{T 1/2} 5A_483/2008 / frs Arrêt du 29 août 2008 IIe Cour de droit civil Composition M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Hohl et Jacquemoud-Rossari. Greffière: Mme de Poret. Parties Roberts Flight Information Region, recourante, représentée par Me Jean-Charles Lopez, avocat, contre Novel Commodities SA, intimée, représentée par Me Karim Khoury, avocat, Office des poursuites de Genève, rue du Stand 46, case postale 208, 1211 Genève 8. Objet séquestre, recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève du 4 juillet 2008. Faits: A. A.a La société Novel Commodities SA (ci-après Novel) dispose d'une créance contre la République de Guinée d'un montant de 2'009'055 fr. 34 en vertu d'une décision du Tribunal arbitral de la Grain and Feed Trade Association (GAFTA), rendue le 27 mai 2005. A.b Se fondant sur cette créance, Novel a déposé une première requête de séquestre portant sur les avoirs et biens (taxes de survol) encaissés par l'International Air Transport Association (IATA) pour le compte de la République de Guinée. Le séquestre a été ordonné par le Tribunal de première instance du canton de Genève le 4 septembre 2006 et a été exécuté le jour même. Le séquestre a porté à concurrence de la somme de US$ 703'070,33. Roberts Flight International Region (ci-après Roberts FIR) a fait opposition au séquestre, se prétendant propriétaire des biens séquestrés. La procédure d'opposition a donné lieu à l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 29 août 2007 (Arrêt 5A_156/2007), puis à l'arrêt rendu le 13 décembre 2007 par la Cour de justice genevoise. Cette dernière décision a admis la validité du séquestre et rejeté l'opposition formée par Roberts FIR, celle-ci n'ayant pas été en mesure d'apporter la preuve de son droit de propriété sur les biens séquestrés. B. Le 27 février 2008, Novel a requis du Tribunal de première instance un second séquestre, portant sur les redevances (taxes de survol) échues depuis le premier séquestre, ainsi que sur celles qui viendraient à échoir postérieurement, redevances toutes collectées par IATA en faveur de Roberts FIR, mais pour le compte de la République de Guinée. Ce séquestre a été exécuté par l'office des poursuites le même jour. Le 4 avril 2008, statuant sur demande de Novel, l'office des poursuites a refusé d'ordonner à IATA de révéler la portée du séquestre, sous les menaces de l'art. 324 ch. 5 CP. Novel a alors porté plainte contre cette décision auprès de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites (ci-après la Commission de surveillance) le 18 avril 2008. Cette cause est toujours pendante à ce jour. De son côté, le 10 avril 2008, Roberts FIR a elle aussi déposé plainte à la Commission de surveillance. Se déclarant propriétaire des biens séquestrés, Roberts FIR invoquait ne pas être concernée par la créance de Novel, et par conséquent, par le séquestre. Elle indiquait également que la saisie violait l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP du fait qu'elle était une organisation internationale et que la détermination de la valeur légale suisse violait l'art. 67 al. 1 ch. 3 LP. Parallèlement, Roberts FIR a formé opposition au second séquestre devant le Tribunal de première instance au motif, notamment, que le séquestre ne pouvait porter sur des créances futures. Cette procédure est actuellement encore pendante. Le 4 juillet 2008, la Commission de surveillance a rejeté la plainte déposée le 10 avril 2008 par Roberts FIR. C. Roberts FIR exerce un recours en matière civile contre cette dernière décision. Il conclut notamment à son annulation, à la révocation du séquestre ainsi qu'à sa levée immédiate. A l'appui de son recours, Roberts FIR invoque sa propriété unique et exclusive sur les avoirs séquestrés. Se fondant sur son statut d'organisation internationale bénéficiant de l'immunité de juridiction et d'exécution, elle en déduit que les biens séquestrés sont insaisissables au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP. Roberts FIR affirme par ailleurs qu'en tant qu'elle considère que les redevances perçues relèveraient du droit privé et que les avoirs séquestrés seraient propriété de la République de Guinée, la décision de l'autorité cantonale serait arbitraire. L'intimée n'a pas été invitée à présenter d'observations. Considérant en droit: 1. La décision, rendue par une autorité cantonale de surveillance dans le cadre de l'exécution du séquestre, est une décision en matière de poursuite pour dettes et de faillite, sujette au recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF), indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). Elle est finale au sens de l'art. 90 LTF, car elle met fin à la procédure d'exécution du séquestre. La décision attaquée a été prise par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) et le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, a un intérêt juridique à la modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1 LTF). Interjeté en temps utile (art. 46 al. 2 et 100 al. 2 let. a LTF), le recours est donc recevable en principe. 2. A l'instar de l'ordonnance de séquestre rendue par le juge (art. 272 et 274 LP), sur laquelle elle se fonde, la décision d'exécution du séquestre (art. 275 LP) doit être considérée comme une saisie provisoire pour la durée de la procédure de validation du séquestre et donc comme une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 589 consid. 1). En vertu de cette dernière disposition, seule peut dès lors être invoquée la violation des droits constitutionnels. 3. La Commission de surveillance a considéré qu'au vu de ses conclusions, la plainte était dirigée contre l'ordonnance de séquestre du Tribunal de première instance. Dans cette mesure, elle était irrecevable. La Commission de surveillance a en effet estimé que les griefs relatifs à l'ordonnance de séquestre proprement dite ne s'examinaient que par le biais d'une opposition au séquestre au sens de l'art. 278 LP. S'agissant de la prétendue violation de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP, la Commission de surveillance a jugé que les biens séquestrés étaient saisissables. Les redevances prélevées, à supposer qu'elles se rattachent à la compétence souveraine d'un Etat, relevaient en l'espèce du droit privé au vu de leur affectation. La Commission de surveillance avait d'ailleurs précédemment jugé en ce sens par décision du 30 novembre 2006. Elle a enfin relevé qu'il ressortait de la procédure liée à la première opposition à séquestre que les avoirs séquestrés n'étaient pas la propriété de Roberts FIR: celle-ci avait en effet été déboutée de son opposition et de son action en revendication. 4. Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale (cf. ATF 133 III 545 consid. 2.2). Il peut donc admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 133 III 545 consid. 2.2; 130 III 136 consid. 1.4 in fine; 297 consid. 3.1). Dans le cas particulier d'un recours formé contre une décision portant sur une mesure provisionnelle, le Tribunal fédéral dispose cependant d'un pouvoir d'examen limité (art. 98 LTF). Le Tribunal fédéral ne peut dès lors procéder à une substitution de motifs que pour autant que la nouvelle motivation n'ait pas expressément été réfutée par l'autorité cantonale et qu'elle résiste, à son tour, au grief de violation des droits constitutionnels (ATF 128 III 4 consid. 4/aa; 112 Ia 353 cons. 3c/bb). 5. 5.1 Le séquestre ne peut être ordonné que si les biens à séquestrer appartiennent effectivement au débiteur (art. 272 al. 1 ch. 3 LP). Celui-ci ne répond en principe de ses obligations que sur les biens qui lui appartiennent (ATF 105 III 107 consid. 3; arrêt 5A_144/2008 du 11 avril 2008, consid. 3.3). Lors de l'adoption de l'art. 272 al. 1 ch. 3 LP, le législateur a cependant voulu que, comme sous l'empire de l'ancien droit, le créancier puisse aussi faire séquestrer des biens au nom ou en possession d'un tiers, s'il rend vraisemblable que ces biens appartiennent en réalité au débiteur (Arrêt 5A_144/2008 du 11 avril 2008, consid. 3.3). Le séquestre est une mesure conservatoire urgente, qui a pour but d'éviter que le débiteur ne dispose de ses biens pour les soustraire à la poursuite pendante ou future de son créancier (ATF 116 III 111 consid. 3a; 107 III 33 consid. 2). Le juge du séquestre statue en se basant sur la simple vraisemblance des faits; il ne doit pas trancher de manière définitive la question de la titularité des biens dont le séquestre est demandé. 5.2 L'ordonnance de séquestre du juge (at. 272 et 274 LP) doit être entreprise par la voie de l'opposition (art. 278 al. 1 LP). La décision rendue peut ensuite faire l'objet d'un recours cantonal (art. 278 al. 3 LP), puis d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a et 74 al. 2 let. c LTF). Le tiers qui prétend disposer de droits propres, comme la propriété des biens ou la titularité de la créance qui sont l'objet du séquestre, a qualité pour former opposition (Hans Reiser, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, SchkG III, n. 22 ad art. 278 LP; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire LP, vol. IV, n. 70 ad art. 278 LP). De son côté, l'office des poursuites exécute l'ordonnance de séquestre (art. 275 LP). Plainte peut être déposée contre sa décision à l'autorité de surveillance (art. 17 sv. LP) et un recours en matière civile pourra ensuite être exercé contre la décision de dernière autorité cantonale (art. 72 al. 2 let a et 74 al. 2 let. c LTF). Le tiers a lui aussi qualité pour porter plainte. 5.3 Les conditions de fond du séquestre, en particulier l'existence de biens appartenant au débiteur (art. 272 al. 1 ch. 3 LP), sont contrôlées par le juge, dans la procédure d'opposition. Les compétences de l'office des poursuites et des autorités de surveillance sont, elles, limitées aux mesures proprement dites d'exécution du séquestre ainsi qu'au contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre (Walter Stoffel/Isabelle Chabloz, Commentaire romand LP, n. 10 ad art. 275 LP). Ce pouvoir d'examen entre en effet par définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de nullité (Bertrand Reeb, Les mesures provisoires dans la procédure de poursuite, in RDS 1997 II p. 489). Tel pourrait être le cas si l'ordonnance ne désigne pas les biens à séquestrer avec suffisamment de précision ou qu'elle ne contient pas toutes les informations requises par l'art. 274 LP. L'office ne pourra pas non plus exécuter une ordonnance rendue par un juge manifestement incompétent et devra également respecter les dispositions en matière de saisie (art. 92 à 106 LP) (ATF 129 III 203 consid. 2.3; Walter Stoffel/Isabelle Chabloz, op. cit., n. 11 ad art. 275 LP). Il n'appartient donc ni à l'office, ni aux autorités de surveillance de se prononcer sur la propriété des biens ou la titularité des créances. Si le juge a admis le séquestre et qu'il le confirme sur opposition en se fondant sur le fait que les biens appartiennent vraisemblablement au débiteur, le tiers devra faire valoir ses droits dans la procédure de revendication (art. 106-109 LP; Walter Stoffel/Isabelle Chabloz, op. cit., n. 28 ad art. 272 LP; Pierre-Robert Gilliéron, op. cit., n. 87 ad art. 278 LP). 6. En l'espèce, la recourante fait tout d'abord valoir qu'elle est l'unique et exclusive propriétaire des avoirs séquestrés et que, par conséquent, les biens n'appartiennent pas à la République de Guinée, prétendue débitrice de l'intimée. La Commission de surveillance a admis que les avoirs séquestrés étaient la propriété de la République de Guinée, se référant aux décisions et arrêts rendus au cours de la procédure relative à la première demande de séquestre, procédure au terme de laquelle la recourante a été déboutée de son opposition. La Commission a ainsi tranché, à tort, une question qui relève du fond et qui échappe dès lors à sa compétence. Les deux autres griefs formulés par la recourante, à savoir sa propre qualité d'organisation internationale bénéficiant de l'immunité de juridiction et d'exécution et l'insaisissabilité de ses biens au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP, présupposent qu'elle soit propriétaire des avoirs perçus par l'intermédiaire de IATA. Ils sont donc sans objet. Dans la mesure où la Commission de surveillance a rejeté la plainte et que, partant, l'exécution du séquestre par l'office est maintenu, le Tribunal fédéral peut se limiter à rejeter le présent recours. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des poursuites de Genève et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève. Lausanne, le 29 août 2008 Au nom de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Raselli de Poret