{T 0/2} 1C_527/2008 Arrêt du 12 mars 2009 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio. Greffière: Mme Tornay. Parties X.________, recourant, représenté par Me Pierre-Xavier Luciani, avocat, contre Commune de Crans-près-Céligny, Municipalité, 1299 Crans-près-Céligny, Département de l'économie du canton de Vaud, Service du développement territorial, place de la Riponne 10, 1014 Lausanne. Objet permis de construire, recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 octobre 2008. Faits: A. X.________ est propriétaire de la parcelle n° 111 du registre foncier de la commune de Crans-près-Céligny. Ce bien-fonds se singularise par sa topographie. Dans sa partie nord, il est formé d'un replat qui s'achève par une cassure nette du terrain en arc de cercle et qui laisse ensuite la place à un talus à forte pente, planté d'arbres, lequel se termine plusieurs dizaines de mètres en contrebas dans les eaux d'un ruisseau. La moitié du replat précité est colloquée en "zone du bourg", le solde de la parcelle étant affecté en "zone forêt", selon le plan des zones et le règlement sur les constructions et l'aménagement du territoire de la commune de Crans-près-Céligny, dont la révision a été approuvée par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 12 mai 1989 (RCAT). B. Le 1er octobre 2007, X.________ a requis l'autorisation de construire une maison familiale et trois places de parc sur la parcelle n° 111. La majeure partie de l'implantation de la villa se situe dans la "zone forêt", le reste se trouvant en "zone du bourg". Soumis à l'enquête publique du 2 novembre au 2 décembre 2007, ce projet a suscité une opposition, au motif qu'il ne respectait pas l'affectation du sol prévue par la réglementation communale. Le 20 décembre 2007, la Municipalité de Crans-près-Céligny a refusé à X.________ l'octroi du permis de construire, au motif qu'il n'était pas conforme aux règles de la zone et qu'il n'était pas possible de prétendre au remplacement de la "zone forêt" directement par une zone constructible. Elle aurait toutefois accepté une dérogation d'implantation de 20% de la longueur du bâtiment. X.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Celui-ci a procédé à une inspection locale le 3 juin 2008. Par arrêt du 21 octobre 2008, il a rejeté le recours. Il a considéré en substance que la villa projetée se situait en partie sur une zone inconstructible et que dès lors la Municipalité de Crans-près-Céligny avait refusé à juste titre de délivrer le permis de construire sollicité. C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le recourant demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle instruction dans le sens des considérants, subsidiairement de lui délivrer le permis de construire sollicité. Il se plaint d'un établissement inexact des faits, d'une violation de la garantie de la propriété et d'une application arbitraire du RCAT. Il sollicite en outre une confirmation de l'Office d'information du Service du territoire du canton de Vaud sur la détermination de la lisière de la forêt. La Municipalité de Crans-près-Céligny a formulé des observations, sans prendre de conclusion. Se référant aux considérants de l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. Le Service du développement territorial du canton de Vaud (ci-après: le Service du développement territorial) conclut au rejet du recours. L'Office fédéral du développement territorial a renoncé à présenter des observations. Considérant en droit: 1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Il est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de lui délivrer l'autorisation de construire sollicitée: il peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision soit annulée. Il a donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 2. Dans un grief qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'un établissement inexact des faits au sens de l'art. 97 LTF. Il reproche à l'autorité précédente d'avoir retenu que la lisière de la forêt confinant sa parcelle avait reculé entre 1983 et 2002. 2.1 Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recourant peut critiquer les constatations de faits à la double condition que ceux-ci aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause, ce qu'il doit rendre vraisemblable par une argumentation répondant aux exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). 2.2 En l'espèce, vu le raisonnement qui suit, le fait que la lisière de la forêt ait ou non reculé importe peu et n'est pas susceptible d'avoir une influence déterminante sur l'issue de la procédure. Le grief du recourant à ce sujet doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, le Tribunal fédéral estime qu'il n'est pas nécessaire de procéder à la mesure d'instruction relative à la détermination de la lisière forestière, requise par l'intéressé. 3. Le recourant estime que le projet de construction litigieux est conforme à l'affectation de la "zone forêt" telle qu'elle est définie par l'art. 3.11 RCAT. Il fait grief aux juges cantonaux d'avoir écarté arbitrairement l'application de cette disposition, au motif qu'une partie de la parcelle litigieuse devenait sans affectation suite au recul de la forêt. 3.1 Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la décision attaquée viole gravement une règle ou un principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle est insoutenable ou en contradiction évidente avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 266; 131 I 57 consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée), ce que les recourants doivent démontrer en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400). 3.2 En l'espèce, le recourant ne conteste pas que le plan d'affectation a colloqué la moitié du replat de la parcelle concernée en zone à bâtir ("zone du bourg" au sens de l'art. 3.2 RCAT) et que le périmètre situé entre la "zone du bourg" et la lisière de la forêt est affecté à une "zone forêt". Le législateur communal a ainsi fixé la limite de la zone à bâtir à l'extrémité de la "zone du bourg", au milieu du replat précité, bien plus haut que la lisière de la forêt. Sur la parcelle litigieuse, le plan d'affectation a ensuite délimité une "zone forêt" entre la zone constructible et la lisière de la forêt. Les parcelles situées de chaque côté de cette "zone forêt" ont été colloquées en zones de verdure, inconstructibles. Ce faisant, le législateur communal a manifesté sa volonté de ne pas étendre les possibilités de construire au-delà de la "zone du bourg". Le Tribunal cantonal n'a donc pas versé dans l'arbitraire en considérant qu'une partie de la villa projetée se trouvait sur une zone qui n'est pas affectée à la construction. Le Tribunal cantonal a également estimé que, suite au recul de la forêt, une partie de la parcelle du recourant classée en "zone forêt" devenait sans affectation. Il a considéré que le terrain délaissé par la forêt ne pouvait être considéré d'emblée comme constructible sur la base de l'art. 135 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC; RSV 700.11). Selon le Tribunal cantonal, la lisière de la forêt aurait reculé au cours des années. Ce fait est pourtant sans incidence sur l'objet de la contestation puisqu'il ne saurait avoir pour effet de modifier la limite entre la "zone du bourg" (constructible) et la "zone forêt" (non constructible), ni l'affectation de ces deux zones. Le recourant prétend en outre que l'art. 3.11 RCAT prévoyant que "toute construction est interdite à une distance inférieure à 10 m de la lisière", autoriserait a contrario toute construction à plus de dix mètres de la lisière. Il précise que cet art. 3.11 RCAT s'inscrit dans le cadre de l'art. 17 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo; RS 921.0), lequel prévoit la possibilité de construire à proximité d'une forêt, pour autant que la construction n'en compromette ni la conservation, ni le traitement, ni l'exploitation de la forêt. A teneur de l'alinéa 2 de cette disposition, il incombe aux cantons de fixer la distance minimale appropriée qui doit séparer les constructions de la lisière de la forêt. Or, comme l'art. 5 de la loi forestière vaudoise du 19 juin 1996 (RSV 921.01) permet d'implanter des constructions à plus de 10 m de la lisière de la forêt, le projet de construction ne pourrait pas être prohibé. Le recourant perd cependant de vue que l'art. 17 LFo, l'art. 5 de la loi forestière vaudoise et la dernière phrase de l'art. 3.11 RCAT ne trouvent application que lorsque la lisière forestière confine à la zone à bâtir ou se trouve à l'intérieur de celle-ci. Or, comme relevé ci-dessus, le plan d'affectation a clairement délimité une zone non constructible entre la lisière forestière et la zone à bâtir, conformément aux art. 15 ss de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700). Le recourant ne peut par conséquent pas se prévaloir des dispositions précitées pour prétendre à l'autorisation du projet de construction litigieux sis en partie sur une zone inconstructible. Le recourant se prévaut également du fait que la Commission communale chargée de traiter les oppositions formulées à l'encontre des plans de zones protégées à titre provisoire, avait admis le caractère constructible de la partie de la parcelle n° 111, en 1974. Cette décision n'a cependant pas trouvé application dans la planification actuelle approuvée le 12 mai 1989 par le Conseil d'Etat du canton de Vaud. Le grief du recourant doit donc être rejeté. En définitive, en considérant que la villa projetée se situait en partie sur une zone qui n'est pas affectée à la construction, le Tribunal cantonal n'a pas fait preuve d'arbitraire en refusant la délivrance du permis de construire sollicité. 4. Le recourant se plaint d'une atteinte grave à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Comme tout droit fondamental, la propriété ne peut être restreinte qu'aux conditions de l'art. 36 Cst. La restriction doit donc reposer sur une base légale - sur une loi au sens formel si la restriction est grave - (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3). Le recourant se prévaut uniquement d'une violation du principe de la légalité et soutient que selon le plan d'affectation, la partie de sa parcelle colloquée en "zone forêt" serait constructible, de sorte qu'on ne saurait empêcher la construction de son projet. Or, il a été démontré ci-dessus que le projet de construction se trouvait en partie sur la "zone forêt", qui, selon le plan d'affectation, n'est pas constructible (consid. 4.2). La restriction de la garantie de la propriété étant fondée sur ledit plan, le grief relatif à la violation de la propriété tombe à faux. Au surplus, le recourant se prévaut à tort du fait que le Service du développement territorial et le Service des forêts du canton de Vaud ne se seraient pas opposés à l'octroi du permis de construire sollicité. En effet, dans leurs observations au Tribunal cantonal, ces autorités cantonales ne se sont pas prononcées sur la délivrance du permis de construire, mais sur la délimitation de la lisière de la forêt et sur l'application de la LFo. De plus, dans ses déterminations devant le Tribunal de céans, le Service du développement territorial a conclu au rejet du recours. En conséquence, le grief doit également être écarté. 5. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 LTF). La commune de Crans-près-Céligny n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de X.________. 3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, au Service du développement territorial du canton de Vaud et à l'Office fédéral du développement territorial. Lausanne, le 12 mars 2009 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Féraud Tornay