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18/12/2006 | SUISSE | N°2A.260/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 décembre 2006, 2A.260/2006


{T 0/2}2A.260/2006 /viz Arrêt du 18 décembre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.Greffière: Mme Mabillard. A. A.________, recourante,représentée par Me Bruno Kaufmann, avocat, contre Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, lesPortes-de-Fribourg, routed'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,Tribunal administratif du canton de Fribourg,Ière Cour administrative, route André-Piller 21,case postale, 1762 Givisiez. Regroupement familial, recours de droit administratif contre l'arrêt de la Ière

Cour administrativedu Tribunal administratif du canton de ...

{T 0/2}2A.260/2006 /viz Arrêt du 18 décembre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.Greffière: Mme Mabillard. A. A.________, recourante,représentée par Me Bruno Kaufmann, avocat, contre Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, lesPortes-de-Fribourg, routed'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,Tribunal administratif du canton de Fribourg,Ière Cour administrative, route André-Piller 21,case postale, 1762 Givisiez. Regroupement familial, recours de droit administratif contre l'arrêt de la Ière Cour administrativedu Tribunal administratif du canton de Fribourg du 22 mars 2006. Faits: A.A. A.________, ressortissante camerounaise, est entrée en Suisse le 27juillet 1998 au bénéfice d'un visa de tourisme. Le 7 août 1998, elle a déposéune demande de publication de mariage avec D.________, ressortissant suisse,puis elle a présenté une demande d'autorisation de séjour. Le 25 octobre 1999, le Service cantonal de l'état civil du canton de Fribourga informé le Service de la police des étrangers et des passeports du cantonde Fribourg (actuellement: le Service de la population et des migrants;ci-après: le Service cantonal) du fait que l'intéressée ayant produit à deuxreprises des faux documents, la date de son mariage ne pouvait pas être fixéeen raison des doutes sur son identité. Le Service cantonal a donc rejeté, le28 décembre 1999, la requête d'autorisation de séjour de A.A.________ et luia imparti un délai pour quitter le territoire. Le 5 mai 2000, l'intéressée a épousé D.________. Le Service cantonal a ainsiannulé sa décision du 28 décembre 1999 et le Tribunal administratif du cantonde Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif) a rayé du rôle le recoursformé contre cette décision. B.Au bénéfice d'une autorisation de séjour régulièrement renouvelée depuis sonmariage, puis d'une autorisation d'établissement, A.A.________ a informé sacommune de résidence de son intention de faire venir ses deux enfantsB.A.________, née en 1992, et C.A.________, né en 1997. La commune enquestion a donné un préavis négatif sur cette éventualité. Le 6 septembre2005, une demande de regroupement familial a été déposée pour les deuxenfants précités auprès du consulat suisse à Yaoundé. Le 2 novembre 2005, le Service cantonal a refusé l'autorisation d'entrée etde séjour en faveur de B.A.________ et C.A.________. C.Le 22 mars 2006, le Tribunal administratif a rejeté le recours deA.A.________ contre la décision du Service cantonal du 2 novembre 2005. Il aretenu en substance que B.A.________ et C.A.________ résidaient chez leurgrand-mère depuis le départ de leur mère pour la Suisse en 1998, alors qu'ilsavaient six ans, respectivement un an. Même si l'intéressée avait maintenudes relations avec ses enfants par des appels téléphoniques et un soutienmatériel, les liens les plus étroits existaient avec l'aïeule. De plus, lesenfants étaient intégrés dans la communauté de leur pays et leur venue enSuisse pouvait constituer un véritable déracinement. Par ailleurs, leTribunal administratif a relevé que la situation financière de A.A.________et de son époux paraissait relativement exiguë et que l'on pouvait craindreque l'arrivée des enfants ne plonge à nouveau la famille dans des difficultésimportantes. D.Agissant par la voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral,A.A.________ conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt duTribunal administratif du 22 mars 2006, à l'admission de sa demande deregroupement familial et au renvoi de la cause au Service cantonal pourrégler les formalités d'entrée en Suisse et délivrer l'autorisation de séjouren faveur de ses enfants B.A.________ et C.A.________. Elle demande à êtremise au bénéfice de l'assistance judiciaire et invite le Tribunal fédéral àorganiser des débats publics. Elle se plaint d'une violation de son droitd'être entendue, d'une mauvaise constatation des faits et application dudroit ainsi que d'une inégalité de traitement. A l'appui de ses griefs, elleinvoque les art. 17 al. 2 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour etl'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), 9 et 10 de la conventionconclue à New York le 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant(ci-après: la Convention de New York; RS 0.107) ainsi que l'art. 8 CEDH. Le Tribunal administratif ainsi que le Service cantonal ont conclu au rejetdu recours. L'Office fédéral des migrations a proposé le rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60). Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit administratifest irrecevable contre l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles ledroit fédéral ne confère pas un droit. Les autorités compétentes statuentlibrement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avecl'étranger, sur l'octroi ou le refus de l'autorisation de séjour oud'établissement (art. 4 LSEE). En principe, l'étranger n'a pas de droit àl'octroi ou à la prolongation d'une autorisation de séjour. Le recours dedroit administratif n'est donc pas recevable, à moins que ne puisse êtreinvoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traitéaccordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 131 II 339consid. 1 p. 342/343). L'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE dispose que les enfants célibataires âgés demoins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisationd'établissement de leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent auprès d'eux.En l'espèce, la recourante bénéficie d'une autorisation d'établissement etses deux enfants sont âgés de moins de dix-huit ans. Le recours de droitadministratif est donc recevable sous cet angle. Par ailleurs, l'art. 8 CEDH peut également conférer un droit à uneautorisation de séjour aux enfants mineurs d'un étranger bénéficiant d'undroit de présence assuré en Suisse - comme par exemple un permisd'établissement - si les liens noués entre eux sont étroits et effectifs (ATF129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211 et les arrêts cités). L'existence de telsliens pouvant être admis au vu des circonstances (cf. consid. 7.1 ci-après),le présent recours est aussi recevable sous l'angle de cette disposition. Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites, lerecours est recevable. 2.2.1Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droitfédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104lettre a OJ). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droitfédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen (ATF130 III 707 consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2 p.318; 129 II 183consid. 3.4 p. 188), sans être lié par les motifs invoqués par les parties(art. 114 al. 1 in fine OJ). Lorsque le recours est dirigé, comme enl'occurrence, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunalfédéral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sontmanifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris derègles essentielles de procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ; ATF 132II 21 consid. 2 p. 24; 132 I 42 consid. 3.1 p. 44). En outre, le Tribunalfédéral ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droitfédéral ne prévoyant pas un tel examen dans ce domaine (art. 104 lettre c ch.3 OJ). 2.2 La recourante a produit pour la première fois devant l'autorité de céansun certificat médical daté du 23 février 2006 concernant l'état de santé desa mère. Elle a également annexé à son mémoire de recours un décompte de lacaisse de chômage pour le mois d'avril 2006 et un courrier de sa commune derésidence du 8 mai 2006 confirmant le remboursement de certains actes dedéfauts de biens. Or, la possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou defaire valoir de nouveaux moyens de preuve dans le cadre du recours de droitadministratif est très restreinte. Selon la jurisprudence, seules sontadmissibles dans ce cas les preuves que l'instance inférieure aurait dûretenir d'office et dont le défaut d'administration constitue une violationde règles essentielles de procédure (ATF 132 V 166 consid. 2.1 p.171). Enparticulier, les modifications ultérieures de l'état de fait ne peuventnormalement pas être prises en considération, car on ne saurait reprocher àune autorité d'avoir mal constaté les faits, au sens de l'art. 105 al. 2OJ,lorsque ceux-ci ont changé après sa décision (ATF 130 II 493 consid. 2 p. 497et les arrêts cités). Dans ces conditions, les pièces nouvelles annexées parla recourante à son mémoire de recours ne peuvent pas être prises enconsidération. Les pièces qu'elle a déposées, sans y avoir été invitée, aprèsl'échéance du délai de recours (art. 106 OJ) doivent également être écartées,un second échange d'écritures n'ayant pas été ordonné (art. 110 al. 4 OJ). Ausurplus, il sied de relever que, même si elles avaient été recevables, cespièces n'auraient pas été déterminantes pour l'issue du litige (cf. consid.7.2 ci-dessous). 3.3.1La recourante demande des débats. La procédure du recours de droitadministratif est essentiellement écrite (art. 110 OJ). Des débats, enparticulier une audience de comparution personnelle, ne sontqu'exceptionnellement ordonnés (art. 112 OJ). En l'espèce, les faits sontclairs et l'intéressée a pu s'exprimer de manière complète sur les questionsjuridiques soulevées par son recours, de sorte que des débats n'apporteraientaucun élément supplémentaire. Le recours ne soulève au demeurant aucunequestion de fait ou de droit qui ne puisse être jugée de manière appropriéesur la base des pièces du dossier. La requête de la recourante n'est donc pasfondée et doit être rejetée. Au surplus, l'art. 6 par. 1 CEDH, qui prévoitune audience publique, n'est pas applicable au cas particulier, lacontestation ne portant pas sur des "droits et obligations de caractèrecivil", ni sur le "bien-fondé d'une accusation en matière pénale" (cf. arrêtdans la cause Mamatkulov et Askarov c. Turquie du 4 février 2005, RecueilCourEDH 2005-I p. 225). 3.2 Devant le Tribunal administratif, la recourante a également requis desdébats, auxquels elle a ensuite expressément renoncé (lettre du 20 février2006). Elle est donc malvenue de faire grief à l'autorité intimée d'avoirviolé son droit d'être entendue en n'organisant pas de débats. 4.La recourante soutient que le refus du Tribunal administratif d'administrerles moyens de preuve qu'elle avait requis, notamment son auditionpersonnelle, équivaut à une violation de son droit d'être entendue.Ellefonde son grief sur l'art. 29 al. 2 Cst. ainsi que sur les art. 45 al. 1et 48 lettre a CPJA. 4.1 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par lesdispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôlel'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire. L'art. 45 al. 1 CPJA prévoit que l'autorité procède d'office auxinvestigations nécessaires pour établir les faits pertinents, sans êtrelimitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Selon l'art.48 lettre a CPJA, les parties sont tenues de produire les documents et defournir les renseignements utiles qu'elles détiennent. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notammentle droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres depreuves pertinentes. Ce droit n'empêche cependant pas l'autorité de mettre unterme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis deformer sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à uneappréciation anticipée des preuves proposées, elle a la certitude qu'elles nepourraient l'amener à modifier son opinion (cf. ATF 130 II 425 consid. 2.1 p.428; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430). En l'espèce, les dispositions cantonales invoquées par la recourante nerèglent pas plus précisément le présent point litigieux, de sorte que legrief soulevé doit être examiné exclusivement à la lumière des principesdéduits directement de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 119 Ia 136 consid. 2c p.138/139 et la jurisprudence citée). 4.2 Il ressort du dossier que les éléments établis par l'autorité intiméeétaient suffisants pour apprécier le cas d'espèce. La recourante avait obtenudeux prolongations de délai pour déposer de nouvelles pièces justificatives.Par ailleurs, son audition n'était pas nécessaire, vu qu'elle avait amplementpu faire valoir ses moyens par écrit au cours de la procédure devant leService cantonal, puis le Tribunal administratif. Par conséquent, l'autoritéintimée pouvait, à bon droit, renoncer à l'administration des preuvesoffertes par la recourante, qui n'étaient pas pertinentes. Au surplus, l'art.29 al. 2 Cst. ne confère pas à lui seul le droit d'être entendu oralement parl'autorité (ATF 122 II 464 consid. 4c p. 469). Ainsi, la recourante n'avaitaucun droit à s'exprimer oralement devant l'autorité intimée. Le grief deviolation du droit d'être entendu est dès lors infondé. 5.La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir constaté les faitspertinents de manière incomplète, voire inexacte. Elle n'indique toutefoispas quels faits auraient été constatés de manière erronée ni de quelséléments importants l'autorité intimée n'aurait pas tenu compte. Elle s'enprend en fait à leur qualification et à leur appréciation juridique etsoulève ainsi une question de droit que le Tribunal fédéral examine d'officeet librement (ATF 131 III 182 consid. 3 p. 184 et l'arrêt cité). 6.Selon la jurisprudence (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.1 p. 14; 126 II 329consid. 2a p. 330 et les arrêts cités), le but de l'art. 17 al. 2 LSEE est depermettre le maintien ou la reconstitution d'une communauté familialecomplète entre les deux parents et leurs enfants communs encore mineurs (lafamille nucléaire). Ce but ne peut être entièrement atteint lorsque lesparents sont divorcés ou séparés et que l'un d'eux se trouve en Suisse depuisplusieurs années, et l'autre à l'étranger avec les enfants. Le regroupementfamilial ne peut alors être que partiel, et le droit de faire venir auprès duparent établi en Suisse les enfants est soumis à des conditions plusrestrictives que lorsque les parents font ménage commun: alors que, dans cedernier cas, le droit peut, en principe, être exercé en tout temps sansrestriction autre que celle tirée de l'abus de droit (cf. ATF 129 II 11consid. 3.1.2 p. 14; 126 II 329 consid. 3b p. 332/333), il n'existe, enrevanche, pas un droit inconditionnel de faire venir auprès du parent établien Suisse des enfants qui ont grandi à l'étranger dans le giron de leur autreparent ou de proches. La reconnaissance d'un tel droit suppose alors que leparent concerné ait avec ses enfants une relation familiale prépondérante endépit de la séparation et de la distance et qu'un changement important descirconstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, rendantnécessaire le déplacement
des enfants en Suisse, comme par exemple unemodification des possibilités de leur prise en charge éducative à l'étranger(cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.3 p.14/15, 249 consid. 2.1 p. 252; 126 II 329consid. 3b p. 332; 124 II 361 consid. 3a p. 366). Ces restrictions sontpareillement valables lorsqu'il s'agit d'examiner sous l'angle de l'art. 8CEDH la question du droit au regroupement familial (partiel) d'enfants deparents séparés ou divorcés (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.4 p.256; 126 II329 consid. 3b p. 332; 125 II 633 consid. 3a p.639/640; 124 II 361 consid.3a p. 366; 118 Ib 153 consid. 2c p. 160 et les arrêts cités). Cettejurisprudence est compatible avec la Convention de New York, entrée envigueur pour la Suisse le 26 mars 1997, dont les dispositions ne confèrentpas une protection plus étendue que celle garantie par l'art. 8 CEDH (cf. ATF124 II 361 consid. 3b p. 367). Dans un arrêt du 19 décembre 2006 destiné à la publication (cause2A.316/2006), le Tribunal fédéral a maintenu et explicité sa jurisprudence.Il a indiqué qu'un droit au regroupement familial partiel ne doit, danscertains cas et sous réserve d'abus de droit, pas être d'emblée exclu, mêmes'il est exercé plusieurs années après la séparation de l'enfant avec leparent établi en Suisse et si l'âge de l'enfant est alors déjà relativementavancé. Tout est affaire de circonstances. Il s'agit de mettre en balance,d'une part, l'intérêt privé de l'enfant et du parent concernés à pouvoirvivre ensemble en Suisse et, d'autre part, l'intérêt public de ce pays àpoursuivre une politique restrictive en matière d'immigration. L'examen ducas doit être global et tenir particulièrement compte de la situationpersonnelle et familiale de l'enfant et de ses réelles chances de s'intégreren Suisse. A cet égard, le nombre d'années qu'il a vécues à l'étranger et laforce des attaches familiales, sociales et culturelles qu'il s'y est créées,de même que l'intensité de ses liens avec son autre parent établi en Suisse,son âge, son niveau scolaire ou encore ses connaissances linguistiques, sontdes éléments primordiaux dans la pesée des intérêts. Un soudain déplacementde son cadre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pourlui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans un nouveaupays d'accueil. De plus, une longue durée de séparation d'avec son parentétabli en Suisse a normalement pour effet de distendre ses liens affectifsavec ce dernier, en même temps que de resserrer ces mêmes liens avec leparent et/ou les proches qui ont pris soin de lui à l'étranger, dans unemesure pouvant rendre délicat un changement de sa prise en charge éducative.C'est pourquoi il faut continuer autant que possible à privilégier la venueen Suisse de jeunes enfants, mieux à même de s'adapter à un nouvelenvironnement (familial, social, éducatif, linguistique, scolaire, ...) quedes adolescents ou des enfants proches de l'adolescence.D'une manière générale, plus un enfant a vécu longtemps à l'étranger et setrouve à un âge proche de la majorité, plus les motifs justifiant ledéplacement de son centre de vie doivent apparaître impérieux et solidementétayés. Le cas échéant, il y aura lieu d'examiner s'il existe sur place desalternatives concernant sa prise en charge éducative qui correspondent mieuxà sa situation et à ses besoins spécifiques, surtout si son intégration enSuisse s'annonce difficile au vu des circonstances (âge, niveau scolaire,connaissances linguistiques, ...) et si ses liens affectifs avec le parentétabli dans ce pays n'apparaissent pas particulièrement étroits. Pourapprécier l'intensité de ceux-ci, il faut notamment tenir compte du temps quel'enfant et le parent concernés ont passé ensemble avant d'être séparés, etexaminer dans quelle mesure ce parent a concrètement réussi depuis lors àmaintenir avec son enfant des relations privilégiées malgré la distance etl'écoulement du temps, en particulier s'il a eu des contacts réguliers aveclui (au moyen de visites, d'appels téléphoniques, de lettres, ...), s'il agardé la haute main sur son éducation et s'il a subvenu à son entretien. Il ya également lieu, dans la pesée des intérêts, de prendre en considération lesraisons qui ont conduit le parent établi en Suisse à différer le regroupementfamilial, ainsi que sa situation personnelle et familiale et ses possibilitésconcrètes de prise en charge de l'enfant (cf. arrêt précité du 19 décembre2006, consid. 3 et 5). 7.7.1En l'espèce, la recourante est venue en Suisse, en 1998, pour des raisonséconomiques. Elle a laissé ses deux enfants, alors âgés de six ans et uneannée, à la charge de sa mère, chez laquelle ils ont toujours vécu. Depuislors, elle a vécu séparément de ses enfants et ne les a plus jamais revus. Enfait, cette situation consacre une rupture profonde des liens familiaux etpermet de douter de l'intensité de ceux-ci, ce d'autant que l'intéressée aattendu jusqu'en 2005 avant de formuler une demande de regroupement familialpour ses enfants, alors qu'elle pouvait déjà se prévaloir d'un droit auregroupement familial dès 2000, sur la base de l'art. 8 CEDH. Certes, larecourante a eu des contacts téléphoniques réguliers avec ses enfants et aenvoyé chaque mois de l'argent pour subvenir à leurs besoins. Le maintien deces contacts n'a toutefois rien que de très naturel et ne saurait, à luiseul, suffire à donner à cette relation familiale le caractère prépondérantexigé par la jurisprudence. Les enfants, âgés aujourd'hui de quatorze et neufans, ont par contre entretenu des relations quotidiennes avec leur grand-mèreet ont ainsi tissé les liens les plus étroits avec leur aïeule. 7.2 Il reste à examiner si des changements de circonstances rendentnécessaire la venue des enfants en Suisse. La recourante soutient que samère, atteinte dans sa santé, ne peut plus s'occuper des enfants et que cesderniers sont gardés par une tierce personne. Même si la maladie de lagrand-mère maternelle était établie, le fait que la recourante ait dû engagerune tierce personne pour s'occuper des enfants ne constitue pas, en tant quetel, un changement de circonstances imposant la venue des enfants en Suisse.En effet, elle a pu organiser une prise en charge sur place et rien n'indiqueque lesenfants sont livrés à eux-mêmes et qu'ils n'ont pas d'autres contactsfamiliaux dans leur pays. Il sied de relever ici que la recourante n'a plusfait valoir devant l'autorité de céans que son fils était gravement malade,ce qui, selon elle, nécessitait sa venue en Suisse. Par ailleurs, il n'estpas établi qu'une émigration vers la Suisse répondrait mieux aux besoinsspécifiques des enfants, même si ceux-ci maîtrisent la langue française. Lavenue en Suisse d'enfants en âge scolaire, dans un environnement culturel etscolaire complètement différent du leur, constituerait un déracinement socialet familial qui les exposerait certainement à des difficultés d'intégration.En plus de ces éléments qui ne plaident pas en faveur d'un regroupementfamilial, la situation financière de la recourante est précaire, ce queconfirme sa demande d'assistance judiciaire. Le couple A.A.________ etD.________, qui doit encore rembourser ses dettes auprès des servicessociaux, vit principalement grâce à la demi-rente AI de D.________ et auxallocations de chômage de la recourante. Si le montant de 1'000 fr. queprétend verser régulièrement la recourante pour ses enfants au Camerounsuffit largement à couvrir leurs besoins dans ce pays, ce même montant nesuffirait pas en Suisse et il se justifie, comme l'a relevé à juste titre leTribunal administratif, de ne pas ajouter au déracinement des conditions devie précaires, défavorables au développement des enfants. 7.3 La recourante invoque le principe de l'égalité de traitement en faisantvaloir, sans l'établir, qu'une de ses compatriotes domiciliée àYverdon-les-Bains aurait bénéficié d'un traitement plus favorable que lesien. Or, les particularités de chaque cas d'espèce sont déterminantes dansl'appréciation des intérêts en présence. Au surplus, la recourante ne sauraitse prévaloir du principe de l'égalité de traitement en invoquant, àl'encontre de l'arrêt attaqué rendu par une autorité judiciaire, une pratiqueprétendument plus généreuse des autorités administratives d'un autre canton.Le moyen apparaît donc lui aussi mal fondé. 7.4 Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'autorité intiméen'a violé ni l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, ni l'art. 8 CEDH ainsi que lesart. 9 et 10 de la Convention de New York, en refusant de délivrer uneautorisation d'entrée et de séjour en faveur des deux enfants de larecourante. 8.Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Les conclusions de larecourante étaient dénuées de toutes chances de succès, de sorte qu'ilconvient de lui refuser l'assistance judiciaire (art. 152 OJ). Succombant, larecourante doit supporter les frais judiciaires, qui seront fixés compte tenude sa situation financière (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ), et n'a pas droità des dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge de la recourante. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, auService de la population et des migrants et à la Ière Cour administrative duTribunal administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral desmigrations. Lausanne, le 18 décembre 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.260/2006
Date de la décision : 18/12/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-18;2a.260.2006 ?
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