La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2006 | SUISSE | N°4C.245/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2006, 4C.245/2006


{T 0/2}4C.245/2006 /ech Arrêt du 12 décembre 2006Ire Cour civile M. et Mmes les juges Corboz, président, Klett et Kiss.Greffier: M. Thélin. X. ________ SA,défenderesse et recourante principale, représentée par Me Nicolas Droz, contre Y.________,demandeur, intimé et recourant par voie de jonction, représenté par Me JoannaBürgisser,Société suisse de radiodiffusion et télévision, succursale de Genève, quaiErnest-Ansermet 20,1205 Genève,défenderesse et intimée, représentée par Me Guillaume Fatio, avocat, casepostale 385, 1211 Genève 12. contrat de travail; prétentions du tra

vailleur recours en réforme contre l'arrêt rendu le 31 mai 2006 par la...

{T 0/2}4C.245/2006 /ech Arrêt du 12 décembre 2006Ire Cour civile M. et Mmes les juges Corboz, président, Klett et Kiss.Greffier: M. Thélin. X. ________ SA,défenderesse et recourante principale, représentée par Me Nicolas Droz, contre Y.________,demandeur, intimé et recourant par voie de jonction, représenté par Me JoannaBürgisser,Société suisse de radiodiffusion et télévision, succursale de Genève, quaiErnest-Ansermet 20,1205 Genève,défenderesse et intimée, représentée par Me Guillaume Fatio, avocat, casepostale 385, 1211 Genève 12. contrat de travail; prétentions du travailleur recours en réforme contre l'arrêt rendu le 31 mai 2006 par la Cour d'appel dela juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Faits: A.X. ________ SA est une société active dans le domaine de la recherche et lasélection d'artistes et de personnel artistique; A.________ est sonadministrateur unique. En 1996, elle a introduit Y.________ dans la sélectiondu personnel de l'émission Z.________ de la télévision suisse-romande,émission dirigée par le journaliste B.________. Y.________ fut retenu pourprendre part à l'émission en qualité de figurant régulier; il y exerceraitl'activité de barman et serait chargé d'accueillir les invités de l'émissionet de leur offrir des boissons.L'émission, produite chaque jour du lundi au vendredi, était suspendue demi-juin à mi-septembre et pendant les fêtes de fin d'année. Y.________participait régulièrement. Un salaire lui était versé par X.________ SA enfonction de son temps de présence; celle-ci facturait un montant fixe pourchaque participation, majoré d'une «commission d'agence», à la succursalegenevoise de la Société suisse de radiodiffusion et télévision. Y.________ nepercevait aucun salaire dans les périodes où l'émission était suspendue. Iln'était annoncé à aucune caisse de compensation et les déductions socialesn'étaient donc pas opérées. Y. ________, Français domicilié en France, ne bénéficiait pas del'autorisation nécessaire à l'exercice d'une activité lucrative en Suisse. Aumois d'août 2002, se désignant en qualité d'employeuse, X.________ SA aadressé une demande d'autorisation à l'office cantonal de la population.Contresignée par Y.________, cette demande mentionnait un salaire brut,variable, de 3'000 fr. par mois.Des dissensions se sont élevées entre Y.________ et divers membres del'équipe produisant l'émission. En raison de son absence injustifiée le 21juin 2002, B.________ a décidé son exclusion durant une semaine. A l'issue del'émission du 2 octobre 2002, B.________ lui a signifié son exclusiondéfinitive et immédiate. X.________ SA a alors recruté un autre figurant pourle remplacer.Sans succès, le 11 octobre 2002, Y.________ s'est adressé à cette société età la télévision suisse-romande pour réclamer 120'000 euros à titre deréparation du préjudice subi. B.Le 3 février 2003, Y.________ a ouvert action contre A.________, B.________,X.________ SA et la Société suisse de radiodiffusion et télévision (ci après:Télévision SSR) devant la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.Ses demandes, par la suite jointes, tendaient au paiement de 174'000 fr. àtitre d'indemnités diverses. En cours d'instance, le demandeur s'est désistéde l'action intentée contre B.________ et, contre les autres défendeurs, il aréduit ses conclusions à 88'807 fr.20 en capital, y compris 32'400 fr. àtitre d'arriéré de salaire, et il a réclamé des intérêts au taux de 5% par andès le 3 octobre 2002. Ces défendeurs ont conclu au rejet des actionsdirigées contre eux.Après audition de plusieurs témoins, le Tribunal de prud'hommes s'estprononcé le 29 avril 2005. Il a partiellement accueilli l'action intentéecontre X.________ SA et il a condamné cette défenderesse à payer 9'000 fr. àtitre de salaire brut, soumis aux déductions sociales, et 10'000 fr. à titred'indemnité nette. Ces sommes portaient intérêts selon les conclusionsnouvelles du demandeur. La défenderesse s'était liée à celui-ci par uncontrat de travail et, le 2 octobre 2002, ce contrat avait été résiliéabruptement et sans juste motif. Le demandeur avait donc droit au salaire desmois d'octobre, novembre et décembre 2002, à raison de 3'000 fr. par mois, età une indemnité évaluée à 10'000 fr. Les deux autres défendeurs n'avaientcontracté aucune obligation contractuelle envers lui et ils n'avaient doncpas qualité pour défendre; en conséquence, les actions intentées contre euxétaient rejetées. X. ________ SA ayant appelé du jugement pour réclamer le rejet complet del'action la concernant, le demandeur a usé de l'appel incident. Outre lesprétentions déjà reconnues par le tribunal, par 19'000 fr. en principal, ilrevendiquait 45'000 fr. de salaire impayé pendant les années 1997 à 2001. Sesconclusions étaient dirigées contre Télévision SSR et X.________ SA;A.________ n'était plus en cause.Statuant le 31 mai 2006, la Cour d'appel a confirmé le jugement. C.Agissant par la voie du recours en réforme, X.________ SA requiert leTribunal fédéral de modifier l'arrêt de la Cour d'appel en ce sens quel'action intentée contre elle soit rejetée. Elle conteste s'être liée audemandeur par un contrat de travail et elle soutient qu'un pareil contrat aété conclu entre le demandeur et Télévision SSR exclusivement.Le demandeur conclut au rejet du recours. Exerçant le recours joint, il aprésenté des conclusions identiques à celles déjà prises en appel.Télévision SSR n'a été invitée à répondre ni au recours principal ni aurecours joint. X.________ SA n'a pas été invitée à répondre au recours joint. D.Le demandeur a sollicité l'assistance judiciaire. Par une décision incidentedu 7 novembre 2006, le Tribunal fédéral a accueilli sa demande pour laréponse au recours principal et il a désigné Me Joanna Bürgisser en qualitéd'avocate d'office; il a rejeté la demande pour le surplus.Par lettre du 30 novembre 2006, ce conseil a annoncé le retrait du recoursjoint. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le retrait du recours joint met fin à la cause en ce qui concerne ce recours. 2.Le recours principal est formé par une partie qui a succombé dans desconclusions concernant sa propre situation juridique. Il est dirigé contre unjugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême(art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieusedépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art. 54al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principerecevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserved'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunalfédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faitsconstatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p. 140).Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation des parties (art. 63al. 1 OJ) et il apprécie librement la portée juridique des faits (art. 43 al.4, 63 al. 3 OJ); néanmoins, d'ordinaire, il se prononce seulement sur lesquestions juridiques que la partie recourante soulève conformément auxexigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ concernant la motivation du recours(ATF 117 II 199 consid. 1 p. 200; 116 II 92 consid. 2 p. 94). 3.Il est constant que le demandeur a exercé l'activité de figurant, dansl'émission Z.________, en exécution d'un contrat de travail; le litige a pourobjet de déterminer, surtout, qui était son cocontractant.La Cour d'appel retient l'existence d'un rapport triangulaire de location deservices, sans lien contractuel entre le demandeur et Télévision SSR, avec uncontrat de location de services entre celle-ci et X.________ SA et un contratde travail entre cette dernière et le demandeur. A l'égard de ce dernier etpour le compte de Télévision SSR, B.________ exerçait le pouvoir de directionqui appartient normalement à l'employeur et qui, dans un rapport de locationde services, est délégué au locataire. La position de bailleresse de serviceset d'employeuse de X.________ SA ressortait du fait que celle-ci payait lesalaire dû au figurant et se faisait rémunérer la prestation par TélévisionSSR; cette position était confirmée par les indications fournies dans lademande d'autorisation adressée à l'office cantonal de la population. Enlicenciant le demandeur à l'issue de l'émission du 2 octobre 2002, B.________a pris une mesure qui excédait le pouvoir de direction délégué au locatairede services; X.________ SA l'a cependant ratifiée de manière tacite, de sortequ'elle doit assumer les suites pécuniaires de ce licenciement abrupt etinjustifié.Cette appréciation mérite l'adhésion du Tribunal fédéral et elle sera doncconfirmée. X.________ SA a durablement accepté que le demandeur travaille auservice de Télévision SSR moyennant un salaire qu'elle payait elle-même; dece fait déjà, le contrat de travail doit être tenu pour conclu selon l'art.320 al. 2 CO. X.________ SA insiste inutilement sur l'ampleur desprérogatives exercées par B.________ dans l'emploi du demandeur car ladélégation du pouvoir de direction, de l'employeur au locataire de services,est un élément classique et caractéristique de la location de services (LucThévenoz, Le travail intérimaire, thèse de Genève, Lausanne 1987, p. 99 ch.235; même auteur, FJS n° 772, p. 10/11; Roman Heiz, Das Arbeitsverhältnis imKonzern, thèse, St. Gall 2004, p. 57). Que le locataire excède ce pouvoir encongédiant abruptement le travailleur, ainsi que B.________ l'a fait, nechange rien à la situation préexistante; sa déclaration reste sans effet sil'employeur ne la ratifie pas. De toute évidence, le directeur de l'émissionne se préoccupait guère du statut juridique du demandeur et, dans cettesituation, son attitude ne dénote pas la volonté d'exercer des droitsd'employeur. Enfin, conformément à l'opinion de la Cour d'appel, on necomprend pas pourquoi Télévision SSR aurait rétribué les services dudemandeur par l'intermédiaire de X.________ SA et pendant toute la durée desrapports de travail, à un tarif forfaitaire majoré d'une commission, si cettepartie-ci s'était réellement et simplement bornée à lui indiquer l'occasiond'engager elle-même un figurant.L'inobservation des exigences relatives à la forme et au contenu du contratde travail dans un rapport de location de services, exigences énoncées àl'art. 19 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur le service de l'emploi et lalocation de services (LSE; RS 823.11) et invoquées à l'appui du recoursprincipal, n'a que les effets prévus par l'art. 19 al. 3 LSE; enl'occurrence, elle n'influence pas les obligations assumées par X.________SA.Les développements consacrés à la relation de cette partie-ci avec TélévisionSSR, en particulier pour dénier l'existence d'un contrat de location deservices, ne sont pas non plus pertinents. Un rapport de location de servicespeut subsister longtemps (Heiz, ibid.) et on ne discerne pas en quoiTélévision SSR commet un abus de droit en opposant ce rapport aux prétentionsque le demandeur élève contre elle. La convention collective qu'elle asouscrite pour son personnel a été prétendument éludée mais cette affirmationne suffit pas à démontrer l'abus, déjà parce que les parties ne se sont pasprévalues de cette convention dans les instances cantonales et que la Courd'appel n'en a donc pas constaté l'existence ni la teneur.Ainsi, c'est effectivement avec X.________ SA, exclusivement, que ledemandeur s'est lié par un contrat de travail. Le recours principal est malfondé dans la mesure où son auteur argue d'un lien contractuel entre ledemandeur et Télévision SSR. 4.Les parties n'ont pas convenu à l'avance, même approximativement, d'une dateà laquelle l'activité du demandeur devrait prendre fin. Au contraire, selonles constatations de la Cour d'appel, le demandeur était averti de ce que sonemploi était précaire parce que la poursuite de l'émission dépendait de sonsuccès auprès des téléspectateurs et qu'elle pourrait être interrompue à toutmoment.Conclu pour une durée indéterminée, le contrat de travail était doncsusceptible d'une résiliation ordinaire avec observation d'un délai de congé,selon l'art. 335c CO, ou d'une résiliation immédiate pour de justes motifs,selon l'art. 337 CO.Une résiliation immédiate a été décidée et communiquée le 2 octobre 2002 parle directeur de l'émission télévisée, en raison des dissensions existantentre le demandeur et divers membres de l'équipe de production. Informée decette mesure, X.________ SA n'a pas tenté d'infléchir la volonté dudirecteur; même après que le demandeur lui eut annoncé des prétentionspécuniaires, elle n'a pas proposé de rechercher pour lui une autre mission etelle n'a pas non plus résilié elle-même le contrat de travail. Elle aseulement entrepris de trouver un autre figurant pour remplacer le demandeur.Envers celui-ci, elle ne saurait avoir voulu se trouver indéfiniment endemeure selon l'art. 324 al. 1 CO. Dans ces conditions et au regard duprincipe de la confiance qui autorise, le cas échéant, à considérer qu'unepartie a manifesté sa volonté de manière tacite (ATF 123 III 53 consid. 5a p.59; 113 II 522 consid. 5c p. 527), les précédents juges retiennent à bondroit que l'employeuse a ratifié le licenciement abrupt. Par ailleurs, aucunfait grave, propre à constituer un juste motif de résiliation immédiate, n'aété constaté.En cas de résiliation immédiate et injustifiée du contrat, le travailleurpeut réclamer ce qu'il aurait gagné si les rapports de travail avaient prisfin à l'expiration du délai de congé (art. 337c al. 1 CO); le juge peut enoutre lui allouer une indemnité dont il fixe librement le montant, en tenantcompte de toutes les circonstances; cette indemnité peut atteindre six moisde salaire au plus (art. 337c al. 3 CO). En application de ces dispositions,la Cour d'appel a retenu les montants de 9'000 et 10'000 fr. Leur évaluationest incontestée. Le recours principal échoue donc à mettre en évidence uneviolation du droit fédéral, ce qui entraîne son rejet. 5.La procédure du recours en réforme n'est pas gratuite car le montant de lademande, qui détermine la valeur litigieuse selon l'art. 343 al. 2 CO, étaitsupérieur au plafond de 30'000 fr. prévu par cette disposition (ATF 122 III495 consid. 4; 115 II 30 consid. 5b p. 41). A titre de partie qui succombe,X.________ SA doit donc acquitter l'émolument judiciaire et les dépensauxquels le demandeur peut prétendre (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ). Il nesera pas alloué de dépens à la défenderesse qui n'a pas eu à répondre auxrecours. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours principal est rejeté. 2.Le recours joint est rayé du rôle. 3.X.________ SA acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr. 4.X.________ SA acquittera une indemnité de 2'500 fr. à verser au demandeur àtitre de dépens. 5.La caisse du Tribunal fédéral versera à Me Bürgisser, à titre d'honoraires,une indemnité de 2'500 fr. au cas où les
dépens se révéleraientirrécouvrables. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Lausanne, le 12 décembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.245/2006
Date de la décision : 12/12/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-12;4c.245.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award