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20/12/2006 | SUISSE | N°5C.246/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 décembre 2006, 5C.246/2006


{T 0/2}5C.246/2006 /frs Arrêt du 20 décembre 2006IIe Cour civile MM. les Juges Raselli, Président,Meyer et Marazzi.Greffière: Mme Rey-Mermet. X. ________ Assurances SA,défenderesse et recourante, contre Y.________,demanderesse et intimée, représentée par Me Claude Brügger, avocat, contrat d'assurance, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des assurances du Tribunalcantonal du canton du Juradu 30 août 2006. Faits : A.Y. ________ a travaillé comme ouvrière à l'étampage pour le compte del'entreprise A.________ SA. En cette qualité, elle était couverte contre laperte de

gain en cas de maladie par un contrat d'assurance collective con...

{T 0/2}5C.246/2006 /frs Arrêt du 20 décembre 2006IIe Cour civile MM. les Juges Raselli, Président,Meyer et Marazzi.Greffière: Mme Rey-Mermet. X. ________ Assurances SA,défenderesse et recourante, contre Y.________,demanderesse et intimée, représentée par Me Claude Brügger, avocat, contrat d'assurance, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des assurances du Tribunalcantonal du canton du Juradu 30 août 2006. Faits : A.Y. ________ a travaillé comme ouvrière à l'étampage pour le compte del'entreprise A.________ SA. En cette qualité, elle était couverte contre laperte de gain en cas de maladie par un contrat d'assurance collective conclupar son employeur auprès de Z.________, Société d'assurances contre lesaccidents. Ce contrat, soumis en vertu des conditions générales applicables àla loi fédérale sur le contrat d'assurance (ci-après : LCA), prévoyait commeprestations une indemnité journalière de 80% du salaire déterminant pendantune durée de 670 jours. Souffrant de douleurs cervicales, dorsales et des membres supérieurs,l'assurée s'est retrouvée en incapacité de travail dès le 5 septembre 2003.Après avoir servi les indemnités contractuelles prévues, Z.________ l'aadressée à son médecin-conseil, le Dr H.________. Celui-ci a estimé que lesdouleurs ressenties étaient probablement d'origine musculaire et qu'iln'existait aucune affection somatique ou psychique susceptible de justifierla poursuite d'un arrêt de travail au-delà de la mi-mars 2004. S'il relevaitque ces affections ne permettaient plus à l'assurée de poursuivre son travailactuel, elles étaient compatibles, selon lui, avec la poursuite à tempscomplet d'un travail léger sans port de lourdes charges et épargnant lesépaules. Se fondant sur l'avis de son médecin-conseil, Z.________ a informé l'assurée,par courrier du 26 mars 2004, qu'elle mettrait fin aux prestations au 31 mars2004. Y.________ a contesté avoir recouvré sa capacité de travail et ademandé le versement des indemnités journalières contractuelles. Dans l'intervalle, Y.________ a reçu la résiliation de son contrat de travailpour le 31 mai 2004. Elle a sollicité, le 22 mars 2004, des prestations del'assurance-invalidité. Par la suite, le contrat d'assurance collective a été repris par X.________Assurances SA. Celle-ci a maintenu, par courrier du 30 décembre 2005, lerefus d'allouer des prestations. B.Le 3 février 2006, Y._________ a ouvert action contre X.________ devant laChambre des Assurances du Tribunal cantonal jurassien; elle a conclu, avecsuite de frais et dépens, au paiement d'au moins 8'080 fr. à titred'indemnités journalières, avec intérêt à 5 % dès le 10 janvier 2006. Encours de procédure, elle a augmenté cette prétention au versement de 41'938fr. 35, avec intérêt à 5 % dès le 5 juin 2005. X. ________ a conclu au rejet de la demande. Par arrêt du 30 août 2006, la Chambre des Assurances du Tribunal cantonaljurassien a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse un montant de33'550 fr. 70, avec intérêt à 5 % dès le 5 juin 2005, rejetant la demandepour le surplus. C.Contre cet arrêt, la défenderesse interjette un recours au Tribunal fédéral,concluant avec suite de frais et dépens à ce que l'arrêt cantonal soitréformé en ce sens qu'elle n'est pas débitrice du montant de 33'550 fr. 70.La demanderesse conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.L'arrêt entrepris constituant une décision finale prise en unique instancecantonale par la Chambre des assurances du Tribunal cantonal (art. 26 de laloi portant introduction de la loi fédérale sur l'assurance-maladie; RSJU832.10), il est recevable au regard de l'art.48 al. 1 OJ. Dès lors qu'iltranche une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire,il est susceptible d'un recours en réforme, les droits contestés dans ladernière instance cantonale dépassant largement la valeur d'au moins 8'000fr. exigée par l'art. 46 OJ. Interjeté dans le délai fixé par l'art. 54 al. 1OJ et dans les formes prévues par l'art. 55 OJ, le recours est par ailleursrecevable au regard de ces dispositions. 2.Les juges cantonaux se sont en premier lieu demandé si l'assureur pouvaitimposer à la demanderesse de changer de profession, conformément àl'obligation de réduire le dommage prévue à l'art. 61 LCA. Ils ont relevé quela défenderesse n'avait pas averti l'assurée de l'existence de cetteobligation en lui impartissant un délai pour trouver une autre activité et enla rendant attentive aux conséquences de la violation de l'obligation detrouver un emploi adapté. Les juges cantonaux n'ont toutefois pas tiré lesconséquences juridiques du non-respect de la procédure par l'assureur. Ilsont en effet poursuivi leur raisonnement en exposant que la demanderesseavait sollicité des prestations de l'assurance invalidité (ci-après : AI). Laprocédure relative à cette demande étant toujours en cours, il subsistait,selon eux, un doute sur la capacité de travail de l'intéressée. Se fondantsur cette constatation, ils ont alloué les indemnités journalièrescontractuelles sur la base de l'art.70 al. 2 let. a de la loi fédérale surla partie générale des assurances sociales (ci-après : LPGA; RS 830.1),applicable, selon la cour cantonale, aux assurances privées. 3.La défenderesse soutient que l'art. 70 al. 2 let. a LPGA ne concernerait quela coordination des assurances sociales entre elles et ne régirait pas lesrapports entre assurances sociales et assurances privées. 3.1 L'art. 70 al. 1 et 2 let. a LPGA fait obligation à l'assurance-maladie deprendre en charge, provisoirement, le cas d'un assuré lorsqu'un événement luidonne droit à des prestations, mais qu'il subsiste un doute sur le débiteurde ces dernières (assurance-chômage, maladie, invalidité ou accidents). Cettedisposition est insérée dans la première section du chapitre 5 de la LPGA,intitulé "Coordination des prestations", qui traite de la coordination entreles différentes assurances sociales (coordination dite intersystémique; art.63 al. 1 LPGA; Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, n. 2 ad art. 63 LPGA; ThomasLocher, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, 3e éd., 2003, n. 4 § 58, p.390; Peter Beck, Coordination des prestations et recours, in : Sécuritésociale 2002, p. 273). Le législateur a expressément exclu la coordinationdes prestations d'assurances sociales avec celles des assurances privées,comme par exemple les indemnités journalières d'assureurs privés(coordination dite extrasystémique; arrêt K 107/4 du 28 septembre 2005consid. 5 et 7, in : RAMA 2005 p. 421; Suzanne Leuzinger-Naef, DieLeistungskoordination gemäss Art. 63-71 ATSG, in: Bundesgesetz über denAllgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts [ATSG], 2003, p. 155 ss, p.169). En d'autres termes, l'art. 70 LPGA entre en ligne de compte lorsquel'atteinte à la santé n'est pas douteuse, mais que l'obligation de servir desprestations fait l'objet de contestations entre plusieurs assureurs sociaux,par exemple lorsque la cause réelle de l'atteinte n'est pas clairementétablie (cf. FF 1991 p.263; Ueli Kieser, op. cit., n. 2 ad art. 70 LPGA). 3.2 En l'espèce, l'art. 70 LPGA ne trouvait pas application dès lors que lesprétentions de l'intimée se fondaient sur un contrat d'assurance privée. Lesjuges cantonaux ont donc violé le droit fédéral en condamnant la défenderesseà verser à l'assurée des indemnités journalières sur la base de cettedisposition. 4.S'agissant d'un contrat soumis à la LCA, il convient en premier lieu dedéterminer si, sur la base des conditions convenues, on est en présence d'uneincapacité de gain (cf. Gerhard Stoessel, Commentaire bâlois, n. 6 ss ad art.3 LCA; RVJ 1996 p. 257 consid. 8a). En l'espèce, l'arrêt attaqué ne contient aucune indication sur la définitionde l'incapacité de gain, telle qu'elle ressort des conditions convenues parles parties. On ignore en particulier si celles-ci ont voulu indemniser uneincapacité concrète de réaliser un revenu impliquant une perte patrimonialeeffective (ATF 104 II 44 consid. 4; RBA XVI no 24; RBA XVI n° 44) ou uneincapacité d'exercer la profession ou de déployer une autre activité que l'onpeut légitimement attendre de l'assuré, indépendamment du dommage subi (arrêt5C.19/2006 du 21 avril 2006 consid. 2.2; RBA XIV n° 89; RBA IX n° 182). Cen'est que s'il est établi, conformément aux règles de procédure cantonales,qu'il y a incapacité de gain selon les conditions convenues, que l'autoritécantonale devra examiner si l'assurée s'est conformée à l'obligation deréduire le dommage, prévue par l'art. 61 LCA. Cette disposition n'étant pasde droit impératif (cf. art. 97 et 98 LCA), les parties peuvent avoir définiun régime plus favorable, point sur lequel l'arrêt attaqué ne contient aucuneconstatation. Il leur était par exemple loisible de prévoir que l'assuréepouvait être appelée à se soumettre à une reconversion professionnelle dansune activité correspondant à sa position sociale, à ses connaissances et àses aptitudes (cf. RBA XVIII N° 48; RBA XVII n° 36 = plädoyer 2/1993 p.65).En tout état de cause, à défaut de constatations cantonales sur la définitionde l'incapacité de gain convenue par les parties, il n'est pas possible dedéterminer si la demanderesse a droit aux prestations qu'elle réclame sur labase de l'assurance collective. La cause doit ainsi être renvoyée àl'autorité cantonale pour qu'elle complète l'état de fait. Dans cescirconstances, il n'est pas nécessaire d'examiner le grief pris de laviolation de l'art. 61 LCA. 5.Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé et la causerenvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens duconsidérant qui précède. La demanderesse qui succombe, supportera les fraisjudiciaires (art. 156 al. 1 OJ). La défenderesse, qui a procédé sans leconcours d'un avocat, n'a, sous réserve d'exceptions non réalisées enl'espèce, pas droit à des dépens (ATF 113 Ib 353 consid. 6b). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée àl'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre desassurances du Tribunal cantonal du canton du Jura. Lausanne, le 20 décembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.246/2006
Date de la décision : 20/12/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-20;5c.246.2006 ?
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