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15/12/2009 | SUISSE | N°1C_72/2009

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 décembre 2009, 1C 72/2009


{T 0/2} 1C_72/2009 Arrêt du 15 décembre 2009 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz. Greffière: Mme Tornay Schaller. Parties A.________ et B.________, C.________, tous représentés par Me Michel Chavanne, avocat, recourants, contre D.________, représenté par Me Jean-Jacques Schwaab et Me Pierre-Louis Imsand, Département de l'économie du canton de Vaud, Service du développement territorial, 1014 Lausanne, représenté par Me Alain Maunoir, avocat, intimés, Municipalité de Givrins, 1271 Givrins, représentée par

Me Olivier Freymond, avocat, partie intéressée. Objet ordre d...

{T 0/2} 1C_72/2009 Arrêt du 15 décembre 2009 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz. Greffière: Mme Tornay Schaller. Parties A.________ et B.________, C.________, tous représentés par Me Michel Chavanne, avocat, recourants, contre D.________, représenté par Me Jean-Jacques Schwaab et Me Pierre-Louis Imsand, Département de l'économie du canton de Vaud, Service du développement territorial, 1014 Lausanne, représenté par Me Alain Maunoir, avocat, intimés, Municipalité de Givrins, 1271 Givrins, représentée par Me Olivier Freymond, avocat, partie intéressée. Objet ordre de remise en état, recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 19 janvier 2009. Faits: A. D.________ est propriétaire de la parcelle n° 338 du registre foncier de la commune de Givrins, sise en zone agricole selon le plan communal des zones. Cette parcelle supporte un hangar d'une surface de 638 m2 dont l'autorisation de construire a été délivrée le 24 avril 1985 par la Municipalité de Givrins (ci-après: la municipalité), lorsque le père et l'oncle de D.________ étaient copropriétaires du bien-fonds. Afin de garantir que le bâtiment reste à long terme partie intégrante du domaine agricole, le Service de l'aménagement du territoire du canton de Vaud (actuellement le Service du développement territorial) avait toutefois exigé la création d'un droit de préemption en faveur du propriétaire du domaine agricole en cas de vente du hangar. Le 2 juillet 1985, la municipalité a octroyé une autorisation complémentaire portant sur une partie excavée destinée au stockage de matériel et de vins ainsi que sur l'augmentation de la longueur et de la largeur du hangar de 24 cm. En date du 21 novembre 1985, l'oncle du prénommé a vendu sa part de copropriété à son frère et un droit de préemption en faveur de celui-là a été constitué pour une durée de quinze ans. Le Service de l'aménagement du territoire a délivré, le 14 février 1986, une autorisation pour la création d'une place de lavage avec épuration à l'intérieur du hangar. Le 22 avril 2002, D.________, devenu propriétaire dudit hangar par donation, a requis une autorisation de construire hors de la zone à bâtir afin d'agrandir le hangar de 638 m2 à 1'400 m2. Le Service de l'aménagement du territoire a préavisé défavorablement le projet, estimant que la construction envisagée n'était pas conforme à la zone agricole. B. Dès janvier 2006, A.________ et B.________ ainsi que D.________, propriétaires de parcelles voisines, sont intervenus auprès de la municipalité en se plaignant des nuisances sonores et du trafic provoqués par l'exploitation de la parcelle n° 388. Le 22 septembre 2006, ils ont saisi le Service du développement territorial par la voie d'une dénonciation. Ils ont fait valoir un changement d'affectation du hangar susmentionné, intervenu en violation des art. 24a à 24d de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700) et des art. 52 et 81 de loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; RSV 700.11) ainsi qu'un dépassement des valeurs limites d'exposition au bruit au sens de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE; RS 814.01) et de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB; RS 814.41). Au cours de cette procédure, D.________ a fourni une liste de ses machines agricoles comprenant, au 30 octobre 2006, quatre moissonneuses-batteuses, trois "ensileuses", trois tracteurs, un "télescopique de manutention", trois presse-balles carrées, cinq remorques d'ensilage et un épandeur à fumier. Le Service du développement territorial a procédé à une inspection locale le 19 juin 2007. Il a constaté à cette occasion qu'un atelier, un carnotzet, une douche et des toilettes avaient été aménagés au sous-sol du hangar, qu'une place de déblai avait été créée à l'extérieur du hangar, que plusieurs engins et machines agricoles y étaient entreposés et qu'un soliveau avait été réalisé à l'intérieur. Par décision du 14 novembre 2007, le Service du développement territorial a ordonné de supprimer l'atelier de réparation mécanique, la douche, les toilettes et le carnotzet situés dans le sous-sol du hangar, de faire disparaître la place réalisée en déblai au nord-ouest du hangar et de remettre les lieux dans l'état initial, d'évacuer toutes les machines, véhicules, remorques ou engins agricoles stationnant aux abords du hangar (seul un stationnement occasionnel de cinq machines au maximum à l'extérieur du hangar pouvait être toléré pendant la période des travaux des champs). Relevant l'absence de lien fonctionnel direct entre l'entreprise de travaux pour tiers qui constitue l'activité principale de D.________ et le domaine agricole, le Service du développement territorial a considéré que le hangar litigieux n'était plus conforme à la zone agricole. Il a exposé qu'au contraire, en 1985, le domaine agricole était en copropriété de l'oncle et du père de l'intimé D.________, l'un exploitant plutôt le bétail et ne disposant que d'un hangar trop exigu, l'autre collaborant aux travaux des champs tout en dirigeant une entreprise de battage: la surface du hangar autorisé ne couvrait ainsi pas uniquement les besoins de l'entreposage des machines de l'entreprise de battage du père de l'intimé D.________, mais également ceux de l'entreprise agricole que celui-ci exploitait avec son frère. Toutefois, avant de statuer sur le caractère admissible ou non du changement d'affectation, le Service du développement territorial a imposé le dépôt d'une requête de permis de construire portant sur ce changement d'affectation, afin de le mettre à l'enquête publique. C. Par acte du 5 décembre 2007, D.________ a déposé un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud (devenu la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud; ci-après: le Tribunal cantonal). Le 28 avril 2008, les juges cantonaux ont tenu une audience et procédé à une inspection locale en présence des parties. Ils ont notamment constaté la présence d'environ seize machines dans le hangar et celle d'un local abritant divers matériels dont un tour destiné à la fabrication de certaines pièces. Par arrêt du 19 janvier 2009, le Tribunal cantonal a admis le recours, annulé la décision du Service du développement territorial du 14 novembre 2007 et lui a renvoyé le dossier pour nouvelle décision quant à la régularisation des aménagements opérés dans le sous-sol du hangar. En outre, il a considéré en substance qu'il n'y avait pas de changement d'affectation du hangar par rapport à sa configuration autorisée initialement. D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ ainsi que C.________ demandent au Tribunal fédéral de confirmer la décision du Service du développement territorial du 14 novembre 2007 et de lui renvoyer le dossier pour impartir dès le rendu de la décision un délai d'un mois à D.________ pour déposer une requête de permis de construire et mettre à l'enquête publique le changement d'affectation opéré sur le hangar litigieux. Les recourants font notamment valoir un établissement inexact des faits ainsi qu'une violation des art. 16, 22, 24a et 25 LAT. Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. Invité à se déterminer, D.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La commune de Givrins considère que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le Service du développement territorial et l'Office fédéral du développement territorial concluent à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt du Tribunal cantonal. La commune de Givrins, D.________ et le Service du développement territorial se sont prononcés sur ces déterminations, par courriers respectivement du 10 septembre 2009 et du 14 septembre 2009. Considérant en droit: 1. L'intimé D.________ conteste notamment la qualité pour recourir des recourants. Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 III 329 consid. 1 p. 331). 1.1 Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 1.2 En vertu de l'art. 90 LTF, le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure. Il est également recevable contre certaines décisions préjudicielles et incidentes. Il en va ainsi de celles qui concernent la compétence et les demandes de récusation (art. 92 LTF). Quant aux autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément, elles peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). D'après la jurisprudence, un préjudice est irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, lorsqu'il ne peut pas être réparé ultérieurement par une décision finale favorable au recourant (ATF 134 III 188 consid. 2.1 p. 190 et les références). Il ne suffit cependant pas que le recourant veuille seulement éviter une prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci (ATF 135 II 30 consid. 1.3.2 p. 34 s. et les références citées). En l'occurrence, l'arrêt attaqué revêt un caractère incident puisqu'il renvoie la cause au Service du développement territorial pour nouvelle décision quant à la régularisation des aménagements opérés dans le sous-sol du hangar, même si, d'autre part, il annule définitivement l'ordre de dépôt de la requête de permis de construire et la mise à l'enquête publique du changement d'affectation du hangar. Il s'agit cependant d'un cas très particulier. En effet, le caractère incident de la décision est donné par un élément accessoire du litige - la régularisation des aménagements opérés dans le sous-sol du hangar - tandis que l'élément essentiel pour les recourants - la mise à l'enquête publique du changement d'affectation du hangar - est réglé définitivement. De plus, dans le cadre de l'application des art. 24 ss LAT, il y a lieu de procéder à une pesée globale des divers intérêts compte tenu de toutes les circonstances (cf. notamment art. 24 let. b et 24c al. 2 LAT). Or, la scission opérée entre la mise à l'enquête publique du changement d'affectation du hangar et la régularisation des aménagements opérés dans le sous-sol du hangar interdit la pesée globale des intérêts exigée par les dispositions précitées. En effet, cette scission empêche que la régularité des aménagements opérés dans le sous-sol du hangar litigieux soit examinée d'emblée en fonction de la décision définitive sur le sort du hangar et, réciproquement, qu'il soit tenu compte de tous les aménagements de celui-ci dans la détermination de l'affectation du hangar. En définitive, la décision attaquée introduit une scission qui interdit une application régulière des règles impératives du droit fédéral hors de la zone à bâtir et retarde sensiblement, de manière immédiatement reconnaissable, l'issue de ce litige d'une façon qui s'apparente à un déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Dans ces circonstances, les recourants subissent un préjudice irréparable. 1.3 1.3.1 Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public, quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (let. c). Le propriétaire d'un immeuble directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174; 115 Ib 508 consid. 5c p. 511). Le critère de la distance n'est pas le seul déterminant; s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins, même situés à une certaine distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir (cf. ATF 125 II 10 consid. 3a p. 15; arrêt 1A.179/1996 du 8 avril 1997 in RDAF 1997 I p. 242). Le voisin doit en outre être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération; il faut donc que l'admission du recours procure au recourant un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252, 409 consid. 1.3 p. 413 et la jurisprudence citée). 1.3.2 En l'espèce, A.________ et B.________ ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal, en qualité de tiers intéressés. En tant que propriétaires de parcelles directement voisines du hangar litigieux, et vu la faible distance entre leur immeuble et la route d'accès au hangar sur laquelle circulent les machines agricoles de l'intimé D.________, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, qui annule la décision du Service du développement territorial imposant le dépôt d'une requête de permis de construire et la mise à l'enquête publique du changement d'affectation du hangar. Ils relèvent que l'entrepôt de l'intimé D.________ contient une vingtaine de machines, un atelier mécanique ainsi qu'une pompe à essence et prétendent que l'utilisation du hangar n'est pas conforme à l'affectation de la zone agricole: ils estiment subir, du fait de cet usage, des "immixtions et inconvénients qui vont au-delà de ce qu'ils seraient en droit de subir et de devoir supporter de la part d'une construction hors de la zone à bâtir". Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel - qui se distingue nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune - et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la mise à l'enquête publique du changement d'affectation. Ils se prévalent précisément des normes du droit fédéral sur la protection contre les nuisances et des dispositions de droit des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur leur situation de fait ou de droit (art. 16, 22, 24a et 25 LAT); suivant l'issue de la procédure, leur situation concrète de voisins
pourrait être influencée. Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours déposé par A.________ et B.________. La question de la qualité pour recourir de C.________ peut dès lors demeurer indécise. 2. Les recourants prétendent que l'utilisation du hangar, sis en zone agricole, n'est plus conforme à l'affectation de cette zone. Ils font grief au Tribunal cantonal d'avoir faussement retenu qu'il n'y avait pas eu de changement d'affectation dudit hangar par rapport à sa configuration autorisée initialement et qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la mise à l'enquête publique du changement d'affectation dudit hangar. Ils se plaignent d'une violation des art. 16, 16a, 22, 24a et 25 LAT. Dans la décision attaquée, le Service du développement territorial n'a pas tranché la question de savoir si le changement d'affectation du hangar pouvait être autorisé sur la base d'une dérogation selon les art. 24 ss LAT. Il a ordonné le dépôt d'une requête de permis de construire portant sur le changement d'affectation, afin de "recueillir les éventuelles observations du voisinage à l'occasion de l'enquête publique". La question litigieuse est donc uniquement celle de savoir si le hangar en cause est toujours conforme à l'affectation de la zone agricole ou s'il a subi un changement d'affectation depuis l'octroi de l'autorisation de construire en 1985. 2.1 L'art. 16a LAT fixe les conditions générales auxquelles des constructions et des installations peuvent être considérées comme conformes à l'affectation de la zone agricole. Ces conditions font l'objet d'une réglementation plus détaillée dans diverses dispositions de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1), principalement à l'art. 34 OAT. A teneur de l'art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT, sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions ou installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice. En d'autres termes, seules les constructions dont la destination correspond à la vocation agricole du sol peuvent y être autorisées, le sol devant être le facteur de production primaire et indispensable (cf. ATF 125 II 278 consid. 3a p. 281). L'art. 34 al. 1 OAT précise qu'il faut en principe que ces constructions et installations servent à l'exploitation tributaire du sol, et qu'elles soient utilisées, notamment, pour la production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation, et provenant de la culture de végétaux et de la garde d'animaux de rente. Le droit fédéral admet en outre, à l'art. 34 al. 2 OAT, la conformité à l'affectation de la zone agricole des constructions et installations qui servent à la préparation, au stockage ou à la vente de produits agricoles ou horticoles si ces derniers sont produits dans la région et que plus de la moitié d'entre eux proviennent de l'exploitation où se trouvent lesdites constructions ou d'exploitations appartenant à une communauté de production (let. a), si la préparation, le stockage ou la vente ne revêt pas un caractère industriel (let. b) et si l'exploitation où se trouvent lesdites constructions et installations conserve son caractère agricole ou horticole (let. c). Par ailleurs, des constructions ou installations liées à la production hors sol peuvent être admises en zone agricole sur la base de l'art. 16a al. 2 LAT, pour autant qu'elles servent au développement interne de l'exploitation. Il y a "développement interne" lorsqu'un secteur de production non tributaire du sol - garde d'animaux de rente (cf. art. 36 OAT), cultures maraîchères ou horticoles indépendantes du sol (cf. art. 37 OAT) - est adjoint à une exploitation tributaire de façon prépondérante du sol afin que la viabilité de cette exploitation soit assurée (cf. Message relatif à la dernière révision partielle de la LAT, FF 1996 III 489). 2.2 Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal soutient que l'extension de l'activité liée au hangar est toujours couverte par l'autorisation délivrée en 1985, la nature de la construction autorisée n'ayant pas changé. Pour lui en effet, le Service du développement territorial aurait autorisé la construction du hangar, destiné entièrement à l'entreposage des machines de l'entreprise de battage et d'ensilage du père de l'intimé D.________. Le hangar, de plus de 600 m2, ne pouvait avoir été destiné à n'abriter que les cinq machines de l'entreprise du père de l'intimé D.________. L'activité initialement autorisée n'avait donc aucun lien avec l'exploitation agricole de l'oncle de l'intimé D.________, si ce n'est le droit de préemption devant garantir que le hangar puisse réintégrer le domaine en cas de vente. Le Tribunal cantonal en déduit qu'il n'y a pas "de changement d'affectation dans le fait que ledit hangar, autorisé pour toute sa surface dans le but d'entreposer des machines, soit ou non entièrement utilisé". Se référant à de la jurisprudence cantonale - relative au demeurant principalement à des précédents situés en zone à bâtir -, l'instance précédente compare cette situation avec celle d'une maison d'habitation "dont il importe peu du point de vue de l'affectation qu'elle soit utilisée par un couple de paisibles retraités, habitée par une bruyante famille nombreuse ou occupée par des requérants d'asile". 2.3 Le Tribunal cantonal concentre ainsi son raisonnement uniquement sur le contenu de l'autorisation de construire initiale - dont il donne une interprétation qui ne correspond cependant pas à celle de l'autorité qui a délivré cette autorisation. De plus, pour déterminer si le bâtiment en cause a subi ou non un changement d'affectation depuis sa construction, il convenait de comparer la situation prévalant au moment de l'octroi de l'autorisation de construire avec la situation actuelle. En effet, s'il est vrai que le hangar litigieux était déjà utilisé en 1985 pour abriter des machines destinées à des travaux agricoles de tiers, les cinq machines entreposées servaient également à l'exploitation du domaine agricole qui était alors en copropriété de l'oncle et du père de l'intimé D.________. En effet, lors de l'octroi de l'autorisation cantonale portant sur le hangar, le Service du développement territorial avait tenu compte du fait que l'oncle de l'intimé D.________ exploitait plutôt le bétail, alors que le père de celui-ci collaborait aux travaux des champs tout en dirigeant une entreprise de battage. La surface du hangar autorisé ne couvrait donc pas uniquement les besoins de l'entreposage des cinq machines de l'entreprise de battage et d'ensilage du père de l'intimé D.________, mais également ceux de l'entreprise agricole que celui-ci exploitait avec son frère. En outre, il ressort de l'arrêt attaqué que, depuis lors, le nombre de machines agricoles a augmenté au point qu'il y en a désormais quatre fois plus. Par ailleurs, une séparation fonctionnelle d'avec le domaine agricole autrefois exploité par l'oncle de l'intimé D.________ s'est produite: il n'est pas contesté que la vingtaine de machines entreposées n'a plus de lien fonctionnel direct avec l'exploitation des 2,3 hectares de prairies que l'intimé D.________ possède - ainsi que le relève le Service du développement territorial -, mais est destinée exclusivement à la location à des tiers. Outre l'absence de lien fonctionnel direct avec le domaine agricole autrefois lié au hangar en cause, l'entreprise de l'intimé D.________ qui représente son activité principale, n'a plus la même ampleur, ni le même volume d'activités qu'au moment de l'octroi de l'autorisation de construire en 1985. Enfin, des nuisances sonores pourraient être liées à une augmentation du trafic de machines agricoles sur la route d'accès au hangar. Dans ces circonstances, on peine à discerner la vocation agricole du hangar litigieux ou son lien direct avec une exploitation agricole ou horticole existante. En effet, l'entrepôt en cause ne sert ni à l'exploitation tributaire du sol, ni à la préparation, au stockage ou à la vente de produits agricoles, ni à la garde d'animaux de rente ou à des cultures maraîchères indépendantes du sol, au sens des art. 16a LAT et 34 OAT. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs jugé qu'une entreprise indépendante disposant d'un parc de machines agricoles et louant ses services à différentes exploitations agricoles ne constituait pas en elle-même une exploitation agricole et n'avait pas sa place dans la zone agricole (arrêt du Tribunal fédéral 1A.110/2001 du 4 décembre 2001, consid. 4.4, in ZBl 2002, p. 615). L'exploitation de l'intimé D.________ n'est donc plus conforme à l'affectation de la zone agricole, telle que définie par la LAT. Tout en reconnaissant l'agrandissement du parc de machines agricoles stationnées à l'intérieur et à l'extérieur du hangar de l'intimé D.________, le Tribunal cantonal ne pouvait se contenter d'une argumentation formelle fondée uniquement sur l'absence de changement de la nature de l'autorisation délivrée à l'époque, sans examiner matériellement si l'utilisation actuelle du hangar était conforme à l'affectation de la zone agricole. Il ne pouvait pas non plus analyser séparément la question des nuisances invoquées par les propriétaires voisins, en invitant ceux-ci à saisir le service cantonal compétent en matière de protection de l'environnement, puisque l'admissibilité d'un changement d'affectation hors de la zone à bâtir dépend notamment de son incidence sur l'environnement (cf. art. 24a al. 1 let. a LAT). Enfin, le Tribunal cantonal ne saurait être suivi lorsqu'il observe, à titre subsidiaire et sans le motiver, que l'activité de l'intimé D.________ serait admissible dans le cadre du hangar existant en vertu de l'art. 24a LAT (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1A.274/2006 du 6 août 2007 consid. 3.2, in: DEP 2008 p. 317; 1A.176/2002 du 28 juillet 2003 consid. 4, in: ZBl 2005 p. 392): tel sera en effet l'objet de la mise à l'enquête ordonnée par le Service du développement territorial. 2.4 Sur le vu de ce qui précède, c'est donc à juste titre que le Service du développement territorial a décidé d'examiner si le hangar autorisé avait changé d'affectation, de fait, par rapport à l'autorisation cantonale délivrée en 1985. Avant de statuer sur son caractère admissible ou non, c'est également avec raison qu'il a demandé à l'intimé D.________ de déposer une requête de permis de construire portant sur ce changement d'affectation, afin d'examiner si elle peut être autorisée sur la base d'une dérogation selon les art. 24 ss LAT. 3. Il s'ensuit que le recours doit être admis, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité et la pertinence des autres moyens invoqués par les recourants. L'arrêt attaqué est réformé en ce que la décision du Service du développement territorial du 14 novembre 2007 est confirmée. L'intimé D.________, qui succombe, devra supporter les frais de la présente procédure (art. 65 al. 1 et 66 LTF). Il versera en outre une indemnité à titre de dépens aux recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est admis; l'arrêt attaqué est réformé en ce que la décision du Service du développement territorial du 14 novembre 2007 est confirmée. La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge de l'intimé D.________. 3. Une indemnité de 2'000 francs est allouée aux recourants, à titre de dépens, à charge de l'intimé D.________. 4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, de l'intimé D.________, de la commune de Givrins et du Service du développement territorial du canton de Vaud ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral du développement territorial. Lausanne, le 15 décembre 2009 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Féraud Tornay Schaller


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1C_72/2009
Date de la décision : 15/12/2009
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2009-12-15;1c.72.2009 ?
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