{T 0/2} 1C_197/2009 Arrêt du 28 août 2009 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb. Greffière: Mme Tornay Schaller. Parties Municipalité de Montreux, 1820 Montreux, représentée par Me Alain Thévenaz, avocat, recourante, contre A.________, représentée par Me Raymond Didisheim, avocat, B.________, représentée par Me Philippe Ciocca, avocat, intimées. Objet permis de construire, recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 27 mars 2009. Faits: A. La société B.________ est propriétaire de la parcelle n° 1'107 du registre foncier de la commune de Montreux, d'une surface de 4'941 m2, sise en zone urbaine selon le règlement communal sur le plan d'affectation et la police des constructions du 15 décembre 1972 (RPA). Cette parcelle a été promise-vendue à la société A.________ qui a requis, le 13 février 2007, la démolition des bâtiments existants ainsi qu'une autorisation de construire deux immeubles résidentiels avec parking souterrain et places de parc extérieures. Ce projet n'a toutefois pas été mis à l'enquête publique, le Service de l'urbanisme de la municipalité de Montreux ayant expliqué à la constructrice qu'il entendait préalablement mettre en oeuvre une étude directrice, "afin d'assurer la cohérence urbanistique pour la totalité de l'îlot s'étendant jusqu'en bordure de la rive droite de la Baie de Clarens". Du 20 avril au 21 mai 2007, la municipalité de Montreux (ci-après: la municipalité) a soumis à l'enquête publique une révision totale du plan général d'affectation et de son règlement (nRPGA) ainsi qu'un addenda au plan directeur communal du 26 février 2001 relatif aux éléments du patrimoine. Selon le nRPGA, la parcelle n° 1'107 serait colloquée en zone de forte densité. B. Le 10 octobre 2007, A.________ a déposé une nouvelle demande de permis de construire un bâtiment résidentiel, tenant compte de la nouvelle réglementation. L'immeuble, d'une surface bâtie de 1'298 m2, serait en forme de fer à cheval. Soixante-cinq appartements de trois à six pièces pourraient y être aménagés, avec un parking souterrain de septante-cinq places et seize places de parc extérieures non couvertes. Le bâtiment compterait sept étages, y compris le rez-de-chaussée. Soumis à l'enquête publique du 18 décembre 2007 au 23 janvier 2008, ce projet n'a suscité aucune opposition. Par décision du 13 mars 2008, la municipalité a refusé le permis de construire requis, en attendant "le résultat de l'étude à entreprendre dont l'objectif est d'établir un concept général d'urbanisme assurant un développement qualitatif et cohérent du quartier". Elle a également mis en cause les aménagements extérieurs, dénonçant les places de parc extérieures ceinturant la construction et les boxes pour véhicules dans le corps du bâtiment. De plus, les places de jeux ne répondraient pas aux critères de qualité imposés par les art. 90 RPA et 53 nRPGA. L'exploitation maximale des possibilités de construire enfreindrait en outre les dispositions relatives à l'intégration et à l'esthétique des constructions. A titre subsidiaire, l'autorité communale s'est prévalue de l'art. 77 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions [LATC; RSV 700.11], "en rapport avec l'étude de planification de détail à entreprendre". C. Le 3 avril 2008, A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Le 2 octobre 2008, le Tribunal cantonal a procédé à une inspection locale en présence des parties. Au cours de la procédure cantonale, la municipalité a produit devant les juges cantonaux le plan directeur communal approuvé par le Conseil d'Etat le 26 février 2001, un rapport du bureau d'urbanisme X.________ daté du 18 juin 2008 et une étude pilote menée par l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), intitulée "Projet urbain Montreux: concepts détaillés à l'attention de la Confédération" et datée du 30 septembre 2008 (ci-après: l'étude établie par l'EPFL). Elle a en outre précisé avoir obtenu du Service du développement territorial du canton de Vaud (ci-après: le Service du développement territorial) une prolongation de délai pour soumettre à l'enquête publique le plan partiel d'affectation projeté. Par arrêt du 27 mars 2009, le Tribunal cantonal a admis le recours et annulé la décision de la municipalité du 13 mars 2008. Il a considéré en substance que le projet litigieux était conforme au RPA et au nRPGA, et que c'était à tort que la municipalité avait justifié sa décision par l'application de l'art. 77 LATC. D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la commune de Montreux demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du Tribunal cantonal en ce sens qu'il confirme la décision de la municipalité du 13 mars 2008. Elle conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants. Elle se plaint d'une appréciation arbitraire des faits et des preuves, d'une violation du droit d'être entendu et d'une application arbitraire du RPA, du nRPGA et de la LATC. B.________ et A.________ ont présenté des observations et concluent au rejet du recours. Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer. Par ordonnance du 8 juin 2009, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par la recourante. Considérant en droit: 1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Selon l'art. 89 al. 2 let. c LTF, les communes et autres collectivités publiques ont qualité pour recourir en invoquant la violation de garanties qui leur sont reconnues par les Constitutions cantonale ou fédérale. La commune de Montreux, qui invoque l'autonomie dont elle bénéficie en matière d'aménagement local du territoire, a ainsi qualité pour agir. La question de savoir si elle est réellement autonome dans ce domaine relève du fond (ATF 129 I 313 consid. 4.2 p. 319, 410 consid. 1.1 p. 412 et les références). A teneur de l'art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Le projet de plan partiel d'affectation "Pierrier-Vaudrès" mis à l'enquête publique du 12 mai au 12 juin 2009 est postérieur au prononcé de l'arrêt attaqué. Il s'agit donc d'un vrai novum, qui échappe à la cognition du Tribunal fédéral (ATF 133 IV 342 consid. 2.2 p. 344). Pour le surplus, les conditions de recevabilité sont remplies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 2. Dans un grief qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante estime que le Tribunal cantonal a fait preuve d'arbitraire dans l'établissement des faits et dans l'appréciation des preuves. A cet égard, elle se plaint également d'une violation du droit d'être entendu. 2.1 En principe, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst., que si l'autorité précédente a abusé du pouvoir d'appréciation que la jurisprudence lui reconnaît, en particulier lorsqu'elle a admis ou nié un fait pertinent en se mettant en contradiction évidente avec les pièces et éléments du dossier, lorsqu'elle a méconnu des preuves pertinentes ou qu'elle n'en a arbitrairement pas tenu compte, lorsque les constatations de fait sont manifestement fausses ou encore lorsque l'appréciation des preuves se révèle insoutenable ou qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62; 129 I 8 consid. 2.1; 49 consid. 4 p. 58, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 81 consid. 2 p. 86). Il appartient au recourant de démontrer précisément, pour chaque constatation de fait incriminée, comment les preuves administrées auraient dû, selon lui, être correctement appréciées et en quoi leur appréciation par l'autorité cantonale est insoutenable. De surcroît, le recourant doit démontrer que la violation qu'il invoque est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine LTF). Il doit rendre vraisemblable que la décision finale aurait été différente si les faits avaient été établis de manière conforme au droit. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il y soit donné suite, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133 I 270 consid. 3.1 p. 277; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494). Le juge n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités). 2.2 En l'espèce, la recourante prétend d'abord que l'état de fait de l'arrêt attaqué est lacunaire en ce qu'il ne serait fait mention, ni de la séance d'information du 7 octobre que la municipalité a organisée avec les propriétaires des parcelles du quartier en question, ni de la prolongation du délai pour la mise à l'enquête du plan de quartier octroyée par le Service du développement territorial. Cette critique tombe à faux dans la mesure où les éléments précités figurent dans le procès-verbal de l'inspection locale du 2 octobre 2008, qui fait partie intégrante de l'état de fait de l'arrêt attaqué. Le Tribunal fédéral n'a donc pas à faire application de l'art. 105 al. 2 LTF pour compléter l'état de fait critiqué. L'intéressée reproche ensuite au Tribunal cantonal de ne pas avoir pris en compte le plan directeur communal approuvé par le Conseil d'Etat le 26 février 2001. Il ressort cependant du raisonnement qui suit (cf. consid. 5.2 ci-dessous) que ce plan directeur, datant de plus de sept ans au moment de la décision de refus du permis de construire, n'est pas en mesure de démontrer qu'une quelconque démarche concrète d'aménagement a été entreprise entre l'approbation dudit plan et la date du refus du permis de construire: il n'est par conséquent pas susceptible d'avoir une influence déterminante sur l'issue de la procédure. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation arbitraire du droit de faire administrer des preuves s'avère également mal fondé. La recourante fait aussi grief à l'instance précédente de ne pas avoir fait état du contenu et des recommandations du rapport d'architecture établi par le bureau d'urbanistes X.________ daté du 18 juin 2008. Elle perd cependant de vue que le Tribunal cantonal a résumé le contenu de ladite étude et a notamment relevé qu'elle visait à "une homogénéisation du bâti, des rapports transversaux entre l'amont et l'aval (vue, perméabilité) et la création de vides généraux et structurants pour des espaces publics végétalisés, nécessitant l'orientation de bâtiments perpendiculaires à la pente". Les juges cantonaux ont ensuite analysé le projet litigieux à la lumière de ce rapport et considéré que si ledit projet rendait difficile la création de "pénétrantes visuelles et d'espaces publics structurés perpendiculairement à la rue du Lac", il n'empêchait pas d'en créer. Ils ont même ajouté que, vu l'implantation des bâtiments locatifs figurant dans les hauts du site en question, qui ne présentent aucune homogénéité tant par l'alignement que par la taille, et qui ne sont pas destinés à la prochaine démolition, l'intérêt public à imposer une orientation nouvelle des immeubles sur la parcelle n° 1'107 et à bloquer tout projet de construction jusqu'à l'adoption d'un plan, paraissait faible. Dans ces conditions, la recourante ne saurait se prévaloir ni d'un établissement arbitraire des faits ni d'une violation du droit d'être entendu. La commune de Montreux estime encore que le Tribunal cantonal aurait dû prendre en compte l'étude établie par l'EPFL, qui met notamment en évidence le manque de qualité des espaces publics du quartier concerné, l'absence d'espace vert et d'équipements au service de la collectivité, le déficit d'image, la mauvaise qualité des traversées piétonnes des voies de chemin de fer et de la route du Lac ainsi que le fait que certains bâtiments soient surdimensionnés. Ce moyen doit également être écarté, dans la mesure où le contenu de cette étude rejoint celui du rapport du bureau X.________ que le Tribunal cantonal a pris en compte dans son raisonnement, comme cela a été exposé dans le paragraphe précédent. 3. La recourante invoque l'autonomie communale et se plaint d'une application arbitraire de l'art. 90 RPA et de l'art. 53 nRPGA relatifs aux aires de jeux. Elle reprend cette critique sous l'angle d'une prétendue violation du droit d'être entendu. Ces moyens se confondent et doivent dès lors être examinés ensemble. 3.1 Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la décision attaquée viole gravement une règle ou un principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle est insoutenable ou en contradiction évidente avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 266; 131 I 57 consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée), ce que les recourants doivent démontrer en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400). 3.2 Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère communale, conférant par là aux autorités municipales une liberté de décision relativement importante. L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation cantonales (ATF 133 I 128 consid. 3.1 p. 131; 129 I 410 consid.
2.1 p. 413; 128 I 3 consid. 2a p. 8; 126 I 133 consid. 2 p. 136 et les arrêts cités). Il n'est pas nécessaire que la commune soit autonome pour l'ensemble de la tâche communale en cause; il suffit qu'elle soit autonome dans le domaine litigieux (ATF 133 I 128 consid. 3.1; 122 I 279 consid. 8b p. 290; 110 Ia 197 consid. 2a p. 199 s. et les arrêts cités). En droit cantonal vaudois, les communes jouissent d'une autonomie maintes fois reconnue lorsqu'elles définissent, par des plans, l'affectation de leur territoire, et lorsqu'elles appliquent le droit des constructions (art. 139 al. 1 let. d Cst./VD; cf. notamment ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 118 s., 363 consid. 3b p. 367; 108 Ia 74 consid. 2b p. 76 s.; arrêts 1P.402/2006 du 6 mars 2007, consid. 3, 1P.167/2003 consid. 3 publié in RDAF 2004 p. 114). Lorsqu'elle est reconnue autonome dans un domaine spécifique, une commune peut dénoncer tant les excès de compétence d'une autorité cantonale de contrôle ou de recours que la violation par celle-ci des règles du droit fédéral, cantonal ou communal qui régissent la matière (ATF 128 I 3 consid. 2b p. 9; 126 I 133 consid. 2 p. 136). Le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation du droit constitutionnel; en revanche, il vérifie l'application de règles de rang inférieur à la constitution cantonale sous l'angle restreint de l'arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 128 I 3 consid. 2b p. 9; 122 I 279 consid. 8b p. 290 et la jurisprudence citée). Dans ce cas, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 s. et les arrêts cités). 3.3 A teneur de l'art. 90 al. 1 RPA, "la Municipalité fixe, en tenant compte de la situation, de l'importance et de la destination des constructions, la surface des places de jeux pour enfants et des espaces verts à aménager aux abords des bâtiments, ceci en règle générale à raison de 10 m2 par logement". L'alinéa 2 de cette disposition précise que "dans la règle, les places de jeux sont localisées, à des endroits ensoleillés et à l'écart des nuisances de la circulation". Conformément à l'alinéa 4, "lorsqu'il est établi que l'aménagement des places de jeux prescrites ne peut se faire dans des conditions de sécurité ou de salubrité suffisantes, la municipalité peut autoriser un transfert de cette obligation sur une parcelle voisine, sous réserve de l'inscription au registre foncier d'une servitude en faveur de la Commune lors de l'octroi du permis de construire". L'art. 53 al. 1 nRPGA dispose quant à lui que "lors de la construction d'habitations collectives, des espaces de détente et de jeux doivent être aménagés aux abords des bâtiments, en règle générale à raison de 10 m2 minimum par logement. Leur situation doit être ensoleillée et à l'écart du trafic". Toutefois, "si les espaces de jeux ne peuvent être réalisés à proximité ou ne peuvent satisfaire aux exigences de sécurité et d'agrément, une contribution compensatoire est versée selon les dispositions du règlement communal sur les émoluments administratifs" (art. 53 al. 2 nRPGA). 3.4 En l'espèce, la municipalité considère d'abord que les deux emplacements choisis par la constructrice pour aménager des aires de jeux sont inadéquats, soit en raison d'un manque d'ensoleillement, soit à cause de la proximité de la rue du Lac. Or, les locutions "en règle générale" et "dans la règle" qui figurent aux alinéas 1 et 2 de l'art. 90 RPA confèrent à cet article un caractère non contraignant, ce qui laisse une marge de manoeuvre au constructeur et à la municipalité. De même, en prévoyant le versement d'une contribution compensatoire, l'art. 53 nRPGA n'est pas non plus d'application impérative et est encore plus souple que l'art. 90 RPA. Partant, ces dispositions ne sauraient être appliquées de manière rigoureuse - ce que la recourante ne conteste pas au demeurant -. C'est donc à juste titre que le Tribunal cantonal a estimé que si les conditions de la nouvelle réglementation n'étaient pas satisfaites, rien n'empêchait le versement d'une contribution compensatoire. L'argument avancé par la commune de Montreux, selon lequel "il n'y a pas lieu de verser une contribution compensatoire dans la mesure où des places de jeux adéquates pourraient être aménagées comme le démontrent les études entreprises par la commune et le projet PPA "Pierrier-Vaudrès" est sans pertinence, la question n'étant pas tant celle d'une possibilité d'aménagement différente que celle de la conformité au règlement communal des aires de jeux projetées. Dans ces conditions, la recourante ne peut reprocher aux juges cantonaux d'avoir violé son droit d'être entendue en omettant d'examiner cet argument. En outre, la critique relative au fait que l'arrêt attaqué mentionne que l'art. 90 RPA n'aurait pas été appliqué jusque-là par l'autorité communale tombe à faux, vu le caractère non impératif de ladite disposition. Ensuite, la recourante fait valoir que le Tribunal cantonal n'était pas fondé à statuer sur la base d'un plan alternatif des aménagements extérieurs produits postérieurement à l'enquête publique. Selon la jurisprudence et le droit cantonaux, conformément aux principes de la proportionnalité et de l'économie de procédure, il y a lieu de renoncer à toute enquête pour les "modifications de minime importance" (art. 117 LATC). Or le plan alternatif des aires de jeux produit en cours de procédure cantonale par la constructrice, dont la municipalité a eu connaissance, apporte par rapport au plan correspondant produit dans le cadre de l'enquête publique, des corrections et modifications de peu d'importance eu égard à l'ensemble du projet. Il tient compte de surcroît des griefs formulés par la municipalité. L'enquête publique n'avait au demeurant suscité aucune opposition. Dans ce contexte, les juges cantonaux n'ont nullement violé le droit d'être entendu de la recourante en appréciant la réglementarité des aires de jeux à la lumière de ce plan alternatif. Enfin, la municipalité se prévaut en vain du fait que les surfaces exactes des places de jeux ne seraient pas définies, puisque tant le plan soumis à l'enquête publique que le plan alternatif produit postérieurement permettent de déterminer la surface desdites places. En définitive, le Tribunal cantonal n'a pas fait preuve d'arbitraire en considérant que le permis de construire ne pouvait être refusé en raison de l'emplacement des aires de jeux. 4. La recourante soutient que le Tribunal cantonal n'a pas pris en considération tous les éléments pertinents lors de l'examen de l'intégration du projet au site, et a dès lors, fait une application arbitraire des clauses esthétiques prévues aux art. 86 LATC, 76 RPA et 45 nRPGA. Elle invoque également une violation de l'autonomie communale. 4.1 Aux termes de l'art. 86 LATC, la municipalité veille à ce que les constructions, quelle que soit leur destination, ainsi que les aménagements qui leur sont liés, présentent un aspect architectural satisfaisant et s'intègrent à l'environnement (al. 1). Elle refuse le permis pour les constructions ou les démolitions susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou culturelle (al. 2). Les art. 76 RPA et 45 nRPGA confirment que la municipalité est compétente pour prendre les mesures nécessaires en vue d'éviter l'enlaidissement du territoire communal. Lorsqu'il s'agit d'examiner l'application de clauses d'esthétique, le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'appréciation des circonstances locales. Dans ce domaine, les autorités locales disposent en effet d'un large pouvoir d'appréciation (cf. ATF 132 II 408 consid. 4.3 p. 416 et les références; arrêt 1P.678/2004 du 21 juin 2005 consid. 4, in ZBl 2006 p. 430). C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit de savoir si une construction ou une installation est de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue (ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 118, 363 consid. 3b p. 367; arrêt P.265/1985 du 16 avril 1986 consid. 3 in RDAF 1987 p. 155). Toutefois, la question de l'intégration d'une construction ou d'une installation à l'environnement bâti dans un site ne doit pas être résolue en fonction du sentiment subjectif de l'autorité, mais selon des critères objectifs et systématiques; en tous les cas, l'autorité compétente doit indiquer les raisons pour lesquelles elle considère qu'une construction ou une installation serait de nature ou non à enlaidir le site (arrêt 1P.581/ 1998 du 1er février 1999, in RDAF 2000 I 288; ATF 115 Ia 363 consid. 3b p. 367, 370 consid. 3 p. 373; 114 Ia 343 consid. 4b p. 345 et les arrêts cités). 4.2 En l'occurrence, le Tribunal cantonal a constaté, lors de l'inspection locale, que "les immeubles locatifs proches de la parcelle n° 1'107 [étaient] hétérogènes, tant par leur dimension, leur aspect esthétique, leur nombre de niveaux que par leur implantation". Il a ensuite estimé que le site en question ne dégageait aucune harmonie, les bâtiments locatifs existants étant implantés de manière disparate, soit le long de la rue des Vaudrès, soit parallèlement aux courbes de niveaux, soit perpendiculairement à celles-ci. Il a également relevé qu'aucune véritable unité architecturale ne ressortait de ce quartier, les constructions ne présentant aucune cohérence tant dans leurs volumes, leurs couleurs et leurs positionnements. Loin de contester le manque d'harmonie du quartier, la municipalité relève au contraire les atteintes portées au site. Elle soutient que le projet litigieux aggraverait encore ces altérations et reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir discuté de la nécessité du maintien d'ouvertures sur le lointain et en direction du lac, ainsi que de la création d'espaces collectifs. Ces griefs doivent d'emblée être écartés, dans la mesure où ils sont invoqués pour la première fois devant le Tribunal de céans. En effet, dans la décision du 13 mars 2008, la municipalité s'est contentée de motiver son refus du permis de construire par le fait que la construction projetée "enfreindrait les dispositions relatives à l'intégration et l'esthétique des constructions". Dans son mémoire de réponse au Tribunal cantonal, elle a précisé que "la construction litigieuse était massive (sept étages habitables), que les volumes ne témoignaient d'aucune originalité et que l'intégration dans le site ne semblait pas avoir fait l'objet d'une réflexion précise, le souci d'exploiter au maximum les possibilités constructives semblant avoir constitué la préoccupation essentielle du promoteur". Les moyens relatifs aux nouvelles options urbanistiques, à savoir la création d'espaces collectifs et la nécessité d'ouvertures sur le lointain et le lac ne résultent donc pas de la décision attaquée: ils doivent être déclarés irrecevables (art. 99 al, 1 LTF). Ces nouveaux concepts urbanistiques ne figurent au demeurant ni dans le RPA ni dans le nRPGA. Selon la recourante, la disposition des places de parc extérieures autour du bâtiment aggraverait également l'atteinte au site. Si le Tribunal cantonal a relevé ce grief, il est vrai qu'il n'y a pas expressément répondu. Ce moyen fait cependant partie intégrante du grief de défaut d'intégration, que le Tribunal cantonal a rejeté pour les motifs exposés ci-dessus. Les critiques de la recourante sont sur ce point l'expression d'une appréciation subjective du projet et ne sont pas de nature à démontrer le caractère manifestement insoutenable de l'argumentation du Tribunal cantonal. Ce d'autant moins que le RPA et le nRPGA n'imposent pas le respect d'un style architectural particulier. L'art. 7.1 nRPGA précise au contraire que la zone de forte densité est destinée à assurer l'extension de l'agglomération dans des secteurs présentant des conditions favorables à une densité de population élevée, notamment par rapport à la desserte par les transports publics. Dans ces conditions, en considérant que le projet litigieux ne se heurtait à aucun obstacle qui découlerait des clauses d'esthétique contenues aux art. 86 LATC, 76 RPA et 45 nRPGA, le Tribunal cantonal n'a pas non plus versé dans l'arbitraire. 5. La recourante reproche également aux juges cantonaux d'avoir retenu arbitrairement qu'il ne pouvait être fait application de l'art. 77 LATC le 13 mars 2008, au moment de la décision de refus du permis de construire. Elle se prévaut à nouveau de son autonomie communale. 5.1 Intitulé "plans et règlements en voie d'élaboration", l'art. 77 LATC prévoit que "le permis de construire peut être refusé par la municipalité lorsqu'un projet de construction, bien que conforme à la loi et aux plans et aux règlements, compromet le développement futur d'un quartier ou lorsqu'il est contraire à un plan ou à un règlement d'affectation communal ou intercommunal envisagé, mais non encore soumis à l'enquête publique". Le refus du permis de construire sur la base de l'art. 77 LATC s'apparente à une mesure provisionnelle qui doit empêcher que la réalisation d'un projet conforme à une réglementation devenue inadaptée ne compromette la révision de cette dernière (RDAF 1996, p. 479). Comme d'autres restrictions à la garantie de la propriété, une telle mesure doit reposer sur l'intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité. Pour répondre à l'intérêt public, l'application de l'art. 77 LATC suppose que l'intention de réviser la réglementation en vigueur ait fait l'objet d'un début de concrétisation et repose sur des motifs objectifs: il faut que l'autorité compétente ait procédé, au moins à quelques études préliminaires mettant en évidence les problèmes d'affectation et les solutions envisageables pour les résoudre. Les circonstances de fait ou de la situation juridique doivent en outre s'être sensiblement modifiées depuis l'adoption de la planification en vigueur pour qu'une adaptation de celle-ci paraisse nécessaire conformément à l'art. 21 al. 2 de la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). La révision doit de surcroît répondre à un réel besoin de planification (cf. RDAF 1996, p. 480). 5.2 En l'espèce, la recourante estime qu'à l'époque du refus du permis de construire, des études préliminaires avaient eu lieu dans le cadre de l'élaboration du plan directeur communal de 2001, permettant l'application de l'art. 77 LATC. Il est établi que la recourante a fait savoir à la constructrice au mois d'août qu'elle entendait réaliser une planification ad hoc pour les lieux, afin d'en assurer la cohérence urbanistique. C'est d'ailleurs en invoquant ce motif qu'elle avait poussé la constructrice à renoncer à son premier projet de construction. Durant l'année qui a
suivi, quelques courriers de la municipalité confirmaient cette volonté, sans qu'une démarche concrète n'ait véritablement été entreprise en ce qui concerne le quartier en question. Dans la décision attaquée, la municipalité indique d'ailleurs que son refus tend à "réserver le résultat de l'étude à entreprendre", admettant ainsi qu'aucun projet d'aménagement n'avait encore concrètement débuté à ce moment-là . Le plan directeur communal du 26 février 2001 comprend certes un schéma directeur sectoriel de Clarens datant de 1998 qui prévoit l'inclusion de la parcelle n° 1'107 dans un périmètre à développer par un plan de quartier. La restructuration de ce secteur devait permettre de "dégager un espace à vocation publique destiné à devenir lieu de référence à l'échelle du quartier". Y sont aussi mentionnées la création de liaisons piétonnes internes au quartier ainsi que "l'implantation et l'alignement des bâtiments selon les principes amorcés le long de la rue du Lac". Cependant, l'idée d'un tel plan de quartier n'apparaît pas dans le nouveau plan général d'affectation qui a été soumis à enquête publique le 20 avril 2007 et qui est en phase d'élaboration. Au contraire, le nRPGA a colloqué la parcelle n° 1'107 en zone de forte densité, alors qu'il aurait été possible de la classer en zone spéciale à régler par un plan de quartier ou par un plan partiel d'affectation. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au Tribunal cantonal de ne pas avoir considéré que le plan directeur communal en question, datant de plus de sept ans au moment de la décision de refus du permis de construire, consistait en un début de concrétisation nécessaire à l'application de l'art. 77 LATC. La municipalité fait encore valoir qu'elle a agi rapidement suite à l'enquête publique par le biais d'une étude préliminaire demandée au bureau X.________, par l'élaboration du plan partiel d'affectation "Pierrier-Vaudrès" et par l'étude établie par l'EPFL. Cette dernière étude mentionne cependant que les autorités communales ont confié au bureau X.________ une étude urbanistique "suite à une demande de permis de construire et voyant là une opportunité de redresser la situation dans un quartier peu valorisé". Ces analyses n'avaient donc pas encore été mandatées lorsque le permis de construire a été refusé, le 13 mars 2008. En définitive, ce n'est qu'à partir du moment où la constructrice a déposé un recours auprès du Tribunal cantonal que la municipalité a véritablement entrepris des démarches concrètes pour une planification plus détaillée du quartier en question. Dans ces circonstances, le Tribunal cantonal pouvait considérer sans arbitraire qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer l'art. 77 LATC le 13 mars 2008, au moment où la décision de refus de l'autorisation de construire a été rendue. 6. Enfin, la municipalité invoque l'art. 79 LATC qui prévoit que "dès l'ouverture d'une enquête publique concernant un plan ou un règlement d'affectation, la municipalité refuse toute autorisation de bâtir allant à l'encontre du projet". Elle prétend que si elle devait statuer aujourd'hui, elle ne pourrait que refuser le permis de construire, celui-ci étant à l'évidence contraire au nouveau plan partiel d'affectation, qui a été mis à l'enquête le 12 mai 2009. Il n'y a pas lieu de trancher cette question qui ne fait pas l'objet de la présente contestation. On peut cependant douter de ce raisonnement, eu égard au temps écoulé depuis le dépôt du premier projet de construction et aux assurances données par l'autorité communale. 7. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires, la recourante ayant agi dans l'exercice de ses attributions officielles sans que son intérêt patrimonial soit en cause (art. 66 al. 4 LTF). Elle versera néanmoins une indemnité à titre de dépens aux intimées, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 3. Une indemnité de 2'000 francs est allouée aux intimées à titre de dépens, à la charge de la commune de Montreux. 4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et des intimées ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 28 août 2009 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Féraud Tornay Schaller