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13/12/2006 | SUISSE | N°4C.312/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 décembre 2006, 4C.312/2006


{T 0/2}4C.312/2006 /ech Arrêt du 13 décembre 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett et Rottenberg Liatowitsch.Greffier: M. Ramelet. Fédération Turque de Football,défenderesse et recourante, représentée par Me Yves Jeanrenaud, contre X.________,demandeur et intimé, représenté par Me Yaël Hayat. contrat de travail; résiliation immédiate, recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel dela juridiction des prud'hommes du canton de Genève du18 juillet 2006. Faits : A.A.a La Fédération Turque de Football (ci-après: la Fédération), associationfaÃ

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{T 0/2}4C.312/2006 /ech Arrêt du 13 décembre 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett et Rottenberg Liatowitsch.Greffier: M. Ramelet. Fédération Turque de Football,défenderesse et recourante, représentée par Me Yves Jeanrenaud, contre X.________,demandeur et intimé, représenté par Me Yaël Hayat. contrat de travail; résiliation immédiate, recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel dela juridiction des prud'hommes du canton de Genève du18 juillet 2006. Faits : A.A.a La Fédération Turque de Football (ci-après: la Fédération), associationfaîtière dont le siège est à Istanbul (Turquie), a créé en janvier 2004 unereprésentation à Genève. Par contrat de travail du 23 janvier 2004, dont l'échéance était fixée au 31janvier 2007, la Fédération a engagé X.________ en qualité de représentantpour son antenne de Genève. Le prénommé avait pour tâche de suivre lesdossiers des clubs de football affiliés à la Fédération en litige avec laFédération Internationale de Football Association (FIFA), de contrôler lesprojets de l'Union des Associations Européennes de Football (UEFA), d'assurerles relations entre la Fédération et les instances supérieures et decontribuer à l'identification des footballeurs turcs évoluant en Europesusceptibles d'être sélectionnés dans l'équipe de Turquie. Le salaire mensuelbrut du travailleur s'élevait à 12'000 fr. Le contrat précité prévoyait, à son art. 5, une clause de confidentialitédétaillée selon laquelle X.________ ne pouvait sous aucun prétexte faire unedéclaration ou une annonce, ni divulguer une information ou un document parvoie écrite et/ou visuelle aux agences de presse ou aux établissements de laradio et de la télévision, ni à des tiers, sans l'accord préalable de laFédération. Il ne pouvait ni utiliser ni rendre publiques les informationsobtenues dans l'exercice de son emploi, même après la fin de celui-ci. Ildevait accomplir son travail "dans une neutralité totale" et garder "laconfidentialité absolue des affaires". Il ne pouvait transmettre aucuneinformation obtenue sur un club de football à tout autre club. Il admettaitpar avance que les informations auxquelles il aurait accès étaientconfidentielles. Il n'était pas autorisé à donner son point de vue à un clubquelconque sur les footballeurs qu'il suivait dans le cadre de ses fonctions.Il ne pouvait non plus suivre ou proposer des footballeurs pour le compted'un quelconque club (art. 64 al.2OJ). L'accord précisait, à l'art. 6 ch. 2, que pendant la durée de son engagement,X.________ ne pouvait exercer une autre activité, même à titre honorifique,et qu'il n'était pas autorisé à s'associer avec une personne physique oumorale active dans l'industrie du football. Quant à l'art. 7, il stipulaitnotamment que la contravention aux art. 5 et 6 ch. 2 du contrat permettait àla Fédération d'obtenir de son employé le paiement de dommages-intérêts.Celle-ci pouvait en outre réclamer au travailleur, à titre de clause pénale,un montant correspondant à 20fois le salaire mensuel fixé par le présentcontrat. Le contrat du 23 janvier 2004 comportait, à son art. 8, une élection de droiten faveur du droit suisse et une prorogation de for en faveur des tribunauxgenevois (art. 64 al. 2 OJ). A.b X.________ a été footballeur professionnel; à ce titre, il a joué pendantplusieurs années pour l'équipe turque du FC Galatasaray. Par la suite, il estresté membre du congrès de ce club, lequel est une assemblée composée de12'000 personnes chargées de décider des grandes lignes de la politique duclub. Le président et le vice-président de la Fédération, à savoirrespectivement A.________ et B.________, sont également membres de cecongrès. Il a été retenu que X.________ n'est jamais intervenu officiellementdans les activités de transfert de joueurs menées par le FC Galatasaray. Iln'a fait que donner son avis occasionnellement et de manière informelle, sanspercevoir une contre-prestation, sur des joueurs auxquels ledit clubs'intéressait. Au début janvier 2005, X.________ a été contacté par des journalistes desquotidiens turcs W.________ et Y.________, appartenant tous deux au mêmegroupe de presse, dans le but de connaître son opinion sur le transfert dejoueurs au sein du FC Galatasaray. X.________ a indiqué à ces journalistesqu'ils devaient au préalable obtenir l'autorisation de la Fédération. Le 4 janvier 2005, C.________, directeur du journal W.________ et ami duvice-président de la Fédération B.________, a pris langue avec ce dernier enindiquant qu'il voulait faire un reportage avec X.________. B.________ n'apas posé de questions quant au sujet que le journaliste souhaitait aborderavec X.________. B.________ a prié le président de la Fédération, A.________,de donner une réponse favorable à la demande de C.________. Toujours le 4 janvier 2005, A.________, en présence de B.________, atéléphoné à X.________ pour l'autoriser à parler aux journalistes. Au coursde cette conversation téléphonique, A.________ n'a pas demandé de précisionsà X.________ à propos du thème sur lequel ce dernier allait être interrogé;A.________ n'a cependant donné son aval à l'entretien que dans la mesure oùil allait porter sur la représentation suisse de la Fédération, sans que soitimpliquée l'association faîtière elle-même. C'était la première fois, depuisqu'il était représentant de la Fédération, que X.________ allait donner uneinterview. Le 6 janvier 2005, un article, signé D.________, est paru dans le journalY.________ relatant les déclarations de X.________ concernant le transfert dejoueurs étrangers au sein du FC Galatasaray. Le titre de l'article indiquaitque les allégations de X.________ allaient faire trembler les supporters duFC Galatasaray. X.________ a en particulier affirmé qu'il y avait eu desirrégularités sous forme de versement d'un pot-de-vin lors du transfert dujoueur brésilien E.________. L'article précisait que X.________ faisaitpartie de la communauté du Galatasaray et poursuivait sa carrière en Suisse,en tant que représentant de la Fédération. Le journaliste D.________ a fait paraître le même jour un article dans lejournal W.________, où étaient reprises les déclarations de X.________ ausujet des transferts de joueurs étrangers vers le FC Galatasaray. L'articlementionnait explicitement que X.________ ne s'était prononcé qu'après avoirobtenu l'autorisation du président de la Fédération A.________. A.c Le 6 janvier 2005, la Fédération a écrit à X.________ que sesdéclarations n'avaient pas été autorisées, qu'elles ne se conciliaient pasavec ses fonctions et portaient atteinte à la neutralité de la Fédération.Elle l'a ainsi prié de se déterminer par écrit dans les 24 heures. X. ________ a répondu par courrier du 7 janvier 2005 qu'il avait été autoriséle 4 janvier 2005 par le président A.________ à donner l'interview enquestion, à condition de ne pas s'exprimer au sujet de la Fédération.X.________ a relevé que le journaliste lui avait de son côté confirmé parécrit et oralement qu'il avait obtenu le consentement du président de laFédération pour mener cette interview. Le prénommé a encore expliqué s'êtreexprimé uniquement sur des questions internes au FC Galatasaray, dont il estmembre du congrès, et avoir pris spécialement soin de ne pas inclure dans lereportage un sujet concernant la Fédération. X.________ a joint à soncourrier une télécopie que lui avait envoyée C.________ le même jour,indiquant que le journal de ce dernier avait obtenu, par l'intermédiaire duvice-président de la Fédération B.________, la permission du présidentA.________ que l'interviewé s'exprime sur tous les sujets, sauf si laFédération était concernée.Le 8 janvier 2005, la Fédération a résilié le contrat de X.________ aveceffet immédiat aux motifs qu'il avait, par ses déclarations à la presse, agid'une manière inconciliable avec sa fonction et accusé de délits graves lesdirigeants d'un club de la Fédération. X. ________ a contesté le 11 janvier 2005 les motifs de son congé. Le FC Galatasaray a publié sur son site Internet une déclaration émanant deson conseil d'administration, par laquelle il niait les irrégularités qui luiétaient reprochées. B.B.aLe 3 mars 2005, X.________ (le demandeur) a assigné la Fédération (ladéfenderesse) devant le Tribunal des prud'hommes de Genève. Il a réclaméversement de 300'000 fr. à titre de dommages-intérêts pour le salaire qu'ilaurait perçu, en l'absence d'un licenciement, jusqu'à la fin des rapports detravail, du montant de 9'596. fr. à titre de solde de vacances non prises aujour du licenciement, de 14'993 fr. à titre d'indemnité pour vacances nonprises en nature jusqu'à l'échéance du contrat de durée déterminée et de48'000 fr. à titre d'indemnité pour licenciement injustifié, correspondant àquatre mois de salaire. La défenderesse a conclu au déboutement du demandeur. Elle a fait valoir quel'autorisation donnée à X.________ n'avait porté que sur l'organisation et lefonctionnement de son antenne genevoise. La Fédération a réclaméreconventionnellement au demandeur le paiement de 240'000fr., soit 20salaires, conformément à la clause pénale de l'art. 7 du contrat du 23janvier 2004, plus le remboursement d'un loyer mensuel et de diversesfactures de nettoyage. En cours de procédure, la défenderesse a reconnudevoir au demandeur un solde de 16 jours de vacances. B.b Par jugement du 9 décembre 2005, le Tribunal des prud'hommes a condamnéla défenderesse à payer au demandeur la somme brute de 308'827 fr.60 et lasomme nette de 12'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 11 janvier 2005; leTribunal a en outre condamné le demandeur à verser à la Fédération le montantnet de 4'320 fr. plus intérêts à 5% dès le 31 décembre 2004 et a donné acte àX.________ de son engagement de verser à la défenderesse quatre fois la sommenette de 269 fr., avec, pour chaque tranche, des intérêts à 5% l'an à partirde différentes dates.Les premiers juges ont considéré que le congé sans délai n'était pasjustifié, de sorte que le demandeur avait droit au salaire qu'il auraittouché jusqu'à la fin des relations contractuelles et au paiement des joursde vacances reconnus, soit en tout 308'827 fr.60. Le Tribunal des prud'hommesa admis que le demandeur était à même de prendre en nature les vacancesauxquelles il aurait eu droit jusqu'à l'échéance de son contrat. Il a fixé àun mois de salaire, soit 12'000 fr. net, l'indemnité pour licenciementimmédiat injustifié. Ledit Tribunal a entièrement rejeté la prétention de laFédération fondée sur la clause pénale, mais a prononcé que le demandeurrestait lui devoir un loyer, par 4'320 fr., outre le paiement, non contesté,de quatre tranches de 269 fr. B.c Saisie d'un appel de la défenderesse et d'un appel incident du demandeur,la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, pararrêt du 18 juillet 2006, a annulé le jugement attaqué en tant qu'il acondamné la défenderesse à verser au demandeur la somme nette de 12'000 fr.plus intérêts à 5% l'an dès le 11 janvier 2005, et confirmé cette décisionpour le surplus. Les motifs de cet arrêt seront exposés ci-après dans la mesure utile. C.La Fédération exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêtcantonal. Elle conclut à ce que le demandeur soit débouté de toutes sesprétentions et à ce que ce dernier soit condamné à lui payer le montant de240'000 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 9 janvier 2005. L'intimé propose le rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires etdans sa reconvention et dirigé contre un arrêt final rendu en dernièreinstance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur unecontestation civile dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable,puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formesrequises (art. 55 OJ). Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation dudroit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid.1.4). Dans la mesure où unepartie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dansla décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenircompte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvertpour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de faitqui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129III 618 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, quine peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'estpas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni parl'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;ATF 130 III 297 consid. 3.1). 2.La présente cause comporte des éléments d'extranéité puisque les deux partiesau litige sont domiciliées en Turquie. Il faut donc contrôler d'office laquestion du droit applicable (ATF 132 III 609 consid. p. 614, III 626 consid.2 p. 629). C'est à bon droit que la Cour d'appel a jugé le différend au regard du droitsuisse, étant donné que le contrat de travail conclu entre les plaideurs le23 janvier 2004 comprenait une élection de droit expresse en faveur de cedroit (art. 116 LDIP). 3.Dans l'arrêt déféré, les magistrats genevois ont retenu que le demandeuravait requis et obtenu l'accord de son employeur, comme son contrat detravail l'exigeait, pour donner une interview à des journalistes turcs. Ilsont admis que, par ses déclarations à la presse, l'intimé n'avait violé aucundes devoirs de confidentialité et de neutralité stipulés dans l'accord encause. En revanche, l'autorité cantonale a admis que les propos dutravailleur avaient terni indirectement l'image de la défenderesse, si bienqu'ils étaient incompatibles avec le devoir de fidélité ancré à l'art. 321aal. 1 CO; toutefois, pour la Cour d'appel, cette violation du devoir defidélité n'atteignait pas le degré requis pour considérer qu'étaient rompusles liens de confiance nécessaires à la poursuite des relations de travail.La cour cantonale
a encore retenu que le demandeur n'avait pas contrevenu àl'art. 6 de son contrat, qui l'obligeait à s'abstenir de toute activité pourun tiers pendant qu'il était au service de la défenderesse. Elle a déduit dece qui précède que l'intimé avait été licencié abruptement de manièreinjustifiée. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la Courd'appel a admis qu'il ne se justifiait pas d'allouer au travailleur - lequelva percevoir l'intégralité du salaire qu'il aurait réalisé jusqu'à finjanvier 2007, soit 300'000 fr. - une indemnité au sens de l'art. 337c al. 3CO. Au sujet de la reconvention, les magistrats genevois ont retenu que ledemandeur n'avait pas transgressé les art. 5 et 6 de son contrat et que ladéfenderesse n'avait pas établi de dommage, en sorte que le travailleur nesaurait être condamné au versement d'une indemnité forfaitaire ou à desdommages-intérêts. 4.4.1La recourante reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir admis queles déclarations faites par l'intimé au début janvier 2005 à la presse turquene pouvaient justifier le licenciement immédiat qui a été prononcé àl'endroit de ce dernier le 8 janvier 2005. Elle prétend que les propos tenuspar le demandeur violaient gravement ses devoirs de confidentialité et deneutralité instaurés par l'art. 5 de son contrat. A en croire la recourante,l'autorisation orale donnée lors d'une brève conversation téléphonique par leprésident de la Fédération n'autorisait pas l'intimé à s'exprimer sur desfaits portant atteinte à l'image de son employeur, alors que le sujet del'interview n'avait pas été abordé ni précisé. La défenderesse se réfère à unrapport d'un comité ad hoc constitué par le conseil d'administration du FCGalatasaray, qui aurait établi le caractère erroné et diffamatoire desdéclarations de l'intimé. L'atteinte aux devoirs précités imputable audemandeur serait d'autant plus grave que celui-ci avait déjà sous-entenduqu'il existait des problèmes au sein de la Fédération et qu'il avait promisun grand déballage s'il avait l'accord du président de la défenderesse. La recourante soutient que le demandeur n'a pas attendu de recevoir uneconfirmation écrite de la défenderesse avant de parler aux journalistes, cequi démontrerait qu'il ne se souciait nullement de préserver les intérêts deson employeur. La Fédération, citant un précédent du Tribunal fédéral enrapport avec la participation d'un employé à une émission de télévisioncritique envers son employeur, y voit une entorse manifeste au devoir defidélité inscrit à l'art. 321a CO justifiant le congé abrupt. La recouranteest d'avis, contrairement à l'opinion de la Cour d'appel, que cette violationdu devoir de fidélité a brisé le rapport de confiance dans lequel doivents'inscrire les relations de travail, du moment que les propos incriminésémanaient d'une personne qui exerçait une fonction officielle auprès del'association faîtière dont le club turc est membre. Si par impossible lathèse de la cour cantonale devait être suivie, poursuit la défenderesse, ilfaudrait prendre en compte le précédent publié à l'ATF 129 III 380 consid. 2,où le Tribunal fédéral a dit qu'une résiliation immédiate peut se justifieren raison d'un incident qui ne constitue pas une violation du contrat, dansla mesure où l'on ne pouvait pas s'y attendre lors de la conclusion ducontrat et qu'il en est résulté une situation intenable, que l'employeur nesaurait être tenu de tolérer jusqu'à l'échéance contractuelle. 4.2 Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur et le travailleurpeuvent résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour dejustes motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes lescirconstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pasd'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports detravail (cf. art. 337 al. 2 CO). Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit êtreadmise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faits invoqués àl'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport deconfiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul unmanquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciementimmédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner unerésiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130III 28 consid. 4.1 p. 31, 213 consid. 3.1 p.221; 129 III 380 consid. 2.1).Par manquement du travailleur, on entend la violation d'une obligationdécoulant du contrat de travail, comme l'obligation de loyauté ou dediscrétion ou celle d'offrir sa prestation de travail. Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 ininitio CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A ceteffet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier,notamment la position et les responsabilités du travailleur, le type et ladurée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance desmanquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p.354). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équitéprise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écartesans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence enmatière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui,dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou, à l'inverse,lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû êtrepris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues envertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultatmanifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1p. 32, 213 consid. 3.1 p.220; 129 III 380 consid. 2 p. 382). 4.3 En l'espèce, il a été retenu définitivement (art. 63 al. 2 OJ) quel'intimé X.________, interviewé par des journalistes de deux quotidiensturcs, a affirmé qu'il y avait eu paiement d'un pot-de-vin lors du transfertd'un joueur brésilien au sein du club turc FC Galatasaray. Il sied donc d'examiner successivement si les déclarations que le demandeur afaites à la presse turque au tout début janvier 2005 violaient l'art. 5 deson contrat de travail ou son devoir de fidélité au sens de l'art. 321a al. 1CO. 4.3.1 L'art. 5 du contrat susrappelé institue une clause de confidentialitéinterdisant à l'intimé de «faire une déclaration ou une annonce, nidivulguer une information ou un document par voie écrite et/ou visuelle auxagences de presse ou aux établissements de la radio et de la télévision, ni àdes tiers», à moins qu'il ait obtenu au préalable l'accord de la recourante(c'est le Tribunal fédéral qui souligne). L'arrêt déféré a constaté qu'avant de donner son avis à la presse turque surla façon dont s'opérait le transfert de footballeurs au sein du FCGalatasaray, le demandeur, qui n'avait encore jamais donné d'interview depuisqu'il était le représentant de la Fédération, a déclaré qu'il devait obtenirl'autorisation de son employeur. C'est ainsi que le directeur du journalW.________ a pris contact, le 4 janvier 2005, avec le vice-président de ladéfenderesse, qui est son ami, afin qu'il prie le président de cette dernièred'autoriser l'interview. Accédant à cette requête, le président, en présencedu vice-président, a dûment informé le même jour l'intimé, par téléphone,qu'il pouvait donner l'interview sollicitée. Le président de la Fédération nes'est pas enquis du thème sur lequel allait porter l'entretien avec lesjournalistes. Mais il a précisé que le demandeur ne devait pas impliquerl'association faîtière elle-même. Deux articles ont paru dans des quotidiens différents le 6 janvier 2005, quirapportaient les déclarations de l'intimé concernant le versement d'unpot-de-vin à l'occasion du transfert d'un joueur brésilien au FC Galatasaray. Il suit de là que l'intimé a reçu l'approbation de la recourante pour livrerà la presse des informations qui, selon son contrat, devaient resterconfidentielles. Lorsque la défenderesse allègue que le caractèrediffamatoire des propos du demandeur serait prouvé et que ce dernier avaitpromis de déballer des scandales s'il avait l'accord du président de laFédération, elle invoque des faits non constatés, donc irrecevables. En outre, il n'apparaît pas que le demandeur ait impliqué la défenderesse parses dires à la presse. Il n'a fait état que des pratiques en vigueur, à l'encroire, au FC Galatasaray, sans même évoquer que la recourante connaissait cesystème et le tolérait. Le journaliste du quotidien Y.________ ne s'y est pastrompé, puisqu'il a fait paraître son article en indiquant, dans son titre,que les allégations de l'intimé allaient faire trembler les supporters del'équipe de football en question, mais aucunement la Fédération en tantqu'association faîtière. On ne voit donc pas trace d'une violation de l'art. 5 du contrat du23janvier 2004. 4.3.2 En raison de son devoir de fidélité, le travailleur est tenu desauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO) et,par conséquent, de s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire (ATF 117 II 72consid. 4a, 560 consid. 3b). Le comportement des cadres doit être appréciéavec une rigueur accrue en raison du crédit particulier et de laresponsabilité que leur confère leur fonction dans l'entreprise (ATF 130 III28 consid. 4.1 p. 31). Si les rapports de confiance à la base du contrat detravail sont ébranlés ou détruits par une entorse au devoir de fidélité dutravailleur, cela peut justifier une résiliation immédiate du contrat detravail (ATF 127 III 86 consid. 2c).La recourante se prévaut derechef de faits nouveaux irrecevables quand elleprétend que l'intimé n'a pas attendu de recevoir une confirmation écrite duprésident de la Fédération pour donner l'interview parue le 6 janvier 2005.Il n'a en effet pas été retenu que l'autorisation donnée téléphoniquement parle président devait encore être réitérée par écrit. La défenderesse prétend que le Tribunal fédéral, dans des circonstancessimilaires, a qualifié de violation de l'art. 321a al. 1 CO le fait pour unemployé de prendre part à une émission de télévision critique à l'égard deson employeur. Et de citer l'ATF 127 III 86. Dans ce précédent, il n'est pasquestion d'une émission de télévision. C'est sans doute à l'ATF 127 III 310que la recourante voulait faire allusion. En pure perte, puisque cettejurisprudence a trait à une affaire où une veilleuse de nuit avait elle-mêmetourné un film dans les locaux de son employeur, à l'insu de celui-ci, etprocédé à une mise en scène suggestive, avant de remettre ce film à laTélévision suisse romande. Les données sont totalement étrangères à l'espèce,où le demandeur a donné une interview à des journalistes de la presse écrite,cela avec l'approbation explicite de son employeur. Dans le contexte où l'interview litigieuse a été donnée et vu la teneur desdéclarations proférées par le demandeur, lequel n'a jamais mis en cause sonemployeur ou les dirigeants de celui-ci, on cherche vainement comment letravailleur aurait pu transgresser son devoir de fidélité. Quant à la jurisprudence publiée à l'ATF 129 III 380, à laquelle larecourante tente de se raccrocher, elle n'est d'aucune pertinence dans le casprésent. Il s'agit d'une affaire très particulière où des relations intimess'étaient nouées entre une employée et le mari de l'actionnaire unique de lasociété qui employait la première et où la juridiction fédérale a admis quela situation était devenue intenable en ce sens que la continuation desrapports de travail ne pouvait pas raisonnablement être exigée del'employeur, d'un point de vue objectif, jusqu'au prochain terme contractuel.Cette jurisprudence est fondée sur des circonstances qui diffèrent en touspoints de celles de la présente querelle.Au vu de ce qui précède, le moyen, dans ses deux branches, est privé de toutfondement. 5.5.1La recourante fait encore grief aux magistrats genevois d'avoir considéréque les conditions d'application de la clause pénale insérée à l'art. 7 ducontrat de travail en question n'étaient pas remplies et d'avoir, parconséquent, rejeté ses conclusions reconventionnelles. 5.2 L'art. 7 du contrat passé entre les plaideurs stipulait que si letravailleur enfreignait notamment les art. 5 et 6 ch. 2 de l'accord, ladéfenderesse pouvait lui réclamer, comme clause pénale, une indemnité égale à20 fois le salaire mensuel prévu contractuellement. Comme on vient de le voir, le demandeur, en donnant une interview à desjournalistes turcs, n'a pas violé l'art 5 de son contrat (cf. consid. 4.3.1ci-dessus). Et la défenderesse ne soutient plus que l'intimé a exercé une autre activitépendant qu'il était employé par la Fédération, ce que l'art. 6 ch. 2 ducontrat prohibait. A juste titre, dès l'instant où cette allégation n'avaittrouvé aucune assise dans l'état de fait déterminant. C'est conséquemment en parfaite conformité avec le droit fédéral que la Courd'appel a rejeté entièrement la reconvention. 6.En définitive, le recours doit être rejeté dans le mesure de sa recevabilité. Comme la valeur litigieuse, déterminée par les prétentions du demandeur àl'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41), dépasse 30'000 fr.,la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO). Vu l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de larecourante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimé une indemnité de 9'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Lausanne, le 13 décembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.312/2006
Date de la décision : 13/12/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-13;4c.312.2006 ?
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