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06/12/2006 | SUISSE | N°B.56/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 décembre 2006, B.56/05


Cause {T 7}B 56/05 Arrêt du 6 décembre 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Métral Fonds de prévoyance X.________, recourant, représenté par Me Pierre-HenriGapany, avocat, rue de Lausanne 38-40, 1701 Fribourg, contre Hoirie de feu S.________, soit :1.I.________, son épouse,2.R.________, son fils,3.C.________, sa fille, intimés,tous représentés par Me Eric Maugué, avocat, rue Marignac 14, 1206 Genève Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,Givisiez (Jugement du 31 mars 2005) Faits: A.S. _____

___, né en 1948, a travaillé du 1er avril 1998 au 30 septembr...

Cause {T 7}B 56/05 Arrêt du 6 décembre 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Métral Fonds de prévoyance X.________, recourant, représenté par Me Pierre-HenriGapany, avocat, rue de Lausanne 38-40, 1701 Fribourg, contre Hoirie de feu S.________, soit :1.I.________, son épouse,2.R.________, son fils,3.C.________, sa fille, intimés,tous représentés par Me Eric Maugué, avocat, rue Marignac 14, 1206 Genève Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,Givisiez (Jugement du 31 mars 2005) Faits: A.S. ________, né en 1948, a travaillé du 1er avril 1998 au 30 septembre 2000au service de X.________ SA. A ce titre, il était assuré, en matière deprévoyance professionnelle, par le Fonds de prévoyance X.________ SA. Avant d'allouer à S.________ une couverture d'assurance allant au-delà de laprévoyance professionnelle obligatoire (prévoyance dite «plus étendue»), leFonds de prévoyance X.________ lui a adressé un questionnaire de santé.Celui-ci comprenait une série de questions relatives à son état de santé, àsa pratique sportive, à sa consommation de tabac, d'alcool, de médicaments oude drogues et à son suivi médical jusqu'alors. Il comprenait également desquestions complémentaires pour le médecin traitant de S.________, le docteurU.________. Le 3 décembre 1998, S.________ a rempli la partie duquestionnaire le concernant, en faisant état d'une fracture de l'avant-brasdroit en octobre 1997 et d'asthme entre les années 1955 à 1963, sansmentionner d'autre atteinte particulière à la santé. Le 9 décembre suivant,il s'est également soumis à un examen médical par son médecin traitant, ledocteur U.________, qui a répondu aux questions complémentaires avant deconclure que son patient était en bonne santé physique et mentale. Le 1er février 2001, S.________ a déposé une demande de prestations del'assurance-invalidité. Selon son médecin traitant, il avait présenté uneincapacité de travail de 100 % du 8 novembre 1999 au 20 février 2000, puis de50 % jusqu'au 16 avril 2000; depuis le 17avril 2000, il présentait à nouveauune incapacité de travail totale, pour une durée indéterminée. Le docteurU.________ posait les diagnostics d'état dépressif, d'artériopathie diffusedes membres inférieurs, d'arthrose cervicale, d'arthrose lombaire manifesteet de suspicion de canal rachidien étroit ou hernie discale (rapport du 17juillet 2000 du docteur U.________). Il ressort par ailleurs du dossiermédical constitué par l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève(ci-après : l'Office AI) que S.________ a suivi une cure de désintoxicationalcoolique en janvier 2000 et consulté la doctoresse M.________ en raison detroubles dépressifs d'octobre 2001 à fin septembre 2002 (rapport du 2 janvier2003 de la doctoresse M.________). Il a également consulté d'autre médecins,dont le docteur E.________, neurologue, et le docteur K.________, spécialisteen médecine interne et endocrinologie. Ce dernier a fait état d'uneincapacité de travail totale en raison d'un état dépressivo-anxieux, d'uncanal lombaire étroit, de lombalgies chroniques sur discopathies étagées etatteintes dégénératives, d'une hernie discale (en mars-avril 2001) etd'insuffisance artérielle des membres inférieurs (rapports des 26 mars 200112 octobre 2001 et 11 novembre 2002). Par décision du 26 juin 2003, l'Office AI a alloué à S.________ une renteentière d'invalidité, une rente complémentaire pour l'épouse et deux rentespour enfants, avec effet dès le 1er novembre 2000. Pour sa part, le Fonds deprévoyance X.________ lui a reproché d'avoir rempli de manière inexacte etincomplète le questionnaire de santé qui lui avait été remis; il a refuséd'allouer des prestations supérieures au minimum obligatoire et résilié lecontrat d'assurance portant sur la prévoyance plus étendue. B.Par acte du 2 avril 2004, S.________ a ouvert devant le Tribunaladministratif du canton de Fribourg une action tendant au paiement desprestations de prévoyance plus étendue par le Fonds de prévoyance X.________.Par jugement du 31 mars 2005, le Tribunal administratif a, en substance, niéque l'assuré ait commis une réticence et reconnu l'obligation, pour le Fondsde prévoyance X.________, d'allouer toutes les prestations prévues par lerèglement de prévoyance, y compris la part plus étendue; il a renvoyé à unjugement ultérieur la question de la fixation du montant exact de cesprestations. C.Le Fonds de prévoyance X.________ interjette un recours de droitadministratif contre ce jugement, dont il demande la réforme en ce sens quel'action ouverte par l'assuré soit rejetée, sous suite de frais et dépens. S. ________ a conclu au rejet du recours. Il est toutefois décédé en cours deprocédure, le 22 décembre 2005. Ses héritiers, à savoir sa veuve, I.________et ses enfants, R.________ et C.________ ont déclaré reprendre le procès etmaintenir les conclusions tendant au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales à renoncé à se déterminer. D.La IVème Chambre du Tribunal fédéral des assurances a tenu une audienceouverte aux parties, le 6 décembre 2006. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le point de savoir si l'assureur peut refuser lesprestations de prévoyance plus étendue en raison d'une réticence de l'assuré. 2.2.1Dans le domaine de la prévoyance plus étendue, les institutions deprévoyance sont fondées, en l'absence de disposition statutaire ouréglementaire idoines, à se départir du contrat de prévoyance en cas deréticence de l'assuré, par application analogique des art. 4 ss LCA (ATF 130V 9). En l'occurrence, le règlement du Fonds de prévoyance X.________ prévoitla possibilité d'émettre une réserve médicale lors de l'entrée d'un nouvelassuré dans la prévoyance plus étendue (2.1.4 du règlement de prévoyance),mais ne contient aucune disposition sur les conséquences d'une éventuelleréticence de l'assuré. Il convient donc de se référer aux art. 4 ss LCA. 2.2 Aux termes de l'art. 4 LCA, le proposant doit déclarer par écrit àl'assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questionsécrites, tous les faits qui sont importants pour l'appréciation du risquetels qu'ils lui sont ou doivent lui être connus lors de la conclusion ducontrat (al. 1). Sont importants tous les faits de nature à influer sur ladétermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure auxconditions convenues (al. 2). Sont réputés importants les faits au sujetdesquels l'assureur a posé par écrit des questions précises, non équivoques(al. 3). Dès lors que le proposant ne doit pas seulement déclarer les faitsqui lui sont connus, mais également ceux dont il devrait avoir connaissance,la loi institue un critère objectif pour déterminer s'il a commis uneréticence. Toutefois, pour appliquer ce critère, on tiendra compte descirconstances du cas particulier, notamment des qualités (intelligence,formation, expérience) et de la situation du proposant. Ce qui est finalementdécisif, c'est de juger si et dans quelle mesure le proposant pouvait donnerde bonne foi une réponse déterminée à une question de l'assureur, selon laconnaissance qu'il avait de la situation et, le cas échéant, selon lesrenseignements que lui ont fournis des personnes qualifiées. Le proposantremplit ses obligations s'il déclare, outre les faits qui lui sont connussans autre réflexion, ceux qui ne peuvent pas lui échapper s'il réfléchitsérieusement aux questions de l'assureur (ATF 116 V 226 consid. 5a et b, 116II 339 sv. consid. 1b et c). 3.Le recourant soutient que l'assuré a commis une réticence, en répondant demanière erronée ou incomplète aux questions 3c, 3i, et 9c du questionnaire desanté qui lui a été remis. 3.13.1.1L'assuré a répondu par la négative aux questions 3c et 3i, qui sontformulées comme suit : «Bestehen oder bestanden bei Ihnen jemals Krankheiten,Störungen oder Beschwerden des Nervensystems oder der Psyche, wie Epilepsie,Schwindel, Lähmungen, Nervenentzündungen, Depressionen oder andere ?»(Souffrez-vous ou avez-vous souffert de maladies, de troubles ou d'affectionsdu système nerveux ou du psychisme, tels que : épilepsie, vertiges,paralysies, névrites, dépressions ou autres ?); «Bestehen oder bestanden beiIhnen jemals Krankheiten, Störungen oder Beschwerden des Bewegungsapparates(Knochen, Gelenke, Wirbelsäule, Bandscheiben, Muskeln, Bänder, Sehnen) ?»(Souffrez-vous ou avez-vous souffert de maladies, de troubles ou d'affectionsde l'appareil locomoteur (os, articulations, colonne vertébrale, disquesintervertébraux, muscles, ligaments, tendons) tels que : douleurs dorsales,cervicales, des épaules, arthrose, rhumatisme ou autres ?)3.1.23.1.2.1La doctoresse M.________ a notamment posé le diagnostic de troubledépressif récurrent, épisode actuel moyen, existant depuis une dizained'année. Elle a précisé que l'assuré avait décidé d'entreprendre une activitéprofessionnelle indépendante en 1989, qu'il avait dû abandonner quelquesannées plus tard en raison d'une conjoncture économique défavorable. Toujoursselon la doctoresse M.________, «c'est dans ce contexte qu'il [l'assuré] vadévelopper un état dépressif avec une nette augmentation de la consommationd'alcool, probablement à but antidépresseur. [...]. En 1999, suite à desdifficultés professionnelles, des douleurs chroniques dorso-lombaires etarticulaires, le patient se sent de plus en plus déprimé et augmentefortement sa consommation d'alcool, raison pour laquelle il entreprend unecure de désintoxication [...]» (rapport du 2 janvier 2003). Pour sa part, ledocteur K.________ fait état d'un épisode dépressif depuis fin 1998 environ,ainsi que d'un «épisode antérieur, guéri, d'état dépressif majeur en 1992»(rapport du 12 octobre 2001). Ces rapports établissent que l'intimé a développé un état dépressif dans lecourant de l'année 1992, dans le contexte de l'abandon de son activitéindépendante et de la période de chômage qui a suivi. Compte tenu de larelative gravité de cet état dépressif, avec un épisode qualifié de majeurpar le docteur K.________, il est peu vraisemblable que l'assuré n'en ait paseu conscience au moment de remplir le questionnaire de santé que lui avaitadressé le recourant. Il devait par conséquent informer l'institution deprévoyance du fait qu'il souffrait, ou du moins qu'il avait souffert detroubles dépressifs. 3.1.2.2 Le docteur E.________ a examiné l'assuré les 20 et 21 juillet 2000,ainsi que le 29 août 2000, pour un bilan neurologique et un examenélectroneuromyographique. Une imagerie par résonance magnétique a égalementété pratiquée le 10 juillet 2000. Selon le docteur E.________, l'examenneurologique des membres inférieurs ne montrait pas de signes lésionnelscliniques, mais l'anamnèse et les images radiologiques semblaientsuffisamment claires pour évoquer, en plus de l'insuffisance artérielle desmembres inférieurs, une composante neurogène due au canal lombaire rétréci.Toujours selon le docteur E.________, «depuis 3-4 ans, avec une netteaggravation cette dernière année, il [l'assuré] remarque déjà au repos desdouleurs dans la région fessière bilatérale, la face antérieure des cuisseset la face antéro-interne des jambes qui augmentent de façon très importanteaprès 100 m. de marche. En plus il signale des lombalgies» (rapport du 21juillet 2000). Dans la mesure où l'assuré, en juillet 2000, ressentait des douleurs dans larégion fessière et les jambes depuis 3-4 ans, il ne pouvait pas déclarer debonne foi à l'institution de prévoyance, en décembre 1998, qu'il ne souffraitpas de maladie, de troubles ou d'affections de l'appareil locomoteur (os,articulation, colonne vertébrale, disques intervertébraux, muscles,ligaments, tendons), tels que : douleurs dorsales, cervicales, des épaules,arthrose, rhumatisme ou autres. La question 3i du questionnaire de santé estposée de façon à couvrir suffisamment d'éventualités pour que l'institutionde prévoyance soit en droit d'attendre du répondant qu'il signale même desdouleurs dont il ignore la cause organique exacte. Par ailleurs, la brièvetéde la période entre la réponse au questionnaire de santé et l'incapacité detravail totale attestée par le médecin traitant - moins d'une année - rendvraisemblable, de manière prépondérante, que les douleurs ressenties àl'époque étaient déjà plus importantes qu'une simple gêne occasionnelle,comme chacun peut en ressentir de manière épisodique sans y attacherd'importance particulière. 3.2 Vu ce qui précède, le recourant se prévaut à juste titre d'une réticence,en relation avec les réponses de l'assuré aux questions 3c et 3i duquestionnaire de santé. Le point de savoir si une telle réticence doitégalement être admise, comme le soutient le recourant, mais contrairement àl'opinion des premiers juges, en relation avec la réponse à la question 9c(concernant la consommation d'alcool de l'intimé) peut être laissé ouvert. Eneffet, les réticences constatées suffisent à justifier le refus del'institution de prévoyance d'allouer les prestations de la prévoyance plusétendue. 4.Vu ce qui précède, les conclusions du recourant sont admises. Le recourant,qui est une institution chargée de tâches de droit public, ne peut toutefoispas prétendre de dépens à la charge de l'intimé (art.159 al. 2 OJ). Parailleurs, la procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, de sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement de la Cour des assurances sociales duTribunal administratif du canton de Fribourg du 31 mars 2005 est annulé. 2.La demande est rejetée. 3.Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurancessociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à l'Officefédéral des assurances sociales. Lucerne, le 6 décembre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.56/05
Date de la décision : 06/12/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-06;b.56.05 ?
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