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14/12/2006 | SUISSE | N°5C.94/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 décembre 2006, 5C.94/2006


{T 0/2}5C.94/2006 /frs Arrêt du 14 décembre 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Nordmann et Hohl.Greffière: Mme Jordan. Y. ________,demandeur et recourant,représenté par Me Karin Baertschi, avocate, contre X.________,défendeur et intimé,représenté par Me Raymond de Morawitz, avocat, entretien de l'enfant majeur, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 17 février 2006. Faits: A.Par jugement de divorce du 7 juillet 1992, Y.________ a notamment étéastreint à payer en faveur de son fils X.________,

né le 2 avril 1985, dontla garde avait été attribuée à la mère, ...

{T 0/2}5C.94/2006 /frs Arrêt du 14 décembre 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Nordmann et Hohl.Greffière: Mme Jordan. Y. ________,demandeur et recourant,représenté par Me Karin Baertschi, avocate, contre X.________,défendeur et intimé,représenté par Me Raymond de Morawitz, avocat, entretien de l'enfant majeur, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 17 février 2006. Faits: A.Par jugement de divorce du 7 juillet 1992, Y.________ a notamment étéastreint à payer en faveur de son fils X.________, né le 2 avril 1985, dontla garde avait été attribuée à la mère, une contribution d'entretien de 1'200fr. de l'âge de quinze ans révolus jusqu'à celui de vingt ans révolus, voiremême vingt-cinq ans au maximum en cas d'études sérieuses et régulières. Ils'est en outre vu réserver un droit de visite qui devait s'exercer, saufaccord contraire entre les parties, un week-end sur deux ainsi que la moitiédes vacances scolaires. B.Le 6 octobre 2003, Y.________ a ouvert contre son fils une action ensuppression des aliments, motif pris que celui-là refusait sans raison de levoir depuis le printemps de l'année 2000. Il a par la suite invoqué qu'ilavait perdu son travail et que X.________ avait requis et obtenu, auprintemps 2003, le changement de son nom de famille au profit du patronyme desa mère. Sur appel de Y.________, la Cour de justice du canton de Genève a annulé lejugement du 12 mai 2004 du Tribunal de première instance déboutant ledemandeur et a renvoyé la cause pour nouvelle instruction. Le 7 septembre 2005, après l'audition de huit témoins ou tiers entendus àtitre de renseignements, le Tribunal de première instance a derechef rejetél'action. Sur appel du père, la Chambre civile de la Cour de justice a, le 17 février2006, annulé le jugement de première instance. Statuant à nouveau, elle aréduit la contribution d'entretien en faveur de X.________ à 800 fr. parmois, avec effet au 6 octobre 2003 et jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans aumaximum en cas d'études sérieuses et régulières. En bref, relevant que l'enfant poursuivait des études universitairesrégulières, elle a considéré que le père ne pouvait se prévaloir de sonchangement d'orientation professionnelle pour obtenir une réduction de lacontribution d'entretien sur la base de l'art. 286 CC. Au vu du dossier, quine permettait pas de retenir que l'interruption, même de longue durée, desrelations personnelles aurait été imputable à une faute exclusive oulargement prépondérante de l'intimé, il n'y avait par ailleurs pas lieu desupprimer ou réduire, pour ce motif, la rente allouée dans le jugement dedivorce, conformément à l'art. 277 al. 2 CC. En revanche, la conjonction decertaines circonstances (rupture des contacts avec la famille paternelle etles amis du père, dont la marraine et le parrain de l'enfant, silence quant àla procédure en modification du patronyme) et, au premier chef, la procédureen changement de nom permettaient de retenir à charge de l'intéressé unmanque d'égards évident, sérieux et fautif à l'endroit de son père, quijustifiait une réduction d'un tiers de la pension. Le fils avait en effetchoisi de rayer son père ainsi que sa famille paternelle de son existence,comportement objectivement propre à blesser le débirentier. C.Y.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral, concluant à lasuppression des aliments dès le 6 octobre 2003. L'intimé propose le rejet du recours. D.Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté le recours de droit publicconnexe (5P.119/2006). Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par l'autoritésuprême du canton dans une contestation civile de nature pécuniaire (ATF 116II 493 consid. 2a p. 495), dont la valeur litigieuse atteint manifestement8'000 fr., le recours est recevable au regard des art.46, 48 al. 1 et 54 al.1 OJ. 2.Le litige porte sur la suppression de la contribution d'entretien de 1'200fr. que le recourant a été condamné à verser à son fils jusqu'à l'âge devingt ans révolus, voire vingt-cinq ans en cas d'études sérieuses, en vertudu jugement de divorce du 7 juillet 1992. La procédure a été introduite enoctobre 2003 contre l'enfant, majeur depuis le 2 avril précédent.L'enfant qui, comme en l'espèce, est devenu majeur avant l'introduction duprocès en modification des aliments, a la qualité pour défendre (cf. ATF 129III 55 consid. 3 p. 56 ss; 5C.277/2001 du 19 décembre 2002 publié inFamPra.ch 2003 p. 479, consid. 1.4.2). 3.Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 277 al. 2 CC. 3.1 L'arrêt entrepris considère - sans qu'aucun grief ne soit soulevé sur cepoint - que l'intimé poursuit régulièrement ses études universitaires. Iljuge par ailleurs que le dossier ne permet pas de retenir que l'interruption,même de longue durée des relations personnelles serait imputable à une fauteexclusive ou largement prépondérante de l'intimé. Une telle rupture nejustifiait ainsi pas la suppression, voire la réduction, des aliments allouésdans le jugement de divorce. En revanche, deux ans après la cessation desrelations personnelles, soit en avril 2002, l'intimé avait requis lechangement de son nom de famille au profit du patronyme de sa mère, en touteconnaissance de cause et sans en avertir son père, lequel n'avait apprisl'existence de sa démarche qu'un an et demi plus tard. Parallèlement, ilavait rompu tout contact avec sa famille paternelle, en particulier sagrand-mère, qu'il n'avait plus revue depuis 1999, ainsi que son parrain et samarraine, amis de son père. La conjonction de ces circonstances et, enpremier lieu, la procédure de changement de nom, permettaient de retenir à lacharge de l'enfant un manque d'égards évident, sérieux et fautif à l'endroitde son père. L'intimé avait en substance choisi de rayer ce dernier ainsi quesa famille paternelle de son existence, comportement objectivement propre àblesser son père. Une telle conduite, si elle ne justifiait pas lasuppression de la contribution d'entretien, fondait en revanche la réductionde celle-ci, comme le préconisait la doctrine. 3.2 Selon l'art. 134 al. 2 CC, les conditions se rapportant à la modificationde la contribution d'entretien fixée en faveur d'un enfant dans le jugementde divorce sont définies par les dispositions relatives aux effets de lafiliation. Aux termes de l'art. 286 al. 2 CC, si la situation change notablement, lejuge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, dela mère ou de l'enfant. Cette modification ou suppression suppose que desfaits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent uneréglementation différente. La procédure de modification n'a en effet pas pourbut de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstancesnouvelles (cf. ATF 120 II 177 consid. 3a p. 178; 120 II 285 consid. 4b p.292), parmi lesquelles figure la détérioration, depuis le jugement dedivorce, des relations personnelles entre le parent et l'enfant majeur(Hegnauer, Commentaire bernois, n. 81 ad art. 286; Breitschmid, Commentairebâlois, n. 14 ad art. 286). L'art. 277 al. 2 CC pose les conditions de l'obligation d'entretien des pèreet mère à l'égard de leur enfant majeur poursuivant sa formation. Cetteobligation dépend expressément de l'ensemble des circonstances, et notammentdes relations personnelles entre les parties. L'inexistence de celles-làattribuée au seul comportement du demandeur d'aliments peut ainsi justifierun refus de la part des parents de toute contribution d'entretien. Lajurisprudence exige toutefois que l'attitude de l'enfant lui soit imputable àfaute, celle-ci devant être appréciée subjectivement (ATF 113 II 374 consid.2 p.376/377); l'enfant doit avoir violé gravement (ATF 111 II 411 consid. 2p. 416) les devoirs qui lui incombent en vertu de l'art. 272 CC, et dans lescas où les relations personnelles sont rompues, avoir provoqué la rupture parson refus injustifié d'entretenir celles-là, son attitude gravementquerelleuse ou son hostilité profonde. Admettre, dans de tellescirconstances, le droit à l'entretien après la majorité reviendrait en effetà réduire le débiteur au rôle de parent payeur, ce que n'a assurément pasvoulu le législateur (ATF 113 II 374 consid. 2 p. 376; ATF 120 II 177 consid.3c p. 179 et les arrêts cités; 5C.205/2004 consid. 5.1 publié in FamPra.ch2005 p. 414). Toutefois, une réserve particulière s'impose lorsqu'il s'agit du manquementfilial d'un enfant de parents divorcés envers ceux-ci ou l'un d'eux; il fauttenir compte des vives émotions que le divorce des parents peut faire naîtrechez l'enfant et des tensions qui en résultent normalement sans qu'on puisselui en faire le reproche. Néanmoins, si ce dernier persiste, après êtredevenu majeur, dans l'attitude de rejet adoptée lors du divorce à l'égard duparent qui n'avait pas la garde, bien que celui-ci se soit comportécorrectement envers lui, cette attitude inflexible lui est imputable à faute(ATF 113 II 374 consid. 4 p.378 ss; 117 II 127 consid. 3b p. 130; cf. ATF129 III 375 consid. 4.2 p. 379/380; arrêt 5C.205/2004 consid. 5.1 publié inFamPra.ch 2005 p.414). 3.3 Autant que le recourant soutient que la procédure en changement de nominitiée par l'intimé et le fait que ce dernier ait rompu tout contact avec safamille paternelle ont causé la rupture des relations personnelles, il s'enprend de façon irrecevable aux constatations de l'arrêt entrepris, ce qu'ilne saurait faire dans un recours en réforme (art. 63 al. 2 CC). 3.4 La critique n'est pas fondée dans la mesure où le recourant reproche àl'autorité cantonale de ne pas avoir supprimé la contribution d'entretien auvu de la procédure en changement du nom de famille initiée par l'intimé. Selon l'arrêt entrepris (art. 63 al. 2 OJ), les parties n'entretiennent plusde relations personnelles depuis le mois de mars 2000, sans que l'on puisseen imputer la faute exclusive ou prépondérante à l'intimé. Dans un telcontexte, on ne voit pas en quoi une procédure introduite quelque deux ansplus tard (avril 2002) pourrait constituer à elle seule un motif justifiantla suppression des aliments. Le recourant est d'ailleurs malvenu de seprévaloir de cette circonstance, alors même que le fait qu'il n'en ait euconnaissance qu'un an et demi plus tard, dans le cadre de la présenteprocédure, tend à démontrer le peu d'intérêt qu'il semble porter à son fils. Dans ces conditions, les juges cantonaux - qui jouissent en la matière d'unlarge pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; Hegnauer Commentaire bernois, n. 89ad art. 277 CC), à l'égard duquel le Tribunal fédéral se montre réservé (ATF127 III 136 consid. 3a p. 141; 108 II 30 consid. 8 p. 32 et l'arrêt cité; 107II 406 consid. 2c p. 410) - n'ont pas violé le droit fédéral en considérantque le changement de nom ne justifiait pas la suppression de la contributiond'entretien au-delà de la majorité. Autre est la question de savoir s'ilsl'ont réduite à bon droit. Il n'est toutefois nul besoin d'examiner cettequestion. Le recourant n'a pris aucune conclusion pour contester la quotitéde la réduction et l'intimé n'a pas interjeté de recours pour critiquer leprincipe même d'une diminution. 4.Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sarecevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de laprocédure (art. 156 al. 1 OJ) et versera des dépens à l'intimé (art. 159 al.1 et 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 14 décembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.94/2006
Date de la décision : 14/12/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-14;5c.94.2006 ?
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