{T 0/2} 5A_265/2008 / frs Arrêt du 18 août 2008 IIe Cour de droit civil Composition MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Hohl et Zappelli, suppléant. Greffière: Mme Jordan. Parties X.________, (époux), recourant, représenté par Me Danièle Mooser, avocate, contre dame X.________, (épouse), intimée, représentée par Me Alain Gautschi, avocat, Objet mesures provisionnelles selon l'art. 137 CC, recours contre l'arrêt du Tribunal civil de la Gruyère du 25 février 2008. Faits: A. Les époux X.________ se sont mariés le 27 avril 1990. Ils ont eu trois enfants: A.________, née le 18 février 1991, B.________, né le 4 février 1993, et C.________, né le 11 novembre 2001. B. Dame X.________ a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale le 22 septembre 2006. A l'audience du 13 décembre suivant, les parties ont toutes les deux conclu au divorce. Au vu de ces nouvelles conclusions, la procédure de mesures protectrices s'est transformée en une procédure de divorce, les mémoires déposés jusqu'alors valant échange d'écritures au stade des mesures provisionnelles, sous réserve des conclusions modifiées en séance, en particulier celles de dame X.________ tendant à l'allocation en sa faveur d'une contribution mensuelle d'un "montant à préciser (...) mais au minimum de 1'500 fr.". Le 15 mars 2007, dame X.________ a déposé une demande en divorce. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 23 avril 2007, le Président du Tribunal civil de la Gruyère, prenant acte de l'engagement du mari de verser le montant mensuel de 1'253 fr. représentant les charges liées au logement familial, a notamment confié la garde et l'entretien des enfants à dame X.________ et condamné X.________ à payer en faveur de chacun de ses enfants 1'250 fr. par mois, allocations familiales en sus, et en faveur de sa femme 2'275 fr. du 1er mai au 30 septembre 2006, puis 2'145 fr. dès le 1er octobre 2006, motif pris que, dès cette date, l'intéressée avait fait ménage commun avec son ami. Par arrêt du 25 février 2008, le Tribunal civil de la Gruyère a rejeté le recours formé par X.________ contre les montants alloués à son épouse. C. X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à l'allocation en faveur de sa femme d'une contribution d'entretien de 1'500 fr. du 1er mai au 30 septembre 2006 et de 260 fr. dès le 1er octobre 2006. L'intimée propose l'irrecevabilité du recours, subsidiairement son rejet dans la mesure de sa recevabilité. L'autorité cantonale renonce à formuler des observations. Considérant en droit: 1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 I 206 consid. 2 p. 210; 132 III 747 consid. 4 p. 748). 1.1 Le recours est dirigé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF; art. 376 al. 1 du Code du 28 avril 1953 de procédure civile du canton de Fribourg (CPC/FR; RSF 270.1) en relation avec l'art. 48 de la loi du 22 novembre 1911 d'application du Code civil (LACC; RSF 210.1); RFJ 2000 p. 284 (287)) et qui met fin à la procédure de mesures provisionnelles (art. 90 LTF; ATF 134 III 426 consid. 2.2 p. 431/432 et la jurisprudence citée). Comme seule est en cause la contribution à l'entretien de l'épouse, on se trouve en présence d'une contestation de nature pécuniaire. Eu égard à la durée incertaine des mesures provisoires, la valeur litigieuse nécessaire, soit 30'000 fr., est atteinte (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF). Le recours en matière civile est dès lors recevable. 1.2 S'agissant d'une décision en matière de mesures provisionnelles, le recours ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF). Abstraction faite de certaines hypothèses non réalisées en l'espèce, le Tribunal fédéral n'examine que si la décision attaquée viole l'interdiction de l'arbitraire prévue à l'art. 9 Cst., soit parce qu'elle applique le droit civil matériel d'une manière arbitraire, soit parce qu'elle repose sur des constatations de fait arbitraires. Lorsque le recourant se plaint de la violation de droits fondamentaux, il doit satisfaire au principe d'allégation; le Tribunal fédéral ne connaît en effet de la violation de tels droits que si le grief a été dûment invoqué et motivé (art. 106 al. 2 LTF), les exigences de motivation correspondant à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254; 133 III 393 consid. 6 p. 397). En outre, la décision attaquée n'est annulée que si elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et les arrêts cités). Plus particulièrement, le recourant qui se plaint d'arbitraire ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours dispose d'une libre cognition; il ne saurait notamment se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision est fondée sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 133 III 585 consid. 4.1 p. 589; cf. pour l'art. 90 al. 1 let. b OJ: ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262 et les références). 2. Le recourant reproche au Tribunal civil de la Gruyère d'avoir arbitrairement jugé que son Président n'avait pas statué ultra petita, en violation de l'art. 4 al. 1 CPC/FR, en allouant à sa femme une contribution d'entretien de 2'275 fr. dès le 1er mai jusqu'au 30 septembre 2006 et de 2'145 fr. par la suite, alors même que l'intéressée avait conclu à l'octroi d'une "pension d'un montant à préciser (...) mais au minimum de 1'500 fr." 2.1 En résumé, l'autorité cantonale a jugé que le principe de disposition posé à l'art. 4 al. 1 CPC/FR ne s'appliquait pas aux mesures provisoires de l'art. 137 CC. Celles-ci, à l'instar de la procédure en annulation du mariage, en séparation de corps et de divorce, étaient soumises à la maxime d'office. A cet égard, la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle, au regard de l'art. 55 al. 1 let. b OJ, les conclusions visant au paiement d'un montant à fixer par le Tribunal, mais d'au moins tant, ne sont recevables que pour le montant minimum indiqué, n'était pas pertinente, dès lors qu'elle visait un cas où le principe de disposition s'appliquait pleinement. En l'espèce, il fallait comprendre que l'épouse demandait une pension d'au moins 1'500 fr., chef de conclusions sur lequel le premier juge était autorisé à statuer en vertu de la maxime d'office, sans être lié par le minimum indiqué. 2.2 A ces considérations, le recourant oppose, plus particulièrement, que la maxime d'office s'applique seulement lorsque sont en jeu le principe même du divorce, les contributions en faveur des enfants mineurs, le partage des prestations de libre passage, à l'exclusion des aliments dus au conjoint. En jugeant que cette dernière question était soumise à la maxime d'office et que, partant, le premier juge pouvait allouer une contribution d'un montant supérieur aux conclusions chiffrées de l'épouse, l'autorité cantonale aurait versé dans l'arbitraire. 2.3 Selon l'art. 137 al. 2 CC, chaque époux peut demander au juge d'ordonner les mesures provisoires nécessaires pendant la procédure de divorce; les dispositions régissant la protection de l'union conjugale sont applicables par analogie. En vertu de l'art. 176 CC, relatif à l'organisation de la vie séparée, à la requête d'un des conjoints, le juge fixe la contribution pécuniaire à verser par l'une des parties à l'autre (al. 1 ch. 1). Contrairement aux mesures concernant les enfants - qu'il ordonne d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176 al. 3 CC en relation avec l'art. 276 al. 2 CC), sans être lié par les conclusions des parties conformément à la maxime d'office (Offizialmaxime) -, il statue en la matière en étant limité par les conclusions des parties en vertu du principe de disposition (Dispositionsgrundsatz) (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1 p. 420; 128 III 411 consid. 3.2.2. p. 414 et les références). Le droit cantonal ne dit pas autre chose. D'après l'art. 48 al. 2 LACC, les mesures provisoires concernant les enfants sont prises d'office. Elles sont ainsi régies par la maxime d'office (Offizialmaxime). Le code de procédure civile, qui s'applique pour le surplus en vertu du renvoi de l'art. 48 al. 1 LACC, ne pose pas de disposition semblable s'agissant des contributions dues au conjoint. En effet, l'art. 364 al. 3 CPC/FR, applicable aux mesures provisionnelles des art. 367 ss CPC/FR selon l'art. 370 CPC/FR, prévoit que le juge procède d'office aux constatations de fait nécessaires, même hors la présence des parties, soumettant ainsi la procédure uniquement à la maxime inquisitoire (Untersuchungsmaxime). S'agissant des conclusions, l'art. 361 CPC/FR renvoie, en l'absence d'une norme particulière, aux dispositions générales du code de procédure civile, partant à l'art. 4 CPC/FR, d'après lequel le juge est lié par les conclusions des parties et ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qu'elle demande, ni moins que ce que l'autre partie reconnaît, norme qui est l'expression même du principe de disposition. Cela étant, en considérant que le premier juge n'avait pas statué ultra petita en violation du principe de disposition, l'autorité cantonale est tombée dans l'arbitraire (art. 9 Cst.). Son arrêt doit dès lors être annulé et réformé, en ce sens qu'en modification de l'ordonnance du Président du Tribunal civil de la Gruyère, la contribution en faveur de l'épouse doit être fixée à 1'500 fr. par mois dès le 1er mai 2006, le recourant ne critiquant pas le point de départ des aliments. 3. Le recourant conclut aussi à ce que les aliments en faveur de sa femme soient réduits à 260 fr. par mois dès le 1er octobre 2006. Son écriture est toutefois dépourvue de toute motivation sur ce point (art. 42 al. 1 et 2 LTF). 4. En définitive, le recours doit être partiellement admis et l'arrêt attaqué annulé et réformé en ce sens qu'en modification du chiffre 5b du dispositif de l'ordonnance du 23 avril 2007 du Président du Tribunal civil de la Gruyère, l'époux contribuera à l'entretien de son épouse par le versement d'une pension mensuelle de 1'500 fr. dès le 1er mai 2006. Le recourant obtenant gain de cause partiellement, il se justifie de mettre les frais de justice pour un tiers à sa charge et pour deux tiers à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). Pour ce qui est des dépens, cette dernière versera au recourant une indemnité réduite fixée à 2'000 fr. (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Enfin, la cause sera renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est partiellement admis et l'arrêt du 25 février 2008 du Tribunal civil de la Gruyère est annulé et réformé comme suit: Le chiffre 5b du dispositif de l'ordonnance du 23 avril 2007 du Président du Tribunal civil de la Gruyère est modifié en ce sens que X.________ contribuera à l'entretien de son épouse par le versement d'une pension mensuelle de 1'500 fr. dès le 1er mai 2006. 2. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 3. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée pour 2'000 fr. et du recourant pour 1'000 fr. 4. Une indemnité réduite de 2'000 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée. 5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal civil de la Gruyère. Lausanne, le 18 août 2008 Au nom de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Raselli Jordan