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04/12/2006 | SUISSE | N°1P.650/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2006, 1P.650/2006


{T 0/2}1P.650/2006 /col Arrêt du 4 décembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Truttmann. A. ________,recourante, représentée par Me Boris Heinzer, avocat, contre Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route duSignal 8, 1014 Lausanne. rémunération de l'avocat d'office, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale duTribunal cantonal du canton de Vaud du 3 avril 2006. Faits : A.Par jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne du 6décembre 2005, B.________, n

é en 1983, a été condamné pour lésionscorporelles simples et...

{T 0/2}1P.650/2006 /col Arrêt du 4 décembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Truttmann. A. ________,recourante, représentée par Me Boris Heinzer, avocat, contre Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route duSignal 8, 1014 Lausanne. rémunération de l'avocat d'office, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale duTribunal cantonal du canton de Vaud du 3 avril 2006. Faits : A.Par jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne du 6décembre 2005, B.________, né en 1983, a été condamné pour lésionscorporelles simples et rixe à la peine de cinq mois d'emprisonnement, peinecomplémentaire à celles infligées par le Juge d'instruction de Lausanne les 8novembre 2004 et 30 mai 2005. Il a également été condamné à payer la somme de2'000 fr. à C.________ à titre d'indemnité pour tort moral.Par courrier du 12 décembre 2005, B.________ a déclaré recourir contre cejugement et a sollicité la désignation d'un avocat d'office. B.Par décision du 19 janvier 2006, A.________, avocate brevetée, a été désignéeen qualité de défenseur d'office de B.________. Un délai de 10 jours lui aété imparti pour déposer un mémoire motivé.Lors du dépôt de son écriture, A.________ a joint un décompte de sesactivités. Elle a estimé avoir consacré environ treize heures au dossier, quise décomposent de la façon suivante: une heure de conférence avec le client,deux heures d'étude du dossier et dix heures de recherches juridiques et derédaction.Par arrêt du 3 avril 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonaldu canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation) a partiellement admis lerecours. Elle a libéré B.________ de l'accusation de rixe et a réduit lapeine à quatre mois d'emprisonnement. Enfin, elle a mis pour moitié à lacharge de B.________ et pour moitié à la charge de l'Etat, les frais de ladeuxième instance, soit 3'070 fr. 80, comprenant une indemnité de 860 fr. 80allouée au défenseur d'office. C.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler le chiffre III du dispositif de l'arrêt rendu parla Cour de cassation le 3 avril 2006. Elle se plaint d'une applicationarbitraire des art. 28 à 30 du tarif vaudois des frais judiciaires pénaux.L'autorité cantonale aurait selon elle violé l'art. 9 Cst., en relation avecla liberté économique garantie par l'art. 27 Cst. Elle prétend en substanceque le tarif horaire ne saurait être inférieur à 220-230 francs.Invitée à se déterminer sur le recours, la Cour de cassation a expliquéqu'elle avait estimé que l'activité limitée au dépôt du recours "pouvaitraisonnablement être effectuée en cinq heures par un avocat breveté". Pour lesurplus, "les heures de travail invoquées étaient excessives et recouvraientdes opérations inutiles au vu notamment de la simplicité de la cause et duproblème posé". La Cour de cassation a également précisé que le tarif horairemoyen retenu à l'époque dans le canton de Vaud était de 160 fr., ce quireprésentait, pour cinq heures de travail, un montant de 800 fr., auquelvenait s'ajouter la TVA (60 fr. 80). Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.La recourante est personnellement touchée par l'arrêt attaqué qui fixe, selonelle, arbitrairement le montant de son indemnité; elle a un intérêtpersonnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé, eta, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utilecontre une décision finale rendue en dernière instance cantonale, le recoursrépond aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. 2.A l'appui de son moyen déduit de l'arbitraire, en relation avec la libertééconomique, la recourante fait valoir que le tarif horaire appliqué au calculde son indemnité ne saurait être inférieur à 220-230 fr., TVA en sus. 2.1 L'avocat d'office a droit, en plus du remboursement de ses débours, à uneindemnité qui s'apparente aux honoraires perçus par le mandataire plaidantaux frais de son client; pour en arrêter le montant, l'autorité doit tenircompte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultésparticulières qu'elle peut présenter en fait et en droit, du temps quel'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre desconférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultatobtenu et de la responsabilité qu'il a assumée (ATF 122 I 1 consid. 3a p. 2s. et les arrêts cités). 2.2 Les art. 27 à 30 du tarif des frais judiciaires pénaux, adopté le 17août1999 par le Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: TFJP), fixent lemontant de l'indemnité allouée au défenseur d'office. Selon l'art. 28 TFJP,ce dernier reçoit, pour un recours à la Cour de cassation, une indemnitépouvant aller jusqu'à 2'000 francs. Suivant l'art. 29 TFJP, l'indemnitéallouée tient compte du fait que le défenseur d'office est un stagiaire ou unavocat breveté. A teneur de l'art. 30 TFJP, le défenseur d'office soumet àl'autorité compétente, avant la décision statuant sur les frais, la listedétaillée de ses opérations et débours, lorsqu'il a dû déployer une activitételle que les indemnités ci-dessus sont manifestement insuffisantes (al. 1).L'autorité compétente fixe alors une indemnité équitable par décisionbrièvement motivée et communiquée au défenseur d'office (al. 2). 2.3 Jusqu'il y a peu de temps, la jurisprudence admettait que, à conditiond'être équitable, la rémunération de l'avocat d'office pût être inférieure àcelle du mandataire choisi. En principe, elle devait couvrir les fraisgénéraux de l'avocat, dont on estimait qu'ils correspondaient d'ordinaire àau moins 40 % du revenu professionnel brut, voire à la moitié de celui-ci(ATF 122 I 1 consid. 3a et 3c p. 2 et les références citées; voir aussi ATF122 I 322 consid. 3b p. 325).C'est ainsi que dans un arrêt du 12 novembre 1999 (4P.236/1999), le Tribunalfédéral a estimé que la rémunération au tarif de 160 fr. de l'heure pratiquéedans le Canton de Vaud était suffisante pour couvrir les frais généraux del'avocat d'office.Dans un arrêt récent concernant le canton d'Argovie, le Tribunal fédéral acependant modifié sa jurisprudence. S'il est confirmé que la rémunération del'avocat d'office peut être moindre que celle du mandataire choisi, il ne sejustifie cependant plus de la limiter au seul remboursement des frais;l'indemnisation pour les mandats d'office doit en effet être déterminée defaçon à permettre aux avocats de réaliser un gain modeste et non uniquementsymbolique. Le Tribunal fédéral a estimé qu'il fallait partir d'un tarifhoraire de l'ordre de 180 fr. comme règle de base (ATF 132 I 201 consid. 8 p.213 s.).Dans un arrêt postérieur se rapportant au canton de Glaris, un tarif de 150fr. de l'heure a ainsi été jugé insuffisant (arrêt 2P.76/2006 du 27juin2006). 2.4 En l'espèce, la Cour de cassation a expliqué avoir appliqué un tarifhoraire de 160 francs. Or ce dernier, à la lumière du changement dejurisprudence rappelé ci-dessus, apparaît désormais insuffisant, puisqu'il nepermet pas à l'avocat d'office de réaliser un gain, fût-il modeste.La recourante soutient que l'ATF 132 I 201 aurait établi que l'avocatd'office a droit à une marge bénéficiaire de 60 à 70 francs. Ajoutée aux 160fr. qui sont destinés à couvrir les frais, cette marge porterait le tarifhoraire à 220-230 francs. Or, il n'en est rien. Pour déterminer un tarifhoraire de base, le Tribunal fédéral a en effet été contraint de faire, dansun premier temps, une distinction entre les avocats qui pratiquentessentiellement la défense d'office et ceux qui ne la pratiquentqu'occasionnellement, afin de définir une moyenne des coûts supportés, soit130 francs. Sur cette base, il a estimé qu'un tarif horaire de 180 fr., TVAnon comprise, permettait la réalisation d'un gain modeste. Il s'agit doncd'une moyenne. Le Tribunal fédéral n'a donc en aucun cas retenu que l'avocatd'office devait bénéficier d'une marge bénéficiaire automatique de 50 fr. quiviendrait s'ajouter au tarif horaire considéré comme suffisant pour couvrirses frais.Le Tribunal fédéral a certes précisé que le montant de 180 fr. ainsi établipouvait être réduit ou augmenté en raison de particularités cantonales. Ilétait notamment fait référence à cet égard au coût de la vie dans lesdifférents cantons. En l'espèce, on ne voit a priori pas en quoi il sejustifierait de s'écarter du montant ainsi fixé, s'agissant d'un canton commele canton de Vaud.Le grief doit donc être admis, la rémunération horaire de l'avocat d'office à160 fr. apparaissant arbitrairement insuffisante. L'autorité cantonale estainsi invitée à déterminer un tarif horaire qui soit conforme à la nouvellejurisprudence qui a été rappelée ci-dessus. Pour le surplus, elle veillera àsoigneusement motiver sa décision quant au nombre d'heures de travail pris enconsidération, au regard de la note de frais détaillée remise par larecourante. 3.Il s'ensuit que le recours de droit public doit être admis. Le chiffre III dudispositif de l'arrêt attaqué, en tant qu'il concerne la rémunération del'avocat d'office, est dès lors annulé et la cause renvoyée à l'autoritécantonale.L'Etat de Vaud est dispensé des frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). Ilversera en revanche une indemnité de dépens à la recourante, qui obtient gainde cause avec l'assistance d'un avocat. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public est admis et le chiffre III du dispositif del'arrêt rendu le 3 avril 2006 par la Cour de cassation pénale du Tribunalcantonal du canton de Vaud, en tant qu'il concerne la rémunération del'avocat d'office, est annulé. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.Une indemnité de 1'000 fr. est allouée à A.________ à titre de dépens, à lacharge de l'Etat de Vaud. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et àla Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 4 décembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.650/2006
Date de la décision : 04/12/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-04;1p.650.2006 ?
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