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19/12/2006 | SUISSE | N°B.139/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2006, B.139/05


Cause {T 7}B 139/05 Arrêt du 19 décembre 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffier : M. Piguet M.________, recourant, contre Caisse de retraite professionnelle de l'industrie vaudoise de laconstruction, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 10 octobre 2005) Faits: A.M.________, né en 1937, bénéficiait depuis le 1erjanvier 1992 d'une rented'invalidité allouée par la Caisse de retraite professionnelle de l'Industrievaudoise de la construction (ci-après: la caisse).Par lettre du 1er juillet 2002, la caisse a informé

l'assuré qu'à compter decette date, la rente d'invalidité ...

Cause {T 7}B 139/05 Arrêt du 19 décembre 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffier : M. Piguet M.________, recourant, contre Caisse de retraite professionnelle de l'industrie vaudoise de laconstruction, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 10 octobre 2005) Faits: A.M.________, né en 1937, bénéficiait depuis le 1erjanvier 1992 d'une rented'invalidité allouée par la Caisse de retraite professionnelle de l'Industrievaudoise de la construction (ci-après: la caisse).Par lettre du 1er juillet 2002, la caisse a informé l'assuré qu'à compter decette date, la rente d'invalidité serait remplacée par une rente devieillesse d'un montant de 12'537fr.60 par année, correspondant au montantde la rente d'invalidité servie jusqu'alors. Bien que ce montant necorrespondît pas à ce que pouvait normalement prétendre l'assuré d'après lesdispositions applicables du règlement de prévoyance, elle était contrainte detenir compte des effets d'un arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 24juillet 2001 (publié aux ATF 127 V 259). Cela étant, la caisse se réservaitexpressément le droit de modifier le montant de la rente allouée en cas derevirement de la jurisprudence.Le 8 décembre 2004, la caisse a informé l'assuré qu'à la suite d'un arrêt duTribunal fédéral des assurances du 24 juin 2004 modifiant la jurisprudenceprécitée (publié aux ATF 130 V 369), ainsi que de l'entrée en vigueur, le 1erjanvier 2005, du nouvel art. 49 al. 1 LPP, sa rente de vieillesse seraitramenée, conformément aux dispositions du règlement de prévoyance, au montantde 9'312 fr. par année à compter du 1er janvier 2005. B.Par mémoire de demande du 29 mars 2005, M.________ a saisi le Tribunal desassurances du canton de Vaud, en concluant à ce que sa rente de vieillessesoit maintenue à la valeur de la rente d'invalidité qui lui avait été serviejusqu'à l'âge de sa retraite.Par jugement du 10 octobre 2005, la juridiction cantonale a rejeté la demandede l'assuré. C.M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dontil demande implicitement l'annulation, réitérant les conclusions prises eninstance cantonale.La caisse s'en remet à justice, tandis que l'Office fédéral des assurancessociales a renoncé à prendre formellement position dans une cause relevant, àson avis, d'une question d'appréciation. Considérant en droit: 1.Le litige relève des autorités juridictionnelles mentionnées à l'art.73LPP,tant du point de vue de la compétence ratione temporis que de celui de lacompétence ratione materiae (ATF 130 V 104 consid. 1.1 et les références). 2.2.1Dans l'arrêt publié aux ATF 127 V 259, le Tribunal fédéral des assurancesa étendu au domaine de la prévoyance plus étendue le principe selon lequel larente d'invalidité minimale LPP a un caractère viager (ATF 108 V 104 consid.4b). De ce fait, le montant de la rente de vieillesse devait être au moinséquivalent à celui de la rente d'invalidité servie jusqu'à l'âge donnantdroit à la rente de vieillesse. 2.2 Tenant compte des critiques émises par la doctrine, le Tribunal fédéraldes assurances est revenu sur cette jurisprudence dans l'arrêt publié aux ATF130 V 369, dont les motifs détaillés sont exposés dans le jugement entrepris.Il s'est notamment référé au principe selon lequel les institutions deprévoyance demeurent libres en matière de prévoyance plus étendue en ce quiconcerne l'aménagement du contrat de prévoyance, dans les limites fixées àl'art. 49 al. 2 LPP et pour autant qu'elles se conforment aux exigencesconstitutionnelles telles que l'égalité de traitement, l'interdiction del'arbitraire et la proportionnalité (ATF 115 V 109 consid. 4b). Il découle dece principe que les institutions de prévoyance ne sauraient être obligées,dans le domaine de la prévoyance plus étendue, de continuer à allouer unerente d'invalidité au-delà de l'âge ouvrant droit à une rente de vieillesse,ni d'accorder des prestations de vieillesse d'un montant équivalant auxrentes d'invalidité accordées avant l'âge de la retraite (ATF 130 V 376consid. 6.4 et les références à la doctrine et à la jurisprudence). 2.3 Ce principe a été formalisé à l'occasion de la première révision de laLPP (novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP; RO 2004 1677). L'art. 49 al.1 LPP a été complété par la phrase suivante: "[Les institutions deprévoyance] peuvent prévoir dans le règlement que les prestations quidépassent les dispositions légales minimales ne soient versées que jusqu'àl'âge de la retraite". 3.Dans le cas particulier, aussi bien l'art. 39 al. 3 du règlement deprévoyance en vigueur du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1994 (ci-après: lerèglement 1991) que l'art. 31 al. 1 du règlement en vigueur depuis le 1erjanvier 1995 (ci-après: le règlement 1997) prévoient que le droit à la rented'invalidité s'éteint à la fin du trimestre au cours duquel cesse le droit àla rente AI, mais au plus tard au jour de la retraite réglementaire, l'assuréayant droit, dès cette date, à la rente de retraite. Le montant annuel de larente de vieillesse au jour de la retraite s'élève alors à 7,2% du compted'épargne constitué au jour de la retraite réglementaire (art. 35 al. 1 durèglement 1991 et 27 du règlement 1997).Au regard des dispositions réglementaires applicables au moment del'ouverture de son droit à la rente de vieillesse, le recourant ne pouvaitprétendre une rente d'un montant équivalant à la rente d'invalidité qui luiavait été servie jusqu'alors, mais une rente calculée conformément auxdispositions précitées. 4.Le litige porte sur le point de savoir si la caisse pouvait, après avoir faitbénéficier le recourant entre le 1er juillet 2002 et le 31 décembre 2004d'une rente de vieillesse fixée conformément à la jurisprudence publiée auxATF 127 V 259, réduire le montant de cette rente à partir du 1er janvier 2005à la suite de la modification de cette jurisprudence. Se référant à unarticle de Thomas Geiser (Änderung von Vorsorge-Reglementen und wohlerworbeneRechte, PJA 6/2003 p.619), le recourant soutient que des prestationsd'assurance ne sauraient être modifiées une fois le cas d'assurance réaliséet le montant des prestations fixé. En d'autres mots, il estime pouvoir seprévaloir d'un droit acquis aux prestations allouées. 5.5.1En droit des assurances sociales, un changement de jurisprudence ne peutqu'exceptionnellement conduire à la révocation d'une décision, même si cettedécision est assortie d'effets durables (notamment si elle concerne desprestations périodiques). Il faut que la nouvelle jurisprudence ait une telleportée générale qu'il serait contraire au principe de l'égalité de traitementde ne pas l'appliquer dans tous les cas, en particulier en maintenant uneancienne décision pour un seul assuré ou un petit nombre d'assurés. Si cettecondition est remplie, la modification n'aura, en règle générale, des effetsque pour l'avenir. Cette pratique restrictive vaut en tout cas lorsquel'application d'une jurisprudence nouvelle s'opérerait au détriment dujusticiable (ATF 121 V 161 consid. 4a, 119 V 413 consid. 3b et lesréférences). 5.2 Une institution de prévoyance n'a pas le pouvoir de rendre une décisionproprement dite. La déclaration qu'elle fait ne constitue en effet pas unedécision au sens juridique du terme, mais une simple prise de position qui nepeut s'imposer qu'en vertu de la décision d'un tribunal saisi par la voie del'action (ATF 115 V 228 consid. 2). Leprononcé d'une institution deprévoyance ne peut donc entrer en force de chose décidée, de sorte que d'unpoint de vue strictement procédural, il peut être modifié en tout temps. Dansle cadre de l'accomplissement de ses tâches en matière de prévoyanceobligatoire et surobligatoire, l'institution de prévoyance demeure cependanttenue de se conformer aux principes généraux de procédure applicables dans ledroit des assurances sociales et aux exigences constitutionnelles, telles quel'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire, la proportionnalitéou encore la protection de la bonne foi (ATF 132 V 154 et 279 consid.3.1,130 V 376 consid.6.4 et les références, 115 V 109 consid.4b; Hans-UlrichStauffer, Berufliche Vorsorge, Zurich/Bâle/Genève 2005, p.513, ch. 1358 ss). 5.3 Dans le cadre de modifications réglementaires, il est admis par unepartie de la doctrine que des prestations périodiques en cours puissent êtreréduites, pour autant que le règlement de prévoyance l'autorise et que laréduction s'appuie sur des motifs sérieux et objectifs (Hans-Ulrich Stauffer,op. cit., p. 511, ch. 1353; Ueli Kieser, Besitzstand, Anwartschaften undwohlerworbene Rechte in der beruflichen Vorsorge, SZS/RSAS 1999, p. 306 ss;contra: Thomas Geiser, Änderung von Vorsorge-Reglementen und wohlerworbeneRechte, PJA 6/2003, p. 619 ss). 6.6.1Les principes de l'égalité de traitement et de l'interdiction del'arbitraire empêchent que les prétentions financières des assurés ne soientarbitrairement supprimées ou réduites, notamment quant à leur montant, et quedes atteintes aux droits concernés interviennent unilatéralement et sansjustification particulière au détriment de quelques intéressés ou decertaines catégories d'entre eux (ATF 117V 235 consid. 5c). 6.2 En l'espèce, on ne saurait voir dans l'attitude de la caisse uneviolation des principes susmentionnés. Au contraire, maintenir le montant dela rente de vieillesse servie au recourant sur la base de la jurisprudencepubliée aux ATF 127 V 259 reviendrait à légitimer plusieurs inégalités detraitement choquantes.En effet, cet arrêt a, sans fondement légal ou réglementaire, améliorésensiblement la situation d'une catégorie restreinte d'assurés - lesbénéficiaires d'une rente d'invalidité ayant atteint l'âge donnant droit à larente de vieillesse - par rapport à tous les autres assurés pouvant prétendreune rente de vieillesse. Le maintien de la pratique inaugurée par cet arrêten faveur de quelques assurés engendrerait par ailleurs une augmentation descoûts qui pourrait se révéler considérable et qui, en l'absence de réservesconstituées à cette fin par la caisse - en violation du principed'équivalence (ATF 130 V 375 consid. 6.3) -, devrait être financée par lesassurés de la génération actuelle - les assurés actifs - et entraînerait unebaisse significative de leurs propres expectatives à des prestationsd'invalidité ou de survivants (voir à ce sujet Jacques-André Schneider, ATF127 V 259: La fin du système de la biprimauté des prestations de laprévoyance professionnelle, SZS/RSAS 2002, p. 231 sv.).Sur le vu de ce qui précède, le respect du principe de l'égalité detraitement parmi la communauté des assurés doit l'emporter dans le casparticulier sur le principe de la sécurité du droit et l'intérêt du recourantau maintien du montant de sa rente de vieillesse. Justifiée par des motifssérieux et objectifs, la réduction litigieuse ne peut dès lors êtreconsidérée comme arbitraire, d'autant plus que, comme on le verra, lerecourant ne peut se prévaloir du droit à la protection de sa bonne foi. 7.Selon la jurisprudence, la garantie d'un droit acquis au versement d'unerente périodique ne peut porter que sur un droit qui découle d'unedisposition légale impérative et dont, par voie de conséquence, ledestinataire ne saurait être privé. Cette garantie porte alors surl'existence et non sur l'ampleur exacte de ce droit que le règlement a pourtâche de fixer. Celle-ci ne peut avoir qualité de droit acquis que lorsque lamodification de règlement n'est pas autorisée (SVR 2000 BVG n° 12 p. 59consid. 3c).En l'espèce, ni la loi ni les règlements de prévoyance adoptés successivementpar la caisse intimée n'ont jamais conféré au recourant un droit à une rentede vieillesse d'un montant équivalent à la rente d'invalidité qui lui avaitété servie jusqu'à l'âge de la retraite. Il importe peu à cet égard de savoirsi la caisse eut dû modifier à l'époque la teneur de son règlement pour lemettre en conformité avec l'arrêt publié aux ATF 127 V 259, comme le soutientle recourant, dès lors qu'il est apparu par la suite que le principedéveloppé dans cet arrêt ne reposait sur aucun fondement pertinent. 8.8.1La protection des droits acquis peut également résulter du principe de labonne foi (principe de la confiance). Découlant de l'art.9Cst., ce principeprotège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurancesreçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions,des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II636 consid. 6.1 et les références). 8.2 La lettre que la caisse a adressée au recourant le 1er juillet 2002 avaitle contenu suivant:"Monsieur,Le 14 juin 2002, vous avez eu 65 ans. En conséquence, la rente d'invaliditéque nous vous servions doit être remplacée par une rente de retraite dès le1er juillet 2002.Selon nos dispositions réglementaires, cette rente s'élève à 7,2% du capitalaccumulé sur votre compte individuel, soit dans votre cas à Fr. 9'310.20 parannée. Cependant, un arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 24 juillet2001, contraint toutes les caisses de pensions à continuer de verser unerente de retraite au moins égale à la rente d'invalidité qui était serviejusqu'à 65 ans.Au vu de ce qui précède, votre rente de retraite s'élève à Fr. 12'537.60 parannée, et elle vous sera servie par acomptes trimestriels de Fr. 3'134.40.[...]Enfin, nous vous rendons attentif au fait que si, dans le futur, une nouvellejurisprudence devait infirmer l'arrêt précité, nous serions alors amenés àmodifier le montant de votre rente et à vous verser la prestation prévue parnotre règlement, sans toutefois vous demander la restitution des montantsversés à tort jusqu'à la date de la modification. [...]".8.3 La teneur des déclarations de la caisse ne pouvait laisser croire aurecourant que la caisse s'était engagée, de manière explicite et irrévocable,à lui verser une rente de retraite d'un montant équivalant à la rented'invalidité qu'il avait touchée précédemment. Au contraire, la caisse aclairement exprimé sa volonté de n'être liée par les principes développés àl'arrêt publié aux ATF 127 V 259 que le temps pour le Tribunal fédéral desassurances de revenir sur sa jurisprudence. Le recourant n'a dès lors pas puêtre surpris lorsque la caisse l'a informé que le montant de sa rente devieillesse serait réduit à la suite de l'arrêt publié aux ATF 130 V 369. Ils'ensuit que l'assuré ne pouvait se prévaloir d'assurances précises de lapart de la caisse quant au versement d'une rente de vieillesse d'un montantéquivalant à la rente d'invalidité qu'il avait touchée jusqu'alors. 9.Il résulte de ce qui précède que la réduction du montant de la rente, tellequ'opérée par la caisse intimée à compter du 1er janvier 2005, était conformeau droit. Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et le recoursse révèle mal fondé. Vu la nature du litige, il n'y a pas lieu de percevoirde frais de justice (art. 134 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le
présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.Lucerne, le 19 décembre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.139/05
Date de la décision : 19/12/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-19;b.139.05 ?
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