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14/12/2006 | SUISSE | N°4P.299/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 décembre 2006, 4P.299/2006


{T 0/2}4P.299/2006 /ech Arrêt du 14 décembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottentberg et Mathys.Greffier: M. Thélin. Garage A.________ et fils,recourante, contre Z.________ AG,intimée, représentée par Me François Bohnet,Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, IIe Cour civile, case postale 3174,2001 Neuchâtel 1. procédure civile; exception d'arbitrage recours de droit public contre le jugement rendu le2 octobre 2006 par la IIe Cour civile du Tribunalcantonal du canton de Neuchâtel. Faits : A.Le 1er octobre 1998, Z.________ AG et la société en nom c

ollectif GarageA.________ et fils se sont liées par un contra...

{T 0/2}4P.299/2006 /ech Arrêt du 14 décembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottentberg et Mathys.Greffier: M. Thélin. Garage A.________ et fils,recourante, contre Z.________ AG,intimée, représentée par Me François Bohnet,Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, IIe Cour civile, case postale 3174,2001 Neuchâtel 1. procédure civile; exception d'arbitrage recours de droit public contre le jugement rendu le2 octobre 2006 par la IIe Cour civile du Tribunalcantonal du canton de Neuchâtel. Faits : A.Le 1er octobre 1998, Z.________ AG et la société en nom collectif GarageA.________ et fils se sont liées par un contrat dit «de vente et dereprésentation» qui intégrait l'entreprise de cette société-ci - un garagequ'elle exploite à X.________ - au réseau des garages et ateliers de lamarque de véhicules Z.________. Ce contrat était conclu pour une duréeindéterminée et chaque partie pouvait le résilier pour la fin d'un mois àcondition d'observer, en règle générale, un délai de résiliation de deux ans.Un délai plus bref ou une résiliation sans délai étaient prévus danscertaines éventualités. Le contrat comportait un chiffre 8.5 libellé commesuit:La résiliation doit être motivée et donnée sous forme écrite et par courrierrecommandé. Si une des parties estime que la résiliation est injustifiée,l'affaire est soumise à un expert tiers. La résiliation reste valable pendantle litige. [...] La décision de l'expert tiers est obligatoire si aucune desparties n'ouvre action dans les trente jours qui suivent la décision.Des dissensions se sont élevées entre les parties. Selon la version des faitsprésentée par Z.________ AG, sa cocontractante lui a déclaré le 17 juin 2004qu'elle ne souhaitait pas poursuivre leur collaboration au delà de l'année encours; elle-même, par lettre du 2 décembre 2004, a confirmé l'échéance ducontrat au 31 décembre 2004. B.Le 5 avril 2006, Z.________ AG a ouvert action contre Garage A.________ etfils devant le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Elle reprochait à ladéfenderesse de se refuser sans droit, depuis le 1er janvier 2005, audémontage et à la restitution des installations publicitaires de la marqueZ.________ qui lui avaient été fournies, et de continuer sans droitl'utilisation de cette marque dans sa publicité et son commerce de véhicules.La défenderesse devait être condamnée, notamment, à cesser d'utiliser lamarque Z.________, à tolérer l'enlèvement des installations précitées et àpayer diverses sommes, telles que 10'000 fr. à titre de dommages-intérêts et60'000 fr. pour restitution du gain illicite.Préalablement à tout autre moyen, la défenderesse a contesté la compétence dela juridiction étatique en soulevant une exception d'arbitrage qu'ellefondait sur le chiffre 8.5 du contrat.Par un jugement sur moyen préjudiciel rendu le 2 octobre 2006, la IIe Courcivile du Tribunal cantonal a rejeté l'exception et admis sa proprecompétence pour connaître de l'action. Elle a considéré que la clauseinvoquée dans le contrat n'était pas une convention d'arbitrage maisseulement une convention d'expertise-arbitrage; l'expert-arbitre n'avait pasde pouvoir juridictionnel et la clause le concernant n'excluait donc pas lacompétence des tribunaux étatiques. C.Agissant par la voie du recours de droit public, la défenderesse requiert leTribunal fédéral d'annuler ce prononcé. Elle reproche à la IIe Cour civiled'avoir dénié au chiffre 8.5 du contrat la portée qui devait lui êtrereconnue selon le concordat sur l'arbitrage et d'avoir admis sa compétence enviolation de ce concordat.La demanderesse et intimée conclut au rejet du recours; la IIe Cour civilen'a pas présenté d'observations. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être exercé contre unedécision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens(art. 84 al. 1 let. a OJ) ou pour violation des concordats (art. 84 al. 1let. b OJ), en particulier contre une décision incidente relative à lacompétence (art. 87 al. 1 OJ). Cette décision doit n'être susceptible d'aucunautre recours cantonal ou fédéral apte à redresser l'irrégularité (art. 84al. 2, 86 al. 1 OJ), exigence qui est satisfaite en l'espèce; en particulier,le recours en réforme au Tribunal fédéral n'est pas recevable pour violationdes concordats (art. 43 al. 1 OJ). L'exigence d'un intérêt actuel, pratiqueet juridiquement protégé à l'annulation de la décision attaquée (art. 88 OJ)est également satisfaite; les conditions légales concernant la forme - lemémoire adressé au Tribunal fédéral est signé d'une associée jouissant dudroit de signature individuelle - et le délai du recours (art. 30, 89 et 90OJ) sont aussi observées.Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs fondés sur les droits constitutionnels ou les concordats, invoqués etmotivés de façon suffisamment détaillée dans l'acte de recours (art. 90 al. 1let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1; 128III 50 consid. 1c p. 53). Il statue sur la base des faits constatés dans ladécision attaquée, à moins que la partie recourante ne démontre que la courcantonale a retenu ou, au contraire, ignoré de manière arbitraire certainsfaits déterminants (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 2.Aux termes de l'art. 4 al. 1 du concordat sur l'arbitrage (CA) approuvé parle Conseil fédéral le 27 août 1969, auquel le canton de Neuchâtel est partie,une convention d'arbitrage peut être conclue sous la forme d'un compromis oud'une clause compromissoire.La convention d'arbitrage a pour effet de fonder la compétence du tribunalarbitral pour connaître de la contestation concernée, d'une part, etd'exclure la compétence de la juridiction étatique qui pourrait ou devraitconnaître de ladite contestation en l'absence de la convention, d'autre part.Devant cette juridiction, la convention et l'art. 4 al. 1 CA autorisent lapartie défenderesse à soulever - en temps utile et dans les formes à observerselon le droit de procédure applicable - l'exception d'arbitrage; le caséchéant, celle-ci entraîne l'irrecevabilité de la demande (Pierre Jolidon,Commentaire du concordat suisse sur l'arbitrage, Berne 1984, ch. 73 ad art. 4CA; Oscar Vogel et Karl Spühler, Grundriss des Zivilprozessrechts [...] derSchweiz, Berne 2006, p. 416 ch. 42).En l'occurrence, par une argumentation suffisamment explicite, la recourantereproche au Tribunal cantonal d'avoir rejeté l'exception d'arbitrage enviolation de l'art. 4 al. 1 CA. 3.Il y a convention d'arbitrage lorsque les parties stipulent qu'une ouplusieurs personnes à choisir par elles, directement ou indirectement, quiformeront le tribunal arbitral, seront investies du pouvoir de trancher unecontestation à la place des juridictions étatiques normalement compétentes.Le pouvoir de trancher, c'est-à-dire de prendre une décision qui sera dotéede la force et de l'autorité reconnues aux jugements, est un élémentessentiel de la convention d'arbitrage. Les accords prévoyant qu'un tierssera chargé de tenter une conciliation ou une médiation entre les parties,ou, dans le cas de l'expertise-arbitrage, de constater ou d'apprécier telfait important pour l'issue du litige, ne sont pas des conventionsd'arbitrage et ne sont pas régis par le concordat. La jurisprudence consacredivers critères destinés à orienter, dans chaque cas particulier, ladistinction entre arbitrage et expertise-arbitrage; ainsi, on tient notammentcompte des termes utilisés dans l'accord des parties, de l'étendue desattributions conférées au tiers qui sera désigné selon cet accord, et del'aptitude de sa décision à constituer un titre d'exécution forcée (ATF 117Ia 365 consid. 6 p.368; 125 I 389 consid. 4a p. 390; Pierre Lalive et al.,Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, Lausanne 1989, p.27/28; Jolidon, op. cit., p. 33 et ss).Le juge de l'exception d'arbitrage doit, au besoin, interpréter les termes etexpressions dans lesquels les parties ont exprimé leur accord; en tantqu'elle est litigieuse, le Tribunal fédéral contrôle librement cetteinterprétation (ATF 116 Ia 56 consid. 3a p. 57).Le chiffre 5.8 du contrat conclu le 1er octobre 1998 ne prévoit pas leconcours d'un arbitre mais seulement celui d'un «expert». Il n'habilite pasce tiers à prendre une décision définitive puisque les parties peuvent encoreouvrir action dans un délai de trente jours après qu'il s'est prononcé.L'expert ne peut statuer que sur le point de savoir si la résiliation ducontrat est justifiée ou non; il n'est pas habilité à constater lesobligations réciproques des parties. Il ne prend donc qu'une décisionconditionnelle, subordonnée à l'acceptation expresse ou simplement tacite desparties, et limitée à un élément spécifique du litige. Au regard de cesmodalités, la décision ainsi prévue n'est certainement pas un prononcéassimilable à un jugement et la clause contractuelle qui la prévoit n'estdonc pas non plus une convention d'arbitrage. Par conséquent, la IIe Courcivile n'a pas pu violer l'art. 4 al. 1 CA en rejetant l'exception soulevéepar la recourante.Celle-ci soutient vainement que le délai de trente jours prévu au chiffre 5.8du contrat n'est que celui à observer selon l'art. 37 al. 1 CA pour exercerle recours en nullité disponible contre une sentence arbitrale. Cetteinterprétation est inconciliable avec l'expression «si aucune des partiesn'ouvre action» qui a été utilisée et qui vise évidemment une procédurejudiciaire de première instance; en outre, les parties n'avaient aucun motifde paraphraser, dans une éventuelle convention d'arbitrage, une dispositiondu concordat qui est de toute manière impérative selon l'art. 1 al. 3 CA. Ilest par ailleurs certain que le chiffre 5.8 du contrat est issu de la volontélibre des deux parties mais cela ne suffit pas à en faire une conventiond'arbitrage. Enfin, l'autonomie d'une convention d'arbitrage n'est pas encause ici. Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à sonrejet. 4.La recourante ne tente pas de mettre en évidence une application arbitraire,qui serait contraire à l'art. 9 Cst., du droit de procédure neuchâtelois. LeTribunal fédéral n'examine donc pas si, au regard de ce droit, le chiffre 8.5du contrat pouvait fonder une exception dilatoire. 5.A titre de partie qui succombe, la recourante doit acquitter l'émolumentjudiciaire et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.La recourante acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr. 3.La recourante acquittera une indemnité de 2'500 fr. due à l'intimée à titrede dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Lausanne, le 14 décembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.299/2006
Date de la décision : 14/12/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-14;4p.299.2006 ?
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