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04/12/2006 | SUISSE | N°C.327/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2006, C.327/05


Cause {T 7}C 327/05 Arrêt du 4 décembre 2006IVe Chambre MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Wagner Office cantonal de l'emploi, Groupe réclamations,rte de Meyrin 49, 1211 Genève 28, recourant, contre M.________, intimé, représenté par Me Julie Vaisy, avocate, rue du Rhône 100,1204 Genève1211Genève 3, Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 20 octobre 2005) Faits: A.A.a M.________, ingénieur de formation, a fondé la société X.________ SA,dont il était directeur et actionnaire. A la suite de la modification de laraison soci

ale, cette société est devenue Y.________SA, dont le siège est àE....

Cause {T 7}C 327/05 Arrêt du 4 décembre 2006IVe Chambre MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Wagner Office cantonal de l'emploi, Groupe réclamations,rte de Meyrin 49, 1211 Genève 28, recourant, contre M.________, intimé, représenté par Me Julie Vaisy, avocate, rue du Rhône 100,1204 Genève1211Genève 3, Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 20 octobre 2005) Faits: A.A.a M.________, ingénieur de formation, a fondé la société X.________ SA,dont il était directeur et actionnaire. A la suite de la modification de laraison sociale, cette société est devenue Y.________SA, dont le siège est àE.________ et qui est spécialisée dans le financement et l'installation degrands systèmes informatiques. C.________ et M.________ sont inscrits auregistre du commerce, tous deux avec la signature individuelle, le premier enqualité d'administrateur de Y.________ SA et le deuxième en qualité dedirecteur.Par lettre du 28 octobre 1994, Y.________ SA, invoquant la situationconjoncturelle et l'évolution de l'industrie informatique en général, a misfin aux rapports de travail avec M.________ en tant que dirigeant de lasociété pour le 31 janvier 1995.M.________ s'est inscrit à l'assurance-chômage. Dans sa demande d'indemnitéde chômage du 13 février 1995, il déclarait qu'il était disposé et capable detravailler à plein temps. Il a répondu par la négative à la question desavoir s'il obtenait encore un revenu d'une activité indépendante oudépendante. Un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert en sa faveur dès le1er février 1995. La Caisse cantonale genevoise de chômage lui a versél'indemnité de février 1995 à août 1996.Le 17 novembre 1997, l'Office cantonal genevois de l'emploi a effectué uncontrôle au sein des locaux de la société Y.________ SA. Ala suite de cecontrôle, la caisse lui a soumis le cas de M.________ pour examen.Par décision du 1er avril 1998, l'Office cantonal de l'emploi a nié le droitde M.________ à l'indemnité du 1er février 1995 au 20 août 1996, ainsi qu'àla somme qui lui avait été versée pour des frais de cours, au motif queM.________ exploitait et dirigeait à ce jour la société Y.________ SA et quedu point de vue économique, il avait le statut d'entrepreneur indépendant,qu'il avait cumulé avec les qualités d'employeur et de chômeur. Par unedécision subséquente du 19 juin 1998, la caisse a réclamé à M.________ larestitution de 99'029fr. -somme correspondant à l'indemnité versée pendant400jours entre le 1er février 1995 et le 20 août 1996, y compris les fraisde cours - et suspendu la procédure jusqu'à droit connu sur le bien-fondé dudroit aux prestations sujettes à recouvrement.M.________ a formé réclamation contre la décision de l'Office cantonal del'emploi du 1er avril 1998, qui a été annulée par décision du 31 mars 1999 duGroupe réclamations.Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) a formé recours contre cettedécision devant la Commission cantonale genevoise de recours en matièred'assurance-chômage, laquelle, par jugement du 5 août 1999, a prononcél'annulation de la décision du Groupe réclamations du 31mars 1999 et dit queM.________ n'avait pas droit aux indemnités de chômage pour la période du 1erfévrier 1995 au 20 août 1996. A.b Le 30 juin 2003, M.________ a présenté une demande de remise del'obligation de restituer la somme réclamée de 99'029 fr.Par décision du 9 décembre 2003, l'Office cantonal de l'emploi a rejeté lademande de remise de l'obligation de restituer la somme de 99'029fr., aumotif que la condition de la bonne foi n'était pas réalisée, M.________ ayantcommis une négligence grave.M.________ a formé opposition contre cette décision.Par décision du 30 mars 2004, le Groupe réclamations a rejeté l'opposition. B.Dans un mémoire du 14 mai 2004, M.________ a formé recours contre cettedécision devant le Tribunal cantonal des assurances sociales de la Républiqueet canton de Genève, en concluant à l'annulation de celle-ci et de ladécision de l'Office cantonal de l'emploi du 9 décembre 2003 et à l'octroi dela remise de l'obligation de restituer la somme réclamée de 99'029 fr. Dansses déterminations du 20 juillet 2004, M.________ a contesté avoir continuéson activité de directeur au sein de la société Y.________ SA durant lapériode où il avait bénéficié des indemnités de chômage, affirmant qu'ilavait simplement suivi la liquidation des affaires en cours. Il demandait àêtre entendu à ce sujet par la juridiction cantonale.Une audience de comparution personnelle a eu lieu le 19 mai 2005, lors delaquelle M.________ a pu s'exprimer sur sa bonne foi.Par jugement du 20 octobre 2005, le Tribunal cantonal des assurances socialesa admis le recours, annulé les décisions du 9décembre 2003 et du 30 mars2004, la cause étant renvoyée à la section assurance-chômage de l'Officecantonal de l'emploi afin qu'elle examine si la restitution devait entraînerdes rigueurs financières particulières et qu'elle rende une nouvelledécision. C.L'Office cantonal de l'emploi, Groupe réclamations, interjette un recours dedroit administratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais, àl'annulation de celui-ci.M.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours. La Caissecantonale genevoise de chômage se rallie aux motifs et conclusions durecours. Le Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige concerne la remise de l'obligation de restituer des prestations del'assurance-chômage et n'a donc pas pour objet l'octroi ou le refus deprestations d'assurance (ATF 122 V 136 consid. 1 et 223 consid. 2, 112 V 100consid. 1b et les références; DTA 2002 n° 31 p. 195 consid.1). Le Tribunalfédéral des assurances doit dès lors se borner à examiner si les premiersjuges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leurpouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'unemanière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis aumépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec lesart. 104 let. a et b et 105 al.2 OJ). 2.Le litige a trait à la remise de l'obligation de restituer la somme réclaméede 99'029 fr. Il porte sur le point de savoir si, comme l'ont admis lespremiers juges, l'intimé remplit la condition de la bonne foi. 2.1 La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foiet qu'elle le mettrait dans une situation difficile (art. 25 al. 1 deuxièmephrase LPGA). Dans la mesure où la demande ne peut être traitée sur le fondque si la décision de restitution est entrée en force, la remise et sonétendue font l'objet d'une procédure distincte (art. 4 OPGA; arrêts P. du 13avril 2006 [C 169/05], B. du 25 janvier 2006 [C264/05] et R. du 27 avril2005 [C 174/04]). 2.2 L'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avaitpas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu'il était de bonnefoi. Il faut bien plutôt qu'il ne se soit rendu coupable, non seulementd'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Ils'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclued'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer(violation du devoir d'annoncer ou de renseigner) sont imputables à uncomportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'intéressé peutinvoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituentqu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 112V 103 consid. 2c, 110 V 180 consid. 3c; DTA 2002 n° 38 p. 258 consid. 2a,2002 n° 18 p. 162 consid. 3a). Il y a négligence grave quand un ayant droitne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personnecapable de discernement dans une situation identique et dans les mêmescirconstances (ATF 110 V 181 consid. 3d). L'examen de l'attention exigibled'un ayant droit qui invoque sa bonne foi relève du droit et le Tribunalfédéral des assurances le revoit librement (ATF 122 V 223 consid. 3, 102 V245; VSI 2003 p. 162 consid. 3a; arrêt R. du 27 avril 2005 [C 174/04]). 3.Devant la juridiction cantonale, l'intimé a déclaré qu'il n'avait passciemment dissimulé le fait qu'il avait conservé des liens avec la sociétéqu'il avait fondée. Aucune question sur ce point n'était posée dans leformulaire d'inscription à l'Office cantonal de l'emploi. Dans la mesure oùil n'avait perçu aucun gain intermédiaire, fait qui lui paraissaitdéterminant, il ne voyait pas en quoi le fait qu'il reste inscrit au registredu commerce comme directeur de la société et qu'il conserve des liens aveccette dernière puisse faire obstacle au versement d'indemnités de chômage.Les premiers juges partagent l'opinion selon laquelle on ne peuteffectivement reprocher à l'intimé, vu les circonstances, d'avoir été demauvaise foi. En effet, à l'époque, la question n'était pas posée aux assurésde savoir s'ils conservaient des liens avec une société et quel rôleexactement ils remplissaient auprès de cette dernière. On ne saurait dès lorslui reprocher de n'avoir pas supposé qu'il s'agissait là d'une questiondéterminante. Quoi qu'il en soit, on ne saurait conclure à une négligencegrave dans la mesure où l'intimé a honnêtement répondu à toutes les questionsqui lui avaient été posées. La juridiction cantonale est donc de l'avis quela condition de la bonne foi doit être considérée comme remplie. 4.La bonne foi de l'intimé doit être examinée relativement à la période durantlaquelle il a reçu les indemnités de chômage sujettes à restitution, soit lesmois de février 1995 à août 1996 (cf. Meyer-Blaser, Die Rückerstattung vonSozialversicherungsleistungen, ZBJV 1995 p.481 s.).Pendant cette période, l'intimé a conservé des liens avec Y.________ SA. Eneffet, comme cela ressort du rapport d'enquête du 26novembre 1997, dont lecontenu est reproduit dans la décision du 1er avril 1998, l'Office cantonalde l'emploi a pu constater que l'intimé était informé des travaux effectuéspar un ancien employé de la société dans les locaux de celle-ci. Suite aucontrôle du 17 novembre 1997, il s'est révélé que l'intimé était fondateur etactionnaire de Y.________ SA et qu'il s'occupait encore de sa société, sansle déclarer sur les cartes de contrôle. Cela n'est pas contesté devant laCour de céans.Ainsi, il y a lieu d'examiner si l'intimé, en agissant de la sorte, a faitpreuve de l'attention qu'on pouvait raisonnablement exiger de lui, comptetenu des circonstances, question de droit que la Cour de céans revoitlibrement (supra, consid. 2.2). La bonne foi de ce dernier ne sauraitdépendre du libellé du formulaire d'inscription à l'Office cantonal del'emploi, dans l'énoncé de l'époque. Au contraire, ainsi que cela ressort dudossier, l'intimé, en déposant sa demande d'indemnité de chômage du 13février 1995, a produit la lettre de congé du 28 octobre 1994. Or, dans cettelettre, Y.________ SA déclarait être dans la pénible situation de devoir sepriver de ses services en tant que dirigeant de la société à partir du 31janvier 1995. Dès lors, si l'intimé entendait s'occuper des intérêts deY.________ SA au-delà du 31 janvier 1995, il lui appartenait d'informerl'assurance-chômage que la résiliation des rapports de travail ne mettait pasfin aux liens qu'il avait avec cette société, ce qu'il n'a pas fait.Cette violation de son obligation de renseigner doit être qualifiée denégligence grave. En effet, l'intimé ne s'est pas conformé à ce qui pouvaitraisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans unesituation identique et dans les mêmes circonstances. A la seule lecture de lalettre de congé du 28 octobre 1994, ni la caisse ni l'Office cantonal del'emploi ne pouvaient se rendre compte que c'était en réalité sa propresociété qui le licenciait. On pouvait ainsi attendre de lui qu'au moment des'inscrire à l'assurance-chômage, il déclare qu'il était fondateur etactionnaire de Y.________ SA. Bien plus, on ne saurait tout de même faireabstraction du fait qu'il est resté inscrit au registre du commerce enqualité de directeur de Y.________ SA et que, tout en percevant desindemnités de chômage, il a donné ainsi l'apparence de continuer de dirigercette société.Il y a donc lieu de retenir qu'au moment de s'inscrire à l'assurance-chômage,l'intimé était en mesure, en faisant preuve de l'attention qu'on pouvaitraisonnablement exiger de lui, de se rendre compte qu'en taisant àl'assurance-chômage ses liens avec Y.________ SA, cela devait conduire à unversement indu d'indemnités de chômage et à un remboursement des montantsperçus. Cette conséquence résulte de l'attestation figurant au dos duformulaire de demande d'indemnité de chômage du 13 février 1995, texte au basduquel celui-ci a apposé sa signature.La violation de renseigner étant imputable à une négligence grave, la bonnefoi de l'intimé, en tant que condition de la remise, est dès lors exclue. Lejugement attaqué se révèle donc contraire au droit fédéral et doit ainsi êtreannulé. 5.La présente procédure, qui n'a pas pour objet l'octroi ou le refus deprestations d'assurance mais la remise de l'obligation de restituer de tellesprestations (cf. ATF 122 V 136 consid. 1), est onéreuse (art. 134 OJ acontrario). Les frais de justice seront dès lors supportés par l'intimé, quisuccombe (art. 156 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). Celui-ci nesaurait prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159al. 1 en liaison avec l'art. 135 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurancessociales de la République et canton de Genève, du 20octobre 2005, estannulé. 2.Les frais de justice, d'un montant de 4'500 fr., sont mis à la charge del'intimé. 3.L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 4'500 fr., lui estrestituée. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales de la République et canton de Genève, à la CaisseCantonale Genevoise de Chômage et au Secrétariat d'Etat à l'économie. Lucerne, le 4 décembre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.327/05
Date de la décision : 04/12/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-04;c.327.05 ?
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