2D_34/2009 {T 0/2} Arrêt du 10 août 2009 IIe Cour de droit public Composition MM. et Mme les Juges Müller, Président, Aubry Girardin et Berthoud, Juge suppléant. Greffière: Mme Dupraz. Parties X.________ SA, recourante, représentée par Me Mylène Cina, avocate, contre Y.________, intimé, Conseil d'Etat du canton du Valais, par le Département des transports, de l'équipement et de l'environnement, Service des bâtiments, monuments et archéologie, place du Midi 18, 1950 Sion. Objet Marchés publics (exclusion de la procédure d'adjudication; illicéité du contrat d'adjudication), recours contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais du 27 mars 2009. Faits: A. Par avis publié au Bulletin officiel du canton du Valais du 28 août 2008, le Département des transports, de l'équipement et de l'environnement du canton du Valais (ci-après: le Département cantonal) a mis en soumission, par voie de procédure ouverte, les travaux de remplacement des portes extérieures en métal du Centre d'entretien de l'autoroute, à Sierre. Le 10 décembre 2008, le Conseil d'Etat du canton du Valais (ci-après: le Conseil d'Etat) a décidé d'écarter quatre des huit offres présentées, dont celle de X.________ SA pour non-conformité aux conditions techniques de l'appel d'offres, en application de l'art. 23 al. 1 let. c de l'ordonnance valaisanne du 11 juin 2003 sur les marchés publics (ci-après: OcMP; RSVS 726.100), et a adjugé le marché à Y.________. Cette décision a fait l'objet, pour ce qui est de l'adjudication, d'une publication au Bulletin officiel du canton du Valais du 19 décembre 2008 et le Département cantonal l'a communiquée dans son ensemble à X.________ SA par lettre recommandée du 18 décembre 2008, expédiée le 23 décembre 2008 et reçue le 30 décembre 2008. Ce courrier précisait que l'offre de X.________ SA avait été exclue pour non-conformité aux exigences thermiques de l'appel d'offres. Le contrat d'entreprise entre l'Etat du Valais et Y.________ a été conclu le 31 décembre 2008. B. Le 9 janvier 2009, X.________ SA a porté sa cause devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal). Elle a conclu à l'annulation de son exclusion, à la répétition de la procédure de soumission et à l'octroi de l'effet suspensif. Par arrêt du 27 mars 2009, le Tribunal cantonal a classé la demande d'effet suspensif et rejeté le recours. Il a retenu, en substance, que l'exclusion de X.________ SA était justifiée par le fait que celle-ci n'avait pas répondu aux exigences de l'appel d'offres en s'abstenant de remplir la rubrique relative à un supplément pour profilés à rupture thermique, que le contrôle de la soumission de l'adjudicataire n'avait pas été vicié et que le motif pris de l'incompétence fonctionnelle du pouvoir adjudicateur était mal fondé. C. Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, X.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 27 mars 2009 et de renvoyer le dossier à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle se plaint, pour l'essentiel, de violation de l'interdiction de l'arbitraire. Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer sur le recours. Le Département cantonal conclut, sous suite de frais, à l'irrecevabilité du recours, voire à son rejet. Y.________ s'est déterminé sur le recours sans prendre de conclusions formelles. D. Par ordonnance du 10 juin 2009, le Président de la IIe Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif contenue dans le recours. Considérant en droit: 1. 1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF); il revoit donc librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 III 1 consid. 1.1 p. 3 et la jurisprudence citée). 1.2 La cause relève du droit des marchés publics (art. 82 let. a et 83 let. f LTF). L'arrêt attaqué émane d'un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale, sans qu'un recours auprès du Tribunal administratif fédéral ne soit ouvert (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Il peut donc en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, à condition qu'il ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF, en particulier à l'art. 83 let. f LTF. Selon cette disposition, le recours en matière de droit public n'est recevable contre les décisions en matière de marchés publics qu'à la double condition que la valeur estimée du mandat à attribuer soit égale ou supérieure aux seuils déterminants prévus à cet effet et que la décision attaquée soulève une question juridique de principe (ATF 134 II 192 consid. 1.2 p. 194 s.; 133 II 396 consid. 2.1 p. 398). Il incombe au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de démontrer la réalisation de ces deux conditions (cf. ATF 133 II 396 consid. 2.2 p. 398 s.). Dès lors que la recourante ne soutient ni n'explique que l'arrêt attaqué soulèverait une question juridique de principe, c'est à bon droit qu'elle a interjeté un recours constitutionnel subsidiaire. 1.3 Formé contre un arrêt d'un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 114 ainsi que 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), le présent recours a été déposé en temps utile (art. 117, 100 al. 1 et 46 al. 1 let. a LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par une partie à la procédure cantonale disposant d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de cet acte (art. 115 LTF). Il est donc en principe recevable. 2. 2.1 Le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois la violation des droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, c'est-à-dire selon le principe d'allégation (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254). En application de ce principe, le recourant ne peut, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., se contenter de critiquer l'acte attaqué comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit. Il doit au contraire préciser en quoi cet acte serait arbitraire (cf. ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 s.; 133 II 396 consid. 3.1 p. 399 s. et la jurisprudence citée). C'est à la lumière de ces exigences de motivation que seront examinés les griefs de la recourante. 2.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits on été établis en violation d'un droit constitutionnel (art. 118 al. 2 LTF en relation avec l'art. 116 LTF), ce que le recourant doit démontrer d'une manière circonstanciée et précise, conformément aux exigences de motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF (applicable par renvoi de l'art. 117 LTF; cf. ATF 133 III 439 consid. 3.2. p. 444 s.). 3. La recourante a demandé la production du dossier du Tribunal cantonal. Celui-ci a déposé le dossier de la cause au Tribunal fédéral, conformément à l'art. 102 al. 2 LTF, de sorte que la réquisition d'instruction de l'intéressée a été satisfaite. 4. La recourante se plaint de violations des art. 9 (interdiction de l'arbitraire) ainsi que 29 al. 1 (droit au traitement équitable de toute cause dans une procédure judiciaire ou administrative) et al. 2 (droit d'être entendu, notamment droit à une décision motivée) Cst. En réalité, elle reproche au Tribunal cantonal d'avoir fait preuve d'arbitraire dans la constatation des faits, dans l'appréciation des preuves et dans l'application du droit. 4.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148, 263 consid. 3.1 p. 265 s.). Il n'y a arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits - grief soulevé en l'espèce - que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). 4.2 La recourante conteste tout d'abord son exclusion de la procédure d'adjudication. 4.2.1 L'art. 2 de la loi valaisanne du 8 mai 2003 concernant l'adhésion du canton du Valais à l'accord intercantonal sur les marchés publics (RSVS 726.1) confère au Conseil d'Etat la compétence d'édicter par voie d'ordonnance les prescriptions utiles en vue de l'exécution de cet accord, notamment en ce qui concerne l'aptitude des soumissionnaires (let. b), les offres (let. c), l'adjudication du marché et la conclusion du contrat (let. e). C'est sur la base de cette délégation de compétence que le Conseil d'Etat a édicté l'OcMP, dont l'art. 23 al. 1 let. c prévoit qu'un soumissionnaire est exclu de la procédure d'adjudication lorsque son offre ne remplit pas les exigences figurant dans le document d'appel d'offres ou d'invitation. En l'espèce, l'appel d'offres du 28 août 2008 indiquait expressément que les offres partielles ne seraient pas admises. Or, il est établi que la soumission de la recourante était incomplète dans la mesure où la rubrique 325.001 relative à un supplément pour profilés à rupture thermique n'avait pas été remplie. L'exigence imposée par cette rubrique avait pour but d'isoler les parties chauffées du Centre d'entretien (ateliers et vestiaires) de celles qui ne l'étaient pas (halles) et elle répondait donc à un souci d'économie d'énergie. 4.2.2 A l'appui de la contestation de son exclusion, la recourante se plaint du défaut de clarté de l'appel d'offres, qui expliquerait l'exclusion de quatre soumissionnaires sur huit. En outre, l'utilisation du terme "supplément" était de nature à l'induire en erreur dès lors que les portes qu'elle commercialisait étaient complètes et n'avaient pas besoin de supplément. La recourante expose que, dans un premier temps, l'exigence posée à la rubrique 325.001 lui avait paru techniquement irréalisable. Puis, par curiosité, elle avait procédé à des tests sur l'isolation thermique des portes standard qu'elle produisait qui avaient révélé un coefficient thermique identique, pour un coût inférieur, à celui des portes proposées par l'adjudicataire. Or, le Tribunal cantonal n'avait pas tenu compte de ces tests. 4.2.3 C'est à juste titre que le Tribunal cantonal a retenu que les doutes de la recourante quant à la possibilité technique de répondre à l'attente du pouvoir adjudicateur devaient inciter celle-ci à obtenir tous renseignements utiles plutôt que de s'abstenir purement et simplement de remplir la rubrique litigieuse. Cette possibilité lui était expressément offerte par l'art. 9 OcMP. Ainsi, elle aurait notamment compris son erreur d'interprétation de la fiche technique du fabricant, la société Z.________, au sujet de l'emplacement des portes thermiques, pour lequel l'adjudicateur Y.________ a fourni, pièces à l'appui, les explications idoines dans ses déterminations du 15 juin 2009. En outre, le Tribunal cantonal n'a pas fait preuve d'arbitraire en considérant que l'appel d'offres était compréhensible dès lors que quatre soumissionnaires avaient rempli correctement la rubrique 325.001. Pour le surplus, le Tribunal cantonal n'était pas tenu de se prononcer sur les résultats des tests effectués par la recourante quant à la qualité de l'isolation thermique de ses portes. Ces résultats ont en effet été produits tardivement, soit postérieurement à la remise des offres et n'étaient donc pas de nature à combler la lacune de l'offre présentée dans le délai fixé au 19 septembre 2008. Faute d'avoir pris la précaution d'obtenir les renseignements utiles à l'élaboration d'une offre complète ou d'avoir fourni en temps utile les données techniques attestant des qualités de ses portes quant à l'isolation thermique, la recourante a pris le risque de déposer une offre partielle, dont l'exclusion n'a pas procédé d'une application arbitraire de l'art. 23 al. 1 let. c OcMP. 4.3 La recourante formule également différentes critiques sur le déroulement de la procédure d'adjudication; celles-ci portent sur les contacts entre l'adjudicateur et le fournisseur de l'adjudicataire, sur le défaut d'approbation de l'appel d'offres par l'Office fédéral des routes ainsi que sur la nullité du contrat d'entreprise du 31 décembre 2008 au regard de l'art. 37 OcMP et de la qualité du maître de l'ouvrage. Dans la mesure où ces griefs sont étrangers à l'exclusion de la recourante, seule litigieuse, ils ne sont pas recevables. Au surplus, ils sont soit infondés, soit insuffisamment motivés. 4.3.1 La recourante fait valoir que les contacts noués avant la décision d'adjudication par A.________, représentant du pouvoir adjudicateur, et la société Z.________, fournisseur de l'adjudicataire, étaient contraires aux art. 8 al. 4 et 21 OcMP et que le Tribunal cantonal a arbitrairement retenu l'absence d'une ronde de négociation prohibée. Il ressort du dossier que les contacts invoqués par la recourante se limitent en fait à l'envoi, en date du 11 octobre 2008, d'un courriel de A.________ à la société Z.________ au sujet de la corrosion potentielle des portes par le sel, dans lequel le risque évoqué est jugé acceptable par son auteur compte tenu des conditions climatiques locales. Ce renseignement résulte probablement d'une question de l'adjudicataire et de son fournisseur au sujet du risque mentionné. En s'adressant de la sorte au fournisseur d'un soumissionnaire au sujet d'un aspect purement technique, l'adjudicateur n'a pas sollicité ni accepté des indications propres à empêcher la concurrence au sens de l'art. 8 al. 4 OcMP. Le bref échange d'information intervenu ne peut pas non plus être assimilé à une ronde de négociation au sens de l'art. 21 OcMP, soit à l'instauration de pourparlers entre l'adjudicateur et un soumissionnaire pour s'entendre sur des prix, des remises de prix ou des modifications de prestations. 4.3.2 La recourante soutient
que l'Etat du Valais a outrepassé ses prérogatives en adjugeant un marché d'une valeur supérieure à 1'000'000 fr. alors que la délégation de compétence de l'Office fédéral des routes portait sur des travaux d'entretien courant et se référait, pour une première étape, au changement de six portes, à raison de 32'000 fr. environ par porte, soit à une dépense approximative de 192'000 fr. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'Office fédéral des routes a accepté la mise en soumission, d'un bloc, du changement de vingt-huit portes et qu'il a approuvé l'offre de l'adjudicataire, qu'il a entièrement prise à sa charge. Il était dès lors superflu que le Tribunal cantonal ordonne l'audition des responsables de l'Office fédéral des routes sur ce point, comme la recourante l'avait requis. Le rejet de cette mesure d'instruction était justifié par le défaut de pertinence de celle-ci. 4.3.3 La recourante invoque la nullité du contrat d'entreprise du 31 décembre 2008 du fait qu'à la date de sa signature, le délai de recours à l'encontre de la décision d'adjudication n'était pas échu. Or, selon l'art. 37 al. 1 OcMP, le contrat ne peut être conclu avec l'adjudicataire qu'après l'écoulement du délai de recours. L'objection de la recourante sur ce point est certes fondée mais, comme l'a relevé le Tribunal cantonal, elle ne pouvait qu'entraîner la constatation d'illicéité de l'adjudication dans l'hypothèse, non réalisée, où l'exclusion de la recourante aurait été injustifiée. Quant à l'argument selon lequel A.________ aurait été incompétent pour signer, au nom du pouvoir adjudicateur, le contrat d'entreprise du 31 décembre 2008, il est irrecevable pour défaut de motivation. En effet, la recourante n'indique pas pourquoi le simple écoulement du temps rendrait caduque la nomination, le 1er juillet 1987, de A.________ en qualité de responsable des études et des réalisations de bâtiments pour les besoins des routes nationales. Au demeurant, il était conforme au statut et au cahier des charges du prénommé que celui-ci signe le contrat litigieux par ordre du maître de l'ouvrage. 5. Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF). Le canton du Valais n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF); il en va de même pour Y.________, qui n'a pas procédé par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel (ATF 133 III 439 consid. 4 p. 446) et qui n'a pas pris de conclusions formelles. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 3. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à Y.________, au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais. Lausanne, le 10 août 2009 Au nom de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Müller Dupraz