M. C.________ ne [lui] aurait jamais donné d'argent et qu'il aurait tort de [lui] confier de l'argent", tout en admettant avoir reçu sur son compte bancaire, le 12 janvier 2007, un montant de 47'243 francs provenant de Y.________ Assurances concernant le rachat d'une police au nom de C.________. Sur la base de ces éléments et à ce stade de l'enquête, le Tribunal cantonal pouvait retenir sans arbitraire que les explications données par la recourante quant à la provenance des fonds n'étaient pas entièrement convaincantes et qu'il n'était pas exclu que C.________ ait confié une partie de son argent à celle-ci, qui l'aurait ensuite investi pour lui. Le témoignage de la soeur de la recourante et l'absence de "trace documentaire" ("paper trail") établissant le lien entre les comptes séquestrés et ceux de C.________ - dont se prévaut la recourante - seront examinés ultérieurement par le juge du fond, sur la base de l'enquête actuellement diligentée. En l'état, l'instance précédente pouvait donc, de manière soutenable, voir dans ces circonstances prises dans leur ensemble, des éléments propres à susciter un doute fondé sur l'origine licite des fonds parvenus sur le compte de la recourante et à justifier une mesure de séquestre pénal. 3. La recourante reproche enfin au Tribunal d'accusation d'avoir violé le principe de la présomption d'innocence, en considérant comme vraisemblable que les fonds déposés sur ses comptes bancaires constituent le produit d'une infraction pénale. 3.1 La présomption d'innocence est garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et par l'art. 32 al. 1 Cst., qui ont la même portée. Elle a pour corollaire le principe "in dubio pro reo", qui concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter à l'accusé. Comme règle de l'appréciation des preuves, ce principe, dont la violation n'est invoquée que sous cet angle par la recourante, signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). 3.2 L'arrêt attaqué se prononce sur l'existence d'indices suffisants pour justifier une mesure de séquestre pénal. Ces considérations sont pertinentes, dans la perspective de l'application de l'art. 223 CPP/VD. Elles ne violent pas le principe de la présomption d'innocence puisque le Tribunal cantonal n'a pas entendu s'exprimer de manière définitive sur la culpabilité de la recourante, mais seulement sur l'existence d'indices suffisants propres à asseoir une décision de séquestre. La simple lecture de l'arrêt attaqué le fait clairement ressortir, et rien ne permet d'y voir une déclaration prématurée de culpabilité susceptible d'influer sur le juge du fond. Le grief tombe donc à faux. 4. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens à l'intimé, qui a eu recours à un avocat (art. 68 al. 2 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 3. Une indemnité de dépens de 1'500 francs est allouée à l'intimé, à charge de la recourante. 4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et de l'intimé, au Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 16 février 2010 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Juge présidant: La Greffière: Aemisegger Tornay Schaller


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1B_334/2009
Date de la décision : 16/02/2010
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2010-02-16;1b.334.2009 ?
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