{T 0/2} 9C_54/2008 Arrêt du 9 octobre 2008 IIe Cour de droit social Composition MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen. Greffier: M. Wagner. Parties Fonds de Pensions X.________, recourant, représenté par Me Jacques-André Schneider, avocat, Rue du Rhône 100, 1204 Genève, contre R.________, intimé, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, Service juridique, Fédération suisse pour l'intégration des handicapés, Place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne. Objet Prévoyance professionnelle, recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 16 novembre 2007. Faits: A. A.a R.________ a travaillé entre le 1er janvier 1997 et le 31 juillet 2000 au service de Y.________ SA. Engagé dès le 1er janvier 2001 en qualité de responsable commercial et logistique au sein du département informatique de X.________, il a été affilié dès le 1er janvier 2002 au Fonds de Pensions X.________. Le 27 mars 2002, il a résilié les rapports de travail avec son employeur, lequel a confirmé qu'ils cesseraient le 31 mai 2002. R.________ a signé la formule de sortie du Fonds de Pensions, datée du 23 mai 2002, en demandant que la prestation de libre passage réglementaire lui soit versée sur un compte bloqué, versement qui a eu lieu avec effet au 31 mai 2002. A.b Le 14 octobre 2003, R.________ a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Par décision du 3 novembre 2004, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud lui a alloué une rente entière à partir du 1er mars 2003 pour une invalidité de 100 %, au motif qu'il présentait une incapacité de travail de manière ininterrompue en raison de l'atteinte à sa santé depuis le mois de mars 2002. Dès le 14 septembre 2006, l'office AI a procédé à la révision du droit de l'assuré à une rente d'invalidité. Dans une communication du 18 janvier 2007, il l'a informé qu'il continuait à présenter un degré d'invalidité de 100 % et à bénéficier d'une rente entière. A.c Le 4 août 2005, R.________ a demandé à être réintégré dans le Fonds de Pensions X.________. Se référant à la décision de rente de l'office AI du 3 novembre 2004, il sollicitait le versement d'une rente d'invalidité LPP, requête qu'il a renouvelée le 8 août 2005. Les 12 janvier et 5 avril 2006, le Fonds de Pensions X.________ a rejeté la demande. A la suite d'une nouvelle requête de R.________ du 20 septembre 2006, il l'a invité à procéder par la voie judiciaire (lettre du 22 février 2007). B. Le 14 mars 2007, R.________ a ouvert action devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud contre le Fonds de Pensions X.________, en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que celui-ci soit reconnu son débiteur dès le 1er mars 2003 pour une invalidité de 100 % d'une rente d'un montant que justice dira, avec intérêts à 5 % dès l'ouverture de l'action. Par jugement du 16 novembre 2007, la juridiction cantonale a admis la demande (ch. I du dispositif), constaté que le Fonds de Pensions X.________ était débiteur de R.________ dès le 1er mars 2003 d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle sur un taux d'invalidité de 100 % (ch. II du dispositif), dit que les arrérages des rentes mensuelles échues de mars 2003 à février 2007 inclusivement portaient intérêt au taux de 5 % l'an dès le 19 mars 2007, les rentes mensuelles échues dès mars 2007 inclusivement devant porter intérêt au taux de 5 % l'an dès le premier jour du mois suivant celui de l'échéance, pour chaque mensualité (ch. III du dispositif). C. Le Fonds de Pensions X.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont il demande l'annulation, en concluant à l'octroi à R.________ d'une rente d'invalidité minimale selon la LPP fondée sur un taux d'invalidité de 100 % à compter du 1er mars 2003. A titre subsidiaire, il requiert le renvoi de la cause à l'instance inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. R.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1. La deuxième Cour de droit social du Tribunal fédéral est compétente pour connaître d'un recours en matière de droit public dans le domaine de la prévoyance professionnelle (art. 73 LPP et art. 35 let. e du Règlement du Tribunal fédéral du 20 novembre 2006). 2. Le recours en matière de droit public (art. 82 s. LTF) peut être formé pour violation du droit selon l'art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et peut rectifier ou compléter d'office les constatations de celle-ci si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Lorsqu'il s'agit en particulier de prestations de la prévoyance professionnelle, il examine en principe librement les statuts et règlements d'institutions de prévoyance ou de fondation de libre passage de droit privé, en tant que contenu préformé du contrat de prévoyance (voir aussi ATF 134 V 199 consid. 1.2 p. 200; SVR 2006 BVG Nr. 21 p. 81 consid. 2 [non publié aux ATF 132 V 149]). 3. Le recourant conclut à l'annulation du jugement attaqué. Toutefois, il ne remet pas en cause le ch. III du dispositif, relatif aux arrérages des rentes échues de mars 2003 à février 2007 et aux rentes échues dès mars 2007. En revanche, il a pris des conclusions tendant à l'octroi à l'intimé d'une rente d'invalidité minimale selon la LPP fondée sur un taux d'invalidité de 100 % à compter du 1er mars 2003. Celles-ci sont recevables. Il résulte de ces conclusions que le ch. II du dispositif du jugement attaqué est remis en cause uniquement en ce qui concerne le point de savoir si les conditions du droit à une pension d'invalidité de la prévoyance plus étendue (art. 49 al. 2 LPP) sont réalisées. 3.1 En matière de prévoyance plus étendue, il est loisible aux institutions de prévoyance, en vertu de l'autonomie que leur confère l'art. 49 al. 2 LPP, d'adopter dans leurs statuts ou règlements une notion de l'invalidité différente que dans l'assurance-invalidité. C'est ainsi qu'elles peuvent accorder des prestations à des conditions moins strictes que dans l'assurance-invalidité (ATF 123 V 269 consid. 2d p. 273, 115 V 208 consid. 2b p. 211 et 215 consid. 4b p. 219). Si l'institution de prévoyance adopte une définition de l'invalidité qui ne concorde pas avec celle de l'assurance-invalidité, il lui appartient de statuer librement, selon ses propres règles, sans être liée par l'estimation de cette dernière (ATF 115 V 215 consid. 4c p. 220). 3.2 La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l'art. 49 al. 2 LPP n'implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu'elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d'évaluation, elles doivent se conformer, dans l'application des critères retenus, aux conceptions de l'assurance sociale ou aux principes généraux (voir par exemple, en ce qui concerne la notion de l'invalidité, ATF 120 V 106 consid. 3c p. 108, ou en ce qui concerne la notion de l'événement assuré, RSAS 1997 p. 560 consid. 4a). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d'une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d'assurance (arrêt B 146/06 du 3 décembre 2007). 4. Le litige porte sur le droit éventuel de l'intimé à une rente d'invalidité en vertu du règlement de prévoyance. 4.1 L'art. 8.1 du règlement du Fonds de Pensions X.________ prévoit, dans sa phrase introductive, qu'en cas d'incapacité de travail permanente, constatée durant la période d'affiliation du Membre au Fonds, due à un accident ou une maladie, le Fonds octroie - après consultation de son médecin conseil et d'entente avec l'employeur - une pension d'invalidité. 4.2 Les premiers juges ont interprété cette disposition réglementaire à la lumière de l'art. 23 LPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004). Selon eux, elle ne fait que reprendre la jurisprudence issue de l'interprétation littérale de l'art. 23 LPP, selon laquelle c'est l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité qui fonde la responsabilité de l'institution de prévoyance, et cela sans égard au moment où cette incapacité a été constatée. 4.3 Contestant l'interprétation de la juridiction cantonale, le recourant fait valoir que la disposition réglementaire diffère de la définition de l'invalidité au sens de l'AI, dans la mesure où elle exige que l'incapacité de travail soit permanente et qu'elle ait été constatée durant la période d'affiliation du membre au Fonds de Pensions. Ainsi, le moment où elle a été constatée est déterminant pour le droit à une pension d'invalidité de la prévoyance plus étendue. 4.4 L'analyse purement textuelle de l'art. 8.1 du règlement de prévoyance du recourant ne va pas dans le sens retenu par les premiers juges. En effet, interprétée selon les règles générales qui sont applicables pour interpréter les contrats (ATF 132 V 149 consid. 5 p. 150, 286 consid. 3.2.1 p. 292 s. et les références), cette règle prévoit que le risque assuré dépend d'une incapacité de travail "qualifiée", puisque celle-ci doit être permanente et constatée durant la période d'affiliation de l'assuré. Il s'agit d'une solution plus restrictive que celle prévue par la loi, selon laquelle il suffit que l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité soit survenue pendant la période d'assurance (art. 23 LPP). La disposition réglementaire ne reprend pas la définition de l'invalidité de la LAI, puisque le droit aux prestations de la prévoyance plus étendue dépend (uniquement) d'une incapacité de travail permanente (et constatée durant l'affiliation), et non pas d'une incapacité de gain (permanente ou de longue durée), les répercussions de l'incapacité de travail sur les possibilités de gain de l'assuré n'étant ainsi pas déterminantes pour l'invalidité au sens du règlement. L'argumentation des premiers juges fondée sur la force contraignante de l'appréciation de l'office AI pour l'institution de prévoyance ayant repris la définition de l'invalidité de l'assurance-invalidité n'est donc pas pertinente. Cette clause n'a rien d'insolite ni d'inhabituel (ATF 122 V 142 consid. 4c p. 146 et les références). Une baisse de rendement doit se manifester au regard du droit du travail et avoir été remarquée par l'employeur. Une incapacité de travail médico-théorique qui n'a été constatée que des années après ne suffit pas (arrêt B 13/01 du 5 février 2003 [SZS 2003 p. 434]; voir aussi MARC HÜRZELER, Invaliditätsproblematiken in der beruflichen Vorsorge: unter Berücksichtigung ihrer Stellung im Sozialversicherungs- und Schadenausgleichsystem, thèse Bâle 2005, p. 142 s.). 4.5 Les premiers juges ont retenu que l'affection invalidante s'était déclarée en mars 2002, soit durant la période d'affiliation de l'intimé au recourant, et qu'il y avait connexité tant matérielle que temporelle entre l'invalidité au sens légal depuis le 1er mars 2003 et l'incapacité de travail survenue en mars 2002. Ils ont admis que l'exigence réglementaire d'une incapacité de travail permanente, constatée durant la période d'affiliation du membre, était réalisée attendu que comme cela ressortait du dossier, c'était pour des raisons médicales que l'intimé avait dû cesser son activité professionnelle et que le recourant le savait. Le recourant conteste que la clause d'une incapacité de travail permanente, constatée durant la période d'affiliation du membre, soit remplie. Remettant en cause l'appréciation des preuves par l'autorité de première instance, il nie avoir su que l'intimé avait mis fin à son contrat de travail pour des raisons médicales. Il ressort du dossier qu'au moment de la résiliation des rapports de travail avec son employeur, le 27 mars 2002, l'intimé présentait une incapacité de travail depuis le 19 mars 2002, dont la présence a été attestée jusqu'au 18 avril 2002 par le docteur B.________, spécialiste FMH en médecine générale (certificat médical du 11 avril 2002). Selon un certificat médical du docteur O.________ du 22 mai 2002, il avait été dans l'obligation d'interrompre son activité professionnelle pour raison médicale et présentait une incapacité de travail de 100 % du 9 avril au 31 mai 2002. Ces documents attestent une incapacité de travail limitée dans le temps. C'est après le 31 mai 2002, toutefois, que l'incapacité de travail survenue en mars 2002 a été qualifiée de permanente. Il n'y a donc pas, en l'espèce, de cas d'incapacité de travail permanente, constatée durant la période d'affiliation du membre. A la suite de la décision de rente de l'office AI du 3 novembre 2004, le recourant s'est adressé à X.________ SA pour obtenir de plus amples renseignements. C'est seulement à ce moment-là qu'il a appris que durant la période de travail allant du 1er janvier 2001 au 31 mai 2002, l'intimé avait effectivement eu quelques absences pour raisons médicales, qualifiées cependant de courte durée, à savoir entre quelques jours et moins de deux mois (lettre du 12 août 2005). La condition d'assurance sous l'angle de la prévoyance plus étendue n'est dès lors pas remplie. L'intimé ne peut donc prétendre une rente d'invalidité au titre de l'art. 8.1 du règlement de prévoyance du recourant. Le recours est bien fondé. 5. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 68 al. 1 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est admis en ce sens que le ch. II du dispositif du jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 16 novembre 2007 est réformé en ce sens que le Fonds de Pensions X.________ n'est pas débiteur de R.________ d'une rente d'invalidité de la prévoyance plus étendue. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 9 octobre 2008 Au nom de la IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral suisse p. le Président: Le Greffier: Borella Wagner