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04/12/2006 | SUISSE | N°6P.196/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2006, 6P.196/2006


{T 0/2}6P.196/20066S.437/2006 /rod Arrêt du 4 décembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Guidoux, avocat, contre Y.________,intimé, représenté par Me Aba Neeman, avocat,Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, case postale 2050,1950 Sion 2,Ière Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de Justice,1950 Sion 2. 6P.196/2006Procédure pénale; in dubio pro reo (art. 32 al. 1 Cst.), arbitraire (art. 9Cst.) 6S.437/2006Tentative d'exto

rsion et chantage, dénonciation calomnieuse, fixation de lape...

{T 0/2}6P.196/20066S.437/2006 /rod Arrêt du 4 décembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Guidoux, avocat, contre Y.________,intimé, représenté par Me Aba Neeman, avocat,Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, case postale 2050,1950 Sion 2,Ière Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de Justice,1950 Sion 2. 6P.196/2006Procédure pénale; in dubio pro reo (art. 32 al. 1 Cst.), arbitraire (art. 9Cst.) 6S.437/2006Tentative d'extorsion et chantage, dénonciation calomnieuse, fixation de lapeine recours de droit public (6P.196/2006) et pourvoi en nullité (6S.437/2006)contre le jugement de la Ière Cour pénale du Tribunal cantonal du canton duValais du 22août 2006. Faits: A.Par jugement du 2 juin 2005, le Juge du district de Sion a condamnéX.________ pour tentative d'extorsion et chantage (art. 21 al. 1 et 156 ch. 1CP) et dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 al. 1 CP) à dix moisd'emprisonnement avec sursis pendant deux ans. Il a mis les frais de justiceà sa charge et l'a condamné à verser des dépens à Y.________, partie civile. B.Statuant le 22 août 2006 sur appel du condamné, la Ière Cour pénale duTribunal cantonal valaisan a confirmé ce jugement en se fondant, en résumé,sur les constatations de fait suivantes:B.aD'août 1995 à mai 1996, X.________ a confié à l'avocat Y.________ ladéfense de ses intérêts dans un litige civil. À la fin du mandat, X.________a contesté la note d'honoraires qui lui a été présentée et porté plainte le12 avril 1998 contre son ancien conseil pour faux dans les titres,escroquerie et usure. Par décision du 8 mai 1998, confirmée sur recours le 28octobre 1998, le juge d'instruction a refusé de donner suite à la plainte. Enrevanche, par sentence définitive depuis le 20 octobre 1999, la Chambrearbitrale de l'Ordre des avocats valaisans a modéré le montant des honorairesdus. B.b Le 15 juin 2000, vers 9 h.00, venant d'apprendre par la presse queY.________ avait fait acte de candidature à un poste de juge suppléant auTribunal fédéral, X.________ a téléphoné à son ancien conseil. Sans luidemander expressément de l'argent, il lui a fait comprendre que, si uncertain montant - qu'il déterminerait au cours d'un prochain entretien - nelui était pas versé, il propagerait des informations susceptibles de luinuire, notamment de compromettre son élection. Espérant que la justicepourrait intervenir d'ici là, Y.________ a accepté de rencontrer X.________le 19juin au soir. Trente minutes après cette conversation, X.________ arappelé l'étude de Y.________ pour demander que le rendez-vous ait lieu avantle vote de l'Assemblée fédérale, soit au plus tard dans la matinée du 17juin. Dans l'après-midi du 15 juin 2000, X.________ a déposé à l'étude deY.________ le projet de lettre qu'il envisageait d'adresser aux présidentsdes Chambres fédérales, avec copie aux présidents des groupes parlementaireset à la presse, s'il n'obtenait pas satisfaction. Il y alléguait notammentque Y.________ "faisait des doubles facturations" et qu'il n'avait "pasl'intégrité requise" pour la fonction à laquelle il postulait. Y. ________ a dénoncé ces faits au juge d'instruction et saisi le juge civild'une requête de mesures provisionnelles et d'extrême urgence. Il a informéX.________ de ces démarches le 16 juin 2000. X.________ a aussitôt rompu toutcontact avec Y.________ et ne lui a jamais communiqué le montant exact qu'ilvoulait obtenir de lui. B.c Par lettre du 12 juillet 2000, X.________ a dénoncé Y.________ au juged'instruction pour délits contre l'honneur, escroquerie, usure et faux dansles titres. Pour ces trois derniers chefs, X.________ s'appuyait sur lesmêmes faits que ceux visés par la décision de refus de suivre du 8 mai 1998,qu'il savait pourtant définitive. Il a adressé sa lettre au juge dansl'intention de faire ouvrir une enquête judiciaire contre Y.________, enréaction aux deux procédures que celui-ci avait engagées contre lui. C.Contre l'arrêt du Tribunal cantonal, dont il demande l'annulation, X.________interjette un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunalfédéral. Il se plaint d'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.) etde violation du principe in dubio pro reo (art. 32 al. 1 Cst.) à l'appui dupremier, et de violation des art. 21 al. 1, 63, 68, 156 ch. 1 et 303 ch. 1al. 1 CP à l'appui du second. Invités à se déterminer sur le pourvoi en nullité, le Ministère public etl'intimé concluent tous deux à son rejet. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, lorsqu'une décision fait à la foisl'objet d'un recours de droit public et d'un pourvoi en nullité, il convienten principe d'examiner d'abord le recours de droit public. Rien en l'espècene justifie de déroger à cette règle. I. Recours de droit public 2.2.1 Les décisions pénales de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ)peuvent faire l'objet d'un recours de droit public au Tribunal fédéral pourviolation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ),dès lors qu'un tel motif ne peut être soulevé à l'appui d'un pourvoi ennullité (cf. art. 84 al. 2 OJ et 269 al. 2 PPF). Interjeté en temps utile, par le condamné, pour appréciation arbitraire despreuves (art. 9 Cst.) contre un arrêt final rendu par la Ière Cour pénale duTribunal cantonal valaisan, le présent recours est en principe recevable(art. 84 al. 1 et 2, 86 al. 1, 87, 88 et 89 al.1 OJ). 2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, sous peined'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558 et les arrêts cités),contenir un exposé succinct des droits constitutionnels invoqués et préciseren quoi consiste la violation alléguée. Il en résulte que, lorsqu'il estsaisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'applique pas ledroit d'office. Il n'a pas à vérifier si la décision attaquée est en touspoints conforme à l'ordre juridique. Il n'examine que les griefs de natureconstitutionnelle soulevés et suffisamment motivés dans l'acte de recours(ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid.1c p. 76, 492 consid. 1b p.495 et les arrêts cités). 3.Le recourant allègue qu'il a téléphoné à l'intimé le 15 juin 2000 uniquementpour l'informer qu'il allait tout entreprendre pour empêcher son élection. Iln'aurait jamais élevé, ni eu l'intention d'élever, la moindre prétentionpécuniaire. Les constatations contraires de la cour cantonale seraientarbitraires et violeraient le principe in dubio pro reo. 3.1 La présomption d'innocence, garantie par l'art. 32 al. 1 Cst., ainsi queson corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau dela preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 etles références citées). En tant qu'ils régissent le fardeau de la preuve, cesprincipes signifient que le juge ne peut retenir un fait défavorable àl'accusé que s'il est convaincu de la matérialité de ce fait, de sorte que ledoute profite à l'accusé (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Comme règles del'appréciation des preuves, en revanche, ces principes sont violés si le jugese déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, comptetenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dûéprouver des doutes (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p.37). Le Tribunal fédéralexamine librement si ces principes ont été violés en tant qu'ils répartissentle fardeau de la preuve, mais il ne vérifie que sous l'angle de l'arbitrairesi le juge aurait dû éprouver un doute sur la culpabilité de l'accusé,c'est-à-dire si ces principes ont été violés en tant qu'ils régissentl'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p.88; 120 Ia 31 consid.2e p. 38). En l'espèce, le recourant ne soutient pas que la cour cantonale a éprouvé undoute sur la matérialité des faits qu'elle a retenus, mais qu'elle aurait dûen éprouver un. Il se plaint donc exclusivement d'une violation du principein dubio pro reo en tant que règle d'appréciation des preuves. Son moyen seconfond ainsi avec celui d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. 3.2 L'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'uneautre solution aurait été possible, voire préférable. L'appréciation despreuves n'enfreint l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire que si lejuge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen depreuve, s'il a omis sans raison sérieuse de tenir compte d'un moyen importantet propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base deséléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 129 I 8consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). 3.2.1 Selon le recourant, la constatation du fait qu'il a implicitementdemandé de l'argent à l'intimé serait arbitraire parce qu'elle reposeessentiellement sur les déclarations d'un collaborateur de l'intimé, qui ditavoir entendu les propos échangés au téléphone le 15 juin 2000 alors qu'ilserait notoire que, sauf utilisation d'un haut-parleur, une conversationtéléphonique ne peut pas être comprise par un tiers qui ne placerait pas satête tout contre celle de l'un des interlocuteurs. Les déclarations de cecollaborateur seraient en outre contredites par celles d'une secrétaire del'intimé, qui a reconnu que le recourant n'avait pas fait valoir deprétentions lorsque son patron l'avait rappelé devant elle, le 16 juin 2000,pour lui faire préciser ce qu'il voulait. 3.2.2 Contrairement à ce que soutient le recourant, il n'est pas notoire, niétabli par un élément du dossier dont la cour cantonale aurait omis de tenircompte, qu'il est impossible d'entendre une conversation téléphonique sanscoller sa tête à celle de l'un des interlocuteurs. Au demeurant, le témoin aexpliqué qu'il avait pu suivre la conversation parce que l'intimé avait,d'une part, répété les propos du recourant au fur et à mesure et, d'autrepart, écarté quelques fois l'appareil afin que le témoin puisse, lui aussi,entendre directement ce que disait le recourant (cf. dossier cantonal p.10).Par ailleurs, le fait que le témoin est un collaborateur de l'intimé n'a paséchappé à la cour cantonale. Il n'est pas en soi arbitraire d'ajouter foi auxdéclarations d'un témoin qui se trouve au service de l'une des parties. Ils'agit là d'une circonstance dont il appartient au juge du fait d'évaluer laportée au cas par cas. Enfin, que le recourant n'ait pas formulé deprétentions quand l'intimé l'a rappelé le 16 juin 2000 n'implique pasnécessairement qu'il n'en avait pas élevé la veille. La cour cantonale n'a dès lors pas versé dans l'arbitraire en retenant quele recourant a, au cours de la conversation téléphonique du 15juin 2000,prononcé des paroles qui tendaient, bien qu'elles ne continssent pas deréférence explicite à de l'argent, à faire comprendre à l'intimé qu'il avaittout intérêt à verser un certain montant -restant à fixer - à son ancienclient, s'il ne voulait pas que celui-ci propage des allégations susceptiblesde compromettre son élection. Mal fondé, le recours de droit public doit dèslors être rejeté. 4.Le recourant, qui succombe, supportera l'émolument judiciaire de 2'000 fr.perçu pour l'examen de son recours de droit public (art. 153 al. 1, 153a et156 al. 1 OJ). L'intimé, qui n'a pas été invité à répondre sur le recours de droit public,n'a pas droit à des dépens de ce chef (art. 159 OJ). II. Pourvoi en nullité 5.Exercé en temps utile, par le condamné, contre un jugement de la Cour pénaledu Tribunal cantonal valaisan, le pourvoi en nullité est recevable au regarddes art. 268 ch. 1, 270 let.a et 272 al. 1 PPF. Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application dudroit fédéral (art. 269 al. 1 PPF) sur la base exclusive de l'état de faitdéfinitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1let. b PPF). Il n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent (art.277bis al. 2 PPF). Mais il ne peut aller au-delà des conclusions (art. 277bisal. 1 PPF), lesquelles doivent être interprétées à la lumière de leurmotivation. Celle-ci circonscrit dès lors les points que la cour de céanspeut examiner (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités). 6.Dans un premier moyen, exposé de manière relativement confuse, le recourantconteste s'être rendu coupable de tentative inachevée d'extorsion etchantage. Il soutient que les actes qui lui sont reprochés ne présentent pasun degré de réalisation suffisant pour être punissables. 6.1 Il y a tentative inachevée, punissable en vertu de l'art. 21 CP, lorsquel'auteur a commencé l'exécution d'un crime ou d'un délit sans avoir poursuivijusqu'au bout son activité coupable. Selon la jurisprudence, la tentativesuppose que l'auteur réalise tous les éléments subjectifs de l'infraction etqu'il manifeste sa décision de la commettre, mais sans en réaliser tous leséléments objectifs (ATF 120 IV 199 consid. 3e p. 206; cf. aussi StefanTrechsel/Peter Noll, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 6èmeéd., Zurich 2004, p. 175). S'agissant d'extorsion ou de chantage, au sens del'art. 156 ch. 1 CP, il faut donc que l'auteur ait l'intention, dans le butde se procurer ou de procurer à autrui un enrichissement illégitime, dedéterminer le lésé à un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou àceux d'un tiers, soit en usant de violence (extorsion), soit en menaçant lelésé d'un dommage sérieux (chantage). Du point de vue de la qualificationjuridique, de la peine encourue (in abstracto) et de la nécessité d'uneplainte, le montant que l'auteur entend obtenir est sans importance, puisquel'art.172ter al.1 CP n'est pas applicable au crime d'extorsion et chantage(cf. art. 172ter al. 2 CP); il suffit donc que l'auteur ait voulu obtenir unavantage patrimonial (cf., mutatis mutandis, ATF 101 IV 164 p.165/166). La délimitation entre les actes préparatoires, en principe non punissables,et le commencement d'exécution, constitutif d'une tentative inachevéepunissable, est délicate. D'après la jurisprudence, il y a commencementd'exécution dès que l'auteur accomplit un acte qui représente, dans sonesprit, la démarche ultime et décisive vers la réalisation de l'infraction,celle après laquelle il n'y aura en principe plus de retour en arrière, saufapparition ou découverte de circonstances extérieures compliquant trop ourendant impossible la poursuite de l'entreprise (ATF 131 IV 100 consid. 7.2.1p. 103 s. avec références; Guido Jenny, Commentaire bâlois, n. 15 ad art. 21CP). Le seuil de la tentative est en tout cas franchi si l'auteur réalisedéjà l'un des éléments objectifs de l'infraction (ATF 131 IV 100 consid.7.2.1 p.104, avec références). 6.2 Il ressort des constatations de fait de la cour cantonale (cf. arrêtattaqué, consid. 3d p. 6) que le recourant n'a pas téléphoné à l'intimé dansle seul but de l'alarmer. Par ses propos, qui comportaient la menace depropager des allégations mettant en doute l'intégrité professionnelle del'intimé, le recourant entendait déterminer l'intimé
à lui verserprochainement une somme d'argent, alors qu'il n'ignorait pas qu'au regard desdécisions de justice rendues sur leur litige, l'intimé ne lui devait rien.Peu importe que le recourant n'eût pas encore fixéen son for intérieur -l'arrêt attaqué ne constatant pas qu'il l'aurait fait - le montant précisqu'il entendait réclamer. Sur le principe, il était déjà fermement résolu àpousser l'intimé, par la menace d'un dommage sérieux, à lui remettre unesomme d'argent qui ne lui était pas due. Il réalisait ainsi tous les élémentssubjectifs du crime prévu et réprimé par l'art. 156 ch. 1 CP. Par ailleurs, en menaçant l'intimé de propager des allégations mettant endoute son intégrité professionnelle s'il n'acceptait pas de lui verser unesomme d'argent, le recourant a commis un acte formant l'un des élémentsobjectifs du crime d'extorsion et chantage. Cet acte permet àlui seul deretenir que, par son comportement du 15 juin 2000, lerecourant a franchi leseuil du commencement d'exécution. Certes, le recourant a ensuite renoncé à préciser à l'intimé, qui devaitattendre que ce point soit fixé au cours d'un prochain entretien, le montantqu'il voulait obtenir de sa part. Mais, contrairement à ce que fait valoir lerecourant, ce fait signifie simplement qu'il n'a pas poursuivi jusqu'au boutson activité coupable, non qu'il ne l'aurait jamais commencée. Due à ladénonciation des faits au juge d'instruction, et non à un mouvement propre durecourant, cette renonciation ne constitue en outre pas un désistement ausens de l'art. 21 al. 2 CP. Aussi est-ce à bon droit que la cour cantonale areconnu le recourant coupable de tentative, au sens de l'art. 21 al. 1 CP,d'extorsion et chantage (art. 156 ch. 1 CP). 7.Le recourant conteste s'être rendu coupable de dénonciation calomnieuse, ausens de l'art. 303 ch. 1 al.1 CP, en portant plainte contre l'intimé pourescroquerie, usure et faux dans les titres. Il fait valoir que lesallégations contenues dans la lettre qu'il a adressée le 12 juillet 2000 aujuge d'instruction étaient conformes à la vérité, seule leur qualificationjuridique étant erronée, et que sa plainte ne pouvait de toute façon pasdonner lieu à l'ouverture de poursuites pénalespuisque,faute de reposer surdes charges nouvelles par rapport à celles visées par le refus de suivre du 8mai 1998, elle était irrecevable. 7.1 L'art. 303 ch. 1 al. 1 CP prévoit la réclusion ou l'emprisonnement pourcelui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit,une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle unepoursuite pénale. Sur le plan objectif, l'application de cette dispositionlégale suppose qu'ait été adressée à l'autorité une communication imputantfaussement à une personne la commission d'un crime ou d'un délit. Plusprécisément, la communication attaquée doit imputer faussement à la personnedénoncée des faits qui, s'ils étaient avérés, seraient constitutifs d'uncrime ou d'un délit. En effet, la qualification juridique inexacte de faitsfidèlement rapportés ne portant pas atteinte à l'administration de lajustice, dont c'est l'affaire de connaître les définitions légales, elle netombe pas sous le coup de l'art. 303 ch. 1 al. 1 CP (Günther Stratenwerth,Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, §53 n.7; cf. aussi UrsulaCassani, Commentaire du droit pénal suisse, vol. 9, n.7 ad art. 303 CP;Andreas Dontasch/Wolfgang Wohlers, Strafrecht IV - Delikte gegen dieAllgemeinheit, 4ème éd., Zurich 2004, p. 367; Rolf Hügli, Die falscheAnschuldigung und die Irreführung der Rechtspflege, th. Berne 1948, p. 28/29;Hermann Menzel, Die falsche Anschuldigung nach deutschem und schweizerischemStrafrecht, th. Fribourg 1963, p. 53 initio; Stefan Trechsel, SchweizerischesStrafgesetzbuch - Kurzkommentar, n. 4 ad art. 303 CP). L'utilisation mal àpropos d'une qualification pénale ne peut constituer une dénonciationcalomnieuse que si l'auteur s'est servi de la dénomination légale d'un crimeou d'un délit pour en alléguer les faits constitutifs mais non si l'auteurs'est borné à soutenir que des faits, allégués par ailleurs, constituent lecrime ou le délit mentionné. En l'espèce, contrairement à ce qu'il en serait dans un procès pour atteinteà honneur fondé sur les art. 173 ss CP, il est donc sans importance que lerecourant ait expressément qualifié d'escroquerie, d'usure et de faux dansles titres les faits qu'il a dénoncés le 12 juillet 2000 au juged'instruction. Sur le plan objectif, son comportement ne tombe sous le coupde l'art. 303 ch. 1 al. 1 CP que si, d'une part, les faits qu'il a relatésdans sa lettre sont, tels qu'allégués, constitutifs d'un crime ou d'un délitet si, d'autre part, ces faits ne correspondent pas à la réalité, soit parceque l'intimé n'en est pas l'auteur, soit parce qu'ils ne se sont pas produits- ou, du moins, pour l'essentiel pas comme allégué dans la lettre dedénonciation. 7.2 Dans la plupart des procès en dénonciation calomnieuse, le point desavoir si les faits dénoncés sont, tels qu'allégués, constitutifs d'un crimeou d'un délit, et, le cas échéant, s'ils correspondent bien à la réalité, adéjà fait l'objet d'une décision judiciaire, rendue par les autorités saisiesde la dénonciation. Dans cette situation, admettre que deux jugementscontradictoires puissent coexister, l'un niant la culpabilité de la personnedénoncée alors que l'autre l'admettrait sur la base des mêmes preuves serapportant au même complexe de faits, aboutirait à des résultatsinsoutenables. Il ne saurait être question, par exemple, qu'une personnecondamnée puisse obtenir, sur contre-plainte, la condamnation pourdénonciation calomnieuse de celui qui l'a dénoncée, tant que le jugement decondamnation rendu sur la base de la dénonciation n'a pas été révisé. Aussila jurisprudence considère-t-elle que le jugement rendu à l'égard de lapersonne dénoncée a autorité de chose jugée dans la cause du dénonciateur.S'il a été constaté par ordonnance de non-lieu que la personne dénoncée n'apas commis les faits que le dénonciateur lui imputait, le juge appelé àstatuer sur le crime de dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens depreuve nouveaux, lié par cette constatation. Cette solution ne compromet pasles intérêts du dénonciateur, à qui il reste loisible d'exciper de sa bonnefoi (cf. ATF 72 IV 74 consid. 1). En doctrine, cette interprétation est critiquée par certains auteurs, quis'attachent tout particulièrement à en contester les conséquences dans lescas où la personne dénoncée est mise au bénéfice d'un non-lieu. D'aucuns fontvaloir que, dans cette hypothèse, la solution jurisprudentielle ne tientcompte ni du risque que le juge saisi de la dénonciation se soit trompé enrendant l'ordonnance de non-lieu (en ce sens: Stratenwerth, op. cit., § 53 n.14; Cassani, op. cit., n. 12 ad art. 303 CP; approuvés par VeraDelnon/Bernhard Rüdy, Commentaire bâlois, n. 11 ad art. 303 CP), ni de lapossibilité que ce même juge ait rendu un non-lieu faute de preuves, enapplication du principe in dubio pro reo, et non parce que l'instructionaurait établi l'innocence de la personne dénoncée (Cassani, op. cit., n. 12ad art. 303 CP; Vital Schwander, Das schweizerische Strafgesetzbuch, 2èmeéd., Zurich 1964, § 54 n.769a p.502/503). Cassani (op. cit., n. 12 ad art.303 CP), suivie par Delnon et Rüdy (op. cit., n. 11 ad art. 303 CP), souligneen outre que certaines ordonnances de non-lieu au sens large, notamment lesdécisions de classement, ne signifient pas que le prévenu n'est pas coupabled'une infraction pénale. Enfin, un auteur juge la solution de lajurisprudence peu satisfaisante pour les cas dans lesquels le dénonciateurn'était pas partie à la procédure clôturée par l'ordonnance de non-lieu(Georg Messmer, Der strafrechtliche Schutz der Rechtspflege vor Irreführung,Kriminalistik 1965, p. 433 ss, ch. VI p. 440). Ces critiques ne sont pas déterminantes. La jurisprudence ne lie le jugeappelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse qu'aux décisionsqui renferment une constatation sur l'imputabilité d'une infraction pénale àla personne dénoncée. Parmi les ordonnances de non-lieu au sens large (surcette notion, cf. ATF 129 IV 216 consid. 1.1 et les références),appartiennent assurément à cette catégorie les ordonnances de non-lieumotivées en fait par l'insuffisance des charges, ainsi que celles motivées endroit par la non réalisation d'une infraction pénale. En revanche, leclassement en opportunité, et celui fondé sur l'art.66bis CP, n'en font paspartie. La jurisprudence n'empêche donc pas le juge appelé à statuer sur lecrime de dénonciation calomnieuse d'examiner la culpabilité de la personnedénoncée contre laquelle les poursuites ont été abandonnées ensuite d'unsimple classement en opportunité. Il est dans l'intérêt de la sécurité du droit et du maintien de l'ordrepublic que le bien-fondé des jugements pénaux et des ordonnances de non-lieu- lesquelles ont, sous réserve de la découverte de faits ou moyens de preuvenouveaux, la même valeur qu'un jugement d'acquittement - ne puisse plus êtrecontesté une fois épuisées les voies de recours ordinaires ouvertes contreces décisions (cf. Gérard Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2èmeéd., Zurich 2006, n. 1536; Robert Hauser/Erhard Schweri, SchweizerischesStrafprozessrecht, 4ème éd., Bâle 1999, § 84 n. 2; Niklaus Schmid,Strafprozessrecht, 3ème éd., Zurich 1997, n. 582). Il s'ensuit notamment que,lorsqu'une personne dénoncée à juste titre a été acquittée ou mise aubénéfice d'un non-lieu à tort, il est préférable que cette personne ne puisseplus être tenue pour coupable de l'infraction pénale pour laquelle elle a étédénoncée, en particulier dans le cadre du procès intenté au dénonciateur surla base de l'art. 303 CP (en ce sens: Andreas Donatsch/ Wolfgang Wohlers,Strafrecht IV - Delikte gegen die Allgemeinheit, 3ème éd., Zurich 2004, p.368). Le jugement d'acquittement et l'ordonnance de non-lieu ne pourraientremplir entièrement leur fonction - qui est notamment de garantir le droit àla tranquillité du prévenu (cf. Piquerez, op. cit., n. 1536 et la référence)- si leur bien-fondé pouvait être contesté à titre préjudiciel dans un procèspour atteinte à l'honneur ou dénonciation calomnieuse (cf., pour ladiffamation, Martin Schubarth, Commentaire du droit pénal suisse, Partiespéciale vol. 3, n. 80 ad art. 173 CP). C'est pourquoi on ne saurait arguerni du risque d'erreur, ni de la possibilité que la personne dénoncée ait étéinnocentée au bénéfice du doute, pour permettre au juge appelé à statuer surle crime de dénonciation calomnieuse de se mettre en contradiction avec lejugement d'acquittement ou l'ordonnance de non-lieu dont la personne dénoncéea bénéficié. Tout au plus convient-il de réserver le cas où, après uneordonnance de non-lieu, la dénonciation serait fondée sur des faits ou moyensde preuves nouveaux justifiant la réouverture de l'enquête - l'admissibilitéd'une remise en cause, sur la base de faits et moyens de preuves nouveaux etimportants, d'un jugement d'acquittement contre lequel la loi de procédureapplicable n'ouvrirait pas de recours en révision pouvant, quant à elle,demeurer indécise en l'espèce. Par ailleurs, en obligeant le dénonciateur à prouver ses accusations dans lecadre des poursuites engagées contre la personne qu'il a dénoncée, lasolution de la jurisprudence n'implique pas, pour le cas où la personnedénoncée a été acquittée ou mise au bénéfice d'un non-lieu, un renversementdu fardeau de la preuve incompatible avec les art. 32 al.1 Cst. et 6 § 2CEDH. En effet, en matière d'infractions contre l'honneur, la présomptiond'innocence du lésé entre également en considération (cf. Schubarth, ZurTragweite des Grundsatzes der Unschuldvermutung, Bâle 1978, p. 8) etcertaines nuances sont admissibles au regard de l'art. 6 § 2 CEDH (cf.Jacques Velu/Rusen Ergec, La Convention européenne des droits de l'homme,Extrait du Répertoire pratique du droit belge, Complément t.VII, n. 562 p.470 et la référence). Au demeurant, pour la réalisation du crime dedénonciation calomnieuse, l'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de lapersonne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence parl'auteur. La jurisprudence ne dispense pas l'accusation d'établir que ledénonciateur admettait en son for intérieur que la personne dénoncée étaitinnocente des faits qu'il lui imputait. C'est pourquoi, même dans les cas oùil n'a pas été partie à la procédure clôturée par l'ordonnance de non-lieu oupar le jugement d'acquittement, le dénonciateur n'est pas lésé par l'autoritéreconnue à ces décisions dans le procès en dénonciation calomnieuse. En définitive, il se justifie donc de s'en tenir à la jurisprudence. Lorsquela personne dénoncée a été mise hors de cause, la constatation en vertu delaquelle le jugement d'acquittement ou l'ordonnance de non-lieu a mis fin àla procédure lie donc le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciationcalomnieuse, sous réserve de faits ou moyens de preuves nouveaux etimportants. 7.3Il résulte de ce qui précède que, lorsque l'autorité saisie de ladénonciation l'a classée au motif que les faits dénoncés ne constituaient pasune infraction pénale, cette constatation lie le juge appelé à statuer sur lecrime de dénonciation calomnieuse, qui ne saurait donc retenir que leséléments objectifs de ce crime sont tous réunis. Dans le cas présent, la cour cantonale a déclaré le recourant coupable dedénonciation calomnieuse pour avoir, le 12 mai 2000, adressé au juged'instruction une lettre imputant à l'intimé exactement les mêmes faits queceux qui avaient donné lieu, le 8 mai 1998, à une décision de refus desuivre. Prise sans moyens d'instruction, sur le seul vu de la dénonciation etdes pièces qui lui étaient annexées, en application de l'art. 46 du Code deprocédure pénale du canton du Valais du 22février 1962 (RS/VS 312.0), cettedernière décision, motivée en droit, avait constaté que les faits alléguéspar le recourant n'étaient constitutifs d'aucune infraction pénale. Liée parcette appréciation, la cour cantonale ne pouvait considérer que le crime dedénonciation calomnieuse était réalisé. L'arrêt par lequel elle a confirmé lacondamnation du recourant pour ce chef d'accusation doit dès lors être annuléet la cause lui être renvoyée pour nouveau jugement. 7.4 Lorsqu'une dénonciation mensongère porte sur des faits qui, s'ils avaientété vrais, n'auraient de toute façon pas été constitutifs d'une infractionpénale, son auteur doit être reconnu coupable de délit impossible dedénonciation calomnieuse (art. 23 ad 303 CP) s'il a agi dans le dessein defaire ouvrir une procédure pénale contre la personne dénoncée en croyant (àtort) que les faits qu'il alléguait mensongèrement étaient, en droit,constitutifs d'une infraction pénale (cf. ATF 95 IV 19 consid. 2 p. 21/22).Il appartiendra dès lors à la cour cantonale d'examiner, au besoin aprèsinstruction complémentaire, si la figure du délit impossible est réalisée enl'espèce. 8.Vu le sort du moyen pris d'une violation de l'art. 303 CP, les griefsformulés contre la fixation de la
peine n'ont plus d'objet. 9.Comme chacune des parties obtient gain de cause sur l'une des infractionslitigieuses et succombe sur l'autre, il convient, d'une part, de compenser lemontant réduit des frais qu'il y aurait eu lieu de mettre à la charge durecourant (art. 278 al. 1 PPF) avec l'indemnité réduite qui lui aurait étéallouée au titre de l'art. 278 al. 3 PPF et, d'autre part, de compenser lesdépens respectifs de l'intimé et du recourant (art. 159 OJ). L'arrêt sera dèslors rendu sans frais ni indemnités quant au pourvoi. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: Sur le recours de droit public: 1.Le recours de droit public est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Il n'est pas alloué d'indemnités.Sur le pourvoi en nullité: 4.Le pourvoi en nullité est partiellement admis, l'arrêt entrepris annulé et lacause renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens desconsidérants. 5.Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué d'indemnités.Communications: 6.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, auMinistère public et à la Ière Cour pénale du Tribunal cantonal du canton duValais. Lausanne, le 4 décembre 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.196/2006
Date de la décision : 04/12/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-04;6p.196.2006 ?
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