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12/12/2006 | SUISSE | N°4C.182/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2006, 4C.182/2006


{T 0/2}4C.182/2006 /ech Arrêt du 12 décembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________,défendeur et recourant, représenté par Me Jean-Daniel Théraulaz, B.________,défendeur et recourant, représenté par Me Yves Hofstetter, contre Banque X.________ SA,F.________,Y.________ SA,demandeurs et recourants par voie de jonction, tous les trois représentés parMe Jean-Noël Jaton. société anonyme; responsabilité des administrateurs; intérêt compensatoire (recours en réforme contre le jugement de la Cour civile d

u Tribunal cantonalvaudois du 25 octobre 2005). Faits : A.La sociét...

{T 0/2}4C.182/2006 /ech Arrêt du 12 décembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________,défendeur et recourant, représenté par Me Jean-Daniel Théraulaz, B.________,défendeur et recourant, représenté par Me Yves Hofstetter, contre Banque X.________ SA,F.________,Y.________ SA,demandeurs et recourants par voie de jonction, tous les trois représentés parMe Jean-Noël Jaton. société anonyme; responsabilité des administrateurs; intérêt compensatoire (recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonalvaudois du 25 octobre 2005). Faits : A.La société Z.________ SA, active dans la création et la diffusion dejoaillerie, de bijouterie et d'horlogerie, a été fondée en mars 1986 par,entre autres, C.________, A.________ et D.________, qui en étaient égalementles administrateurs. A.________ était par ailleurs le vice-président deZ.________ SA. Selon les statuts de Z.________ SA, l'exercice annuel commençait le1erjuillet et se terminait le 30 juin de chaque année. Le premier exercicedevait prendre fin le 30 juin 1987. B. ________ est comptable et contrôleur de gestion diplômé. Il a étéprésident de l'Association S.________ durant plusieurs années, ainsi que dela Section T.________ et de l'Institut U.________. En juin 1986, la Banque X.________ (ci-après: la Banque) a octroyé un créditde 150'000 fr. à Z.________ SA, qui a été augmenté par la suite à 500'000 fr. Le 7 juillet 1986, les administrateurs de Z.________ SA se sont portéscautions solidaires envers la Banque pour le remboursement de toutes lessommes que Z.________ SA devait et pourrait devoir à l'avenir à cetétablissement, jusqu'à concurrence d'un montant de 150'000 fr. Le 21décembre1987, le montant de cette caution a passé à 300'000 fr. Le 4 décembre 1987, Z.________ SA a remis à la Banque les commentairesrelatifs à son bilan arrêté au 30 juin 1987. Le rapport de l'organe de révision du 9 décembre 1987 a fait état d'unbénéfice de 1'881,72 fr. pour le premier exercice de Z.________ SA, soit pourla période allant du 3 avril 1986 au 30 juin 1987. Le rapport du président du conseil d'administration du 21 décembre 1987 amentionné des résultats financiers excellents pour les premiers moisd'activités de Z.________ SA.Lors de l'assemblée générale ordinaire du 22 décembre 1987, les comptes ontété approuvés et la décharge donnée aux administrateurs. Pourtant, au 31 décembre 1987, l'actif de Z.________ SA ne couvrait plus lesdettes. Les comptes arrêtés au 31 décembre 1987 n'ont été soumis ni àl'organe de contrôle ni à l'assemblée générale. Le 29 février 1988, A.________ et B.________ ont acheté à C.________ et àD.________ leurs actions de Z.________ SA. Des comptes intermédiaires ont étéétablis à cette occasion et B.________ a reconnu avoir alors eu accès auxpièces et comptes de la société. Les comptes au 31 décembre 1987 portaient lamention "intermédiaire et provisoire". Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 18 mars 1988, à laquelleB.________ a participé, D.________ et C.________ ont démissionné de leurfonction d'administrateurs et ont été remplacés par B.________ et E.________.A.________ a été nommé président du conseil d'administration de Z.________SA. Le 25 mars 1988 s'est tenue une séance du conseil d'administration au coursde laquelle les problèmes de liquidités de Z.________ SA ont été évoqués. Lesadministrateurs étaient conscients de la mauvaise situation financière de lasociété. Une assemblée générale extraordinaire de Z.________ SA a eu lieu le 26avril1988. Il a notamment été décidé d'augmenter le capital social de la sociétéde 150'000 fr. à 300'000 fr. et l'année sociale a été modifiée, celle-cicommençant le 1er janvier et finissant le 31 décembre de chaque année. Lors d'une séance du conseil d'administration du 6 mai 1988, il a été faitétat de résultats catastrophiques de Z.________ SA, de sorte qu'au plus tardà cette date, les administrateurs ont pris conscience de la situation desurendettement de la société. Une séance du conseil d'administration a étéfixée au lundi 16 mai 1988 pour comprendre l'évolution négative de la sociétédepuis le bilan intermédiaire du 31 décembre 1987. Par la suite, la situation financière de Z.________ SA n'a fait ques'aggraver jusqu'à sa faillite. Les administrateurs n'ont pas soumis à l'assemblée générale les comptesannuels de Z.________ SA dans le semestre qui a suivi la clôture del'exercice arrêté au 31 décembre 1987, ainsi que pour les exercices suivants.Ces comptes n'ont pas non plus été soumis à l'organe de révision. Les administrateurs ont évoqué, lors d'une séance du 27 septembre 1988, lapossibilité de vendre la société, de maintenir le cap et les moyens de lagérer. Le 15 mars 1989, l'organe de contrôle a demandé à Z.________ SA la date àpartir de laquelle ses comptes annuels au 31 décembre 1988 seraient prêtspour le contrôle statutaire, ainsi qu'un procès-verbal de l'assembléegénérale des actionnaires acceptant les comptes annuels. Le 30 mars 1989, la Banque a écrit à Z.________ SA en relevant que lesactivités de la société s'étaient fortement réduites et qu'elles negénéraient plus un produit permettant de faire face à ses engagementsfinanciers. Le 24 avril 1989, l'organe de contrôle a réclamé une nouvelle fois lesdocuments lui permettant de procéder au contrôle statutaire. Par lettre du 14 juin 1989, la Banque a dénoncé le crédit accordé àZ.________ SA et a demandé son remboursement immédiat. Le 19 juin 1989, Z.________ SA a écrit à l'organe de contrôle et l'a informéque, depuis le mois de mars 1989, elle avait changé d'administrateurs etd'actionnaires. Reprenant en mains les documents comptables de l'exercice arrêté au 30 juin1987, l'organe de contrôle a constaté que la société aurait dû déposer sonbilan ou recevoir un assainissement rapide. Le 13 juillet 1989, la Banque a prié C.________ et A.________ notammentd'honorer leur engagement de cautions solidaires à concurrence de 300'000 fr.Aux termes de poursuites, C.________ et A.________ ont finalement versé lemontant dû à titre de caution à la Banque. Par courrier du 28 mars 1990, la Banque a informé C.________ et D.________qu'elle était disposée à leur donner quittance pour solde de tout comptemoyennant le versement de 204'227,80 fr. au 10 avril 1990, correspondant ausolde de l'engagement de caution solidaire. Le 9 janvier 1991, la faillite de Z.________ SA a été prononcée. Du1erjanvier 1988 à cette date, la société a accumulé des pertes comptabless'élevant à 1'268'493,27 fr. Le 24 octobre 1991, A.________ a produit une créance de 537'455,55fr. dansla faillite de Z.________ SA. Par avis du 13 décembre 1991, l'administrationde la faillite lui a indiqué que le dividende probable était de 0 % pour la5ème classe; elle a contesté le montant de 100'000 fr. produit à titre decautionnement et a invoqué, au surplus, la compensation avec les dommagesqu'il avait causés en qualité d'administrateur, se réservant de lui réclamerencore des dommages-intérêts. F. ________ est créancier de Z.________ SA pour un montant colloqué en 5èmeclasse pour 87'120,45 fr. X.________ SA possédait une créance enversZ.________ SA qui a été colloquée en 5ème classe pour 49'145,35 fr. Le soldede la créance de la Banque a également été colloqué en 5ème classe pour unmontant de 251'144,45 fr. Le 9 janvier 1996, la masse en faillite de Z.________ SA a fait notifierdifférents commandements de payer portant chacun sur la somme de un millionde francs envers notamment A.________ et B.________, qui s'y sont opposés. Le 19 janvier 1996, l'administration de la faillite, renonçant à faire valoirelle-même l'action en responsabilité, a cédé ses droits entre autres à laBanque, à F.________ et à X.________ SA (devenue par la suite Y.________ SA). Selon un rapport final du 13 mars 1998 établi par l'Office des faillites dudistrict de Lausanne, les créanciers ont reçu un dividende de 5,19% et ledécouvert final s'est élevé à 1'306'346 fr. Le 25 mai 1999, B.________ a signé une déclaration de renonciation à invoquerla prescription jusqu'au 31 décembre 2000, pour autant que celle-ci ne soitpas déjà acquise au 8 janvier 1996. Il a renouvelé celle-ci jusqu'au 31décembre 2002. Le 6 janvier 2001, la Banque, F.________ et Y.________ SA ont fait notifierun commandement de payer à A.________ pour un montant de un million de francsà titre de prétentions en dommages-intérêts du chef des art. 752 ss CO enqualité d'organe de Z.________ SA. B.Le 27 décembre 1996, la Banque, F.________ et Y.________ SA, agissant commecessionnaires des droits de la masse, ont déposé auprès des autoritésjudiciaires vaudoises une demande en justice à l'encontre de C.________,D.________, B.________, A.________ et l'organe de révision, concluant aupaiement par les défendeurs, solidairement entre eux, subsidiairement dans laproportion fixée par le juge, de la somme de 387'410,25 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 9 janvier 1991 Par jugement du 25 octobre 2005, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudoisea condamné A.________ et B.________, débiteurs solidaires, à payer à laBanque, à F.________ et à Y.________ SA, solidairement entre eux, la somme de387'410,25fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 25 janvier 1997. Le 22 mai 2006, le Président de la Chambre des recours du Tribunal cantonalvaudois a pris acte du retrait du recours interjeté entre autres parB.________ à l'encontre du jugement de la Cour civile. C.Contre le jugement du 25 octobre 2005, A.________ et B.________ interjettentséparément un recours en réforme au Tribunal fédéral. Le premier conclut àl'admission du recours et à la réforme du jugement attaqué dans le sens d'uneadmission de ses conclusions libératoires, à savoir qu'il n'est pas ledébiteur de la Banque, de F.________ et de Y.________ SA du montant de387'420,25 fr. ni en capital ni en intérêts. Le second propose l'admission durecours et la réforme du jugement entrepris dans le sens d'une libération detoute condamnation prononcée à son encontre. Tout en concluant au rejet des recours en réforme précités, la Banque,F.________ et Y.________ SA forment un recours joint en demandant la réformedu jugement du 25 octobre 2005, en ce sens que la somme de 387'410,25 fr. queA.________ et B.________ ont été condamnés solidairement à leur verser porteintérêt à 5 % l'an dès le 9 janvier 1991, subsidiairement dès le 10 janvier1996, et non pas dès le 25 janvier 1997. A. ________ et B.________ concluent au rejet du recours joint. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjetés par les défendeurs qui ont entièrement succombé dans leursconclusions libératoires, les deux recours principaux portent sur unecontestation civile (ATF 129 III 415 consid. 2.1) dont la valeur litigieusedépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Ils sont dirigés contre unjugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur(art. 48 al. 1 OJ; art. 444 et 451a CPC vaud.). Les deux recours principaux paraissent donc en principe recevables,puisqu'ils ont été déposés en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans lesformes requises (art. 55 OJ). Il en va de même du recours joint interjeté parles demandeurs, compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. b et 59 al. 3 OJ). 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peutêtre présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou demoyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Il ne sera donc pas tenu compte des faits invoqués par les défendeurs nefigurant pas dans le jugement entrepris, pas plus que des critiques dirigéescontre les constatations cantonales. 2.2.1Le jugement attaqué a admis que la responsabilité des deux défendeursétait engagée vis-à-vis de la société. En substance, la cour cantonale aretenu que ces administrateurs avaient fautivement violé les art. 698, 699,722 et 725 aCO. Il leur est reproché de n'avoir pas soumis les comptes de lasociété pour l'exercice se terminant au 31décembre 1988, ni les comptes desexercices ultérieurs à une assemblée générale, de n'avoir pas arrêté lescomptes au 31décembre 1987, ni pour les exercices suivants et, enfin, den'avoir pas pris les dispositions imposées par la loi en cas desurendettement de la société. La quotité exacte du dommage n'a pas été fixéeprécisément, car, selon l'estimation de la cour cantonale, celui-ci s'élevaità une somme sensiblement supérieure aux conclusions en paiement prises parles demandeurs. Les juges ont admis l'existence d'un lien de causaliténaturelle et adéquate entre les manquements fautifs et le dommage subi.Enfin, le jugement entrepris a rejeté la créance en compensation opposée parles défendeurs aux prétentions dirigées à leur encontre. 2.2 Le défendeur A.________ reproche à la cour cantonale d'avoir admis laresponsabilité des administrateurs en omettant de tenir compte decirconstances déterminantes, d'avoir procédé à une mauvaise application de lanotion juridique du dommage en violation des art. 8 CC et 42 CO et, enfin,d'avoir méconnu les art. 120 ss CO en refusant de tenir compte de la créancequ'il avait opposée en compensation. Quant au défendeur B.________, il nesoulève qu'un seul moyen, reprochant à la cour cantonale d'avoir admis lacondition du lien de causalité adéquate entre le dommage et les manquementsreprochés aux administrateurs, en violation de l'art. 754 aCO. Dans leurrecours joint, les demandeurs s'en prennent exclusivement au dies a quo del'intérêt fixé par la cour cantonale. Dans ces circonstances, il convient d'examiner tout d'abord et en parallèleles recours respectifs des défendeurs, car ceux-ci supposent de revoir lesconditions de leur responsabilité à titre d'administrateurs. Ce n'est qu'encas de rejet de leurs griefs qu'il se justifiera de se prononcer sur lerecours joint. 3.3.1Les demandeurs n'ont été lésés que par ricochet par les manquements qu'ilsreprochent aux administrateurs, car leur préjudice résulte du fait qu'ilsn'ont pu récupérer l'intégralité du montant de leurs créances à l'encontre dela société dans le cadre de sa faillite (ATF 132 III 564 consid. 3.1.2). Ilsne disposent donc d'aucune action individuelle à l'encontre desadministrateurs pour obtenir réparation de leur dommage (ATF 131 III 306consid. 3.1.1). Toutefois, comme les demandeurs ont obtenu, en janvier 1996,de la part de l'administration de la faillite, la cession des droits de lamasse (cf. art. 260 LP), ils peuvent exercer
l'action de la communauté descréanciers et demander ainsi réparation du dommage subi directement par lasociété, étant précisé que le produit éventuel de leur action servira d'abordà couvrir leurs propres créances telles que colloquées (ATF 132 III 564consid. 3.2.2). Il convient donc de s'interroger sur la responsabilité desdéfendeurs à l'égard de la société faillie. 3.2 Comme l'a retenu la cour cantonale, les événements pertinents sontsurvenus avant le 1er juillet 1992, date de l'entrée en vigueur du nouveaudroit de la société anonyme, de sorte que la responsabilité des défendeursdoit être examinée à la lumière de l'ancien droit (cf.ATF 128 III 180consid. 2b). 3.3 En vertu de l'art 754 aCO, toutes les personnes chargées del'administration, de la gestion ou du contrôle répondent, à l'égard de lasociété notamment, du dommage qu'elles lui causent en manquantintentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. La responsabilité desadministrateurs envers la société, fondée sur l'art. 754 aCO, est subordonnéeà la réunion des quatre conditions générales suivantes, à savoir unmanquement par l'organe à ses devoirs, une faute (intentionnelle ou parnégligence), un dommage et un lien de causalité naturelle et adéquate entrele manquement et le dommage (Forstmoser, Die aktienrechtlicheVerantwortlichkeit, Zurich 1987, p. 33; cf. ATF 127 III 453 consid. 5aconcernant l'organe de contrôle). Il appartient au demandeur à l'action enresponsabilité de prouver la réalisation de ces conditions (art. 8 CC) (arrêtdu Tribunal fédéral 4C.316/2003 du 3mars 2003 consid. 7.1; cf. ATF 128 III180 consid. 2d p. 184). 3.4 Le défendeur A.________ reproche à la cour cantonale d'avoir retenu qu'ilavait manqué à ses devoirs d'administrateur en faisant abstraction descirconstances concrètes. Il énumère des éléments qui, selon lui, sont denature à le libérer de toute responsabilité. Par exemple, il insiste sur lefait qu'il n'avait aucune formation comptable ou qu'il n'avait euconnaissance de la situation réelle de la société qu'à fin 1988. Ce faisant,le défendeur s'en prend à l'établissement des faits et à l'appréciation despreuves auxquels se sont livrés les juges cantonaux et confond le recours enréforme avec un appel. En effet, déterminer quels étaient les données etcomptes disponibles d'une société à un moment donné et savoir ce que lesadministrateurs connaissaient à cette époque sont des questions de fait quine peuvent être examinées dans un recours en réforme (ATF 128 III 180 consid.2e p.185). Au demeurant, il ressort des constatations cantonales que lescomptes de la société au 31 décembre 1988 et pour les exercices suivantsn'ont pas été régulièrement établis, pas plus qu'ils n'ont été soumis à uneassemblée générale ni à l'organe de contrôle, sans qu'aucune circonstancen'ait empêché les administrateurs de procéder correctement. De plus, il a étéconstaté que, lors de la séance du 6 mai 1988 au plus tard, lesadministrateurs ont connu la situation de surendettement, mais n'ont prisaucune des mesures imposées par l'art. 725 aCO. Dans un tel contexte, on nevoit pas que l'on puisse reprocher à la cour cantonale d'avoir retenu que lesdeux défendeurs, en tant qu'administrateurs de la société faillie, avaientfautivement manqué à leurs devoirs. 3.5 S'agissant du dommage, le défendeur A.________ fait grief à la courcantonale de l'avoir faussement apprécié en droit et d'avoir violé les art. 8(sic) et 42 CO. Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de lafortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel dupatrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événementdommageable ne s'était pas produit (ATF 132 III 186 consid. 8.1, 321 consid.2.2.1 p. 324 et les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunalfédéral n'intervient que si l'autorité cantonale a méconnu la notionjuridique du dommage. En revanche, savoir s'il y a eu un dommage et quelle enest la quotité est une question de fait qui lie le Tribunal fédéral eninstance de réforme (ATF 130 III 145 consid. 6.2). En l'espèce, il a été constaté que la société avait accumulé des pertescomptables de 1'268'493 fr. entre le 1er janvier 1988 et le 9 janvier 1991,date du prononcé de la faillite, et que le découvert résultant de la faillites'élevait à 1'306'346 fr. Pour leur part, les demandeurs réclament en justicele total de leurs créances admises à l'état de collocation, soit un montantde 387'410 fr., qui représente moins d'un tiers des pertes de la société. Dèslors que les manquements reprochés aux administrateurs sont survenus au plustard en mai 1988, date à laquelle il a été constaté qu'ils connaissaientl'état de surendettement dans lequel se trouvait la société, le montantréclamé en justice est de toute évidence inférieur aux pertes accumulées parla société depuis cette date. On ne voit donc pas que la cour cantonale aitviolé l'art. 42 CO en se dispensant de calculer précisément le dommage de lasociété. Ce raisonnement ne traduit pas davantage de renversement des règlessur le fardeau de la preuve au sens de l'art. 8 CO (recte CC) invoqué par ledéfendeur A.________. En outre, même si les demandeurs ne réclament qu'unmontant correspondant à leurs créances envers la société faillie, il n'endemeure pas moins qu'ils agissent uniquement en tant que cessionnaires desdroits de la masse et ont seulement qualité pour exiger la réparation dudommage subi par la société (cf.supra consid. 3.1). On ne saurait donc leurimposer le fardeau de la preuve quant à l'existence et la quotité de leurpropre dommage, contrairement à ce que soutient le défendeur A.________. Ausurplus, les critiques formulées par celui-ci reviennent à nouveau à remettreen cause les constatations cantonales sur l'existence même d'un dommage. Or,comme indiqué, de telles considérations relèvent des faits et sontirrecevables dans un recours en réforme. Autre est la question de savoir si les administrateurs peuvent ou non êtretenus pour responsables des pertes subies par la société. Cette problématiquerelève non pas du dommage, mais de la causalité adéquate. 3.6 L'admission d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre lesmanquements des administrateurs et le montant réclamé en justice par lesdemandeurs est critiquée par les deux défendeurs, qui se prévalent du faitque, selon un extrait de l'expertise reproduite dans le jugement entrepris,le surendettement de la société aurait considérablement diminué entre le 31décembre 1987, respectivement 1988 et le 31 décembre 1990. Pour qu'il y ait causalité adéquate, il faut que le fait générateur de laresponsabilité soit propre, d'après le cours ordinaire des choses etl'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'estproduit (ATF 129 II 312 consid. 3.3 et les arrêts cités). Dire s'il y acausalité adéquate est une question de droit (cf. ATF 123 III 110 consid. 2;116 II 519 consid. 4a p. 524). Pour que la causalité adéquate puisse êtreadmise, il faut au préalable qu'un lien de causalité naturelle soit établi.Tel est le cas lorsque le fait générateur de responsabilité est une conditionsine qua non du résultat (ATF 128 III 174 consid. 2b p. 177, 180 consid. 2dp. 184). Lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, de juger de l'existence d'unlien de causalité entre une ou des omissions et un dommage, il convient des'interroger sur le cours hypothétique des événements (ATF 129 III 129consid. 8). Dans ce cas, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme,est lié par les constatations cantonales concernant la causalité naturelle(ATF 131 III 306 consid. 3.2.2 p. 313; 128 III 180 consid. 2d p. 184), dèslors qu'elles ne reposent pas exclusivement sur l'expérience de la vie, maissur des faits établis par l'appréciation des preuves (ATF 127 III 453 consid.5d p. 456; 115 II 440 consid. 5b p. 448 s.). Il y a en revanche violation dudroit fédéral si le juge a ignoré l'exigence de la causalité naturelle ou améconnu cette notion juridique (arrêt du Tribunal fédéral 4C.281/2004 du 9novembre 2004 in SJ 2005 I p. 221, consid. 2.3; ATF 125 IV 195 consid. 2b;123 III 110 consid. 2). Comme l'ont relevé les défendeurs, tout retard dans le dépôt du bilan est enrègle générale préjudiciable à la société (ATF 132 III 564 consid. 6.3 et lesréférences citées). En l'occurrence et contrairement à ce qu'affirment lesdéfendeurs, qui se fondent sur un extrait de l'expertise reproduite dans lejugement entrepris, les autres faits retenus ne font que confirmer la règled'expérience précitée. En effet, il a été retenu que les pertes et les pertesreportées de la société n'ont cessé de croître entre le 1er janvier 1998 etle 1er janvier 1991. Il a également été admis que le chiffre d'affaires de lasociété avait régulièrement chuté depuis 1988, que les efforts desadministrateurs n'avaient pas permis d'améliorer la situation financière dela société, qui s'était dégradée entre le 18 mars 1988 et la date de lafaillite. Enfin, il a été précisé que le découvert de la société avaitconsidérablement augmenté dès janvier 1988 jusqu'à la faillite. Compte tenu de ces éléments, on ne voit manifestement pas que la courcantonale ait méconnu la notion de causalité naturelle ou appliqué de manièreerronée la causalité hypothétique, lorsqu'elle a admis un lien de cause àeffet entre l'inaction des administrateurs, qui n'ont pas suivi les réquisitsde l'art. 725 aCO alors qu'ils connaissaient l'état de surendettement de lasociété, et le dommage subi par cette dernière dans le cadre de sa faillite.Par ailleurs, si les défendeurs entendaient se plaindre d'une contradictionentre les faits retenus par l'expert, ils devaient agir par la voie durecours de droit public. Par conséquent, les critiques formulées par les défendeurs remettant en causeles conditions de leur responsabilité doivent être rejetées. 4.Dans un dernier moyen, le défendeur A.________ reproche à la cour cantonaled'avoir violé les art. 120 ss CO, ainsi que les art. 756 et 757aCO, en netenant pas compte de la compensation invoquée par l'administration de lafaillite par rapport à la créance qu'il avait produite. La cour cantonale a refusé de prendre en considération, pour libérer ledéfendeur A.________, la déclaration du 13 décembre 1991 par laquellel'administration de la faillite de Z.________ SA, se prononçant sur lacréance de 537'455,55 fr. produite par cet administrateur, a invoqué lacompensation avec les dommages causés par celui-ci, se réservant le droit delui demander des dommages-intérêts. Les juges ont expliqué leur refus parplusieurs motifs distincts. Ils ont en premier lieu appliqué par analogie lajurisprudence selon laquelle les exceptions que les organes responsablespourraient faire valoir contre la société ou certains créanciers prisindividuellement ne sont pas opposables à l'action de créanciers agissant entant que cessionnaire des droits de la masse (ATF 122 III 195 consid. 9a; 117II 432 consid. 1b/hh). Ils ont ensuite relevé que le défendeur A.________n'avait pas détaillé le montant de la créance qu'il avait produite et que lefondement de cette créance n'était pas établi. Enfin, comme le défendeurcontestait que sa production ait été écartée en tout ou en partie, les jugesont souligné qu'il lui appartenait d'intenter l'action en contestation del'état de collocation à l'encontre de la masse en faillite. Le défendeur A.________ formule des critiques d'ensemble, dont on peut sedemander si elles portent sur chacune de ces motivations, comme l'exigepourtant la jurisprudence (ATF 121 IV 94 consid. 1b; 119 Ia 13 consid. 2; 117II 630 consid. 1b p. 631). Cette question peut toutefois demeurer indécise,le grief étant irrecevable pour une autre raison. En effet, savoir si, sur labase des éléments recueillis, une créance doit être ou non tenue pour établierelève de l'appréciation des preuves (cf. Corboz, Le recours en réforme auTribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 63), de sorte que ce point ne peut êtreremis en cause dans un recours en réforme (ATF 131 III 153 consid. 6.5 infine et les arrêts cités). La critique du défendeur, selon laquelle lespremiers juges auraient omis de tenir compte des déclarations de l'expertlorsqu'ils ont retenu que sa créance n'était pas établie, n'a donc pas saplace dans la présente procédure. Or, l'inexistence de l'une des deuxprétentions exclut d'emblée toute compensation au sens des art. 120 ss CO(cf. Jeandin, Commentaire romand, N 5 ad art. 120 CO), ce qui suffit àjustifier le refus de la cour cantonale de tenir compte de la déclaration decompensation du 13 décembre 1991. Il n'y a donc pas lieu d'examiner lesautres critiques formulées par le défendeur à ce sujet, le recours en réformen'étant pas ouvert pour se plaindre de la motivation de la décisionentreprise (arrêt du Tribunal fédéral 4C.235/2006 du 23 octobre 2006 destinéà la publication, consid. 3.6).Il en découle que les recours interjetés par les deux défendeurs doivent êtrerejetés, le recours du défendeur A.________ dans la mesure de sarecevabilité. 5.Comme le jugement entrepris doit être confirmé, en ce qu'il condamnesolidairement les défendeurs à verser aux demandeurs, en tant quecessionnaires des droits de la masse, le montant de 387'410,25 fr., il fautexaminer le recours joint. Celui-ci remet en cause le dies a quo de l'intérêtde 5 % l'an alloué sur cette somme et fixé par la cour cantonale au 25janvier 1997, soit le lendemain de la notification de la demande au défendeurB.________ en application de l'art. 102 CO. Les demandeurs reprochent auxjuges d'avoir méconnu la distinction entre l'intérêt compensatoire etl'intérêt moratoire et estiment qu'il fallait leur allouer un intérêtcompensatoire dès le prononcé de la faillite de la société le 9 janvier 1991,subsidiairement un intérêt moratoire à partir du 10 janvier 1996, soit dès lelendemain de la notification des commandements de payer. 5.1 L'intérêt compensatoire est une composante du dommage (Thévenoz,Commentaire romand, N 3b ad art. 104 CO). Il peut se définir comme l'intérêtattribué à la victime, titulaire d'une créance en dommages-intérêts, destinéà compenser le fait que cette créance, en principe exigible dès la survenancede l'événement dommageable, ne lui est pas versée immédiatement (Spahr,L'intérêt moratoire conséquence de la demeure, RVJ 1990 p. 361 ss, 372).L'intérêt moratoire, pour sa part, représente l'indemnisation due aucréancier en raison du non-paiement d'une dette d'argent par le débiteur endemeure (Weber, Commentaire bernois, N 7 ad art. 104 CO). En l'espèce, on est en présence d'une action en dommages-intérêts parlaquelle les demandeurs, en qualité de cessionnaires des droits de la masse,font valoir le dommage subi directement par la société faillie (cf. supraconsid. 3.1). Comme le relèvent pertinemment les demandeurs, ce contextesuppose de se prononcer tout d'abord sur l'éventuelle allocation d'intérêtscompensatoires et non pas d'intérêts moratoires, étant précisé que ces deuxcatégories d'intérêts ne peuvent se cumuler (Weber, op. cit., N 11 ad art.104 CO; Spahr,
op. cit., p. 373), car ils poursuivent le même but sur le planfonctionnel (ATF 130 III 591 consid. 4 p. 599). 5.2 L'intérêt compensatoire est dû à partir du moment où l'événementdommageable engendre des conséquences pécuniaires et court jusqu'au moment dupaiement des dommages-intérêts; il vise à placer l'ayant droit dans lasituation qui aurait été la sienne s'il avait obtenu réparation au jour de lasurvenance du dommage, respectivement de la réalisation de ses conséquenceséconomiques (ATF 130 III 591 consid. 4 p. 599; 122 III 53 consid. 4a p. 54;arrêt du Tribunal fédéral 4C.117/1999 du 16 novembre 1999 consid. 5a).Contrairement à ce que soutient le défendeur B.________, cet intérêt est dûnon seulement en cas de responsabilité délictuelle mais aussi lorsque laresponsabilité découle du contrat (ATF 130 III 591 consid. 4 p. 599). En l'occurrence, le dommage subi par la société correspond aux pertesaccumulées en raison du retard dans le prononcé de la faillite. Ce dommage aévolué entre le moment où les défendeurs auraient dû prendre des mesures enavril 1988 et le 9 janvier 1991, qui correspond au prononcé de la faillite dela société. A partir de cette dernière date, le dommage subi par la sociétépeut être chiffré, de sorte que ce moment est déterminant pour fixer le diesa quo des intérêts compensatoires. Dès lors que les demandeurs ont conclu,sur le plan cantonal, au versement de 387'410,25 fr. accompagné d'un intérêtà 5 % l'an dès le 9 janvier 1991, il convient d'admettre leur recours jointet de réformer le jugement entrepris en ce sens que le montant de 387'410,25fr. que les défendeurs ont été solidairement condamnés à payer auxdemandeurs, créanciers solidaires, porte intérêt à 5 % l'an dès le 9 janvier1991. 6.Les défendeurs succombent dans leurs conclusions, tant sur leurs recoursrespectifs que sur le recours joint. Ils supporteront donc, solidairemententre eux, les frais (art. 156 al. 1 et 7 OJ) et les dépens à verser auxdemandeurs et recourants par voie de jonction, créanciers solidaires (art.159 al. 1 et 5 OJ). Dès lors que la modification apportée au jugement entrepris ne concerne ni laresponsabilité des défendeurs, ni le montant alloué en capital auxdemandeurs, il n'y a pas lieu de répartir autrement les frais antérieurs (cf.art. 157 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours du défendeur A.________ est rejeté dans la mesure où il estrecevable; le recours du défendeur B.________ est rejeté. 2.Le recours joint est admis. 3.Le jugement entrepris est modifié dans le sens où les défendeurs A.________et B.________, solidairement entre eux, doivent payer aux demandeurs,solidairement entre eux, la somme de 387'410,25 fr. avec intérêt à 5 % l'andès le 9 janvier 1991. Il est confirmé pour le surplus. 4.Un émolument judiciaire total de 12'000 fr. est mis à la charge desdéfendeurs, solidairement entre eux. 5.Les défendeurs, débiteurs solidaires, verseront aux demandeurs, créancierssolidaires, une indemnité de 15'000 fr. à titre de dépens. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour civile du Tribunal cantonal vaudois. Lausanne, le 12 décembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.182/2006
Date de la décision : 12/12/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-12;4c.182.2006 ?
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