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18/12/2006 | SUISSE | N°7B.136/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 décembre 2006, 7B.136/2006


{T 0/2}7B.136/2006 /frs Arrêt du 18 décembre 2006Chambre des poursuites et des faillites Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,Meyer et Marazzi.Greffier: M. Fellay. X. ________ Limited,recourante, représentée avec élection de domicile par Mes Jean-Cédric Michelet Luc Argand, avocats, contre Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites ducanton de Genève, casepostale 3840, 1211 Genève 3. procès-verbal de non-lieu de séquestre, recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des officesdes poursuites et des faillites ducanton de Genève du 26

juillet 2006. Faits : A.Le 3 avril 2006, X.________ Limited ...

{T 0/2}7B.136/2006 /frs Arrêt du 18 décembre 2006Chambre des poursuites et des faillites Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,Meyer et Marazzi.Greffier: M. Fellay. X. ________ Limited,recourante, représentée avec élection de domicile par Mes Jean-Cédric Michelet Luc Argand, avocats, contre Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites ducanton de Genève, casepostale 3840, 1211 Genève 3. procès-verbal de non-lieu de séquestre, recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des officesdes poursuites et des faillites ducanton de Genève du 26 juillet 2006. Faits : A.Le 3 avril 2006, X.________ Limited (ci-après: la créancière), invoquant saqualité de créancière de la République du Congo (ci-après: la débitrice)établie par quatre jugements de la High Court de Londres, a requis et obtenudu Tribunal de première instance de Genève le séquestre en mains deY.________ SA à Genève (ci-après: la tierce débitrice), à concurrence de113'734'285 fr. plus intérêts, de tous les avoirs, créances, actifs en comptecourant appartenant à, ou dont la tierce débitrice savait qu'ilsappartenaient directement ou indirectement à la débitrice ainsi qu'à diversessociétés expressément désignées (séquestre n° xxx). La créancière alléguaiten substance que par sa requête elle visait à faire séquestrer la créance enpaiement du prix de cargaisons de pétrole que la débitrice possédait contrela tierce débitrice. Elle faisait état, à ce propos, de 32 cargaisons venduesà la tierce débitrice directement et de 14 cargaisons vendues à celle-ciindirectement par l'intermédiaire d'une filiale (Z.________), soit 46transactions dont la valeur actuelle était de plus de 50'000'000 USD chacune,la relation se poursuivant désormais au nom d'une société "fantoche"(G.________) mais pour le compte de la tierce débitrice (cf. requête deséquestre, p. 20 ch. 56 ss, p. 23 ch. 69 s.). La créancière relevait parailleurs que les procédures anglaises avaient démontré que la débitrice et latierce débitrice avaient "cessé de traiter en direct et passé à l'utilisationde sociétés-écran, les changeant au fur et à mesure des actes d'exécutionforcée obtenus contre la débitrice, pour que cette dernière puisse sesoustraire aux condamnations pécuniaires prononcées contre elle" (mêmerequête, p. 2 et 22 ch. 65). Avisée dudit séquestre le 4 avril 2006 par l'Office des poursuites de Genève,la tierce débitrice a informé ce dernier, le 13 du même mois, que leséquestre n'avait pas porté, précisant qu'elle n'était pas débitrice de lapoursuivie, ni des autres entités visées par l'avis de séquestre. Le 20 avril 2006, l'office a adressé aux parties un procès-verbal de non-lieude séquestre, accompagné de la réponse de la tierce débitrice. Il ymentionnait que, selon la jurisprudence fédérale et cantonale, il devait s'entenir aux déclarations du tiers séquestré et qu'il ne lui appartenait pasd'interpréter différemment ces déclarations. B.Par acte du 5 mai 2006, la créancière a formé une plainte contre leprocès-verbal de non-lieu de séquestre. Se fondant sur les éléments invoquésdans sa requête de séquestre, elle a reproché à l'office de s'être contentéde la réponse négative de la tierce débitrice et a conclu à l'annulation del'acte attaqué et à ce que l'office soit invité à émettre un procès-verbald'exécution de séquestre constatant que le séquestre avait porté sur descréances de 5'300'000 et 100'000'000 USD, correspondant respectivement ausolde du prix de la cargaison d'un navire "Utik" et au pré-paiement de deuxcargaisons dont l'embarquement avait été prévu les 8/9 et 20/21 avril 2006.Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il soit enjoint à l'office de faireapplication des moyens prévus par l'art. 91 LP, à savoir en particulierinterpeller une nouvelle fois la tierce débitrice, puis d'émettre un nouveauprocès-verbal d'exécution du séquestre. Par décision du 26 juillet 2006, la Commission cantonale de surveillance apréalablement écarté certaines pièces déposées par la plaignante, ainsi queleurs commentaires, au motif que les pièces en question étaient rédigées enanglais et que la plaignante ne pouvait invoquer aucune urgence pourjustifier qu'elles n'aient pas été traduites en français en temps utile commel'exigeait le droit cantonal (art. 13 al. 1 et 2 LaLP). Sur le fond, elle arejeté la plainte en considérant en substance que l'office avait eu raison des'en tenir aux déclarations de la tierce débitrice et de retenir que leséquestre n'avait pas porté. C.La créancière a recouru le 4 août 2006 à la Chambre des poursuites et desfaillites du Tribunal fédéral en reprenant ses conclusions formulées eninstance cantonale, tout en y ajoutant une nouvelle visant à ce que l'officeouvre la procédure de tierce opposition de l'art.106 LP.La tierce débitrice conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet durecours dans la mesure de sa recevabilité. La débitrice a été invitée àrépondre au recours par acte judiciaire transmis le 30 août 2006, parl'Ambassade de Suisse à Kinshasa, au Ministère des Affaires Etrangères et dela Francophonie de la République du Congo, qui en a accusé réception le 25septembre 2006. Elle n'a pas déposé de réponse dans le délai imparti parledit acte (10 jours dès la communication de celui-ci). L'office a renoncé àse déterminer sur le recours, de même que la Commission cantonale desurveillance qui s'est référée aux considérants de sa décision.Le 9 novembre 2006, la Présidente de la Chambre de céans a rejeté une requêtede la recourante tendant à l'aménagement d'un second échange d'écritures. La Chambre considère en droit: 1.1.1 Nouveau, le chef de conclusions tendant à l'ouverture de la procédure detierce-opposition de l'art. 106 LP est irrecevable en vertu de l'art. 79 al.1 OJ. Il devrait de toute façon être rejeté, ainsi qu'on le verra ci-après(consid. 3). 1.2 Dans le recours de poursuite, il ne peut pas être présenté de faits etmoyens de preuves nouveaux lorsqu'ils auraient pu l'être dans la procédurecantonale (art. 79 al. 1 OJ). Sont également nouveaux, partant irrecevablesau sens de cette disposition, les faits et moyens de preuve qui existaient,respectivement étaient disponibles, dans l'instance précédente et quel'autorité (supérieure) de surveillance a déclarés irrecevables (P.-R.Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et lafaillite, n. 36 et 41 ad art. 19 LP) pour un motif, par exemple, denon-conformité avec le droit cantonal de procédure (cf. ATF 115 II 484consid. 2a; 111 II 473 consid. 1c). Sont dès lors irrecevables, en l'espèce, toutes les pièces nouvelles parrapport à celles figurant déjà au dossier et en outre toutes celles quel'autorité cantonale a écartées faute de répondre à l'exigence de la langueposée par le droit cantonal. La critique de la recourante concernant cettemise à l'écart d'un certain nombre de pièces et de leurs commentaires(recours, p. 30 ch. 97) ne peut être examinée dans le présent recours, car ladécision de l'autorité cantonale sur ce point est fondée sur le droitcantonal de procédure (art. 20a al. 3 LP) et la Chambre de céans ne revoitpas l'application des règles relevant de ce droit (art. 79 al. 1, premièrephrase, 43 al. 1 en liaison avec l'art.81 OJ; ATF 113 III 86 consid. 3 p.87). Sont de même irrecevables toutes les allégations de fait qui s'écartent desconstatations de la décision attaquée, les parties ne se prévalant d'aucunedes exceptions mentionnées à l'art. 63 al. 2 OJ, applicable par analogie(art. 81 OJ). 2.La motivation de l'autorité cantonale et l'argumentation de la recourante onttrait pour l'essentiel à l'application de l'art. 91 al. 4 LP concernantl'obligation de renseigner des tiers, disposition applicable par renvoi del'art. 275 LP. Saisi d'un recours de poursuite (art. 78 ss OJ), le Tribunal fédéral appliquele droit d'office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties,mais il n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art.63 al. 2 et81 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale(art. 63 al. 3 et 81 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29 et les arrêtscités). Il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceuxinvoqués par le recourant; il peut aussi rejeter un recours en opérant unesubstitution de motifs, c'est-à-dire en adoptant une autre argumentationjuridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid.2c). 3.3.1Selon la jurisprudence constante relative à l'art. 99 LP, égalementapplicable au séquestre en vertu du renvoi de l'art. 275 LP, l'office despoursuites doit, sans se préoccuper des déclarations du débiteur poursuivi oudu tiers débiteur, saisir les créances dont le créancier poursuivant allèguel'existence, et cela alors même que le tiers débiteur nierait l'existenced'une dette à sa charge, soit parce qu'elle n'aurait jamais existé, soitparce qu'elle serait éteinte ensuite, par exemple, de cession ou decompensation. L'office peut obliger le tiers débiteur à se déterminer (art.91 al. 4 LP). Il n'a toutefois pas la compétence pour se prononcer surl'existence de la créance saisie, soit sur les relations juridiques existantentre le poursuivi saisi et un tiers désigné comme son débiteur et quiconteste sa dette. Tout au plus l'office a-t-il la compétence de se prononcerà cet égard lorsqu'il apparaît clairement que les prétendus droits à saisirsont en réalité inexistants. C'est l'affaire du créancier poursuivantd'établir par le moyen d'une action judiciaire que le débiteur est réellementtitulaire des droits qu'il lui attribue. Mais ce n'est pas dans la procéduredes art. 106 à 109 LP que cela doit être établi; le créancier devra, avantd'agir, se faire céder la créance conformément à l'art. 131 LP ou se la faireadjuger aux enchères publiques; tant qu'il ne l'aura pas fait, il n'aura pasle droit d'actionner le tiers débiteur pour faire constater la dette et, deson côté, l'office n'aura en aucune façon l'obligation d'ouvrir de lui-mêmeaction à cet effet (ATF 120 III 18 consid. 4; 109 III 11 consid. 2; arrêt7B.220/2005 du 2 mars 2006, consid. 2.1; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann,Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 5e éd., n. 7 ad art. 99 LP;André E. Lebrecht, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung undKonkurs, n. 12 ad art.99 LP; Walter Stoffel/Isabelle Chabloz, Commentaireromand de la LP, n. 26 ad art. 275 LP). 3.2 La cause C. (arrêt non publié du Tribunal fédéral du 9 février 1995) àlaquelle l'office s'est référé ne concernait pas, comme ici, l'exécutionproprement dite d'un séquestre, mais l'existence d'un for de la poursuite envalidation du séquestre suivant que ce dernier avait porté ou non.Respectivement, les réponses des trois tiers avisés avaient été "parfaitementclaire", exempte de "doute", dépourvue de "toute confusion en dépit de"termes peut-être maladroits" utilisés (consid. 2a). Dans la présente espèce, la tierce débitrice s'est contentée de nier saqualité de débitrice des créances invoquées. Sur la base du dossier duséquestre à exécuter, notamment de la requête de la créancière, la prétentionde la débitrice contre la tierce débitrice en paiement du prix de cargaisonsde pétrole, telle qu'elle était invoquée par la créancière, était plausibleet n'apparaissait donc pas clairement inexistante. Quant au montant de cetteprétention, la créancière faisait état d'un solde de prix de quatrecargaisons de 50'000'000 USD chacune, dont deux au moins devaient être levéesen avril 2006 par la tierce débitrice (requête, p. 23 ch. 70), prétentionqu'elle a chiffrée plus précisément en instance de plainte en articulant lesmontants de 5'300'000 et 100'000'000 USD. Ces deux créances devaient doncêtre séquestrées comme créances contestées en application de la jurisprudencerappelée ci-dessus (cf. notamment ATF 109 III 11). En confirmant leprocès-verbal de non-lieu de séquestre, la Commission cantonale desurveillance a, partant, violé le droit fédéral déterminant. 4.Il y a lieu par conséquent d'admettre les chefs de conclusions de larecourante tendant à l'annulation de la décision attaquée et àl'établissement d'un procès-verbal constatant que le séquestre a porté surles prétendues créances de la débitrice envers la tierce débitrice de5'300'000 et 100'000'000 USD. Conformément aux art. 20a al. 1 LP, 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP, il n'ya pas lieu de percevoir d'émolument de justice, ni d'allouer des dépens. Par ces motifs, la Chambre prononce: 1.Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décisionattaquée est annulée. 2.L'office est invité à dresser un procès-verbal constatant que le séquestre aporté sur les créances prétendues de la débitrice (République du Congo)envers la tierce débitrice (Y.________ SA) de 5'300'000 et 100'000'000 USD. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante, àMe Rodolphe Gautier, avocat, pour Y.________ SA, à la République du Congo, àl'Office des poursuites de Genève, Bureau des séquestres, et à la Commissionde surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton deGenève. Lausanne, le 18 décembre 2006 Au nom de la Chambre des poursuites et des faillitesdu Tribunal fédéral suisse La présidente: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7B.136/2006
Date de la décision : 18/12/2006
Chambre des poursuites et des faillites

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-18;7b.136.2006 ?
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