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03/03/2009 | SUISSE | N°6B_578/2008

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mars 2009, 6B 578/2008


{T 0/2} 6B_578/2008/bri Arrêt du 3 mars 2009 Cour de droit pénal Composition MM. les Juges Favre, Président, Schneider et Mathys. Greffier: M. Oulevey. Parties X.________, Y.________, recourants, tous deux représentés par Me Daniel Pache, avocat, contre B.________, C.________, D.________, tous trois représentés par Me Marc-Antoine Aubert, avocat, Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne, intimés. Objet Homicide par négligence, recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 21 janvie

r 2008. Faits: A. A.a Le 22 juin 2002, une manche de la...

{T 0/2} 6B_578/2008/bri Arrêt du 3 mars 2009 Cour de droit pénal Composition MM. les Juges Favre, Président, Schneider et Mathys. Greffier: M. Oulevey. Parties X.________, Y.________, recourants, tous deux représentés par Me Daniel Pache, avocat, contre B.________, C.________, D.________, tous trois représentés par Me Marc-Antoine Aubert, avocat, Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne, intimés. Objet Homicide par négligence, recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 21 janvier 2008. Faits: A. A.a Le 22 juin 2002, une manche de la coupe suisse de vol libre en parapente, organisée par un club sportif dont Y.________ était le président et X.________ le membre chargé de préparer cette manifestation, a eu lieu sur un pâturage des hauts de Montreux. Peu avant le début de l'épreuve, prévu à 13h25, le locataire du pâturage, A.________, à qui l'autorisation d'utiliser la parcelle comme point d'envol n'avait pas été demandée, a abordé Y.________ et X.________. Il était particulièrement fâché de trouver des parapentistes sur son terrain, parce qu'il avait prévu d'y couper les vératres (plantes toxiques pour le bétail). Y.________ et X.________ lui ont présenté des excuses et demandé l'autorisation de poursuivre la manifestation. A.________ la leur a accordée oralement. Il les a accompagnés sur le haut du pâturage tout en fauchant des vératres, pour assister, de derrière les concurrents, au décollage de quelques uns d'entre eux. Ne disposant pas de son autorisation écrite et préférant dès lors ne pas courir le risque que A.________ change d'avis et qu'il empêche le déroulement de la compétition, Y.________ et X.________ n'ont pas expliqué à l'intéressé que, pour des raisons de sécurité, il devait rester sur le haut de sa parcelle jusqu'au dernier décollage, à 14h10. Ils l'ont ensuite perdu de vue. Vers 14h00, la quarante-cinquième concurrente a pris le départ. Alors qu'elle vérifiait qu'il n'y avait personne à proximité de son couloir de décollage, elle a remarqué la présence de A.________, qui fauchait à une dizaine de mètres sur sa gauche, en contrebas. Elle a ensuite levé sa voile pour la mettre en position. Alors qu'elle avait déjà commencé à accélérer en courant, elle s'est rendu compte qu'elle fonçait sur A.________, sans plus pouvoir modifier sa course à cause de la pente. Elle a tenté de le prévenir en criant, sans succès. A.________ a été violemment heurté à la tête par le casque intégral de la parapentiste. Il est décédé des suites des lésions traumatiques que le choc lui a causées. A.b En procédure, la parapentiste a déclaré qu'au moment où elle avait levé sa voile, elle s'était trouvée prise dans un courant latéral inopiné, qui l'avait déportée sur la gauche. Pour rester alignée sur sa voilure et pouvoir décoller, elle s'était réorientée dans cette direction, tout en regardant sa voile pour s'assurer qu'elle était bien positionnée. Elle avait commencé à courir sans avoir pu quitter son parachute du regard. B. Par jugement du 5 juillet 2007, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a acquitté la parapentiste, condamné Y.________ pour homicide par négligence à dix jours-amende de 50 fr. chacun avec sursis pendant deux ans et à 500 fr. d'amende, condamné X.________ pour homicide par négligence à dix jours-amende de 100 fr. chacun avec sursis pendant deux ans et à 1'000 fr. d'amende et statué sur les conclusions civiles de B.________, C.________ et D.________, veuve, fille et fils de la victime. Sur recours des condamnés, ce jugement été confirmé par arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 janvier 2008. C. X.________ et Y.________ recourent conjointement au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt, dont ils demandent, principalement, la réforme en ce sens qu'ils soient reconnus non coupables d'homicide par négligence et, par voie de conséquence, acquittés au pénal et libérés au civil des conclusions prises contre eux. À titre subsidiaire, ils requièrent l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Considérant en droit: 1. Les recourants invoquent, en premier lieu, une violation du principe in dubio pro reo. 1.1 La présomption d'innocence, garantie par l'art. 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées). En tant qu'ils régissent le fardeau de la preuve, ces principes signifient que le juge du fond ne peut retenir un fait défavorable à l'accusé que s'il est convaincu de la matérialité de ce fait, de sorte que le doute profite à l'accusé (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Comme règles de l'appréciation des preuves, en revanche, ces principes sont violés si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il devrait objectivement éprouver des doutes (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral examine librement si ces principes ont été violés en tant qu'ils répartissent le fardeau de la preuve, mais il ne vérifie que sous l'angle de l'arbitraire si le juge aurait dû éprouver un doute sur la culpabilité de l'accusé, c'est-à-dire si ces principes ont été violés en tant qu'ils régissent l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38). 1.2 Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir violé ces principes en faisant fi d'une contradiction dans l'état de fait du jugement de première instance, qui retient en page que la parapentiste a vérifié "qu'il n'y avait personne à proximité de son couloir de décollage" et en page que la victime "se trouvait dans l'aire de décollage". Ce grief repose sur des citations tronquées. En page 11 de leur jugement, les premiers juges retiennent que, lorsqu'elle a vérifié qu'il n'y avait personne à proximité de son couloir de décollage, la parapentiste a remarqué la présence de la victime à une dizaine de mètres sur sa gauche, qu'elle a ensuite levé sa voile pour la mettre en position et qu'elle affirme avoir alors été prise dans un courant latéral gauche, s'être déplacée dans cette direction pour rester alignée sur sa voilure, avoir commencé son accélération et s'être alors rendu compte qu'elle fonçait sur la victime. Ces constatations n'excluent pas que celle-ci se trouvait dans l'aire de décollage; elles signifient seulement que la parapentiste a modifié l'assise de son couloir de décollage après ses vérifications initiales - pour une raison sur laquelle les premiers juges ne prennent pas position à ce stade - et qu'elle n'a pris conscience de la présence de la victime sur sa trajectoire qu'après s'être élancée. 1.3 Les recourants font aussi valoir qu'ils ont présenté aux débats des photographies et un film qui prouveraient qu'il est d'usage, lors des compétitions de vol libre, que des spectateurs assistent de tout près aux décollages, "pour autant que le couloir reste libre". Ils soutiennent que les premiers juges ont commis l'arbitraire, et par là même violé le principe in dubio pro reo en tant que règle d'appréciation des preuves, en refusant sans raison de tenir compte de ces éléments. Le juge n'encourt le grief d'arbitraire pour n'avoir pas tenu compte de moyens de preuve administrés devant lui que si, d'une part, il a omis ou refusé de le faire sans raison sérieuse et si, d'autre part, les preuves qu'il a écartées étaient importantes et propres à modifier sa décision (cf. ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Les photographies et le film invoqués par les recourants ne remplissent pas cette dernière condition, puisqu'ils tendaient à établir qu'il est sans danger d'assister à un décollage si le couloir d'envol reste libre, alors qu'il est justement reproché aux recourants de n'avoir pas empêché que la victime travaille à un moment donné dans le couloir d'envol d'une concurrente. Dès lors, le grief est mal fondé. 1.4 Les recourants allèguent qu'ils pensaient que la victime avait compris comment se déroulerait la manifestation et qu'ils étaient fondés à le penser, parce que le pâturage était régulièrement utilisé pour la pratique du parapente. Dans ces conditions, ils considèrent que les juges cantonaux ont violé le principe in dubio pro reo en refusant d'admettre, au bénéfice du doute, que la présence de la victime à l'endroit de l'accident était due à une mauvaise compréhension entre parties plutôt qu'à un défaut d'information de leur part. L'arrêt attaqué retient que les recourants n'ont pas informé la victime de la nécessité de rester derrière les concurrents jusqu'à 14h10 parce qu'ils ne voulaient pas courir le risque qu'elle change d'avis et qu'elle s'oppose finalement à la poursuite de la manifestation. Cette constatation implique nécessairement que les recourants tenaient pour possible que la victime ait donné son accord parce qu'elle n'avait pas compris qu'elle devrait, pour des raisons de sécurité, rester sur le haut de sa parcelle jusqu'à la fin des décollages. En ce qu'ils allèguent qu'ils partaient de l'idée que la victime avait compris le déroulement de la manifestation et, ainsi, le comportement à adopter jusqu'à la fin des décollages, les recourants s'écartent donc des constatations de l'arrêt attaqué. Le fait qu'ils invoquent à l'appui de leur grief, savoir que le pâturage était régulièrement utilisé pour la pratique du parapente, ne signifie pas que la victime avait déjà assisté à ce genre de manifestation par le passé. Du reste, elle s'est rendue sur les lieux au début de l'après-midi du 22 juin 2002 non par intérêt pour le vol libre en parapente, mais pour protester parce qu'on ne lui avait pas demandé son accord et parce qu'elle avait prévu de travailler sur la parcelle. En outre, l'un des recourants a déclaré lors de l'enquête que, les années précédentes, la compétition avait eu lieu plus tôt dans l'année et qu'ils n'avaient jamais rencontré personne (PV Aud. 7 p. 2). Dans ces conditions, le fait invoqué par les recourants n'implique ni que la victime avait déjà assisté à une démonstration de vol libre en parapente, ni, à plus forte raison, qu'ils l'avaient eux-mêmes déjà vue à l'une de ces manifestations. Il ne rend dès lors pas arbitraire la constatation selon laquelle ils n'étaient pas sûrs que la victime eût bien compris le déroulement de la compétition. Le premier moyen des recourants, pris d'une violation du principe in dubio pro reo, est dès lors mal fondé. 2. Les recourants contestent s'être rendus coupables d'homicide par négligence, au sens de l'art. 117 CP. La réalisation du délit d'homicide par négligence suppose la réunion de trois éléments constitutifs: la mort d'une personne, une négligence et un lien de causalité entre cette négligence et la mort de cette personne (ATF 122 IV 145 consid. 3 et la référence citée). La présence du premier est incontestée. 2.1 Pour qu'il y ait négligence, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, il faut que l'auteur ait violé les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et la référence). L'auteur viole les règles de la prudence s'il agit en dépassant les limites du risque admissible alors qu'il devrait, de par ses connaissances et aptitudes personnelles, se rendre compte du danger qu'il fait courir à autrui (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262; 121 IV 10 consid. 3 p. 14) ou s'il omet, alors qu'il occupe une position de garant (art. 11 al. 2 et 3 CP) et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l'admissible, d'accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitude personnelles, qu'elle est nécessaire pour éviter un dommage (cf. ATF 134 IV 255 consid. 4.2.2 p. 260 ss; 117 IV 130 consid. 2a p. 132 ss). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur pouvait prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements - question qui s'examine suivant la théorie de la causalité adéquate si l'auteur n'est pas un expert dont on pouvait attendre de meilleures prévisions - et, le cas échéant, quelles mesures cette personne pouvait prendre, compte tenu des connaissances qu'elle pouvait avoir au moment des faits, pour éviter la survenance du résultat (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et les références). En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et les références). 2.1.1 Conformément à un principe général de l'ordre juridique, désormais ancré en matière pénale à l'art. 11 al. 2 let. d CP, celui qui a créé, entretenu ou accru un état de choses susceptible de mettre autrui en danger est tenu de prendre toutes les mesures commandées par les circonstances pour éviter la survenance d'un dommage ou, le cas échéant, l'aggravation de l'atteinte déjà causée (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.2 p. 260 s. et les références). Il en résulte notamment que les organisateurs d'une compétition sportive ont, si l'activité pratiquée comporte des risques pour les sportifs, les spectateurs ou les tiers, l'obligation de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires pour prévenir les dommages prévisibles. Ils ne peuvent s'en remettre simplement à la prudence des uns et des autres. La manifestation ne peut atteindre son but que si les sportifs peuvent vouer leur attention à leur activité, et le public profiter du spectacle, sans avoir trop à se soucier des mesures de sécurité. C'est dès lors aux organisateurs, qui ont invité les sportifs à concourir et le public à assister aux épreuves, qu'il appartient de prendre les précautions commandées par les circonstances, en tenant tout particulièrement compte du fait que l'attention des uns et des autres risque d'être accaparée par le sport. Si un tiers subit un dommage parce que ces précautions n'ont pas été prises, les organisateurs en répondent comme s'ils l'avaient eux-mêmes provoqué par un comportement actif. Dans le cas présent, les recourants étaient tous les deux membres du comité d'organisation, chargé au sein de leur club de prendre toutes les dispositions nécessaires à la tenue et au bon déroulement de la compétition. L'arrêt attaqué ne constate pas quelles y étaient précisément leurs attributions respectives. Mais il est constant
que les deux recourants se sont chargés de traiter ensemble avec la victime lorsque celle-ci est arrivée sur les lieux. Il leur appartenait dès lors, non seulement d'obtenir son autorisation pour être en droit d'utiliser le pâturage (cf. art. 3 al. 2 de l'ordonnance du DETEC sur les aéronefs de catégories spéciales; RS 748.941), mais encore de prendre avec elle tous les arrangements nécessaires pour qu'elle n'exerce aucune activité qui la mette en danger ou qui mette en danger les concurrents ou le public pendant la manifestation. Parapentistes expérimentés, ils pouvaient prévoir que les décollages seraient immédiatement précédés d'une phase de course à pleine vitesse pendant laquelle il serait très difficile, voire impossible, pour les concurrents de s'arrêter. Tenus en leur qualité d'organisateurs de prévenir les dommages prévisibles liés à ce risque, sans pouvoir s'en remettre à la seule prudence des concurrents, attentifs d'abord aux impératifs de la compétition, ils devaient s'assurer que la victime n'entreprendrait pas de faucher avant le dernier décollage dans les zones susceptibles d'être utilisées comme couloirs d'envol et, partant, qu'elle resterait derrière les concurrents, puisque ceux-ci déterminaient au dernier moment la direction exacte dans laquelle ils dévalaient la pente pour décoller. À cet effet, comme ils tenaient pour possible qu'elle n'en eût pas compris la nécessité, les recourants devaient demander expressément à la victime de rester sur le haut du pâturage jusqu'au dernier départ. S'ils voulaient éviter de la contrarier par une telle demande, ils devaient alors, à tout le moins, la surveiller, pour être en mesure d'agir dès qu'une intervention de leur part deviendrait nécessaire. En ne prenant aucune de ces précautions, les recourants ont violé le devoir de diligence dont ils étaient tenus en leur qualité d'organisateurs de la manifestation. 2.1.2 Les recourants étaient capables de se rendre compte que le fait de laisser la victime vaquer à ses travaux sur le pâturage pouvait, si elle n'avait pas compris qu'elle devait rester derrière les concurrents, entraîner un accident mortel. Leur crainte qu'elle ne s'oppose à la poursuite de la manifestation et n'empêche le déroulement normal de la compétition s'ils lui demandaient de rester en haut de la parcelle ne justifiait pas qu'ils prennent un risque pour sa vie et pour celle des parapentistes qui auraient pu se blesser sur la faux. Les manquements des recourants à leur devoir de diligence sont dès lors bien fautifs et, partant, constitutifs de négligence. Le deuxième élément du délit d'homicide par négligence est ainsi réalisé pour chacun d'eux. 2.2 Dans le cas d'un délit d'omission improprement dit, la question de la causalité ne se présente pas de la même manière que si l'infraction de résultat était réalisée par commission; il faut procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée; pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1 p. 264 s. et les références; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168 et les références). 2.2.1 L'arrêt attaqué retient par renvoi aux constatations des premiers juges que, si les recourants avaient invité la victime à suspendre ses travaux durant les décollages, l'accident ne se serait pas produit. En outre, si la victime, dûment informée, avait refusé de rester en haut du pâturage, il aurait alors appartenu aux organisateurs de retarder la compétition, ce qui aurait également évité l'accident. La négligence des recourants doit dès lors être tenue pour l'une des causes naturelles du décès de la victime. 2.2.2 Un acte qui est l'une des causes naturelles d'un résultat dommageable en est aussi une cause adéquate s'il était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit; il s'agit là d'une question de droit que la cour de céans revoit librement. L'acte est également une cause adéquate s'il était propre à entraîner un tel résultat d'après les connaissances répandues parmi les personnes pratiquant les mêmes activités que l'auteur (cf. WALDER, Die Kausalität im Strafrecht, RPS 1977 p. 113 ss spéc. p. 144). Il y a rupture de ce lien de causalité adéquate, l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante - par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d'un tiers -, propre au cas d'espèce, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l'auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s. et les références). En l'espèce, sur la base de la connaissance que toute personne pratiquant le parapente doit manifestement avoir de la difficulté, voire de l'impossibilité, qu'il y a de s'arrêter pendant la course à pleine vitesse qui précède le décollage, les recourants pouvaient s'attendre à ce que la présence de la victime au-dessous des concurrents entraîne un accident mortel. Leur comportement se trouve dès lors bien en relation de causalité adéquate avec le décès de la victime. Ils font toutefois valoir que ce lien serait interrompu par la faute prépondérante de la parapentiste et par la faute concomitante de la victime. 2.2.2.1 Les premiers juges ont reconnu que la parapentiste a objectivement violé son devoir de diligence en s'élançant sans avoir vérifié, après s'être réorientée, que personne ne se trouvait dans le nouveau couloir qu'elle allait emprunter. Toutefois, celle-ci avait allégué pour sa défense que sa manoeuvre avait été compliquée par la présence inopinée d'un vent latéral, qui l'avait déportée sur sa gauche et qui l'avait contrainte à faire des pas d'ajustement tout en gardant les yeux sur sa voilure. Lui accordant le bénéfice du doute sur cette question de fait, les premiers juges ont retenu l'existence de ce courant latéral. Dans ces conditions, ils ont considéré que le décollage présentait une difficulté telle que l'on ne pouvait imputer à faute à la parapentiste, qui manquait encore d'expérience à l'époque, de s'être élancée sans avoir préalablement quitté son parachute des yeux. Ils l'ont dès lors acquittée. Pour statuer sur l'action pénale dirigée contre les recourants, la question de l'existence ou de l'inexistence du courant latéral invoqué par la parapentiste doit être résolue dans le sens inverse, plus favorables aux accusés: l'intéressée n'a pas été gênée par un vent inopiné. Dans cette hypothèse, elle a indiscutablement commis une faute en omettant de vérifier que son nouveau couloir était libre avant de s'élancer. Mais cette faute n'est pas extraordinaire, en ce sens qu'aucune particularité propre au cas d'espèce ne la distingue de celles qui étaient prévisibles pour les recourants. Due au fait que l'intéressée a voué son attention en priorité à la compétition, en se souciant accessoirement du reste, elle appartient exactement au genre de fautes que les recourants pouvaient prévoir et dont ils devaient prévenir les conséquences (cf. supra, consid. 2.1.1). Elle n'interrompt dès lors pas le lien de causalité adéquate entre la négligence de ceux-ci et le décès de la victime. 2.2.2.2 L'arrêt attaqué retient, sans arbitraire (cf. supra, consid. 1.4), que la victime ne connaissait rien au parapente. Elle pouvait dès lors difficilement savoir que les adeptes de ce sport doivent partir dans une direction déterminée non par leur libre choix, mais par le vent; que la procédure de décollage est difficile et, partant, que le risque que des parapentistes manquent d'attention à leur environnement au sol est plus élevé à ce moment-là; et, encore, que les parapentistes peuvent se trouver dans l'impossibilité de s'arrêter après s'être élancés. Elle ne pouvait dès lors pas prévoir qu'un concurrent se précipiterait à toute vitesse sur elle si elle ne restait pas en haut du pâturage. En allant faucher plus bas sur la parcelle, elle n'a donc commis aucune faute, de sorte que son comportement n'interrompt pas le lien de causalité entre la négligence des recourants et son décès. Il suit de là que tous les éléments constitutifs du délit d'homicide par négligence sont réunis. Loin d'avoir violé le droit fédéral, la cour cantonale a, au contraire, correctement appliqué l'art. 117 CP en reconnaissant les recourants coupables de ce chef d'accusation. Le recours, mal fondé, doit dès lors être rejeté. 3. Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés, qui n'ont pas eu à déposer de réponse. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale. Lausanne, le 3 mars 2009 Au nom de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier: Favre Oulevey


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6B_578/2008
Date de la décision : 03/03/2009
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2009-03-03;6b.578.2008 ?
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