{T 0/2} 5A_676/2007 Arrêt du 28 janvier 2008 IIe Cour de droit civil Composition MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl. Greffière: Mme Mairot. Parties Dame X.________, (épouse), recourante, représentée par Me Henri Leu, avocat, contre X.________, (époux), intimé, représenté par Me Nicolas Gagnebin, avocat, Objet divorce, recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 12 octobre 2007. Faits: A. X.________, né le 12 juillet 1959, et dame X.________, née le 25 mai 1960, se sont mariés en Thaïlande le 14 juillet 1986, sans conclure de contrat de mariage. Ils ont eu deux enfants: A.________, née le 17 décembre 1986, et B.________, née le 14 octobre 1989. L'épouse était alors déjà mère d'une fille, née le 5 août 1982 d'une précédente union. En 1996, les conjoints se sont établis à Genève avec leurs enfants. Ils ont mis un terme à leur vie commune en décembre 1999. Statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale le 14 décembre 2000, la Cour de justice du canton de Genève a, notamment, condamné le mari à contribuer à l'entretien de son épouse à hauteur de 1'250 fr. par mois. B. Par jugement du 28 novembre 2006, le Tribunal de première instance de Genève a, entre autres points, prononcé le divorce et condamné le mari à verser à l'épouse une contribution d'entretien, indexée, d'un montant de 2'000 fr. par mois jusqu'à ce que l'intéressée atteigne l'âge légal de la retraite. Chacune des parties a appelé de ce jugement. Entre autres chefs de conclusions, l'épouse a demandé que la contribution d'entretien soit portée à 3'000 fr. par mois, sans limite de temps. Le mari a offert de lui verser 1'250 fr. par mois pendant cinq ans à compter du prononcé de la décision cantonale. Par arrêt du 12 octobre 2007, la Cour de justice a, notamment, fixé la contribution d'entretien mensuellement due pour l'épouse à 3'000 fr. jusqu'au 1er janvier 2008, puis à 1'800 fr. jusqu'au 1er janvier 2015. L'autorité cantonale a par ailleurs compensé les dépens de première instance et d'appel, ceux-ci incluant un émolument complémentaire de 8'000 fr. à la charge du mari et de 2'000 fr. à celle de l'épouse. C. Contre cet arrêt, l'épouse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut, principalement, au versement d'une contribution d'entretien d'un montant de 3'000 fr. par mois sans limite de temps, avec effet rétroactif au jour du dépôt de la demande en divorce, et à la condamnation de l'intimé au paiement de tous les dépens cantonaux. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la Cour de justice pour complément du dossier et nouvelle décision dans le sens des considérants. L'intimé propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt entrepris. Dans ses observations, l'autorité cantonale admet que l'appel incident du mari aurait dû être déclaré irrecevable en raison du non-paiement des droits de greffe, de sorte qu'elle a, à tort, alloué à l'épouse une contribution d'entretien inférieure à 2'000 fr. par mois pour la période postérieure à 2008; partant, la question des dépens cantonaux devra être revue. En ce qui concerne le certificat médical dont la recourante affirme que la seconde page aurait été égarée par la Cour de justice, il paraît plus vraisemblable que l'intéressée ait omis de la produire dans la procédure cantonale, les pièces constituant les chargés des parties étant reliées matériellement entre elles. Considérant en droit: 1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 I 206 consid. 2 p. 210; 132 III 747 consid. 4 p. 748 et les arrêts cités). 1.1 Le recours, qui est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF, art. 74 al. 1 let. b LTF), est recevable au regard de ces dispositions. Il a de plus été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi (art. 42 LTF). 1.2 Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF; il peut donc être interjeté également pour violation des droits constitutionnels, qui font partie du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF. Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, spéc. p. 4133). 2. 2.1 Invoquant la violation de l'art. 9 Cst., la recourante reproche à la Cour de justice d'avoir déclaré recevable l'appel incident de l'intimé, alors que celui-ci n'a pas payé l'émolument y relatif. Elle se prévaut sur ce point de l'art. 3 al. 1 du règlement genevois fixant le tarif des greffes en matière civile du 9 avril 1997 (RTG/GE; RSG E 3 05.10) et de la jurisprudence rendue dans ce domaine. Elle ajoute que, comme la contribution d'entretien est soumise à la maxime des débats, l'autorité cantonale a violé ce principe et statué ultra petita en entrant en matière sur les conclusions de l'intimé tendant à une réduction de la rente fixée par le Tribunal de première instance. A l'appui de ce grief, elle produit copie d'un courrier recommandé du 26 avril que lui a adressé le greffe de la Cour de justice, mentionnant que "l'émolument de l'appel incident n'a pas été payé". Contrairement à ce que soutient l'intimé, ces critiques apparaissent suffisamment motivées (art. 106 al. 2 LTF). De plus, le Tribunal fédéral peut examiner si la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier si elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. supra, consid. 1.2). 2.2 En vertu de l'autonomie dont ils disposent en matière de procédure (art. 122 al. 2 Cst.), les cantons sont libres de définir les sanctions attachées aux conséquences d'un défaut de versement d'une avance de frais (ATF 104 Ia 105 consid. 4 p. 108/109). Le respect des délais et la sanction liée à leur inobservation sont réglés, en droit genevois, par les art. 31 et 32 LPC/GE. Aux termes de l'art. 31 al. 1 LPC/GE, le délai n'est considéré comme observé que si l'acte a été accompli avant son expiration. L'art. 32 LPC/GE prévoit que l'expiration du délai accordé par la loi pour l'exercice d'un droit en entraîne la déchéance. Cette dernière disposition s'applique également aux délais fixés par le juge (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, vol. I, n. 2 ad art. 32). L'art. 3 al. 1 RTG/GE reprend ce principe pour les avances d'émoluments de mise au rôle, en précisant expressément qu'ils sont perçus auprès de la partie demanderesse sous peine d'irrecevabilité de la demande; cette disposition est aussi applicable à l'appel, en vertu de l'art. 2 al. 2 RTG/GE (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., vol. I, n. 5 ad art. 72 et vol. II, n. 10 ad art. 300, avec les références). 2.3 En l'occurrence, la recourante a formé appel contre le jugement du Tribunal de première instance. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 1er mars 2007, l'intimé a conclu à ce que celle-ci soit déboutée et a formé appel incident. Or, la pièce produite par la recourante indique expressément, sous la rubrique "Remarque", que l'émolument de l'appel incident n'a pas été payé, ce que l'autorité cantonale reconnaît du reste dans ses observations. Dans ces conditions, c'est arbitrairement (art. 9 Cst.) que la Cour de justice est entrée en matière sur les conclusions du mari. Le moyen apparaît ainsi bien fondé. 3. La recourante fait aussi grief à l'autorité cantonale d'avoir affirmé qu'aucun certificat médical ne mentionnait qu'elle se trouvait actuellement incapable de travailler, tout en relevant que celui du 15 décembre 2006 était incomplet. Invoquant les art. 9 Cst., 8 et 125 CC, ainsi que 186 et 196 LPC/GE, elle soutient que les juges cantonaux ont fait preuve d'arbitraire, contrevenu au principe de la bonne foi et violé son droit à la preuve, en considérant qu'elle n'avait pas établi son incapacité de travail sans chercher à obtenir de son conseil une copie de la pièce en question, pourtant expressément citée dans ses écritures. 3.1 Selon l'arrêt entrepris, l'épouse n'a pas recouru contre une décision de l'Office cantonal de l'assurance invalidité du 15 mai 2006, refusant de lui accorder une rente au motif que son degré d'invalidité n'était que de 8,5% et que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle qu'elle exerçât une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. En appel, l'intéressée a allégué des faits nouveaux et produit deux certificats médicaux, des 15 et 20 décembre 2006, concernant son état de santé. Toutefois, aucun de ces documents ne mentionne qu'elle se trouverait actuellement incapable de travailler, de sorte que sa situation médicale ne fait pas obstacle à la reprise d'une activité lucrative. C'est le lieu de préciser que le certificat daté du 15 décembre 2006 paraît incomplet. En effet, l'appelante se réfère dans ses écritures à la page 2 de ce document, qui ne figure pas au dossier soumis à la Cour. De plus, l'Office cantonal de l'assurance invalidité a constaté qu'on pouvait raisonnablement exiger d'elle d'exercer une activité sans port de charges lourdes et permettant d'alterner les positions assises et debout, ce qui, pour les juges cantonaux, correspond pleinement à la dernière activité lucrative de l'intéressée, à savoir vendeuse dans une bijouterie. Par conséquent, sa réinsertion paraît, sous cet angle, hautement probable à moyen terme. 3.2 Sur la seconde page du certificat médical du 15 décembre 2006, produite par la recourante à l'appui de son recours en matière civile, le Docteur W.________ indique notamment ce qui suit: "Selon l'évolution durant les trois années de mon suivi, je peux certifier que la patiente présente une capacité de travail nulle dans son activité antérieure, à savoir comme vendeuse en bijouterie, la patiente ne pouvant pas se tenir debout de manière prolongée, ne pouvant pas adopter des position[s] de rotation de la nuque (par exemple au téléphone) et ne pouvant pas se concentrer en raison [sic] de manière optimale. Son attitude souriante et affable est parfois déconcertante et masque en grande partie une souffrance réelle et un état dépressif sous-jacent bien réel. Pour ces différentes raisons, la patiente bénéficie depuis le 20.05.2003 d'une incapacité de travail de 100% pour raison de maladie." Dès lors qu'elle a expressément constaté qu'elle ne disposait pas de l'intégralité de ce document, la Cour de justice ne pouvait, de bonne foi, affirmer qu'aucun certificat médical n'établissait l'incapacité de travail actuelle de l'épouse. En omettant d'interpeller le conseil de celle-ci à ce sujet pour lui permettre de verser au dossier une copie complète du certificat du 15 décembre 2006, l'autorité cantonale a empêché la recourante de prouver, par un moyen idoine, un fait pertinent pour la détermination de la contribution d'entretien. Par conséquent, le recours doit aussi être admis sur ce point. Contrairement à ce que prétend l'intimé, il importe peu que le droit de procédure prévoie ou non l'interpellation des parties dans un tel cas. De même, il ne résulte pas de l'arrêt entrepris que l'autorité cantonale aurait, par une appréciation anticipée des preuves supposée non arbitraire, refusé l'ouverture de probatoires au sujet de la capacité de travail de la recourante compte tenu de la décision rendue par l'assurance-invalidité. Enfin, les allégations de l'intimé selon lesquelles les contributions allouées à la recourante seraient excessives n'ont aucune pertinence, cette question n'ayant pas à être examinée ici. 4. Dans un dernier moyen, la recourante soutient que la Cour de justice ne pouvait la condamner à payer un émolument complémentaire de 2'000 fr. et devait mettre l'intégralité des dépens à la charge de l'intimé, l'appel incident formé par celui-ci étant irrecevable. Le recours étant admis quant à l'irrecevabilité de l'appel incident (cf. supra, consid. 2), il appartiendra à l'autorité cantonale de se prononcer à nouveau sur la question des dépens. Le grief devient ainsi sans pertinence. 5. En conclusion, le recours se révèle bien fondé et doit par conséquent être admis. Les frais judiciaires seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci versera en outre des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est admis et l'arrêt entrepris est annulé. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 3. Une indemnité de 3'000 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé. 4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 28 janvier 2008 Au nom de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Raselli Mairot