{T 0/2} 5A_88/2008/frs Arrêt du 19 juin 2008 IIe Cour de droit civil Composition M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Jacquemoud-Rossari. Greffière: Mme Mairot. Parties S.________, (époux), recourant, représenté par Me Olivier Cramer, avocat, contre dame S.________, (épouse), intimée, représentée par Me Philippe Girod, avocat, Objet divorce, recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 14 décembre 2007. Faits: A. S.________, né le 5 novembre 1967, et dame S.________, née le 2 décembre 1962, se sont mariés le 25 juin 1999 à Onex en adoptant le régime de la séparation de biens. Un enfant, A.________, est issu de cette union le 23 octobre 2000 à Genève. Les époux se sont séparés le 31 octobre 2003. Des mesures protectrices de l'union conjugale ont été ordonnées le 22 décembre 2003 par le Tribunal de première instance de Genève, qui a attribué à la mère la garde de l'enfant et condamné le père à payer mensuellement en faveur de son fils, allocations familiales non comprises, une contribution d'entretien, indexée, d'un montant de 1'700 fr. B. Par jugements successifs des 14 septembre 2006, puis 14 décembre 2006, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux et a, entre autres dispositions, attribué les droits parentaux à la mère (I), condamné le père à verser, à titre de contribution à l'entretien de l'enfant, allocations familiales non comprises, la somme de 1'700 fr. jusqu'à l'âge de quinze ans, puis de 1'800 fr. de quinze ans à la majorité, voire au-delà, mais au plus tard jusqu'à vingt-cinq ans en cas d'études sérieuses et régulières ou de formation professionnelle suivie (III), indexation en sus (IV), enfin, ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties pendant le mariage, en ordonnant le transfert de 58'645 fr. au profit de l'épouse (V et VI). Statuant le 14 décembre 2007 sur appel de chacune des parties, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réformé le jugement de première instance en ce qui concerne la contribution à l'entretien de l'enfant, qu'elle a arrêtée à 1'300 fr. jusqu'à l'âge de dix ans, 1'500 fr. de dix à seize ans et 1'700 fr. de seize ans à la majorité, voire au-delà, mais jusqu'à vingt-cinq ans au plus tard, en cas d'études ou de formation, précisant que la contribution susmentionnée serait indexée dans la mesure prévue par le jugement; elle a par ailleurs condamné le mari à payer à l'épouse, jusqu'au 23 octobre 2016, une contribution d'entretien mensuelle après divorce de 300 fr., sans indexation. C. S.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt et conclut à son annulation en tant qu'il le condamne à s'acquitter d'une contribution d'entretien en faveur de l'épouse. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour enquêtes et nouvelle décision. L'intimée propose le rejet du recours. La Cour de justice s'est référée aux considérants de son arrêt. Considérant en droit: 1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 III 462 consid. 2 p. 465). 1.1 La décision concernant le divorce et ses effets accessoires est une décision en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Lorsque l'objet du recours est de nature pécuniaire - ce qui est le cas des questions relatives à l'entretien - la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions pécuniaires restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF); les revenus et les prestations périodiques ont la valeur du capital qu'ils représentent (art. 51 al. 4, 1ère phrase, LTF). Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance par la Cour de justice du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une cause de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est ouvert. 1.2 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (ATF 133 II 249 consid. 1.2.2 p. 252), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant conteste le montant des revenus et des charges respectifs des parties. Il est toutefois superflu d'examiner ces critiques, comme il sera vu ci-après (cf. infra, consid. 3). 1.3 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal ou à l'état de fait qu'il aura rectifié et complété conformément aux principes sus-exposés. Il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale (cf. ATF 130 III 297 consid. 3.1 p. 298/299); il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 133 III 249 consid. 1.4.1 p. 254; 130 III 136 consid. 1.4 in fine p. 140 et les références citées). Toutefois, compte tenu de l'obligation de motiver incombant au recourant en vertu de l'art. 42 al. 2 LTF (Begründungspflicht, obbligo di motivare), qui correspond à celle de l'art. 55 al. 1 let. c OJ (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287; Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4093), il n'examine pas toutes les questions juridiques qui peuvent se poser, mais seulement celles qui sont soulevées devant lui (cf. ATF 131 III 26 consid. 12.3 p. 32 et les arrêts cités). 2. Pour fonder sa décision d'octroi d'une contribution d'entretien post divorce à l'intimée, la cour cantonale a constaté qu'à la date du prononcé du divorce en septembre 2006, le mariage avait duré sept ans. Elle a relevé que si l'on ignorait le taux d'activité de l'intimée avant la naissance de l'enfant, cette dernière exerçait un emploi à 60% depuis lors. L'enfant étant âgé de sept ans, il ne pouvait être exigé d'elle qu'elle augmente son taux d'activité tant que celui-ci n'aurait pas atteint l'âge de seize ans révolus. Ainsi, même si elle était en mesure de couvrir ses propres charges par les revenus de son travail et de sa fortune et disposait d'un solde mensuel, le fait de conserver un taux d'activité réduit pour s'occuper de l'enfant impliquait qu'elle allait subir un déficit de prévoyance professionnelle, qui ne serait pas comblé par le partage des avoirs de prévoyance professionnelle en application de l'art. 122 CC. Une contribution d'entretien mensuelle devait ainsi lui être allouée après divorce au titre de complément de prévoyance, cela jusqu'au 23 octobre 2016, date à laquelle elle serait en mesure de reprendre une activité à plein temps. Pour fixer le montant de cette contribution, la cour cantonale a constaté que le recourant réalisait un salaire mensuel net de 9'294 fr. 60 versé treize fois l'an, soit un revenu moyen de 10'069 fr. 15, pour des charges alléguées de 5'764 fr. 70, ce qui lui laissait un solde mensuel de 4'304 fr. 45. Elle a retenu que l'intimée percevait un revenu mensuel net de 3'304 fr. auquel il convenait d'ajouter un revenu complémentaire de 550 fr. provenant du rendement de sa fortune mobilière. Son solde mensuel disponible s'élevait à 354 fr. 30, compte tenu de charges s'élevant à 3'499 fr. 70. Une contribution d'entretien mensuelle de 300 fr. devait ainsi lui être allouée au titre de complément de prévoyance jusqu'au 23 octobre 2016. 3. Le recourant reproche à la cour cantonale une violation de l'art. 125 CC, au motif que l'intimée est totalement indépendante financièrement et qu'elle ne subit aucun déficit de prévoyance. Selon lui, le versement d'une contribution la placerait dans une situation plus avantageuse qu'avant le mariage. 3.1 Aux termes de l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une contribution équitable. Cette disposition concrétise deux principes: d'une part, celui de l'indépendance économique des époux après le divorce qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir lui-même à ses propres besoins et, d'autre part, celui de la solidarité qui implique que les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage (art. 163 al. 2 CC), mais également les désavantages qui ont été occasionnés à l'un d'eux par le mariage et qui l'empêchent de pourvoir à son entretien. Dans son principe, comme dans son montant et sa durée, l'obligation d'entretien doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC (ATF 132 III 598 consid. 9.1 p. 600 et les arrêts cités). Lorsqu'il s'agit de fixer la contribution à l'entretien du conjoint dont la situation financière a été concrètement et durablement influencée par le mariage, l'art. 125 al. 1 CC prescrit de procéder en trois étapes (ATF 134 III 145 consid. 4 p. 146/147): il y a d'abord lieu de déterminer l'entretien convenable, après avoir constaté le niveau de vie des époux pendant le mariage; lorsque l'union conjugale a durablement marqué de son empreinte la situation de l'époux bénéficiaire, le principe est que le standard de vie choisi d'un commun accord doit être maintenu pour les deux parties dans la mesure où leur situation financière le permet (ATF 132 III 593 consid. 3.2 p. 594/595). Le standard de vie qui prévalait durant le mariage constitue également la limite supérieure de l'entretien convenable (ATF 129 III 7 consid. 3.1.1 p. 8/9). Il faut ensuite examiner dans quelle mesure chacun des époux peut financer lui-même son propre entretien; le principe selon lequel chaque conjoint doit subvenir lui-même à ses propres besoins après le divorce découle en effet de l'art. 125 al. 1 CC. S'il n'est pas possible ou que l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, et que son conjoint lui doit donc une contribution équitable, il faut dans un troisième temps évaluer la capacité de travail de celui-ci et arrêter une contribution d'entretien équitable; celle-ci se fonde sur le principe de solidarité (ATF 134 III 145 précité et les références mentionnées). 3.2 En l'espèce, la Cour de justice n'a pas examiné la question de l'éventuelle lacune de prévoyance de l'intimée, ni dans son principe, ni dans sa quotité, à la lumière des principes énoncés au considérant qui précède. Elle s'est limitée à affirmer que l'épouse subissait une telle lacune au seul motif que celle-ci travaillait à 60% en raison de la garde de l'enfant, lui allouant de ce fait un montant mensuel de 300 fr. L'autorité cantonale n'a pas davantage déterminé quel était le niveau de vie des époux durant la vie commune. Ainsi, l'arrêt entrepris ne contient pas les éléments qui permettraient d'établir si le montant de 300 fr. par mois alloué en guise de contribution d'entretien post divorce va au-delà de ce qui est nécessaire à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée pour l'intimée, ni s'il respecte ou non le train de vie antérieur. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de statuer lui-même sur le fond; il y a donc lieu d'annuler l'arrêt entrepris en tant qu'il condamne le recourant à payer à l'intimée une contribution d'entretien mensuelle de 300 fr. jusqu'au 23 octobre 2016 et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision à ce sujet (art. 107 al. 2 LTF). Sur le vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les autres griefs soulevés par le recourant. 4. Vu le sort du recours et l'issue encore incertaine du litige, il convient de répartir les frais judiciaires par moitié à la charge du recourant et par moitié à la charge de l'intimée et de compenser les dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu de modifier la répartition des frais et dépens de la procédure cantonale (cf. art. 67 et 68 al. 5 LTF), que la Cour de justice a compensés eu égard à la qualité des parties. Le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est partiellement admis, l'arrêt entrepris est annulé en tant qu'il condamne le recourant à payer à l'intimée une contribution d'entretien post divorce d'un montant de 300 fr. par mois jusqu'au 23 octobre 2016 et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis pour moitié à la charge du recourant et pour moitié à la charge de l'intimée. 3. Les dépens sont compensés. 4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 19 juin 2008 Au nom de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Raselli Mairot