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12/12/2006 | SUISSE | N°5P.259/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2006, 5P.259/2006


{T 0/2}5P.259/2006 /frs Arrêt du 12 décembre 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Pierre Gabus, avocat, contre Y.________ SA,intimée, représentée par Me Michel Bergmann, avocat,1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3, Office des faillites du canton de Genève,1227 Carouge GE. art. 9 Cst. (faillite), recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour dejustice du canton de Genève du 18 mai 2006. Faits: A.Par jug

ement du 7 février 2006, la Chambre commerciale du Tribunal de...

{T 0/2}5P.259/2006 /frs Arrêt du 12 décembre 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Pierre Gabus, avocat, contre Y.________ SA,intimée, représentée par Me Michel Bergmann, avocat,1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3, Office des faillites du canton de Genève,1227 Carouge GE. art. 9 Cst. (faillite), recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour dejustice du canton de Genève du 18 mai 2006. Faits: A.Par jugement du 7 février 2006, la Chambre commerciale du Tribunal depremière instance de Genève a rejeté, pour cause de péremption, laréquisition de faillite déposée le 9 janvier 2006 par Y.________ SA àl'encontre de X.________ SA. B.Statuant le 18 mai 2006 sur l'appel interjeté par la requérante, la Cour dejustice du canton de Genève (1ère Section) a annulé cette décision etprononcé la faillite de la débitrice, avec effet dès ce jour à 8h32. C.Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pourviolation de l'art. 9 Cst., la faillie conclut à l'annulation de cet arrêt. La cour cantonale se réfère aux considérants de sa décision; l'intiméeconclut à l'irrecevabilité du recours, au déboutement de la recourante et àla confirmation de l'arrêt attaqué. D.Par ordonnance présidentielle du 6 juillet 2006, l'effet suspensif a étéattribué au recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement la recevabilité du recoursdont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292). 1.1 Le prononcé de faillite ne peut être déféré au Tribunal fédéral que parla voie du recours de droit public (ATF 119 III 49 consid. 2 p. 51 et lajurisprudence citée). Le présent recours est dès lors recevable de ce chef(art. 84 al. 2 OJ). 1.2 Déposé en temps utile à l'encontre d'une décision finale rendue endernière instance cantonale, le recours est aussi ouvert au regard des art.86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ. 2.L'intimée fait valoir, à titre préjudiciel, que la recourante a été derechefmise en faillite, la Cour de justice ayant rejeté, le 10 novembre 2006,l'appel qu'elle avait interjeté contre un jugement déclaratif du Tribunal depremière instance du 19 septembre 2006. Pour autant, cela ne rend pas sans objet le présent recours. Selon unejurisprudence bien établie, le jugement de faillite attaqué par un recoursqui bénéficie de l'effet suspensif (art. 36 et 174 al. 3 LP; art. 94 OJ) nesortit ses effets ni quant aux biens du failli (cf. art. 197 ss LP), ni quantaux droits des créanciers (cf. art. 208 ss LP); il en découle que la date del'ouverture de la faillite est, en cas de rejet, celle que constate l'arrêtsur recours (ATF 129 III 100 consid. 3 p. 100/101; 118 III 37 consid. 2b p.39 et les références). Il s'ensuit que le débiteur peut être à nouveaudéclaré en faillite, alors qu'un premier jugement fait l'objet d'un recoursauquel l'effet suspensif a été accordé (arrêts 5P.175/1993 du 19 août 1993,consid. 3, et 5P.65/1993 du 1er avril 1993, consid. 4). D'après les renseignements fournis par le Greffe de la Cour de justice,l'arrêt sur appel n'est pas définitif, le délai pour interjeter un recours auTribunal fédéral n'étant pas encore expiré. Certes, cette décision n'en estpas moins exécutoire (cf. ATF 126 III 101 consid. 2c p. 104/105); si elledevait, cependant, être entreprise par la voie d'un recours de droit public,l'octroi de l'effet suspensif empêcherait le nouveau jugement de faillited'entrer en force de chose jugée (ATF 118 III 37 consid. 2b p. 39 et l'arrêtcité), et avec effet ex tunc (ATF 127 III 569 consid. 4b p. 571; Peter vonSalis, Probleme des Suspensiveffektes von Rechtsmitteln im Zivilprozess- undSchuldbetreibungs- und Konkursrecht, Zurich 1980, p. 181 ss et lescitations). En l'état, rien ne s'oppose donc à ce que la Cour de céans statueau fond. 3.La recourante se plaint, en l'occurrence, d'une application arbitraire del'art. 166 al. 2 LP. En bref, elle reproche à l'autorité cantonale d'avoirconsidéré que le délai de vingt jours pour intenter action en libération dedette (art. 83 al. 2 LP) est "compris dans la suspension du délai depéremption de quinze mois". 3.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle estmanifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principejuridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment dela justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une solution différenteparaisse concevable, voire préférable; la décision attaquée n'est, en outre,annulée que si elle se révèle arbitraire, non seulement dans sa motivation,mais également dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et lesarrêts cités). 3.2 Selon l'art. 166 al. 2 LP, le droit de requérir la faillite se périme parquinze mois à compter de la notification du commandement de payer; siopposition a été formée, ce délai ne court pas entre l'introduction de laprocédure judiciaire et le jugement définitif. Le délai est suspendu pendant la durée du procès en reconnaissance de dette(art. 79 et 279 LP), de la procédure de mainlevée - provisoire ou définitive- de l'opposition (art. 80-83 LP), du procès en libération de dette (art. 83al. 2 LP) et de la procédure en constatation du retour ou du non-retour àmeilleure fortune (art. 265a LP). Il appartient au juge, et non aux autoritésde surveillance, de déterminer si la réquisition de faillite a été déposée entemps utile (ATF 113 III 120 consid. 2 p. 122 et les références). Le but dela norme en discussion est de prévenir un allongement démesuré de la durée dela poursuite par la déchéance dont elle frappe le poursuivant qui s'estdésintéressé de la procédure d'exécution forcée. La péremption constituant lasanction de l'inaction du poursuivant, le délai demeure suspendu aussilongtemps que dure l'instance qui vise à la levée de l'opposition et nerecommence à courir que si, après avoir obtenu une décision exécutoire,l'intéressé n'en fait pas usage pour requérir la continuation de lapoursuite. Or, il ne peut faire notifier une commination de faillite (art.159 ss LP) qu'en justifiant par titre de la suppression de l'opposition; ledélai reste ainsi suspendu tant qu'il ne peut pas obtenir une déclarationauthentique établissant le caractère définitif et exécutoire du jugement quiannule l'opposition au commandement de payer (ATF 106 III 51 consid. 3 p.55). 4.En l'espèce, l'autorité cantonale a préalablement rappelé qu'elle avait déjàappliqué le principe selon lequel le délai de vingt jours pour ouvrir actionen libération de dette "est compris dans la suspension du délai péremptoirede quinze mois" de l'art. 166 al. 2 LP. Lorsque le recours dirigé contre leprononcé de mainlevée provisoire est assorti de l'effet suspensif en vertud'une disposition expresse de l'autorité de recours, cette mesure empêchel'entrée en force de ce jugement; aussi, le délai pour introduire l'action enlibération de dette ne court qu'à compter de la décision de la juridictionsupérieure. Dans le cas présent, le délai de péremption de quinze mois acouru du 29 avril au 15 août 2004 inclus, c'est-à-dire pendant 3 mois et 17jours; il a ensuite été suspendu par le dépôt, le 16 août 2004, de la requêtede mainlevée. Comme l'appel à l'encontre du prononcé de mainlevée a été munide l'effet suspensif, cette décision ne pouvait pas entrer en force de chosejugée. L'arrêt sur appel ayant été notifié le 11 janvier 2005, le délai pourintenter l'action en libération de dette est arrivé à échéance le 31 du mêmemois. Ce n'est que le lendemain, 1er février 2005, que la poursuivante aobtenu une "attestation du caractère définitif et exécutoire" de l'arrêtécartant l'opposition. C'est, en conséquence, à partir de cette date que ledélai pour requérir la faillite a recommencé à courir. Il s'ensuit que 11mois et 9 jours se sont écoulés entre le 1er février 2005 et le 9 janvier2006, date du dépôt de la réquisition de faillite. Compte tenu des 3 mois et17 jours susmentionnés, le délai a couru pendant 14 mois et 26 jours avant ledépôt de la requête. Partant, conclut la cour cantonale, le délai péremptoirede l'art. 166 al. 2 LP n'était pas échu à ce moment-là. 4.1 La computation du délai comme tel - en particulier le dies a quo et ledies a quem - n'est pas remise en question par la recourante (art. 90 al. 1let. b OJ), qui conteste uniquement la prise en compte du délai de 20 jourspour se pourvoir en libération de dette. 4.2 L'affirmation selon laquelle la poursuivante ne pouvait obtenir que le1er février 2005 - à savoir le lendemain de l'expiration du délai pourintroduire l'action en libération de dette - une attestation du caractèredéfinitif et exécutoire de l'arrêt de la Cour de justice levant l'oppositionà la poursuite (dans le même sens: ZH, BezGer, in: ZR 94/1995 n° 55 consid.2.1, rés. in: Brügger, SchKG Gerichtspraxis 1946-2005, n. 9 ad art. 166 LP),date à partir de laquelle le délai pour requérir la faillite a recommencé àcourir, n'apparaît pas soutenable. Lorsque le recours à l'encontre du prononcé de mainlevée n'emporte pasd'effet suspensif de plein droit et que celui-ci n'a pas été ordonné non pluspar la juridiction de recours, ou son président, le délai pour ouvrir actionen libération de dette court de la notification du prononcé de mainlevée (ATF127 III 569 consid. 4a p. 570/571 et les références citées). Dans le casprésent, l'arrêt sur appel de la Cour de justice ne pouvait faire l'objet qued'un recours de droit public au Tribunal fédéral conformément aux art. 84 ssOJ (ATF 111 III 8 consid. 1 p. 9; 98 Ia 527 consid. 1 p. 532; Staehelin, in:Kommentar zum SchKG, vol. I, n. 96/97 ad art. 84 LP, avec d'autresréférences), moyen de droit qui n'est pas doté ex lege de l'effet suspensif(art. 94 OJ; cf. notamment: ATF 106 Ia 155 consid. 3 p. 157). Contrairement àl'opinion de l'autorité cantonale et de l'intimée, cette décision était, enconséquence, exécutoire dès sa communication, c'est-à-dire le 11 janvier 2005- non pas seulement le lendemain de l'échéance du délai de vingt jours del'art. 83 al. 2 LP -, et habilitait la poursuivante à requérir lacontinuation de la poursuite, en l'occurrence la notification d'unecommination de faillite (ATF 101 III 40 consid. 2 p. 42 et les arrêts cités;126 III 479 consid. 2b p. 480/481; 130 III 657 consid. 2.1 p. 658). C'est auterme d'un raisonnement analogue que le Tribunal fédéral a récemment jugé quele délai de dix jours pour valider le séquestre par une action enreconnaissance de dette court à compter du jugement cantonal définitif surl'opposition au séquestre, et non à l'expiration du délai (de 30 jours) pourformer un recours de droit public (ATF 129 III 599 consid. 2.2 p. 601/602). Il découle de ces considérations que le droit de requérir la faillite étaitbien périmé, comme le premier juge l'avait admis avec raison. 5.En conclusion, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé. Lesfrais et dépens incombent à l'intimée (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de l'intimée. 3.L'intimée versera à la recourante une indemnité de 5'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, ainsi qu'à l'Officedes faillites du canton de Genève. Lausanne, le 12 décembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.259/2006
Date de la décision : 12/12/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-12;5p.259.2006 ?
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