{T 0/2} 1B_162/2008/col Arrêt du 13 août 2008 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz. Greffier: M. Parmelin. Parties A.________, recourant, représenté par Me Pierre de Preux, avocat, contre Procureur général de la République et canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3. Objet procédure pénale; récusation d'un expert, recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève du 21 mai 2008. Faits: A. Le 23 mars 2001, le Juge d'instruction du canton de Genève a notamment inculpé A.________ de gestion déloyale, de gestion déloyale des intérêts publics, de faux dans les titres et de faux renseignements sur des entreprises commerciales, à raison de sa participation à la révision externe de la banque X.________. Le 23 novembre 2003, le juge d'instruction a confié une mission d'expertise financière à un collège composé de B.________, C.________ et D.________, lequel a été ultérieurement remplacé par E.________. Les experts ont rendu leur rapport le 20 décembre 2006, rapport qui a été discuté contradictoirement aux audiences des 19, 20, 21, 22 et 23 mars 2007. Le 3 juillet 2007, le juge d'instruction a informé les parties qu'il entendait clore l'instruction préparatoire et communiquer la procédure au Procureur général de la République et canton de Genève dès qu'il aurait entendu les inculpés sur leur situation personnelle. Les recours formés contre cette décision ont été rejetés le 3 mars 2008 par la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève. A la fin de l'été 2007, l'un des associés de B.________ au sein de la société F.________, à Lausanne, G.________, s'est vu confier par l'Etat de Vaud, partie civile, un mandat d'expertise privée dans une procédure pénale instruite dans le canton de Vaud entre autres à l'encontre de A.________ à raison d'infractions de même nature prétendument commises au détriment de la banque Y.________. Il a rendu son rapport le 16 novembre 2007. Lors de son audition intervenue le 29 novembre 2007, il a déclaré avoir consacré environ 19 heures à la relecture du projet de rapport d'expertise établi le 20 décembre 2006 dans le cadre de la procédure pénale genevoise. Le 3 décembre 2007, A.________ a sollicité la récusation de l'expert B.________ et l'annulation du rapport d'expertise du 20 décembre 2006 ainsi que de tous les actes de procédure y relatifs. Il soutenait qu'en ne s'opposant pas au mandat d'expertise privé que l'Etat de Vaud avait confié à son associé G.________ dans le cadre d'une autre procédure pénale le concernant et portant sur un complexe de faits analogues, B.________ avait perdu l'apparence d'impartialité et d'indépendance requise d'un expert judiciaire. Le juge d'instruction a écarté la demande de récusation en date du 5 février 2008. La Chambre d'accusation a rejeté le recours formé contre cette décision par A.________ au terme d'une ordonnance rendue le 21 mai 2008. B. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette ordonnance, d'ordonner la récusation de l'expert B.________ et d'éliminer du dossier l'expertise ainsi que le procès-verbal du juge d'instruction concernant la discussion contradictoire de l'expertise. Il se plaint d'une violation de la garantie d'un procès équitable selon l'art. 29 al. 1 Cst. La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Procureur général conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Considérant en droit: 1. Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF RS 173.110), les décisions incidentes de dernière instance cantonale portant sur une demande de récusation d'un expert dans une cause pénale peuvent immédiatement faire l'objet d'un recours en matière pénale. L'accusé et auteur de la demande de récusation a qualité pour agir selon l'art. 81 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies. 2. Le recourant tient le refus de récuser l'expert judiciaire B.________ pour contraire à la garantie d'un procès équitable ancrée à l'art. 29 al. 1 Cst. 2.1 La récusation d'un expert ne s'examine pas au regard de l'art. 30 al. 1 Cst., car l'expert ne fait pas partie du tribunal, mais sous l'angle de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès (ATF 125 II 541 consid. 4a p. 544). Cette disposition assure au justiciable une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. s'agissant des exigences d'impartialité et d'indépendance requises d'un expert (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198). Les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (cf. ATF 134 I 20 consid. 4.2 p. 21 et les arrêts cités). 2.2 Le recourant estime que B.________ n'offrirait plus les garanties d'impartialité et d'indépendance pour fonctionner en qualité d'expert judiciaire étant donné que l'un de ses associés ayant collaboré à la réalisation de l'expertise établie le 20 décembre 2006 a accepté un mandat d'expert privé pour le compte de la partie civile dans une autre procédure pénale dans laquelle il est également inculpé. Le fait que G.________ a relu le projet de rapport, voire qu'il ait pris une part plus importante dans son élaboration n'est pas propre à faire apparaître B.________ comme prévenu à l'égard du recourant, dans la mesure où il est communément admis qu'un expert judiciaire recoure aux services de ses collaborateurs pour exécuter sa mission et établir son rapport (GÉRARD PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., Zurich 2006, n° 807, p. 511). Il importe dès lors peu de savoir quelles tâches G.________ a effectivement assumées dans l'établissement de l'expertise et une éventuelle constatation incomplète des faits à ce sujet serait sans incidence sur l'issue du litige (cf. art. 97 al. 1 LTF). Le fait qu'il ait accepté à titre personnel un mandat privé d'expert pour la partie civile dans une autre cause pénale pendante contre le recourant n'est pas davantage d'un point de vue objectif de nature à remettre en cause l'aptitude de B.________ à fonctionner comme expert judiciaire en toute impartialité et indépendance. L'acceptation de ce mandat est en effet postérieure au dépôt du rapport d'expertise par le collège d'experts et aux séances consacrées à l'audition contradictoire des experts devant le juge d'instruction. Elle n'est donc pas susceptible de remettre en cause le travail effectué jusqu'ici comme expert judiciaire par B.________ dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre le recourant dans le canton de Genève. La question de savoir si elle est de nature à susciter un doute fondé sur son impartialité et son indépendance pour le reste de la procédure, comme le prétend A.________, est prématurée. Il appartiendra, le cas échéant, aux juges du fond de l'examiner. En l'état de la procédure, le refus de récuser l'expert judiciaire B.________ et d'ordonner le retrait du dossier de l'expertise et des procès-verbaux d'audition y relatifs échappe donc au grief que le recourant pourrait tirer de l'art. 29 al. 1 Cst. 3. Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Procureur général et à la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève. Lausanne, le 13 août 2008 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier: Féraud Parmelin