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04/12/2006 | SUISSE | N°4C.311/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2006, 4C.311/2006


{T 0/2}4C.311/2006 /ech Arrêt du 4 décembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg et Favre.Greffier: M. Thélin. Commune de Grimentz,défenderesse et recourante, représentée par Me Christian Favre, contre X.________,Y.________,demandeurs et intimés,représentés par Me Hildebrand de Riedmatten. responsabilité civile; prescription recours en réforme contre le jugement rendu le 14 juillet 2006 par la IIeCour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais. Faits : A.X. ________ et Y.________ sont copropriétaires d'un chalet sis à Grimentz. Cebâtiment a

été construit en 1983 dans un terrain en forte pente, de sort...

{T 0/2}4C.311/2006 /ech Arrêt du 4 décembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg et Favre.Greffier: M. Thélin. Commune de Grimentz,défenderesse et recourante, représentée par Me Christian Favre, contre X.________,Y.________,demandeurs et intimés,représentés par Me Hildebrand de Riedmatten. responsabilité civile; prescription recours en réforme contre le jugement rendu le 14 juillet 2006 par la IIeCour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais. Faits : A.X. ________ et Y.________ sont copropriétaires d'un chalet sis à Grimentz. Cebâtiment a été construit en 1983 dans un terrain en forte pente, de sorte queses aménagements extérieurs comprennent des remblais de terre. En 1985, on aajouté à la façade amont, sur l'un de ces remblais, un appendice servant desas d'entrée.La route de Grande Combe longe cette même façade. Elle a été créée en 1987par la commune de Grimentz. Il s'agissait alors d'une route provisoire;l'ouvrage actuel fut achevé en 1999. Y. ________ a réclamé un dédommagement de la commune au motif que laconstruction de la route et la circulation de nombreux véhicules lourdsavaient causé des dégâts au chalet. Commis à titre d'expert extrajudiciaire,l'ingénieur A.________ a visité les lieux le 10 mai 1995. Il a constaté quele remblai supportant l'appendice s'était tassé de trois à quatre centimètreset qu'il en était résulté une rotation de cet élément avec un devers de sonradier, des mouvements de ses parties en bois et diverses fissures.L'ossature du chalet était mise sous pression et cela causait aussi desfissures qu'il faudrait contrôler. Y.________ a reçu une indemnité de 4'236fr.70 qu'il a acceptée «sous toutes réserves en cas de tassement futur».En mai 1998, Y.________ a signalé de nouveaux dégâts. Mandaté par la communepour l'assister dans les travaux d'aménagement de la route, l'ingénieurB.________ a remis un rapport le 15 septembre 1999. L'enrochement quisoutenait le remblais s'était tassé vers l'avant et verticalement; denombreuses fissures étaient apparues à l'intérieur et à l'extérieur duchalet.Le 1er octobre 1999, les deux copropriétaires ont introduit conjointement unerequête de preuve à futur devant le Juge de district de Sierre. L'ingénieurC.________, expert judiciaire, a déposé son rapport le 27 novembre 2000.Celui-ci contient, outre une énumération des dégâts constatés, desexplications relatives à leur origine et des propositions concernant lesmesures à prendre pour prévenir leur aggravation. B.Le 9 novembre 2001, X.________ et Y.________ ont ouvert action contre lacommune de Grimentz devant le même magistrat. Leur demande tendait aupaiement de 104'500 fr. à titre de dédommagement consécutif aux dégâts subispar le chalet, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er décembre 1999.Auparavant et sans succès, le 18 mai 2001, les demandeurs avaient cité ladéfenderesse en conciliation.La défenderesse a conclu au rejet de l'action. Elle a notamment excipé de laprescription et requis un jugement préjudiciel sur ce moyen.Le juge instructeur a ordonné une nouvelle expertise qu'il a confiée àl'ingénieur D.________. Celui-ci a déposé un rapport le 15 septembre 2003 etun rapport complémentaire le 1er juillet 2004. Le juge instructeur aégalement interrogé divers témoins.Après clôture de l'instruction, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal astatué sur l'exception le 14 juillet 2006. Elle l'a rejetée en constatant quel'action n'était pas prescrite. Le délai d'une année avait couru, le caséchéant, dès le moment où les demandeurs avaient eu une connaissancesuffisante, en vue d'ouvrir action, du dommage correspondant aux dégâts. Or,la deuxième expertise judiciaire révélait que les dégâts n'étaient passtabilisés en 2003, ce qui excluait une connaissance suffisante du dommage.En tant que cette connaissance était possible alors même que les dégâtscontinuaient de s'aggraver, les demandeurs l'avaient acquise au plus tôt àréception du premier rapport d'expertise judiciaire, à fin novembre 2000; laprescription avait couru dès cette époque et la citation en conciliationl'avait interrompue. C.Agissant par la voie du recours en réforme, la défenderesse requiert leTribunal fédéral de modifier le jugement du 14 juillet 2006 ce en ce sens quel'action soit rejetée.Invités à répondre, les demandeurs n'ont pas déposé de mémoire. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.En règle générale, le recours en réforme est recevable seulement contre lesdécisions finales des tribunaux suprêmes des cantons (art. 48 al. 1 OJ). Lerecours est recevable contre les décisions préjudicielles ou incidentesconcernant la compétence (art. 49 OJ); exceptionnellement, il est recevablecontre d'autres décisions préjudicielles ou incidentes si une décision finalepeut ainsi être provoquée immédiatement et qu'il convient d'éviter, enautorisant le recours immédiat au Tribunal fédéral, la durée et les frais dela procédure probatoire (art. 50 al. 1 OJ).Le jugement présentement attaqué ne termine pas l'ensemble du litige. Il aseulement pour objet de rejeter l'exception que la défenderesse prétend tirerde la prescription. Si le Tribunal fédéral constatait que la créance invoquéepar les demandeurs est devenue inexigible en raison de la prescription, ilaboutirait à une décision finale (ATF 118 II 447 consid. 1b p. 450; 111 II 55consid. 1 p. 56) et il permettrait l'économie de la procédure probatoire quiest encore nécessaire pour élucider l'origine et l'ampleur du dommage. Auregard de cette situation, les conditions prévues par l'art. 50 al. 1 OJ sontsatisfaites.Par ailleurs, le recours est formé par une partie qui a succombé dans desconclusions concernant sa propre situation juridique. Il est dirigé contre unjugement rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art.48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépassele seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ)et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable, sousréserve de l'examen des griefs soumis au Tribunal fédéral. 2.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral doitconduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans ladécision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière depreuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatationsreposant sur une inadvertance manifeste ou qu'il soit nécessaire de compléterles constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenucompte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis(art. 63 al. 2, 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p.140). Pour le surplus, la partie recourante n'est pas autorisée à critiquerles constatations de fait ni à alléguer des faits qui n'ont pas été constatés(art. 55 al. 1 let. c OJ). 3.Il est constant que les demandeurs exercent une action en dommages-intérêtsfondée sur les art. 58 al. 1 CO ou 679 et 685 al. 1 CC, et que cette actionest soumise au délai de prescription d'une année prévu par l'art. 60 al. 1 CO(ATF 111 II 24 consid. 2b p. 25). Ce délai court du jour où la partie lésée aeu connaissance du dommage et de la personne qui en est l'auteur.Selon la jurisprudence, la première de ces deux conditions légaless'accomplit au moment où le lésé acquiert une connaissance suffisante dudommage pour pouvoir ouvrir action, c'est-à-dire lorsque le lésé apprend,relativement à l'existence, à la nature et aux éléments du dommage, lescirconstances propres à fonder et à motiver une demande en justice. Le lésén'est pas autorisé à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît lemontant absolument exact de son préjudice car ce montant devra éventuellementêtre estimé selon l'art. 42 al. 2 CO (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1 p. 68). Ledommage est tenu pour suffisamment défini lorsque le lésé détient assezd'éléments pour être en mesure de l'apprécier (ATF 111 II 55 consid. 3a p.57; 109 II 433 consid. 2 p. 434; 108 Ib 97 consid. 1c p. 100). En raison dela brièveté du délai de prescription d'un an, il convient d'éviter uneappréciation excessivement sévère à ce sujet; suivant les circonstances, lelésé doit disposer d'un certain temps pour estimer l'étendue finale dudommage (ATF 111 II 55 consid. 3a).Si l'ampleur du préjudice dépend d'une situation qui évolue, la prescriptionne court pas avant le terme de cette évolution (ATF 108 Ib 97 consid. 1c p.100; 93 II 498 consid. 2 p. 503). En effet, selon le principe de l'unité dudommage, celui-ci doit être considéré comme un tout et non comme la somme depréjudices distincts. Par conséquent, en cas d'évolution de la situation, ledélai de prescription ne court pas avant que le plus tardif des éléments dudommage ne soit apparu. Cette règle vise essentiellement le préjudiceconsécutif à une atteinte à la santé de la victime, quand il n'est paspossible d'en prévoir l'évolution avec suffisamment de certitude (ATF 112 II118 consid. 4 p.123); elle peut néanmoins être transposée à d'autres cas oùun fait dommageable exerce un effet médiat et graduel, aux conséquencesdifficilement prévisibles, sur le patrimoine du lésé (ATF 108 Ib 97 consid.1c p. 100). Dans la présente affaire, le Tribunal cantonal s'y réfère à bondroit et son jugement n'est d'ailleurs pas contesté sur ce point. 4.La défenderesse soutient que déjà à l'été de 1999, en dépit de l'évolutionencore inachevée des dégâts observés dans le chalet, les demandeursdisposaient de renseignements suffisamment précis et complets pour pouvoirestimer le dommage et motiver une demande en justice; à son avis, la citationen conciliation de mai 2001 est intervenue alors que l'action endommages-intérêts était déjà atteinte par la prescription. Elle reproche auTribunal cantonal de n'avoir pas tenu compte, sur divers points, de faitspertinents, régulièrement allégués et clairement établis par l'instruction.Elle affirme que l'état de faits peut être complété sur la base du dossier,conformément à l'art. 64 al. 2 OJ, et qu'il n'est pas nécessaire de renvoyerla cause à cette autorité.Le mémoire de recours désigne clairement, dans les rapports d'expertisejudiciaire, certains passages que les premiers juges ont censément méconnus;sous cet aspect, l'argumentation présentée satisfait aux exigences relativesà cette dernière disposition (ATF 115 II 484 consid. 2a p. 485/486). Enrevanche, la défenderesse perd de vue que l'art. 64 al. 2 OJ ne permet,éventuellement, qu'un complètement de l'état de faits, et cela seulement surdes points accessoires (ATF 131 III 145 consid. 8.3 p. 152). Or, ses griefstendent à infirmer des constatations essentielles du Tribunal cantonal et àles faire remplacer par d'autres qui accréditeraient sa thèse. Par ailleurs,ses affirmations relatives aux dégâts que les demandeurs connaissaient en étéde 1999 ne reposent ni sur les constatations du jugement ni sur les passagesauxquels elle se réfère dans les documents précités. En particulier, leTribunal cantonal ne constate pas que les demandeurs auraient reçu copie durapport remis le 15 septembre 1999 par l'ingénieur B.________.L'argumentation de la défenderesse est donc irrecevable au regard de l'art.55 al. 1 let. c OJ.Au demeurant, il est certes vrai que selon l'expertise judiciaire la plusrécente, les dégâts observés en 1999 se sont simplement aggravés; il n'en estpas apparu de nouveaux depuis cette époque et les frais de réparation neseront pas notablement augmentés par l'aggravation. Le premier expertjudiciaire avait toutefois expliqué qu'après l'exécution de certaines mesuresqu'il préconisait, il faudrait «contrôler le comportement du bâtiment surune certaine durée»; si l'édifice se stabilisait, on pourrait envisager une«remise en état finale»; dans le cas contraire, il faudrait étudier «uneintervention lourde avec [la collaboration], en plus de l'ingénieur civil,d'un géotechnicien». Cela n'a pas été contredit et l'aggravation des dégâtsdonne à penser que le bâtiment n'est pas stabilisé. Dans ces conditions, mêmesi le Tribunal fédéral pouvait entrer en matière et se liver à une nouvelleappréciation des expertises, il ne constaterait probablement pas que ledommage soit déjà en état d'être estimé. 5.A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolumentjudiciaire. Il n'y a pas lieu d'allouer les dépens aux demandeurs car ceux-cin'ont pas déposé de mémoire. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est irrecevable. 2.La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 5'000 fr. 3.Il n'est pas alloué de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal cantonal du canton du Valais. Lausanne, le 4 décembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.311/2006
Date de la décision : 04/12/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-04;4c.311.2006 ?
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