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12/12/2006 | SUISSE | N°4P.219/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2006, 4P.219/2006


{T 0/2}4P.219/2006 /ech Arrêt du 12 décembre 2006Ire Cour civile MM. les juges Corboz, président, Favre et Mathys.Greffière: Mme Cornaz. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Paul Marville, contre Y.________,intimé, représenté par Me Luc Pittet,Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, Palais de justice del'Hermitage, route du Signal 8,1014 Lausanne. art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des preuves en procédure cantonale;récusation), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal vaudois du 15 mars 2006. Faits : A.Le 28 juillet

2003, Y.________ était arrêté au volant de sa voiture lorsq...

{T 0/2}4P.219/2006 /ech Arrêt du 12 décembre 2006Ire Cour civile MM. les juges Corboz, président, Favre et Mathys.Greffière: Mme Cornaz. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Paul Marville, contre Y.________,intimé, représenté par Me Luc Pittet,Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, Palais de justice del'Hermitage, route du Signal 8,1014 Lausanne. art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des preuves en procédure cantonale;récusation), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal vaudois du 15 mars 2006. Faits : A.Le 28 juillet 2003, Y.________ était arrêté au volant de sa voiture lorsqu'ila été heurté à l'arrière gauche par une automobiliste assurée enresponsabilité civile auprès de X.________ SA (ci-après: X.________). Le 23 septembre 2004, Y.________ a requis du Juge de paix du cercle deLausanne une expertise hors procès confiée à un neurologue. Le 15 juin 2005,ce magistrat a désigné le Dr A.________ en qualité d'expert neurologue et laDresse B.________ comme expert psychiatre. Le Dr A.________ avaitpréalablement accepté ce mandat en précisant que la Dresse C.________ feraitl'évaluation et la réponse aux questions, sous sa supervision. Le 21 septembre 2005, le Dr A.________ a informé le Juge de paix qu'il avaitvu Y.________ en 2004, lors d'une consultation à l'hôpital Z.________, desorte que son indépendance totale n'était pas garantie. Le 7 octobre 2005, la Dresse B.________ a déposé son rapport d'expertise, quele Juge de paix a soumis aux parties le 11 octobre 2005, en leur impartissantun délai au 31 octobre 2005 pour se déterminer. Il leur a également fixé undélai au 21 octobre 2005 pour se prononcer sur la lettre du Dr A.________ du21 septembre 2005 et demander, le cas échéant, sa récusation. L'expertneurologue était également invité à suspendre ses travaux. Le 24 octobre 2005, X.________ a requis la récusation de la DresseB.________, en raison de deux entretiens téléphoniques qu'elle avait eus avecla Dresse C.________, les 28 septembre et 5 octobre 2005, alors quel'expertise neurologique était en cours. Le 7 novembre 2005, le Juge de paix a ordonné la récusation du DrA.________.Le 6 décembre 2005, il a écarté la requête de récusation dirigée contre laDresse B.________, considérée comme tardive et sans objet. B.Saisie par X.________ et statuant par arrêt du 15 mars 2006, la Chambre desrecours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours et maintenu ladécision du Juge de paix. En substance, elle a relevé que la demande derécusation de la Dresse B.________ n'était pas tardive, mais bien sans objet,puisque déposée après le dépôt du rapport d'expertise, qui ne pourrait plusêtre contesté que dans le cadre de la procédure au fond, et non de celle depreuve à futur. De plus, aucun motif de récusation n'était réalisé. La DresseB.________, expert psychiatre, avait eu deux contacts téléphoniques avec lacollaboratrice de l'expert neurologue récusé, et n'avait pas utilisé dans sonrapport des conclusions prises par l'expert neurologue. Les domainesconcernés (psychiatrie et neurologie) étaient distincts et les rapports entreles experts étaient si lâches qu'aucune influence de l'expert récusé nepouvait être sérieusement envisagée. C.X.________ (la recourante) interjette un recours de droit public au Tribunalfédéral. Invoquant les art. 29 al. 1 et 30 al. 1 Cst., 6 ch. 1 CEDH ainsi que14ch. 1 Pacte ONU II, elle reproche aux précédents juges d'avoir considéréque la Dresse B.________ n'avait pas été influencée par le DrA.________,puisque ce dernier n'avait pas déposé de rapport. De surcroît, la courcantonale ne pouvait affirmer que la neurologie et la psychiatrie étaient desdomaines distincts sans influence réciproque. Enfin, les juges cantonauxavaient méconnu que le Dr A.________ assumait la responsabilité del'expertise neurologique et contrôlait le travail de sa collaboratrice, laDresse C.________. Invoquant par ailleurs l'art. 9Cst., la recourantesoutient que le raisonnement de la cour cantonale consacrerait uneapplication arbitraire de l'art. 222 du Code de procédure civile du canton deVaud du 14 décembre 1966 (ci-après: CPC/VD). En dernier lieu, elle estimequ'en confirmant la décision du Juge de paix, la Chambre des recours a jugéqu'aucune cause de récusation de l'expert la Dresse B.________ n'étaitréalisée, tout en affirmant de manière contradictoire que cette problématiquedevait être réservée à l'examen du jugement au fond. Une telle attitudes'avérait arbitraire et lui causait un préjudice difficilement réparable,justifiant d'un recours immédiat au Tribunal fédéral. En définitive, larecourante conclut à l'annulation de l'arrêt du 15mars 2006 et au renvoi dela cause aux précédents juges pour nouvelle décision dans le sens desconsidérants, sous suite de frais et dépens. Y. ________ (l'intimé) propose le rejet du recours, avec suite de frais etdépens. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 131 II 571 consid. 1; 131 V202 consid. 1), notamment en ce qui concerne le recours de droit public (ATF131 I 366 consid. 2). 1.1 La cour cantonale a relevé que la recevabilité, devant elle, d'un recoursdirigé contre la décision du Juge de paix était controversée, et a déclaréque cette question pouvait rester ouverte. Toutefois, elle a tranché sur lademande de récusation de l'expert psychiatre, en considérant qu'il n'y avaitpas eu une apparence de prévention objectivement fondée à son égard. Commeles précédents juges ont examiné cette question dans le cadre de la procédurede recours cantonal en nullité, au sens de l'art.444 al. 1 ch. 3 CPC/VD, ladécision rendue au sujet de la récusation de l'expert l'a été en dernièreinstance cantonale et est directement attaquable, nonobstant son caractèreincident (art. 87 al.1 OJ; arrêt 1P.708/2004 du 16 février 2005, consid.1;1P.596/2004 du 7 décembre 2004, consid. 1). Par ailleurs interjeté en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1let. b et 89 al.1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al.1OJ),pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. aOJ), par la recourante qui est personnellement touchée par la décisionattaquée (art. 88 OJ), le recours soumis à l'examen du Tribunal fédéral esten principe recevable. 1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'actede recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 131 III 164 consid. 2.2.2; 130 I 26consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p.262). Il se fonde sur l'état de faittel qu'il a été retenu dans l'arrêt attaqué, à moins que la partie recouranten'établisse que l'autorité cantonale a constaté les faits de manière inexacteou incomplète en violation de la Constitution fédérale (ATF118 Ia 20 consid.5a). 1.3 Vu la nature cassatoire du recours de droit public, sous réserved'exceptions non réalisées en l'espèce (ATF 132 III 291 consid. 1.5; 131 I291 consid. 1.4; 131 III 334 consid. 6 p. 343), la conclusion de larecourante tendant au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelledécision, superflue, est irrecevable. 2.La recourante soulève deux griefs, soit la violation du droit à un expertindépendant et impartial, ainsi que l'interdiction de l'arbitraire dansl'interprétation de l'art. 222 al. 1 CPC/VD, qui dispose que «lorsqu'ilexiste des circonstances de nature à compromettre leur impartialité, lesexperts peuvent être récusés par demande écrite déposée dans les dix joursdès que la partie ou son mandataire ont eu connaissance de la nomination oude la cause de récusation ».En principe, les garanties de procédure découlent prioritairement du droitcantonal, dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application que sous l'anglede l'interdiction de l'arbitraire, et subsidiairement du droitconstitutionnel, et conventionnel, que le Tribunal fédéral examine librement,pour vérifier la compatibilité de la procédure suivie avec les garantiesoffertes, en l'espèce, par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par.1CEDH (cf. ATF126 I 68 consid. 3b; 123 I 49 consid. 2b).Dans le cas présent, l'art. 222 al. 1 CPC/VD, qui traite de la récusation desexperts, n'offre pas de garanties de procédure plus étendues que l'art. 29al. 1 Cst., de sorte qu'il convient de traiter la cause en application decette disposition constitutionnelle (arrêt 4P.22/2006 du 6 avril 2006,consid. 3). Par ailleurs, le reproche d'une interprétation arbitraire del'art. 222 al. 1 CPC/VD n'a pas de portée propre par rapport à celui de laviolation du droit à un expert indépendant et impartial, que le Tribunal decéans contrôle librement, et non pas avec le pouvoir d'examen limité dévoluau Tribunal fédéral en matière de prohibition de l'arbitraire.En conséquence, seule doit être tranchée la question de savoir si la courcantonale a respecté, ou non, l'art. 29 al. 1 Cst. 3.3.1La récusation de l'expert ne s'examine pas au regard de l'art. 30al. 1Cst. - car l'expert ne fait pas partie du tribunal - mais sous l'angle desart. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH garantissant l'équité du procès (ATF 125II 541 consid. 4a p. 544 et les arrêts cités). S'agissant des exigencesd'impartialité et d'indépendance, l'art. 29 al. 1 Cst. assure au justiciableune protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. (ATF 127 I 196consid. 2b p. 198 s.), à l'égard de laquelle l'art. 6 par. 1 CEDH n'a pas deportée propre (ATF 129 V 196 consid. 4.1 p.198; 128 V 82 consid. 2a p. 84;127 I 196 consid. 2b p. 198).Selon l'art. 30 al. 1 Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soitentendue par un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant etimpartial, c'est-à-dire par des juges qui offrent la garantie d'uneappréciation parfaitement objective de la cause (cf. ATF 129 III 445 consid.3.3.3 p. 454; 129 V 196 consid. 4.1 p. 198; 128 V 82 consid.2a p. 84). Descirconstances extérieures au procès ne doivent influer sur le jugement d'unemanière qui ne serait pas objective, en faveur ou au préjudice d'une partie,car celui qui se trouve sous de telles influences ne peut être un «justemédiateur» (ATF 124 I 121 consid.3a p. 123; cf.également ATF 129 III 445consid. 3.3.3 p. 454; 128 V 82 consid. 2a p. 84; 125 I 209 consid. 8a p.217). Si la simple affirmation de la partialité ne suffit pas, mais doitreposer sur des faits objectifs, il n'est pas davantage nécessaire que lejuge soit effectivement prévenu; la suspicion est légitime même si elle ne sefonde que sur des apparences, pour autant que celles-ci résultent decirconstances examinées objectivement (ATF 129 III 445 consid. 3.3.3 p. 454;128 V 82 consid. 2a p. 84; 124 I 121 consid. 3a p.123s.). Les mêmesprincipes valent, mutandis mutatis, pour la récusation de l'expert, au regardde l'art. 29 al. 1 Cst. (arrêt 4P.22/2006 du 6avril 2006, consid. 3;1P.596/2004 du 7décembre 2004, consid. 2). 3.2 En l'espèce, la juridiction cantonale a écarté la demande de récusationde la Dresse B.________, au motif qu'elle a eu deux entretiens téléphoniquesavec la collaboratrice du neurologue désigné comme expert, et dont larécusation a été prononcée parce qu'il s'est aperçu avoir traité l'intimé àl'occasion d'une consultation à l'hôpital Z.________.La cour cantonale a accordé une certaine importance au fait que les deuxmédecins experts intervenaient chacun dans leur spécialité, qui étaitdistinctes l'une de l'autre, et que les considérations retenues dansl'approche neurologique du cas ne devaient pas avoir d'incidence sur lecontenu de l'examen psychiatrique. S'il est manifeste que la neurologie et lapsychiatrie sont des disciplines différentes, il n'appartient pas auxtribunaux de décider la nature de leurs rapports, et d'éventuellesinterférences dans l'examen et le traitement des patients. Ce qui est enrevanche décisif réside dans les circonstances suivantes. En premier lieu,l'expert psychiatre, la Dresse B.________, n'a eu aucun contact avec leneurologue récusé, mais uniquement avec sa collaboratrice, qui, elle, n'avaitpas vu l'intimé à l'occasion d'une consultation à l'hôpital Z.________. Deplus, ces deux conversations téléphoniques sont intervenues peu de tempsavant le dépôt du rapport de l'expert psychiatre, alors que le neurologuen'avait formulé aucune opinion, qu'il avait été invité à suspendre sesinvestigations et son examen, qu'il n'a jamais repris puisque sa récusation aété prononcée. Le dossier cantonal n'indique pas à quel stade de l'avancementdes travaux de ce dernier se trouvait le projet d'expertise, mais il estmanifeste qu'aucun rapport n'a été rédigé, de sorte qu'aucunes conclusionsformelles n'ont été prises, qui auraient pu éventuellement influencer laréflexion de l'expert psychiatre. Enfin, l'initiative de sa récusation vientdu neurologue lui-même, ce qui démontre son souci d'impartialité, étantencore rappelé qu'il n'avait pas eu de rapports directs avec l'expertpsychiatre.L'absence de toute référence à l'opinion d'un des deux neurologues, etnotamment de la collaboratrice de l'expert récusé, dans les circonstancesrappelées ci-dessus, permet de reconnaître l'impartialité et l'indépendancede l'expert psychiatre qui, en sa qualité d'auxiliaire de la justice, disposed'une maîtrise et d'une distance suffisantes à l'égard du déroulement desfaits susmentionnés pour ne pas être influencé par eux dans l'accomplissementde la mission qui lui a été confiée.En jugeant que ces circonstances ne constituaient pas un motif de récusationau sens de l'art. 222 al. 1 CPC/VD, la cour cantonale n'a pas porté atteinteau droit de la recourante à un expert indépendant et impartial, d'aprèsl'art. 29 al. 1 Cst., dont le tribunal de céans a revu librementl'application. Pour les mêmes raisons, aucune interprétation arbitraire de ladisposition cantonale topique (art. 222 al. 1 CPC/VD), dans l'acceptionconstamment rappelée par la jurisprudence (cf. ATF 132 III 209 consid. 2.1),ne peut être reprochée aux précédents juges.Ces considérations commandent le rejet du recours, dans la mesure où il estrecevable. 4.Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la chargede la recourante, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre des recours du Tribunal cantonal du vaudois. Lausanne, le 12 décembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.219/2006
Date de la décision : 12/12/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-12;4p.219.2006 ?
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