{T 0/2} 1C_125/2009 Arrêt du 24 juillet 2009 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Eusebio. Greffier: M. Kurz. Parties A.________, représenté par Me Henri Carron, avocat, recourant, contre B.________, représentée par Me Philippe Loretan, avocat, intimée, Commune de Sion, 1950 Sion, Conseil d'Etat du canton de Valais, Chancellerie d'Etat, 1950 Sion. Objet Démolition d'un chalet et construction d'un immeuble résidentiel, recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 13 février 2009. Faits: A. Par décision datée des 21 décembre 2006 (rejet des oppositions) et 25 octobre 2007 (refus de classer le site), le Conseil municipal de la Ville de Sion a accordé à la "PPE D.________ en formation", représentée par l'atelier d'architecture B.________, l'autorisation de démolir le bâtiment existant sur la parcelle n° 543 (ci-après: le chalet de Kalbermatten), et de construire un immeuble résidentiel de trente appartements de trois à cinq pièces, avec soixante places de stationnement. La Ville de Sion a exigé le maintien de certains arbres du parc - le long du chemin des Collines et du sentier public menant au Collège de la Planta - ainsi que du mur d'enceinte du domaine et du portail d'entrée. L'intérêt du chalet résidait dans son concept "Heimatstil", et non dans son intégration au paysage urbain; il avait d'ailleurs été construit à l'origine dans le canton de Berne. Les constructeurs s'étaient engagés à le reconstruire dans un cadre adapté, aux Mayens-de-Sion ou à Savièse, comme cela avait été fait pour un chalet de même style au chemin des Collines. Le permis de construire ne serait effectif qu'une fois entrée en force l'autorisation de reconstruire le chalet. B. Le 1er octobre 2008, le Conseil d'Etat du canton du Valais a rejeté le recours formé par l'opposant A.________. Même s'il était mentionné dans une publication ISOS, le chalet de Kalbermatten n'avait pas fait l'objet d'une mesure de classement ou de protection. Le Conseil communal avait privilégié, dans une zone affectée au logement collectif (zone de Centre III), la création de logements pour les familles dans un quartier calme proche du centre ville et des écoles, sans négliger la valeur patrimoniale du chalet puisque les conditions posées assuraient sa reconstruction dans un milieu adéquat. C. Par arrêt du 13 février 2009, la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan a également rejeté le recours de A.________. B.________, dont l'administrateur était co-acquéreur de la parcelle et signataire de la demande d'autorisation de construire, pouvait être considérée comme partie à la procédure et se voir allouer des dépens. Sur le fond, la commune avait renoncé à protéger le parc et le chalet en instituant une mesure de droit communal ou en sollicitant un classement cantonal. Sa pesée des intérêts n'était pas critiquable: les volumineuses constructions alentour avaient totalement changé le caractère du quartier, et la réalisation de logements de qualité correspondait à l'affectation donnée au secteur. Les modalités de l'obligation de reconstruire le chalet de Kalbermatten étaient suffisamment claires et contraignantes. D. A.________ forme un recours en matière de droit public. Il conclut à l'annulation de l'arrêt du Tribunal cantonal et à ce que la qualité de partie soit déniée à B.________. La Ville de Sion, le Conseil d'Etat et l'intimée B.________ concluent au rejet du recours. Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. Le recourant a formé le 5 juin 2009 une demande d'effet suspensif, qui a été rejetée par ordonnance du 16 juin 2009. Considérant en droit: 1. Dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) pris en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal; il habite - et son épouse est propriétaire - dans le voisinage immédiat du projet litigieux, ce qui lui confère en principe la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). 2. Le recourant estime qu'il serait arbitraire de reconnaître la qualité de partie à B.________. Celle-ci agissait comme mandataire de la "PPE D.________ en formation", alors que l'on ignore tout de cette dernière (pas d'extrait du Registre du commerce ou du Registre foncier, pas de procuration ni aucun document officiel). On ignorerait également l'identité et les intentions du propriétaire lui-même, soit l'hoirie de Kalbermatten, dont les membres ne sont pas précisés. L'arrêt cantonal violerait ainsi de manière arbitraire les règles sur la signature des demandes d'autorisation de construire (art. 37 de la loi valaisanne sur les constructions - LC), sur la qualité de partie (art. 6 de la loi valaisanne sur la procédure et la juridiction administratives - LPJA), sur le principe de l'unanimité de la communauté héréditaire (art. 602 CC), ainsi que l'art. 32 CO sur les effets de la représentation et les dispositions sur l'allocation de dépens en procédure administrative (art. 91 LPJA). 2.1 Selon l'art. 37 LC, la publication de la demande d'autorisation de construire doit notamment contenir le nom du requérant et de l'auteur du projet. L'art. 31 al. 2 de l'ordonnance cantonale sur les constructions précise que la formule d'autorisation de construire doit être dûment remplie et signée par le requérant ou son mandataire, l'auteur du projet et le propriétaire du fonds. En l'occurrence, la formule ad hoc indique comme requérant la "PPE D.________ en formation", représentée par B.________. Elle mentionne comme propriétaire C.________, héritière de X.________. Selon l'attestation jointe à la demande, C.________ déclare que par acte authentique du 12 avril 2006, l'hoirie a vendu l'immeuble à deux particuliers, en copropriété. L'un d'entre eux est l'administrateur unique de B.________; celui-ci est, selon le même document, autorisé à déposer un projet de construction. Comme l'explique l'intimée, le dépôt de la demande a eu lieu dans un contexte transitoire, alors que la parcelle était encore propriété d'une hoirie, qu'elle avait été vendue à deux particuliers et que la constitution d'une propriété par étages était prévue. C'est pour cette raison que la demande d'autorisation de construire mentionne comme requérante l'entité - en formation - destinée à devenir propriétaire, et comme "représentant" l'atelier d'architecture dont l'administrateur est l'actuel acquéreur du fond. Celui-ci bénéficiait d'une procuration de la part de l'hoirie, et prétendait agir au nom de la future PPE. Il n'y a dès lors rien d'arbitraire, dans un tel contexte, à considérer comme satisfaites les conditions de forme applicables aux demandes de permis de construire. 2.2 Selon l'art. 6 let. a LPJA, ont qualité de parties à la procédure administrative les personnes physiques ou morales dont les droits ou les obligations sont ou pourraient être atteints par la décision à prendre. En l'occurrence, la société B.________ se trouve être le bénéficiaire actuel de l'autorisation de construire. Cela est conforme à sa position d'acquéreur transitoire, de représentant des anciens et futur propriétaires. A ce titre, elle est touchée dans ses droits par une modification ou une annulation éventuelle du permis de construire, ce qui suffisait à lui reconnaître la qualité de partie. Il n'y a, sur ce point également, aucun arbitraire. 3. Invoquant les art. 17 et 18 LC, le recourant reproche aux instances précédentes de n'avoir effectué aucune pesée des intérêts, alors que la nécessité de protéger le chalet de Kalbermatten et son site est démontrée par plusieurs études et expertises, ainsi que par une mention dans l'inventaire des sites construits à protéger en Suisse (ISOS). Le recourant estime qu'un déplacement du chalet détruirait les qualités essentielles de l'ensemble, alors que la Commission fédérale des monuments historiques en préconise la conservation intégrale. 3.1 Selon l'art. 17 al. 1 LC, les constructions et installations doivent respecter l'environnement naturel et bâti dans lequel elles s'inscrivent notamment du point de vue du volume, de l'emplacement, de la forme, des matériaux et de leur couleur. L'art. 18 LC s'applique aux objets bénéficiant d'une protection particulière, notamment (al. 1 let. b) les paysages, sites et rues, les constructions et installations présentant une beauté ou un intérêt particulier, notamment ceux importants du point de vue historique, culturel ou scientifique et dont la valeur caractéristique ne doit pas être amoindrie, ainsi que (let. c) les jardins, places, arcades, cours intérieures ou autres objets caractéristiques du paysage et des localités; ces objets doivent être conservés, voire rétablis, remplacés ou remaniés selon leur importance. Les objets particulièrement dignes de protection ne doivent pas subir de modifications préjudiciables, ni être détournés de leur but, ni être touchés par des modifications apportées à leurs alentours (al. 2). Les communes peuvent indiquer les objets particulièrement dignes de protection dans leurs plans d'affectation des zones ou dans des inventaires. A défaut, elles décident de cas en cas à l'intérieur de la zone à bâtir (al. 3). 3.2 Le Chalet de Kalbermatten a fait l'objet d'une publication du Département fédéral de l'intérieur au sens de l'art. 2 OISOS, tout comme le quartier résidentiel qui l'entoure. Il est mentionné comme élément individuel avec un objectif de sauvegarde intégrale tant du bâtiment que du jardin, en raison des qualités architecturales et paysagères de la propriété. 3.3 En vertu de l'art. 6 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451), l'inscription d'un objet d'importance nationale dans un inventaire fédéral indique qu'il mérite spécialement d'être conservé intact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates. L'obligation de conserver un objet intact, et les motifs accrus d'intérêt public, ne sont applicables que lorsqu'il s'agit de l'accomplissement d'une tâche de la Confédération (art. 6 al. 2 LPN), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. 3.4 Contrairement à ce que soutient le recourant, les instances précédentes n'ont pas méconnu l'existence du classement ISOS, ni les divers avis d'experts qui vont dans le sens d'une conservation du chalet et du parc. Elles ont toutefois retenu que la commune de Sion n'avait pas décidé de concrétiser ce classement par des mesures d'aménagement ou de classement au niveau communal ou cantonal. Il s'ensuit que, faute de force contraignante, le besoin de protection ne devait être pris en considération que dans le cadre de la pesée d'intérêts, à l'occasion de la procédure d'autorisation de construire. 3.5 Le recourant ne conteste pas que le quartier dans lequel se trouve la propriété de Kalbermatten s'est trouvé considérablement modifié par la construction de bâtiments volumineux qui en ont totalement changé le caractère. Ainsi, malgré les qualités intrinsèques du chalet et de son entourage, son intérêt ne peut plus résider dans son intégration. D'autre part, la densification, conformément à la planification, d'une zone proche du centre-ville, et la réalisation de logements familiaux dans un quartier qui s'y prête particulièrement bien, répondent à un intérêt public important. L'autorité communale a ainsi estimé que le chalet pouvait être reconstruit en un cadre alpin et pittoresque, davantage conforme au concept "Heimatstil". Un tel déplacement n'a rien d'incongru, puisque le chalet avait déjà été déplacé depuis le canton de Berne où il avait été implanté une première fois. Un autre chalet, semblable et de même origine, également au chemin des Collines, avait été reconstruit aux Mayens-de-Sion où son intégration était jugée réussie. Rien, dans l'argumentation du recourant, ne vient remettre en cause ces considérations, qui procèdent d'une pesée raisonnable des intérêts en présence. Le grief, largement appellatoire, doit être écarté. 4. Le recourant estime enfin que les garanties concernant la reconstruction de l'immeuble - notamment le site et le respect des caractéristiques originelles - devaient être obtenues préalablement à sa démolition. L'obtention du permis de reconstruction devait être posée comme une condition sine qua non à la démolition. 4.1 Dans la mesure où le grief du recourant porte sur la seule obligation de reconstruire le chalet dans un autre lieu, on peut s'interroger sur sa recevabilité. Le recourant n'agit en effet qu'en tant que voisin et n'apparaît concerné, ni en fait ni en droit, par la question de l'obligation de reconstruire. Quoi qu'il en soit, le grief est manifestement mal fondé. 4.2 Le Conseil municipal de Sion a en effet clairement précisé que l'obligation de reconstruire fait partie intégrante du permis de démolir; celui-ci ne sera effectif qu'une fois entrée en force une autorisation valable de reconstruire le chalet dans un cadre adapté. La Ville de Sion a en outre demandé un engagement solidaire des promoteurs de verser une indemnité de 150'000 fr. si le chalet n'était pas reconstruit dans les 18 mois après l'obtention du permis. Enfin, le permis d'habiter pour la nouvelle construction au chemin des Collines ne sera pas délivré tant que le chalet ne sera pas effectivement reconstruit. Ces garanties apparaissent suffisamment contraignantes, sans que l'autorité ait à fixer le lieu précis de la reconstruction, lequel n'est d'ailleurs pas encore connu. L'obligation de présenter, avant toute démolition, un dossier avec relevés photographiques et planimétriques permettra par ailleurs de vérifier la conformité de la reconstruction. 5. Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont à la charge du recourant, de même que l'indemnité de dépens allouée à l'intimée B.________ SA (art. 68 al. 1 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant. 3. Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à l'intimée B.________, à la charge du recourant. 4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune de Sion, au Conseil d'Etat, à la Chancellerie d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public. Lausanne, le 24 juillet 2009 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Juge présidant: Le Greffier: Aemisegger Kurz