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22/12/2006 | SUISSE | N°B.112/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 décembre 2006, B.112/05


Cause {T 7}B 112/05 Arrêt du 22 décembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Cretton Caisse de pensions de la Fédération Internationale des Sociétés de laCroix-Rouge et du Croissant-Rouge, chemin des Crêts 17, Petit-Saconnex,1211 Genève 19, recourante, représentée par l'Hewitt Associates SA, route deSt-Cergue 23, 1260 Nyon, contre A.________, intimée, représentée par Me Christine Sayegh, avocate, avenue deChampel 24,1211 Genève 12 Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 6 septembre 2005) Faits: A.A.

________ et B.________, nés en août 1941 et mars 1932, se sont ...

Cause {T 7}B 112/05 Arrêt du 22 décembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Cretton Caisse de pensions de la Fédération Internationale des Sociétés de laCroix-Rouge et du Croissant-Rouge, chemin des Crêts 17, Petit-Saconnex,1211 Genève 19, recourante, représentée par l'Hewitt Associates SA, route deSt-Cergue 23, 1260 Nyon, contre A.________, intimée, représentée par Me Christine Sayegh, avocate, avenue deChampel 24,1211 Genève 12 Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 6 septembre 2005) Faits: A.A. ________ et B.________, nés en août 1941 et mars 1932, se sont mariés en1966. Retraité depuis avril 1997, B.________ percevait une rente devieillesse de l'AVS, ainsi que de la Caisse de pensions de la Fédérationinternationale des sociétés de la croix-rouge et du croissant-rouge(ci-après: la caisse). Le divorce du couple a été prononcé le 10 décembre1999. Par convention, B.________ s'est engagé à verser à son ex-épouse unecontribution mensuelle d'entretien indexée de 3'000 fr., puis de 3'500 fr.dès l'accession de celle-ci à la retraite. Il est décédé le 23 juin 2004. Informée le 15 juillet 2004 de l'octroi d'une rente de survivant pourconjoint divorcé de la prévoyance professionnelle de 367 fr. par mois,A.________ a sollicité en vain la caisse d'en recalculer le montant. A laretraite depuis septembre 2004, elle a également été mise au bénéfice d'unerente de vieillesse de l'AVS de 1'918 fr. par mois. B.A.________ a ouvert action devant le Tribunal cantonal genevois desassurances sociales concluant à l'octroi d'une rente de 3'000 fr. pour lesmois de juillet et août 2004, puis de 1'582 fr. pour les mois suivants. Par jugement du 6 septembre 2005, la juridiction cantonale a admis la demandede l'intéressée et condamné la caisse à payer à cette dernière une rente de3'000 fr. pour les mois de juillet et août 2004 et de 3'500 fr. par la suite. C.La caisse interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Elleen requiert l'annulation et conclut, sous suite de frais et dépens, à laconfirmation du montant de la rente tel que calculé initialement. A. ________ conclut, sous suite de dépens, à la confirmation du jugementcantonal. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) propose l'admissiondu recours. Considérant en droit: 1.1.1 Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente de survivant pourconjoint divorcé de la prévoyance professionnelle plus étendue (diteprévoyance pré-obligatoire, sous-obligatoire ou sur-obligatoire),singulièrement sur l'interprétation de l'art. 46 al. 3 du règlement de lacaisse recourante. 1.2 La novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP (première révision) estentrée en vigueur le 1er janvier 2005 (sous réserve de certaines dispositionsdont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er avril 2004 et au 1er janvier 2006[RO 2004 1700]), entraînant la modification de nombreuses dispositionslégales dans le domaine de la prévoyance professionnelle (RO 2004 1677). Euégard au principe selon lequel les règles applicables, y compris lesdispositions réglementaires, sont celles en vigueur au moment où les faitsjuridiquement déterminants se sont produits, le cas d'espèce reste régi parles dispositions de la LPP et du règlement de la caisse dans leur teneur envigueur jusqu'au 31 décembre 2004 (ATF 130 V 332 sv. consid. 2.2 et 2.3, 129V 4 consid. 1.2, 121 V 100 consid. 1a et les références), dès lors queB.________ est décédé le 23 juin 2004. Dans la mesure où les dispositionspertinentes ont été modifiées par cette révision, elles seront citéesci-après dans leur ancienne version. 2.2.1Dans les limites de la loi, les institutions de prévoyance sont libresd'adopter le régime de prestations, le mode de financement et l'organisationqui leur conviennent (art. 49 al. 1 LPP). Lorsqu'elles étendent la prévoyanceau-delà des prestations minimales, elles doivent tenir compte desdispositions expressément réservées à l'art.49 al. 2 LPP et se conformer auxprincipes de l'égalité de traitement, de l'interdiction de l'arbitraire et dela proportionnalité (ATF 115 V 109 consid. 4b). 2.2 La caisse recourante est une institution pratiquant la prévoyanceobligatoire et plus étendue (institution dite «enveloppante» : ATF 117 V 45consid. 3b) comme cela ressort de son règlement (art. 2). 2.3 Selon l'art. 46 de ce règlement, le conjoint divorcé est assimilé à unconjoint survivant en cas de décès de son ex-conjoint, pour autant que (a) lemariage ait duré 10 ans au moins, (b) le conjoint survivant soit âgé de 45ans au moins ou ait un ou plusieurs enfants à charge et (c) ait bénéficié, envertu du jugement de divorce, d'une rente ou d'une indemnité en capital enlieu et place d'une rente viagère (al. 1). Le montant annuel de la renteservie est égal à la prestation d'entretien à laquelle était tenul'ex-conjoint, sous déduction de la rente éventuellement servie par d'autresassurances, en particulier par l'AVS/AI, mais au maximum au montant annuel dela rente de veuve découlant des exigences minima de la LPP (al. 3). Cette disposition est le pendant de l'art. 20 OPP 2, édicté par le Conseilfédéral en vertu de la compétence conférée par l'art. 19 al. 3 LPP. Elleprévoit que la femme divorcée est assimilée à la veuve en cas de décès de sonancien mari à la condition que son mariage ait duré dix ans au moins etqu'elle ait bénéficié, en vertu du jugement de divorce, d'une rente ou d'uneindemnité en capital en lieu et place d'une rente viagère (al. 1) et donne lapossibilité aux institutions de prévoyance de réduire leurs prestations dansla mesure où, ajoutées à celles d'autres assurances, en particulier celles del'AVS ou de l'AI, elles dépassent le montant des prétentions découlant dujugement de divorce (al. 2). 3.La caisse recourante, dont l'opinion est partagée par l'OFAS, soutient que ladisposition litigieuse entend plafonner aux seules prestations légalesobligatoires la rente annuelle pour survivants servie à l'ex-épouse d'unassuré défunt, ce qui est conforme à la loi et correspond à la réglementationde la plupart des institutions de prévoyance, tandis que l'intimée prétendque la dernière partie de cet alinéa («mais au maximum au montant de la rentede veuve découlant des exigences minima de la LPP») se rapporte à ladéduction, qui ne peut dépasser le montant de la rente de veuve découlant desexigences minimales de la LPP, et non au montant annuel de la rente desurvivant pour conjoint divorcé. Pour leur part, les premiers juges ont écarté la disposition en question, laconsidérant contraire à la loi, dans la mesure où elle ne permettait deservir que des rentes égales (en cas de contribution d'entretien très élevée)ou inférieures (en cas de contribution d'entretien très faible) aux exigencesminimales de la LPP. 4.4.1On notera au préalable que le Tribunal fédéral des assurances a déjà jugéqu'une disposition réglementaire en tout point identique étaitincontestablement un texte clair, dans la mesure où il disposait que lemontant annuel maximum de la pension servie au conjoint divorcé survivant nedevait pas dépasser le montant annuel de la rente de veuve découlant desexigences minima de la LPP, et qu'il n'était pas contraire à la loi, ni auxprincipes de l'égalité de traitement, de l'interdiction de l'arbitraire ou dela proportionnalité (cf. SZS 2006 p.361, B 85/04; arrêt non publié A. du 21décembre 2005, B 87/04). Il ne fait donc aucun doute que la dernière partie de l'art. 46 al. 3 durèglement se rapporte au montant annuel de la rente servie et non à ladéduction qu'il est possible d'opérer sur ledit montant, contrairement à ceque soutient l'intimée. On constatera en outre que les conclusions déposéesen instance cantonale par celle-ci ne faisaient pas application de sa propreinterprétation de la disposition contestée dès lors qu'elle réclamait, dès lemois de septembre 2004, une rente équivalant au montant de la contributiond'entretien découlant du jugement de divorce amputée du montant de sa rentede vieillesse de l'AVS. Il n'est plus fait aucune allusion à une déductioncorrespondant, au maximum, au montant de la rente de veuve découlant desexigences minima de la LPP. 4.2 On notera également que la juridiction cantonale écarte, à tort, l'art.46 al. 3 du règlement en raison de sa non-conformité à la loi. En effet,l'art. 20 al. 2 OPP 2 participe du système de la prévoyance professionnelleobligatoire, en tant qu'il règle les conditions du droit aux prestations desurvivant du conjoint divorcé et en définit les modalités, conformément aumandat de l'art. 19 al. 3 LPP. Or, l'art. 20 al. 2 OPP 2 autoriseexpressément les institutions de prévoyance à descendre en dessous desexigences minimales de la LPP touchant aux rentes de veuve, lorsqu'ellesversent une rente de survivant à la femme divorcée de l'assuré décédé et quela somme de celle-ci et d'une éventuelle rente de l'AVS ou de l'AI dépasse lemontant de la contribution d'entretien fixée lors du divorce. 4.3 On notera enfin que le but de l'art. 20 al. 2 OPP 2 est la couverture dela perte de soutien que la femme divorcée subit en raison de la fin duversement de la contribution d'entretien qui découle du décès de son ex-époux(RSAS 1995 p. 139 consid. 3a et les références), ce qui n'a rien decomparable avec la situation d'une personne dont l'époux subvenait auxbesoins en vertu du devoir d'assistance et d'entretien entre conjoints. Cesdeux situations peuvent d'ailleurs coexister, obligeant l'institution deprévoyance à allouer des prestations pour survivants aussi bien à la veuvequ'à l'ex-conjoint. Si les contributions d'entretien reposent le plusfréquemment sur la nécessité de conserver une certaine solidarité entreconjoints après le divorce, ce dernier constitue toutefois une coupure netteentre les conjoints et met fin aux liens de dépendance économique quiexistent entre eux. C'est pourquoi les prestations d'entretien ne sont duesque si l'un des ex-conjoints a effectivement besoin de la participationfinancière de l'autre pour vivre et que cette situation est la conséquence dumariage dissous, notamment en raison de la répartition des rôles au sein ducouple durant le mariage (cf. Message du Conseil fédéral concernant larévision du Code civil suisse [état civil, conclusion du mariage, divorce,droit de la filiation, dette alimentaire, asiles de famille, tutelle etcourtage matrimonial] du 15novembre 1995, FF 1996 I 46). Il apparaît donc qu'une institution de prévoyance peut réduire sesprestations, même si elles correspondent déjà au minimum légal relatif à unerente de veuve, dans la mesure où la loi le lui permet et qu'il n'appartientpas à une telle institution de contribuer à l'amélioration de la situationfinancière de la femme divorcée, relativement à la situation régnant avant ledécès de l'ex-conjoint. 5.Au regard de ce qui précède, c'est donc à tort que les premiers juges ontécarté l'application de l'art. 46 al. 3 du règlement de la caisse recourantequi constitue un texte clair et conforme à la lettre ainsi qu'au but del'art. 20 al. 2 OPP 2. Il convient donc d'annuler le jugement entrepris et decalculer la rente de survivant pour conjoint divorcé à laquelle a droitl'intimée, selon les prescriptions de la LPP. Selon l'art. 21 al. 2 LPP, larente de veuve s'élève à 60 % de la rente de vieillesse dont bénéficiaitl'assuré au moment de son décès. Cette dernière est calculée en pour cent del'avoir de vieillesse acquis par l'assuré au moment où celui-ci atteint l'âgeouvrant droit à la rente (taux de conversion). Le Conseil fédéral fixe letaux de conversion minimum en se fondant sur des données techniques reconnues(art. 14 al. 1 LPP). En l'occurrence, l'avoir de vieillesse acquis, dont le montant n'a pas étécontesté et qu'aucun élément figurant au dossier ne permet de contester,s'élève à 101'891 fr. 55 et le taux de conversion à 7,2 % (art. 17 al. 1 OPP2). Le montant de la rente annuelle de vieillesse est donc de 7'336 fr. 20([101'89, 55 x 7,2]:100) et la rente de veuve correspondante de 4'401 fr. 70([7'336,2x60]:100). 6.Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). La caisserecourante a conclu à l'octroi de dépens. Bien qu'elle obtienne gain decause, elle ne saurait en prétendre, aucune indemnité pour les frais deprocès n'étant allouée, en règle générale, aux organismes chargés de tâchesde droit public (art. 159 al. 2 in fine OJ; ATF 118 V 169 sv. consid. 7 etles références). En l'occurrence, il n'y a pas de motif de s'écarter de cetterègle. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal genevois desassurances sociales du 6 septembre 2005 est annulé; l'intimée a droit à unerente de survivant pour conjoint divorcé d'un montant annuel de 4'401 fr.40. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de dépens. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevoisdes assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 22 décembre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.112/05
Date de la décision : 22/12/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-22;b.112.05 ?
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