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22/12/2006 | SUISSE | N°5C.140/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 décembre 2006, 5C.140/2006


{T 0/2}5C.140/2006 /frs Arrêt du 22 décembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffier: M. Braconi. X. ________,défendeur et recourant, représenté par Me Marco Crisante, avocat, contre Y.________,demandeur et intimé, représenté par Me Dominique Amaudruz, avocate, contestation de l'état de collocation; notification d'un jugement àl'étranger, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 7 avril 2006. Faits : A.Dans le cadre de la faillite de la société Z.________ SA, Y.________ aouve

rt, le 14 juillet 2003, action en contestation de l'état de coll...

{T 0/2}5C.140/2006 /frs Arrêt du 22 décembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffier: M. Braconi. X. ________,défendeur et recourant, représenté par Me Marco Crisante, avocat, contre Y.________,demandeur et intimé, représenté par Me Dominique Amaudruz, avocate, contestation de l'état de collocation; notification d'un jugement àl'étranger, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 7 avril 2006. Faits : A.Dans le cadre de la faillite de la société Z.________ SA, Y.________ aouvert, le 14 juillet 2003, action en contestation de l'état de collocation àl'encontre de X.________, en concluant à l'élimination de la prétention decelui-ci (i.e. 7'502'000 fr.). X. ________ a été cité par le Tribunal de première instance de Genève àcomparaître à l'audience d'introduction de la cause fixée au 10 décembre2003; l'assignation lui a été notifiée le 26 septembre 2003 à son domicilemonégasque sis «...». Le 9 décembre 2003, le prénommé - sur papier à l'entête«X.________, .... Monaco» - a informé le Tribunal que, en raison de lamaladie, il ne pouvait donner suite à cette convocation. Il a donc étéassigné derechef le 23 janvier 2004, à la même adresse, pour une nouvelleaudience fixée au 21 avril suivant. Le défendeur ne s'y étant toutefois pasprésenté, le Tribunal a rendu, le 17 mai 2004, un jugement par défautallouant au demandeur l'entier de ses conclusions. Le 25 mai 2004, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a requis l'autoritémonégasque compétente de notifier à X.________, au même domicile queprécédemment, le jugement par défaut. Le 6 juillet 2004, cette autorité ainformé l'OFJ que ledit jugement n'avait pu être remis à l'intéressé, motifpris qu'il «n'a pas déféré aux convocations motivées qui lui ont étéadressées»; un constat de carence dressé par la police judiciaire monégasqueétait annexé, disant que «l'intéressé(e) habite toujours à l'adresseindiquée, mais qu'il (elle) n'a pu être touché(e) à son domicile et qu'il(elle) n'a pas déféré aux convocations motivées qui lui ont été adressées». Par courrier du 25 août 2004, X.________ a avisé le Tribunal de premièreinstance de Genève qu'il avait déménagé le 15 septembre 2003 et que sanouvelle adresse était «... à Monaco»; il a sollicité une nouvellenotification du jugement par défaut. Le Tribunal a rejeté la requête le 3septembre 2004 pour le motif que la précédente notification était régulière;cette décision a été notifiée le 21 septembre 2004 par l'autorité monégasquecompétente à la nouvelle adresse du requérant. B.Par acte du 12 octobre 2004, X.________ a formé opposition au jugement pardéfaut; il a notamment produit une attestation établie le 28 septembre 2004par la Division de la Police administrative de la Principauté de Monaco, d'oùil ressort qu'il est enregistré à Monaco sous le nom de «X.________» et qu'ila «signalé au service son changement d'adresse (... à Monaco) le 1er juin2004». Statuant le 7 avril 2005, le Tribunal de première instance de Genève adéclaré l'opposition irrecevable pour cause de tardiveté; en substance, il aconsidéré que la notification litigieuse était régulière, en sorte que ledélai pour former opposition a commencé à courir le 7 juillet 2004 pourexpirer (compte tenu des féries judiciaires) le 6 septembre suivant. Pararrêt du 7 avril 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du canton deGenève a confirmé ce jugement. C.Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral contre cetarrêt, le défendeur conclut à l'admission de l'opposition et à l'annulationdu jugement par contumace, ainsi qu'au déboutement du demandeur sur le fondet à la constatation de sa propre qualité de créancier de la faillite deZ.________ SA pour le montant de 7'502'000 fr.; subsidiairement, il conclut àla recevabilité de son opposition et au renvoi de la cause aux «autoritéscompétentes genevoises pour inspection sur le fond du dossier». Des observations n'ont pas été requises. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ (sur la ratio legis: ATF 122 I 81 consid. 1 p.82/83 et la jurisprudence mentionnée), il est sursis en règle générale àl'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droitpublic. Ce principe connaît toutefois des exceptions, qui justifient l'examenpréalable du recours en réforme; il en est ainsi lorsque, comme en l'espèce,ce dernier apparaît irrecevable (ATF 117 II 630 consid. 1a p. 631). 2.Les conclusions sur le fond sont irrecevables d'emblée. Les autoritéscantonales ne se sont prononcées que sur l'observation du délai pour formeropposition au jugement par défaut (cf. infra, consid. 3), laissant intact lefond du litige. Indépendamment de la question du respect du droit d'êtreentendu du demandeur (ATF 104 II 156 consid. 6b p. 162), la Cour de céans nedispose pas, de toute manière, des éléments lui permettant de statuer sur lemérite de la créance contestée. 3.Dans son arrêt préparatoire du 8 novembre 2005, la Cour de justice a invitéles parties, en application de l'art. 16 al. 1 LDIP, à se déterminer sur lecontenu du droit monégasque, plus précisément sur la question de savoir sicelui-ci connaît ou non la notification fictive. Sur le vu de la documentation déposée par les plaideurs, la juridictionprécédente a retenu qu'il n'existait pas de décision des tribunaux de laPrincipauté de Monaco quant à la notification d'un jugement par défaut à unepartie ayant changé de domicile en cours de procédure, sans en informer lesautorités judiciaires ou sa partie adverse. À la lecture des avis de droitqu'ont produits les parties, le juge monégasque applique les «règles[jurisprudentielles] du droit français», selon lesquelles «est valable lasignification effectuée en cours d'instance à une partie au domicile qu'elleavait indiqué comme étant le sien depuis le début de la procédure, bienqu'ultérieurement elle ait déclaré avoir un domicile nouveau, si elle n'a pasdénoncé au requérant le lieu de son nouveau domicile» (Juris-ClasseurProcédure civile, 1998, fasc. 141, p. 13 et les arrêts cités). Comme lesprincipes à la base de la notification des actes judiciaires ne sont pasfoncièrement différents en France et à Monaco, ainsi d'ailleurs que dansd'autres États qui connaissent la notification personnelle des actes deprocédure, une telle solution peut être reprise en l'occurrence; le défendeurne prétend pas qu'elle serait contraire à une norme légale monégasque oucontreviendrait à l'ordre public de la Principauté. Par conséquent, fauted'avoir annoncé en temps utile son changement d'adresse aux autoritésjudiciaires suisses, le défendeur ne peut se prévaloir de son déménagement encours d'instance. Dès lors, la notification est censée avoir eu lieu le 6juillet 2004, en sorte que la requête d'opposition au jugement par défaut serévèle tardive. Les magistrats d'appel ont ajouté que la solution serait la même si l'ondevait admettre que le juge monégasque ne doit pas s'inspirer du droitfrançais. Il faudrait alors constater que le contenu du droit monégasque n'apas été établi, ce qui entraînerait l'application du droit suisse (art. 16al. 2 LDIP). Or, les règles suisses sur la notification fictive aboutissent àla conclusion que la notification litigieuse est valablement intervenue le 6juillet 2004. 3.1 D'après la jurisprudence, la violation de dispositions de procédureprévues par une convention internationale peut être invoquée à l'appui d'unrecours en réforme, pour autant que la cause elle-même en soit susceptible;ce principe est aussi valable lorsqu'il s'agit d'examiner à titrepréjudiciel, au regard du droit de procédure cantonal et en rapport avec unjugement par défaut, si la notification a eu lieu conformément au traité (ATF129 III 750 consid. 2 p. 753 ss). En l'espèce, le défendeur ne reproche pas à l'autorité cantonale d'avoirméconnu ou mal appliqué l'accord international pertinent (i.e. l'Échange denotes des 24 août et 28 septembre 1961 entre la Suisse et Monaco concernantle règlement des questions relatives à la notification des actes judiciaireset extrajudiciaires en matière civile et commerciale, en vigueur depuis le 28septembre 1961 [RS 0.274.185.671]), lequel se borne à renvoyer à lalégislation de l'État requis (ch. 3 et 4), mais violé l'art. 16 LDIP. Autantque son argumentation est intelligible, il soutient que le contenu du droitmonégasque a été dûment établi, en sorte que la cour cantonale ne pouvaits'en remettre aux règles du droit français pour résoudre le point litigieux;en substance, il fait grief à la juridiction précédente d'avoir estimé que lecontenu du droit étranger n'avait pas été établi (art. 43a al. 1 let. b OJ;ATF 119 II 93 consid. 2c/aa p. 94 et la doctrine mentionnée). Sauf à releverd'un lapsus calami, la critique adressée aux magistrats d'appel d'avoirappliqué le «droit suisse» est incompréhensible, l'intervention de celui-cin'ayant été envisagée qu'à titre éventuel, à savoir pour le cas où ilfaudrait admettre que le contenu du droit monégasque n'a pas été prouvé (art.16 al. 2 LDIP). 3.2 Même lorsque la cause porte, comme en l'espèce, sur un droit de naturepécuniaire (art. 43a al. 2 OJ; cf. à ce sujet: Poudret, COJ II, n. 5 ad art.43a OJ et les citations), le Tribunal fédéral peut revoir en instance deréforme une question préjudicielle de droit étranger (ATF 119 II 69 consid.3b p. 72; 124 III 134 consid. 2b/aa/ccc p. 140/141; Jagmetti, Zur Anwendungdes ausländischen Rechts von Amtes wegen, in: Festschrift von Castelberg, p.95 ss, 120); mais encore faut-il que sa résolution soit une «conditionpréalable à l'applicabilité du droit suisse» (ATF 108 II 167 consid. 4 p. 174in fine; 98 II 231 consid. 1a p. 237; Poudret, ibid., n. 1.3). Cettecondition n'est pas réalisée ici: le droit étranger permet de répondre à unequestion - principale - relevant du droit cantonal, à savoir la déterminationdu point de départ du délai pour former opposition au jugement par défaut. 3.3 Le moyen déduit de l'art. 2 CC est aussi irrecevable. Tout d'abord, ledéfendeur ne démontre aucunement en quoi cette disposition aurait vocation às'appliquer à une question (i.e. la notification d'une décision judiciaire)régie par le droit étranger (art. 55 al. 1 let. c OJ; cf. sur cetteproblématique: Merz, in: Berner Kommentar, n. 79 ad art. 2 CC). Par surcroît,en tant qu'il s'adresse aux autorités étatiques, le principe de la bonne foiassume le caractère d'une règle constitutionnelle (cf. ATF 102 Ia 574 consid.6 p. 579 et les références), qui, à ce titre, ne saurait être examinée dansun recours en réforme (art. 43 al. 1 in fine OJ). Enfin, le défendeurn'établit pas en quoi sa partie adverse - pour autant qu'elle soit aussivisée par le grief - aurait transgressé cette norme (art. 55 al. 1 let. cOJ). 4.Vu ce qui précède, le présent recours est irrecevable. Les conclusions dudéfendeur étaient dépourvues de chances de succès, si bien que sa demanded'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ) et l'émolumentde justice mis à sa charge (art. 156 al. 1 OJ). En revanche, il n'y a paslieu d'accorder des dépens à sa partie adverse, qui n'a pas été invitée àrépondre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est irrecevable. 2.La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge du défendeur. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 22 décembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.140/2006
Date de la décision : 22/12/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-22;5c.140.2006 ?
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