La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2009 | SUISSE | N°5A_428/2008

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 mars 2009, 5A 428/2008


{T 0/2} 5A_428/2008, 5A_429/2008 Arrêt du 19 mars 2009 IIe Cour de droit civil Composition Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente, Escher et L. Meyer. Greffière: Mme de Poret. Parties 5A_428/2008 A.________, recourante, représentée par Me Edmond Perruchoud, avocat, et 5A_429/2008 1. B.________, 2. C.________, 3. D.________, 4. E.________, 5. F.________, 6. G.________, 7. H.________, 8. I.________, recourants, tous représentés par Me Philippe Pont, avocat, contre X.________, intimé, représenté par Me Antoine Zen-Ruffinen, avocat, Objet 5A_428/2008 propriét

é par étages, 5A_429/2008 propriété par étages, recours...

{T 0/2} 5A_428/2008, 5A_429/2008 Arrêt du 19 mars 2009 IIe Cour de droit civil Composition Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente, Escher et L. Meyer. Greffière: Mme de Poret. Parties 5A_428/2008 A.________, recourante, représentée par Me Edmond Perruchoud, avocat, et 5A_429/2008 1. B.________, 2. C.________, 3. D.________, 4. E.________, 5. F.________, 6. G.________, 7. H.________, 8. I.________, recourants, tous représentés par Me Philippe Pont, avocat, contre X.________, intimé, représenté par Me Antoine Zen-Ruffinen, avocat, Objet 5A_428/2008 propriété par étages, 5A_429/2008 propriété par étages, recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, du 28 mai 2008. Faits: A. A.a En 1977, les copropriétaires de la parcelle no 235, sise sur la commune de Y.________, ont décidé d'adopter le régime de la propriété par étages. Cinq unités, portant les numéros 20490 à 20494, ont ainsi été créées. En 1995, suite au décès de l'un des propriétaires d'étages et au partage successoral qui s'en est suivi, la part no 20492 a été subdivisée en deux unités distinctes portant les nos 20492 et 21014. X.________ (ci-après l'intimé) est devenu propriétaire des parts d'étages nos 20490 et 21014 par succession. Il a ensuite acheté, en 1996, la part 20491. Les parts d'étages nos 20490 et 20491 portent sur les caves nos 2 et 3 au rez-de-chaussée, tandis que la propriété de la part d'étage no 21014 s'exerce sur la salle no 6 et la cave no 5 au 1er étage. J.________ était propriétaire de la part d'étage no 20493 portant sur l'appartement sis au 4ème étage. A sa mort, en octobre 2005, ses héritiers - B.________, C.________, D.________, E.________, F.________, G.________ et H.________ - sont devenus propriétaires de ladite part d'étage. I.________ est propriétaire de la part d'étage no 20494, lui donnant un droit de jouissance exclusif sur l'appartement du 3ème étage. Par acte de vente du 7 août 2000, la soeur de l'intimé a vendu à A.________ la part no 20492 correspondant à l'appartement du 2ème étage. A.b En 1996, l'intimé a décidé de transformer ses parts d'étages dans le but d'exploiter un club, à l'enseigne "Z.________". Il a obtenu les autorisations de construire nécessaires, auxquelles aucune opposition n'a été faite. L'intimé a alors procédé aux travaux envisagés, sans toutefois requérir l'aval de ses copropriétaires, à l'exception de sa soeur, alors propriétaire du 2ème étage. Il a notamment abattu le mur séparant les caves du rez-de-chaussée, ainsi que celui séparant la cave et la salle situées au 1er étage. L'intimé a ensuite démoli la poutraison/plancher en bois entre le rez-de-chaussée et le premier étage de façon à ne créer qu'un seul volume. Il a également supprimé les accès extérieurs aux caves ainsi que l'escalier extérieur et aménagé une nouvelle porte. Il a enfin installé une ventilation ainsi qu'une petite cuisine et fait aménager une installation d'alimentation en eau, se connectant sur les conduites de la buanderie adjacente à la cave située au 1er étage. A.c Le 27 décembre 1996, malgré l'opposition, entre autres, des consorts I.________ et J._________, l'intimé a obtenu une patente L, lui permettant d'exploiter un établissement accessible à une catégorie de personnes, désignées par un contrat ou des statuts, non reconnu de l'extérieur comme établissement public, et avec des heures d'ouverture limitées. Le 21 mai 1999, la commune de Y.________ a ensuite délivré à l'intimé la patente H, assortie de conditions, lui permettant d'exploiter "Z.________" comme établissement public. J.________ et d'autres consorts ont déposé recours contre cette décision. A l'issue d'une longue procédure, la cour de droit public du Tribunal cantonal a renvoyé le dossier d'octroi de la patente H à la commune le 23 août 2002. Celle-ci devait coordonner l'octroi de toutes les autorisations qu'impliquait cette nouvelle patente pour rendre ensuite une décision globale. Par décision du 28 juin 2005, la commune a délivré à l'intimé, en lieu et place de l'autorisation L devenue caduque, une autorisation d'exploiter au sens de l'art. 4 de la nouvelle loi sur l'hôtellerie et la restauration, avec limitation des heures d'ouverture de 11h à 22h. Statuant le 14 juin 2006 sur recours de I.________, des héritiers de J.________, de A.________ et d'autres voisins, le Conseil d'Etat l'a admis et renvoyé l'affaire à la commune pour nouvelle décision. A.d En avril 2002, J.________ a fermé les deux robinets situés dans la buanderie, lesquels permettaient l'alimentation en eau froide et chaude du local Z.________. L'intimé a alors saisi le juge de commune d'une requête de mesures provisionnelles à l'encontre de A.________ (ci-après la recourante) et de J.________ et I.________ (ci-après les recourants), concluant à ce qu'ils rétablissent sans délai l'alimentation en eau. Sa requête a été admise le 25 juin 2002. B. Le 3 octobre 2002, l'intimé a ouvert action en constatation et cessation de trouble à l'encontre des recourants et de la recourante devant le juge de commune. Il concluait à ce qu'il soit constaté que l'installation d'alimentation en eau potable de l'immeuble sis sur la parcelle no 235 est une partie commune de la propriété par étages et que les recourants, de même que la recourante, soient condamnés à tolérer le branchement effectué en faveur du local "Z.________" sur l'installation d'alimentation d'eau. Les recourants ont conclu au rejet des conclusions de l'intimé et, reconventionnellement, à ce qu'il lui soit fait défense de changer la destination des parts d'étages dont il est propriétaire dans le but d'exploiter un établissement public. La recourante a également conclu au rejet des conclusions de l'intimé. Reconventionnellement, elle demandait le rétablissement de l'état antérieur et, par mémoire-conclusions du 5 mai 2008, elle demandait également que défense soit faite à l'intimé d'exploiter ses parts d'étages en établissement public. Le juge de commune a transmis la cause au juge du district de Sierre comme objet de sa compétence. Par jugement du 28 mai 2008, la cour civile du Tribunal cantonal valaisan a interdit aux recourants de fermer la vanne d'alimentation en eau de l'établissement "Z.________" et rejeté pour le surplus leurs conclusions reconventionnelles. C. Le 30 juin 2008, A.________, I.________ et les héritiers de J.________ ont déposé recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cette dernière décision. La recourante conclut à ce que la demande de raccordement de l'intimé à l'installation d'alimentation en eau potable de la buanderie soit rejetée et à ce qu'il soit fait défense à l'intimé, sous menace des sanctions de l'art. 292 CP, d'utiliser ses parts d'étages comme établissement public. Elle invoque à cet égard la violation de l'art. 648 al. 2 CC et, s'agissant de la question du raccordement en eau, reproche à la cour cantonale d'avoir fait une application analogique de l'art. 691 CC qui serait contraire au droit. Les recourants concluent à ce qu'il soit fait défense à l'intimé, sous menace des sanctions de l'art. 292 CP, de changer la destination de ses parts d'étages dans le but d'exploiter un établissement public. Ils invoquent la violation des art. 647d al. 1, 648 al. 2 et 712g al. 1 CC, de même que celle des art. 2 et 8 CC. Appelé à se déterminer, l'intimé soutient avant tout que la conclusion de la recourante relative au changement d'affectation serait irrecevable, irrecevabilité qui entraînerait celle de son recours en matière civile du fait que la valeur litigieuse de 30'000 fr. ne serait plus atteinte. Il conclut néanmoins au rejet des deux recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. D. L'octroi de l'effet suspensif a été refusé à la recourante par ordonnance présidentielle du 17 juillet 2008. Considérant en droit: 1. Les deux recours sont dirigés contre le même jugement, reposent sur les mêmes faits, et soulèvent certaines questions juridiques identiques. Dans ces conditions, il se justifie de les joindre et de statuer à leur sujet par un seul arrêt (art. 24 PCF, applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF; cf. ATF 124 III 382 consid. 1a; 123 II 16 consid. 1). 2. La décision entreprise est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 23 al. 1 let. b du code de procédure civile valaisanne [CPC/VS]; 75 al. 1 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Chacun des recours a en outre été déposé dans le délai prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF), par les parties qui ont succombé dans leurs conclusions en dernière instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF), de sorte qu'ils sont en principe tous deux recevables. 3. L'objet du litige est limité à la question du changement d'affectation des parts d'étages appartenant à l'intimé (consid. 4 ci-dessous) ainsi qu'à celle de leur raccordement à la conduite de la buanderie en vue de leur alimentation en eau (consid. 5 ci-dessous). 4. 4.1 La cour civile valaisanne a jugé que l'intimé pouvait parfaitement exploiter ses parts d'étages sous la forme d'un établissement public car il n'y avait aucune restriction conventionnelle à cette affectation. Elle a ensuite considéré qu'il n'était pas prouvé que l'exploitation d'un tel établissement violerait les règles de voisinage, notamment les prescriptions édictées en matière de protection contre le bruit. Par ailleurs, dans le cadre de la demande de patente H, l'autorité administrative devrait s'assurer du respect de la réglementation légale en matière de bruit et d'air. Il n'y avait donc aucune restriction légale à l'exploitation du local en tant qu'établissement public. 4.2 Les recourants concluent à ce qu'il soit fait défense à l'intimé de changer la destination de ses parts d'étages dans le but d'exploiter un établissement public, quelle que soit l'enseigne utilisée. La recourante conclut quant à elle à ce que défense soit faite à l'intimé d'utiliser ses parts d'étages comme établissements publics ou comme locaux ouverts au public, notamment comme lieu de rencontre, pour servir des aliments ou des boissons ou pour toute autre activité susceptible d'accueillir des personnes. Malgré leur formulation différente, les conclusions des recourants et de la recourante tendent toutes deux à l'interdiction d'exploiter un établissement public. 4.2.1 Les recourants soutiennent tout d'abord qu'il est insoutenable de conclure que l'intimé peut exploiter ses parts de propriété par étages sous la forme d'un établissement public sans requérir l'accord des autres copropriétaires. Cette exploitation exigerait l'accord de tous les copropriétaires (art. 648 al. 2 CC), voire celui de la majorité d'entre eux (art. 647d al. 1 CC), car elle nécessiterait de percer les parties communes en vue de l'installation d'une ventilation. Les recourants affirment ensuite que les propriétaires ont toujours voulu réserver l'usage de l'immeuble à l'habitation. Cela ressortirait de l'utilisation qui en a été faite jusqu'à présent ainsi que de nombreux autres indices. Même titulaire d'un droit exclusif, l'intimé ne pouvait aménager chacune des parties exclusives comme il l'entendait, en modifiant leur aménagement intérieur et en supprimant ainsi leur délimitation dans l'espace pour créer un seul volume. Les recourants invoquent également la violation de l'art. 2 CC, estimant que l'intimé abuserait de son droit et agirait contrairement aux règles de la bonne foi en se prévalant de l'absence de règlement d'utilisation prévoyant des restrictions dans l'affectation des locaux. Ils reprochent enfin à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 8 CC en considérant qu'il n'était pas prouvé que l'exploitation d'un établissement public violerait les règles de voisinage. 4.2.2 La recourante prétend quant à elle que les circonstances concrètes démontrent que l'immeuble est destiné à l'habitation. La tentative de changement d'affectation, qui devrait être soumise à l'unanimité des copropriétaires selon l'art. 648 al. 2 CC, serait par ailleurs abusive, rien ne permettant dans les structures corporatives de la PPE de transformer des caves et une salle en établissement public. 4.3 Invité à répondre, l'intimé soutient avant tout que la conclusion de la recourante serait irrecevable, car prise tardivement. Il s'appuie ainsi sur les art. 130 al. 1 let. g et 132 CPC/VS. Sur le fond, il soutient qu'il n'existe aucune restriction conventionnelle, résultant de l'acte constitutif de la propriété par étages, qui limiterait l'usage des parts d'étages. Au contraire, la communauté des propriétaires d'étages disposerait d'une administration informelle et inorganisée, ceux-ci se sentant libres d'action dans le cadre de l'utilisation de leur part. L'intimé affirme ensuite qu'il n'existerait aucune restriction légale limitant l'usage des parts d'étages et qu'aucune installation commune ne serait touchée par la transformation. La suppression des accès extérieurs aux caves et à l'escalier extérieur, de même que l'aménagement d'une nouvelle porte ne sauraient non plus être considérés comme endommageant les parties communes: ces travaux ont été effectués soigneusement et dans le respect des caractéristiques esthétiques du lieu. L'affectation projetée ne restreindrait pas non plus l'utilisation des parts exclusives et elle ne serait pas prohibée par la loi: aucune interdiction ne figurerait dans le RCC/PAZ de la commune de Y.________ et les normes de protection esthétiques, de même que l'inventaire ISOS, n'interdiraient pas une telle transformation. Les seules restrictions légales entrant en ligne de compte seraient les restrictions liées aux immissions excessives. L'intimé ayant désormais choisi d'exploiter son local comme un carnotzet privé et non plus comme un établissement public, des mesures techniques particulières ne s'avéreraient plus nécessaires pour les empêcher. Enfin, une limitation dans le choix des activités autorisées dans le local s'apparenterait à une servitude foncière prohibant une forme d'utilisation du fonds servant, servitude dont l'inscription n'a jamais été requise. 4.4 4.4.1 Le grief de l'intimé relatif à l'application arbitraire des art. 130 al. 1 let. g et 132 CPC/VS est infondé. Conformément à l'art. 75 al. 1 CPC/VS, le demandeur peut, dans une affaire pendante, articuler une prétention autre ou complémentaire pour autant qu'elle soit dans un rapport de connexité avec celle invoquée initialement. Cette disposition est applicable à la demande reconventionnelle lorsque celle-ci a été introduite dans l'instance au stade prescrit par la loi (Michel Ducrot, Le droit judiciaire privé valaisan, 2000, p. 228). La conclusion tendant à interdire l'exploitation du local en établissement public se fonde sur le même complexe de faits que les conclusions prises reconventionnellement devant la cour civile cantonale,
de sorte que la condition de connexité était réalisée (Ducrot, p. 227). La demande reconventionnelle a en outre été déposée dans le délai prévu par la loi, si bien que, contrairement à ce qu'affirme l'intimé, la conclusion prise par la recourante dans le cadre de sa demande reconventionnelle était recevable. 4.4.2 L'intimé prétend avoir pour objectif de n'utiliser son local qu'à des fins privées et avoir ainsi abandonné l'idée d'obtenir une patente H. Dans la mesure où cette constatation de fait ne ressort pas de l'arrêt cantonal, elle est nouvelle et, partant, irrecevable (art. 99 al. 1 LTF). 4.5 D'après l'art. 712a al. 1 CC, le propriétaire d'étage a le droit exclusif d'utiliser et d'aménager intérieurement des parties déterminées de son unité d'étage. Il a ainsi le pouvoir d'administrer, d'utiliser et d'aménager ses locaux comme il l'entend. Cette liberté est présumée. Elle peut cependant être limitée par des restrictions légales ainsi que par des restrictions conventionnelles (Amadeo Wermelinger, La propriété par étages, 2e éd., 2008, n. 26 ad art. 712a CC; Arthur Meier-Hayoz/Heinz Rey, Berner Kommentar, 1988, n. 44 et 68 ss ad art. 712a CC). 4.5.1 Il n'existe en l'espèce aucune restriction conventionnelle à l'exploitation des parts d'étages de l'intimé en tant qu'établissement public. L'acte constitutif de la propriété par étages ne prévoit pas d'affectation particulière à l'immeuble. Il désigne simplement les parts d'étages en mentionnant leur utilisation à la date de la constitution. Aucun règlement d'utilisation n'a été produit en instance cantonale, de sorte qu'il n'est pas établi que la communauté des propriétaires d'étages aurait convenu de restrictions particulières quant à l'affectation de l'immeuble objet de leur copropriété. Le fait que l'immeuble ait, jusqu'à présent, toujours été destiné à l'habitation ne permet pas d'exclure une autre affectation. 4.5.2 En l'absence de clause de restriction d'utilisation conventionnelle, il convient de rechercher si le changement d'affectation est prohibé par la loi. Les restrictions légales à l'exercice du droit exclusif sont prévues par l'art. 712a al. 2 CC. Le propriétaire d'étages peut ainsi en faire usage librement dans la mesure où il ne limite pas celui des autres copropriétaires, n'endommage pas les parties, ouvrages et installations communs du bâtiment, n'entrave pas leur utilisation ou n'en modifie pas l'aspect extérieur (art. 712a al. 2 CC). A moins que les copropriétaires n'aient unanimement établi d'autres règles à cet égard, le consentement de tous est ainsi nécessaire pour des modifications, qui, effectuées sur une part d'étage, entraînent un changement dans la destination de la chose détenue en copropriété (art. 648 al. 2 CC). Le changement dans la destination de la chose doit néanmoins être distingué de son changement d'utilisation qui, selon l'art. 647b al. 1 CC, doit être pris à la majorité de tous les copropriétaires, représentant en outre, leurs parts réunies, plus de la moitié de la chose. Les art. 648 al. 2 et 647b al. 1 CC trouvent tous deux application dans le cadre de la propriété par étages en vertu de l'art. 712g al. 1 CC. Il y a changement de destination lorsque, soit par des mesures de fait, soit par des mesures juridiques, l'usage et l'affectation économique de l'immeuble en propriété par étages sont modifiés de façon profonde et significative. La destination actuelle de l'objet est ainsi reléguée au second plan (Wermelinger, op. cit., n. 150a ad art. 712a CC; Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, tome 1, 3e éd., 2007, n. 1260b; cf. également ATF 130 III 441 consid. 2.3 et 2.4, 450 consid. 2.1). L'affectation de l'immeuble détenu en copropriété est à cet égard déterminante: tant que subsiste le caractère global de l'immeuble, la transformation d'une seule unité d'étage ne conduit pas à un changement d'affectation au sens de l'art. 648 al. 2 CC (ATF 130 III 441 consid. 2.3 et 2.4, 450 consid. 2.1; arrêt 5C.264/2006 du 30 mars 2007 consid. 2.1). Les travaux effectués par l'intimé dans les parts d'étages lui appartenant ont entraîné une transformation interne de ses locaux (démolition de murs et de la poutraison, suppression des accès extérieurs aux caves notamment). Dans la mesure où les recourants et la recourante n'exigent pas le rétablissement de l'état antérieur, mais seule l'interdiction d'exploiter un établissement public, ces changements ne sont pas remis en cause. Par ailleurs, l'exploitation du local ne modifie pas l'apparence extérieure de l'immeuble qui demeure inchangée. Elle ne compromet pas non plus la destination de l'immeuble dans son ensemble, celui-ci pouvant rester affecté à l'habitation malgré les éventuelles nuisances que l'exploitation du local est susceptible d'occasionner. Si la modification projetée ne constitue donc pas un changement de destination au sens de l'art. 648 al. 2 CC, elle entraîne cependant un changement d'utilisation, soumis à la majorité qualifiée de l'art. 647b al. 1 CC. Celle-ci s'opposant à l'exploitation du local en tant qu'établissement public, le changement d'utilisation ne peut être réalisé. Vu l'issue du recours sur ce point, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs des recourants relatifs à la violation des art. 2 et 8 CC. 5. 5.1 S'agissant du raccordement à l'installation en eau potable située dans la buanderie, la cour cantonale a estimé que celui-ci constituait une transformation destinée à augmenter la valeur de la chose et à améliorer son rendement au sens de l'art. 647d CC. Telle transformation nécessitait ainsi l'accord de la majorité de tous les copropriétaires représentant en outre, leurs parts réunies, plus de la moitié de la chose (art. 647d al. 1 CC). En dépit de l'absence d'accord, les recourants ne seraient toutefois pas fondés à s'opposer au branchement, l'art. 691 CC devant s'appliquer par analogie. En l'espèce, l'intimé ne pourrait en effet se connecter sur le réseau communal sans frais excessifs, de sorte qu'il pouvait exiger de ses copropriétaires qu'ils permettent le branchement sur l'installation d'eau froide. La charge imposée étant bénigne, sinon nulle, les copropriétaires concernés n'en subissaient aucun dommage et ne pouvaient ainsi s'opposer au raccordement. 5.2 Seule la recourante recourt sur la question du raccordement à l'installation d'eau potable située dans la buanderie. Elle soutient que la question du raccordement ne se pose qu'en raison du changement d'affectation projeté par l'intimé. Bien que la buanderie soit sans doute une partie commune, une clause réglementaire la soustrait à l'usage commun, la réservant ainsi à certains propriétaires à l'exclusion de l'intimé. Les parts d'étages de l'intimé constituant des locaux de service inhabitables, il avait été décidé de les priver d'alimentation en eau. La recourante en déduit que le terme buanderie vise non seulement le local permettant de faire la lessive et d'y suspendre son linge, mais également la conduite qui la traverse et l'alimente. Elle estime enfin que l'art. 691 CC n'aurait pas pour objet de permettre d'obtenir l'alimentation en eau, mais d'autoriser le passage des conduites sur la propriété foncière d'autrui, et, en l'absence de lacune praeter legem, il n'y aurait pas de place pour l'application analogique. L'intimé prétend quant à lui que la conduite est une partie commune, tout comme la buanderie qu'elle alimente. Le fait que les locaux servaient autrefois à l'entrepôt exclusivement ne permet pas de soutenir qu'ils doivent nécessairement se passer d'une alimentation en eau. 5.3 Dans la mesure où la buanderie est utilisée par plusieurs propriétaires d'étages, il s'agit d'une partie commune (Amadeo WERMELINGER, L'utilisation de l'unité d'étage dans un immeuble en propriété par étage, 1992, p. 78, n. 5 et les références citées). Les parts d'étages de l'intimé en ont simplement été exclues, au vu de leur affectation initiale. Ces constatations ressortent expressément du procès-verbal d'adaptation à la propriété par étages. Il s'ensuit que la conduite qui alimente la buanderie constitue également une partie commune. Reste à déterminer si, en constituant la propriété par étage, les propriétaires entendaient exclure les parts de l'intimé du seul local de buanderie ou non seulement de celui-ci, mais également de la conduite d'eau. 5.3.1 Lorsque le litige porte sur l'interprétation d'une clause contractuelle, le juge doit recourir en premier lieu à l'interprétation subjective, c'est-à-dire rechercher la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1). Savoir ce qu'un cocontractant savait et voulait au moment de conclure relève des constatations de fait (ATF 131 III 606 consid. 4.1), qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le juge doit recourir à l'interprétation objective, à savoir rechercher la volonté objective des parties, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2). La détermination de la volonté objective, selon le principe de la confiance, est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1; 131 III 586 consid. 4.2.3.1). 5.3.2 En l'occurrence, la seule restriction conventionnelle entrant en considération figure dans l'acte constitutif de propriété par étages, où il est prévu, sans autre précision, que la buanderie, partie commune, est à l'usage exclusif des parts d'étages nos 20492, 20493 et 20494. Ni la recourante, ni l'intimé n'étaient parties au contrat constitutif de propriété par étages. Tous deux s'opposent cependant aujourd'hui sur le sens qu'il convient de donner à ce terme. Il revient donc au Tribunal de céans de rechercher la volonté objective des parties en recourant au principe de la confiance. Or, exclure de l'utilisation des parties communes le raccordement à la conduite apparaît particulièrement restrictif dans la mesure où il n'empêche pas l'usage de la buanderie en tant que local réservé à la lessive et au stockage du linge. La clause conventionnelle précitée doit ainsi être comprise comme une clause réglementant l'usage de la buanderie en tant que telle, sans toutefois empêcher le raccordement aux conduites qui la traversent. 6. Vu ce qui précède, le recours des recourants doit être admis, tandis que celui de la recourante ne l'est que partiellement. Les frais sont mis pour 3/4 à charge de l'intimé et 1/4 à charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Les recourants ont droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF). Les dépens que l'intimé doit à la recourante sont compensés avec ceux qu'elle lui doit. Il appartiendra à l'autorité cantonale de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 68 al. 5 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Les causes 5A_428/2008 et 5A_429/2008 sont jointes. 2. Le recours de B.________, C._________, D.________, E.________, F.________, G.________, H.________ et I.________ est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens qu'il est fait interdiction à X.________ d'exploiter le local dit "Z.________" comme établissement public. 3. Le recours de A.________ est partiellement admis en ce sens qu'il est fait interdiction à X.________ d'exploiter le local dit "Z.________" comme établissement public. Le recours est rejeté pour le surplus. 4. Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis pour 1'500 fr. à la charge de A.________ et pour 4'500 fr. à la charge de X.________. 5. Une indemnité de 3'000 fr., à payer à B.________, C.________, D.________, E.________, F.________, G.________, H.________ et I.________ à titre de dépens, est mise à la charge de X.________. 6. Les dépens de X.________ et A.________ sont compensés. 7. La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale. 8. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II. Lausanne, le 19 mars 2009 Au nom de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral suisse La Présidente: La Greffière: Hohl de Poret


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5A_428/2008
Date de la décision : 19/03/2009
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2009-03-19;5a.428.2008 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award