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27/12/2006 | SUISSE | N°6A.84/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 décembre 2006, 6A.84/2006


{T 0/2}6A.84/20066A.87/2006 /rod Arrêt du 27 décembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Wiprächtiger et Kolly.Greffier: M. Vallat. 6A.84/2006Service des automobiles et de la navigation,1014 Lausanne,recourant, et 6A.87/2006Office fédéral des routes Division circulation routière, 3003 Berne,recourant, contre X.________,intimé,Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014Lausanne. Retrait du permis de conduire, recours de droit administratif (6A.84/2006 et 6A.87/2006) contre l'arrêt duTribunal administratif du canton de Vaud du

21 septembre 2006. Faits : A.X. ________, né en 1955, est ...

{T 0/2}6A.84/20066A.87/2006 /rod Arrêt du 27 décembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Wiprächtiger et Kolly.Greffier: M. Vallat. 6A.84/2006Service des automobiles et de la navigation,1014 Lausanne,recourant, et 6A.87/2006Office fédéral des routes Division circulation routière, 3003 Berne,recourant, contre X.________,intimé,Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014Lausanne. Retrait du permis de conduire, recours de droit administratif (6A.84/2006 et 6A.87/2006) contre l'arrêt duTribunal administratif du canton de Vaud du 21 septembre 2006. Faits : A.X. ________, né en 1955, est titulaire du permis de conduire depuis 1974.Celui-ci lui a été retiré du 26 juillet au 25 août 2003, en raison d'un excèsde vitesse. Le 25 juillet 2005, vers 5h40, alors que X.________ circulait sur l'autorouteA1, en direction de Lausanne, à une vitesse de 80 à 90km/h, il a perdu lamaîtrise de son véhicule. Ce dernier a dévié vers la gauche, roulé sur labande herbeuse, percuté la glissière centrale de l'avant, effectué untête-à-queue et terminé sa course sur la voie de droite. Entendu par lapolice, X.________ a déclaré s'être probablement assoupi au volant. Il aégalement précisé que, parti de Narbonne vers 22 heures, il avait fait troisarrêts d'une heure environ pour se reposer, le dernier à proximité d'Orangevers 3 heures. Le rapport de police a constaté un état de surmenage. Par prononcé préfectoral du 26 août 2005, X.________ a été condamné à uneamende de 400 francs en application de l'art. 90 ch.1 LCR, pour avoircirculé en étant surmené et avoir perdu la maîtrise de son véhicule. Par décision du 18 avril 2006, le Service des automobiles et de la navigationdu canton de Vaud (SAN) a ordonné le retrait du permis de conduire deX.________, pour une durée de six mois. B.Saisi d'un recours de X.________, le Tribunal administratif du canton de Vauda, le 21 septembre 2006, réformé cette décision, ramenant la durée du retraitde permis à un mois. La cour cantonale a retenu que le recourant, malgré sesdénégations s'était bien endormi au volant, mais que sa faute n'apparaissaitque de gravité moyenne eu égard aux précautions prises avant et durant letrajet (sieste, pauses, etc.). C.Le SAN, d'une part, et l'Office fédéral des routes (OFROU), d'autre part,interjettent recours de droit administratif contre cet arrêt, concluant tousdeux à ce que la durée du retrait soit fixée à six mois. Le SAN requiert en outre que l'effet suspensif soit accordé à son recours. Invité à se déterminer, X.________ a implicitement conclu au rejet des deuxrecours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Les recours de droit administratif concernent les mêmes faits, portent surles mêmes questions juridiques et sont dirigés contre le même jugement, desorte qu'il se justifie de les réunir et de les traiter dans un seul arrêt. 2.Les décisions de dernière instance cantonale en matière de retrait de permisde conduire sont susceptibles de recours de droit administratif au Tribunalfédéral (art. 24 al. 2 LCR). Le recours peut être formé pour violation dudroit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties; iln'est en revanche pas lié par les motifs que les parties invoquent (art. 114al. 1 OJ). Saisi d'un recours d'une autorité fédérale habilitée à intervenirafin d'assurer l'application uniforme du droit fédéral, le Tribunal fédéralpeut, sans égard aux règles cantonales sur la reformatio in pejus, modifierla décision attaquée au détriment de l'intimé (art. 24 al. 5 let. c LCR; ATF119 Ib 154, consid. 2b, p. 157 et les références). 3.3.1Les faits déterminants se sont déroulés après l'entrée en vigueur, le 1erjanvier 2005, des dispositions modifiées de la LCR régissant le retraitd'admonestation du permis de conduire, si bien que la gravité de l'infractiondoit être qualifiée selon le nouveau droit (al. 1 des dispositionstransitoires de la modification de la loi fédérale sur la circulationroutière, du 14 décembre 2001; RO 2002 2781). 3.2 Conformément à l'art. 16c al. 1 let. a et c LCR, commet une infractiongrave la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, metsérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque (let. a)ainsi que celui qui conduit un véhicule automobile alors qu'elle estincapable de conduire du fait de l'absorption de stupéfiants ou demédicaments ou pour d'autres raisons (let. c). Par ailleurs, à teneur del'art. 31 al. 1 et 2 LCR, le conducteur devra rester constamment maître deson véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence.Toute personne qui n'a pas les capacités physiques et psychiques nécessairespour conduire un véhicule parce qu'elle est sous l'influence de l'alcool, destupéfiants, de médicaments ou pour d'autres raisons, est réputée incapablede conduire pendant cette période et doit s'en abstenir. Selon lajurisprudence rendue sous l'ancien droit (ATF 126 II 206 consid. 1a, spéc. p.208 s.), le fait de s'assoupir au volant constitue en règle générale unefaute grave. On peut en effet exclure que l'assoupissement du conducteur dontl'aptitude à conduire n'est pas réduite par d'autres facteurs que la fatigue,ait pu survenir sans être précédé de l'un ou l'autre des signesavant-coureurs de la fatigue reconnaissables par l'intéressé. Ces symptômestouchent notamment les yeux et la vue (paupières lourdes, troubles de la vue,irritation, difficultés à focaliser de manière convergente avec strabismemomentané et formation d'images doubles, etc.), l'état psychique (idéesvagabondes, somnolence, "hypnose de l'autoroute", indifférence, manque devolonté, anxiété, sursauts, absences les yeux ouverts), l'attitude corporellegénérale (bâillements, sécheresse buccale et soif, effroi accompagné desudation, perte inopinée du tonus musculaire) et la conduite (ralentissementdes réactions, manoeuvres sèches de l'embrayage et brusque des freins,passage des vitesses moins fréquents, louvoiement et perte de la sensation devitesse). Le fait que durant la phase d'assoupissement le véhicule poursuivesa trajectoire de manière non maîtrisée, au risque d'entrer en collision avecun obstacle ou un autre véhicule, constitue une mise en danger abstraiteaccrue de la sécurité. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a cependantlaissée ouverte la possibilité de retenir en faveur du conducteur descirconstances qui, concrètement, permettraient de s'écarter de ces principesen faisant apparaître comme moins grave la faute du conducteur qui s'estassoupi (consid. 1b, p. 209 s.).3.3 En l'espèce, la cour cantonale a vu de telles circonstances dans le faitque l'intimé avait pris diverses mesures pour éviter de s'endormir au volant.Elle a ainsi retenu qu'il avait fait une sieste avant de prendre la route etqu'il s'était arrêté plusieurs fois en chemin pour boire un café ou dormir unmoment, si bien que sa faute, qui apparaissait moins grave que celle duconducteur qui effectue un long trajet d'une seule traite sans prendre letemps de s'arrêter pour se reposer, pouvait encore être qualifiée demoyennement grave. L'OFROU objecte que les mesures de précautions prises par l'intimé n'étaientapparemment pas suffisantes pour éviter un assoupissement et que celui quientreprend un aussi long trajet que l'intimé, la nuit de surcroît doitprendre des mesures accrues. Selon le SAN le fait que l'intimé s'est arrêtéplusieurs fois en route pour boire des cafés démontrerait qu'il avaitsubjectivement et objectivement conscience de son état de fatigue. Lesrecourants soutiennent ainsi que la faute de l'intimé doit être qualifiée degrave. 3.4 Contrairement à l'opinion soutenue par le SAN, on ne saurait, sans risquede contradiction, déduire du seul fait qu'un automobiliste a effectué despauses régulières et consommé du café durant un long trajet qu'il avaitconscience d'un état de fatigue rendant la poursuite du trajet gravementfautive. Un tel raisonnement, qui tient du sophisme, aboutirait en effet,dans l'abstrait, à pouvoir imputer à tout automobiliste qui a pris desmesures de sécurité en elles-mêmes adéquates d'avoir poursuivi sa route dansun état physique et psychique non compatible avec la conduite d'un véhicule. Au sens de la jurisprudence précitée, la gravité de la faute reprochée auconducteur qui s'est endormi au volant tient à ce qu'il a poursuivi sa routemalgré la nécessaire apparition des signaux d'alerte physiques et psychiquesannonciateurs de l'assoupissement. Or, le fait d'avoir effectué des pausesrégulières, une sieste le cas échéant, ou encore d'avoir bu du café doitcertes endiguer, voire supprimer la fatigue. Il n'en demeure pas moins, dansla règle, que lorsque le conducteur s'est, en définitive, endormi malgré lesprécautions prises, son assoupissement n'a pu qu'être précédé des signesavant-coureurs du sommeil reconnaissables par l'intéressé. Aussi, lorsque leconducteur qui a pris de telles mesures s'endort au volant, on ne peut queconstater, comme le relève à juste titre l'OFROU, que les mesures prisesconcrètement n'étaient pas suffisantes pour endiguer la fatigue, empêcherl'apparition des signes avant-coureurs de l'assoupissement et permettre lapoursuite sans risque du trajet. Il s'ensuit que la faute du conducteur quipoursuit sa route dans ces conditions demeure grave malgré les précautionsprises qui peuvent, au demeurant, être exigées de tous les conducteurs quieffectuent de longs trajets. Par ailleurs, les précautions prises demeurentsans incidence sur l'appréciation de la gravité de la mise en danger dutrafic, qui résulte de la perte totale de maîtrise du véhicule aprèsl'assoupissement. Il s'ensuit qu'en l'espèce, contrairement à la solutionretenue par l'autorité cantonale, l'infraction reprochée au recourant doitêtre qualifiée de grave, sans qu'il soit, par ailleurs, nécessaire dedistinguer si ce cas relève de la lettre a ou de la lettre c de l'art. 16al.1 LCR. 4.Il convient encore d'examiner la sanction applicable à cette infractiongrave, compte tenu du fait que l'intimé a déjà subi un retrait de son permisde conduire du 26 juillet au 25 août 2003, en raison d'un excès de vitesse. 4.1 Conformément à l'alinéa 2 du ch. III (Dispositions transitoires) de lamodification de la LCR du 14 décembre 2001 (RO 2002 2781), les mesuresordonnées en vertu de l'ancien droit sont régies par ce dernier. Il s'agissait avec cette disposition de distinguer clairement entre lesprocédures soumises au nouveau et à l'ancien droit (BO CE 2000 223;intervention Hans Hess), en tenant compte du fait que lorsque des mesuresavaient été prononcées sous l'ancien droit, il n'était pas possible dedifférencier les infractions graves de celles qui ne l'étaient quemoyennement (Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loifédérale sur la circulation routière [LCR], du 31mars 1999; FF 1999 IV4149). Il s'ensuit, sous réserve de la question de la lex mitior qu'il n'estpas nécessaire d'examiner en l'espèce, qu'en principe, un antécédentsanctionné sous l'ancien droit n'entraîne pas la cascade des conséquencesprévue par le nouveau droit (art. 16c al. 2 LCR), comme l'exprime, audemeurant plus clairement le texte allemand de la disposition transitoire(Nach bisherigem Recht angeordnete Massnahmen werden nach bisherigem Rechtberücksichtigt), mais celles prévues par l'ancien droit (art. 17 al.1 let. caLCR). Selon cette dernière disposition, dont l'application n'est, du reste,pas plus défavorable en l'espèce à l'intimé que le nouveau droit (art. 16cal. 2 let. b LCR) la durée minimale du retrait sera de six mois au minimumnotamment si le permis doit être retiré pour cause d'infraction commise dansles deux ans depuis l'expiration du dernier retrait. 4.2 Il résulte de ce qui précède qu'en fixant à un mois la durée du retraitdu permis de conduire du recourant, la cour cantonale a violé le droitfédéral, si bien que les recours du SAN et de l'OFROU doivent être admis. 5.Lorsque le Tribunal fédéral annule la décision attaquée, il peut soit statuerlui-même sur le fond soit renvoyer l'affaire pour nouvelle décision àl'autorité intimée, voire à l'autorité qui a statué en première instance (cf.art. 114 al. 2 OJ). En l'espèce, il convient de prononcer le retraitd'admonestation du permis de conduire de l'intimé pour toutes les catégorieset sous-catégories, à l'exception des catégories spéciales F, G et M, pourune durée de six mois, le SAN étant invité à fixer à nouveau la date àlaquelle prend effet ce retrait. Au surplus, la cause est renvoyée àl'autorité cantonale pour ce qui concerne la répartition et le règlement desfrais et dépens de la procédure cantonale (cf. art. 157 et 159 al. 6 OJ). 6.L'intimé, qui succombe, supporte les frais de la procédure (art. 156 al.1OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux autorités recourantes (art.159 al. 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Les recours de droit administratifs sont admis et l'arrêt rendu le21septembre 2006 est annulé. 2.Il est prononcé un retrait d'admonestation du permis de conduire deX.________ pour une durée de six mois, pour toutes catégories et souscatégories, à l'exception des catégories spéciales F, G et M. 3.Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge de l'intimé. 4.La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Vaud en ce quiconcerne les frais et dépens de la procédure cantonale. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie au Service des automobiles et de lanavigation et à l'Office fédéral des routes Division circulation routière,ainsi qu'à l'intimé et au Tribunal administratif du canton de Vaud. Lausanne, le 27 décembre 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6A.84/2006
Date de la décision : 27/12/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-27;6a.84.2006 ?
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