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29/11/2006 | SUISSE | N°1P.434/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 novembre 2006, 1P.434/2006


{T 0/2}1P.434/2006 /ajp Arrêt du 29 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. X. ________,recourant, représenté par Me Pierre-Yves Brandt, avocat, contre Commune de Chardonne, 1803 Chardonne, représentée par Me Alain Thévenaz,avocat,case postale 6852, 1002 Lausanne,Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justicede l'Hermitage,route du Signal 8, 1014 Lausanne. Frais de consolidation d'une parcelle, contrat de droit administratif,reprise de dette, recours de droit public contre l'arrêt de la

Chambre des recours du Tribunalcantonal du canton de Vau...

{T 0/2}1P.434/2006 /ajp Arrêt du 29 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. X. ________,recourant, représenté par Me Pierre-Yves Brandt, avocat, contre Commune de Chardonne, 1803 Chardonne, représentée par Me Alain Thévenaz,avocat,case postale 6852, 1002 Lausanne,Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justicede l'Hermitage,route du Signal 8, 1014 Lausanne. Frais de consolidation d'une parcelle, contrat de droit administratif,reprise de dette, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal du canton de Vaud du29 mars 2006. Faits : A.Dame Y.________ était propriétaire de la parcelle n° 0000 de la commune deChardonne, sur laquelle se trouve une falaise. Le 24septembre 1990, unéboulement s'est produit et des rochers ont roulé sur les parcelles situéesen contrebas. La Municipalité de Chardonne a mandaté un bureau d'experts pourprendre les mesures d'urgence, puis faire exécuter les travaux deconsolidation de la falaise. Les frais ont été avancés par la commune. Le 26août 1992, Y.________ a passé une convention avec la Municipalité,s'engageant à verser à cette dernière, au 30 novembre 1992 avec intérêts à7,5% dès cette date, la somme de 34'694,75 fr. correspondant au décompteprésenté par le bureau, sous déduction d'une participation communale de 40%.Selon cette convention, les travaux avaient apporté une plus-value par lasuppression des dangers, et étaient assimilables à des travaux d'équipementau sens de l'art. 50 de la loi vaudoise sur l'aménagement du territoire etles constructions (LATC), ce qui permettait à la Municipalité d'exigerl'inscription d'une hypothèque légale en cas de défaut de paiement. B.Le 7 décembre 1992, X.________ écrivit à la commune de Chardonne pour luifaire savoir qu'il avait acquis la parcelle n° 0000 de dame Y.________, et"repris son engagement [...] pour le paiement des travaux de consolidationdes rochers d'un montant de 34'694,75 fr." Il précisait que ce montant, plusles intérêts, serait versé dès l'obtention du permis de construire et ducrédit y relatif. Le 23 décembre 1992, la Municipalité a pris note de cettedéclaration. Des permis de construire ont été accordés au mois d'août 1995.La commune a adressé une facture pour les travaux de consolidation, le 22septembre 1995. Le transfert de propriété de la parcelle a eu lieu le 13 août1996. Les permis de construire ont été prolongés. Une nouvelle autorisation aété délivrée en avril 1999. Elle a finalement été annulée (cf.arrêt duTribunal fédéral 1P.328/2004 du 5 août 2004). Une mise en demeure a étéadressée par la commune le 25 juin 2003, pour un montant total de 62'342,15fr. Un commandement de payer a été notifié le 3septembre 2003, frappéd'opposition. La mainlevée a été accordée le 2 décembre 2003 C.X. ________ a agi en libération de dette auprès du Tribunal del'arrondissement de l'Est Vaudois qui, par jugement du 23 juin 2005, lui adonné raison: la contribution de droit public mise à la charge de Y.________était une obligation personnelle qui, à l'instar d'une taxe, ne pouvait fairel'objet d'une reprise de dette. En outre, la créance était prescrite car ledélai de cinq ans - par application analogique des règles cantonales sur lesimpôts directs - courait dès la délivrance du permis de construire, le 21août 1995. Par arrêt du 29 mars 2006, la Chambre des recours du Tribunal cantonalvaudois a réformé ce jugement, déclarant X.________ débiteur du montantréclamé par la commune, et levant l'opposition. L'acte du 26 août 1992 étaitun contrat de droit administratif. La dette avait été valablement reprise. Ledélai de prescription était de dix ans: la loi cantonale sur les impôtsdirects, entrée en vigueur en 2001, ne pouvait s'appliquer, même paranalogie; s'agissant d'un contrat, le délai général de dix ans (art. 127 CO)était applicable. D.X.________ forme un recours de droit public par lequel il requiertl'annulation de ce dernier arrêt. Il demande l'effet suspensif, qui a étéaccordé par ordonnance présidentielle du 5 septembre 2006. La Chambre des recours se réfère à son arrêt. La Commune de Chardonne conclutau rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité et laqualification juridique des recours qui lui sont soumis (ATF 132 I 140consid. 1.1 p. 142). 1.1 Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt renduen dernière instance cantonale. La cour cantonale a considéré que laconvention passée entre dame Y.________ et la commune était un contrat dedroit administratif. Cela n'est pas contesté par les parties. A défaut decontestation civile au sens de l'art. 46 OJ, seul le recours de droit publicest ouvert, quand bien même la décision attaquée émane d'un tribunal civil(ATF 109 II 76). 1.2 Destinataire d'un jugement le condamnant au paiement d'une sommed'argent, le recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ. 2.Invoquant le principe de la légalité, le recourant conteste en premier lieula validité de la convention du 26 août 1992. Le Tribunal cantonal aconsidéré que les art. 50 et 92 LATC ne constituaient pas une base légalesuffisante pour permettre à la commune d'agir par voie de décision. Or, unecollectivité ne pourrait, par un contrat de droit administratif, parvenir àun résultat que la loi n'autorise pas. Par ailleurs, selon la décision duConseil communal du 11 novembre 1991 accordant le crédit, la Municipalitédevait agir par la création d'un syndicat d'améliorations foncières, et nonpar voie de conventions avec les propriétaires. 2.1 En dehors des domaines fiscal et pénal, le principe de la légalité neconstitue pas un droit constitutionnel distinct, mais un principe dont laviolation doit être invoquée en rapport avec d'autres principes fondamentauxtels que la séparation des pouvoirs, l'égalité de traitement, l'interdictionde l'arbitraire ou un droit constitutionnel spécifique au sens de l'art. 36al. 1 Cst. (ATF 129 I 161 consid. 2.1 p.162; 127 I I 60 consid. 3a p. 67 etles arrêts cités). 2.2 En l'occurrence, le recourant se plaint uniquement d'arbitraire: il admetqu'un contrat de droit administratif pouvait être conclu même dans le silencede la loi. Il soutient en revanche que le contenu matériel d'un tel contratdevait être prévu par la loi, ce qu'aurait arbitrairement méconnu le Tribunalcantonal. 2.3 Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la décisionattaquée viole gravement une règle ou un principe juridique clair etindiscuté ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de lajustice ou de l'équité. Si l'application de la loi défendue par l'autoritécantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens etau but de la législation en cause, cette interprétation doit être confirmée,même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - apparaîtpréférable (ATF 132 I 175 consid. 1.2 p. 177 et les arrêts cités). Parailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soientinsoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat(ATF 131 I 57 consid. 2 p.61 et la jurisprudence citée), ce qu'il appartientau recourant de démontrer en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 131 I217 consid.2.1 p. 219 et la jurisprudence citée). 2.4 Il n'est pas contesté que l'intervention de la commune sur la parcelle durecourant repose sur une base légale, soit l'art. 43 al. 1 ch.1 de la loivaudoise sur les communes qui permet à ces dernières d'intervenir afind'assurer la sécurité des personnes et des biens. En cas de silence de laloi, la commune aurait d'ailleurs pu s'appuyer sur la clause générale depolice qui permet également une intervention en pareil cas (cf. art. 36 al. 1in fine Cst.). Quant au contenu même du contrat, il est vrai que la cour cantonale ne s'estpas interrogée sur l'existence d'une base légale. L'arrêt attaqué n'en estpas pour autant arbitraire, du moins dans son résultat. En effet, pour autantqu'une base légale soit nécessaire - la question est controversée et sarésolution dépend notamment du type de contrat en cause -, celle-ci peutrésider soit dans l'art. 50 LATC qui prévoit la contribution du propriétaireaux frais d'équipement, soit dans les dispositions relatives à l'exécutionpar substitution (art. 92 LATC). Compte tenu de la similitude des situations(augmentation de la valeur de la parcelle par la suppression d'un dangerd'une part, mise à la charge du perturbateur par situation d'autre part),l'application par analogie de ces dispositions n'aurait rien d'arbitraire. Enoutre, dès lors que l'intervention de la commune pouvait aussi se fonder surla clause générale de police, l'autorité pouvait réclamer aux propriétairesle remboursement des frais d'exécution par équivalence immédiate (Grisel,Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, pp 639-641). Le recourant nesaurait donc prétendre que la commune serait dépourvue de moyens juridiquespour exiger, le cas échéant par voie de décision, la contribution d'unadministré à des travaux d'urgence effectués en sa faveur. Le grief doit parconséquent être écarté, sans qu'il y ait à examiner si l'invocation du défautde base légale, plus de dix ans après la déclaration de reprise de dette, estconforme au principe de la bonne foi, et si le recourant ne devait pas agir,pour ce faire, dans un certain délai (cf. sur ce point Minh Son Nguyen, Lecontrat de collaboration en droit administratif, Thèse Lausanne, 1998, p.132). 2.5 Quant à la possibilité, réservée par le Conseil communal lors de l'octroidu crédit, de constituer un syndicat d'améliorations foncières, l'arrêtcantonal ne l'évoque certes pas. Il n'en résulte pas pour autant uneviolation du droit d'être entendu du recourant, car l'argument invoqué à cesujet n'avait rien de décisif: manifestement, le Conseil communal n'a pasvoulu interdire à la municipalité d'agir par voie de conventions si un accordpouvait être trouvé directement avec les propriétaires concernés. 3.Se plaignant également d'arbitraire, le recourant conteste la validité de lareprise de dette. Selon lui, sa déclaration du 7 décembre 1992 nereprésentait qu'une offre de reprise de dette, soumise à la condition que lepermis de construire soit accordé. En outre, une dette de droit public, telleune taxe ou une contribution de plus-value, serait incessible à moins que lecontraire ne soit expressément prévu par une base légale. 3.1 Contrairement à ce que soutient le recourant, une dette résultant d'uncontrat de droit administratif peut être cédée, sans que cela ne doive êtreprévu par la loi; la cession est en effet possible, pour autant que la loi nel'empêche pas et dans la mesure où cela n'est pas incompatible avec le typemême de contrat (Minh Son Nguyen, op. cit. pp 152/153). En l'occurrence, ils'agit d'une obligation pécuniaire ayant sa cause dans la situation d'unbien-fonds. Aucun motif lié à l'intérêt public ou au principe de l'égalité detraitement n'empêche que la dette soit reprise par le nouveau propriétaire. 3.2 Le recourant tente en vain de limiter la portée de sa déclaration du 7décembre 1992. Selon les termes de celle-ci, le recourant se déclaraitacquéreur de la parcelle n° 0000 propriété de Madame Y.________, précisant:"j'ai repris son engagement envers vous pour le paiement des travaux deconsolidation des rochers...". La cour cantonale pouvait sans arbitraire yvoir une offre de reprise de dette, au sens de l'art. 176 al. 2 CO; lerecourant ne conteste pas que celle-ci a bien été acceptée par la communeselon l'une des modalités prévues à l'art.176 al. 3 CO, lorsqu'elle adéclaré, le 23 décembre 1992, avoir "pris note que [le] paiement seraeffectué lors de l'obtention du permis de construire". L'obtention du permisde construire n'apparaît ainsi que comme une condition au paiement, et non àla reprise elle-même. Le recourant néglige d'ailleurs le fait qu'un permis abel et bien été accordé, au mois d'août 1995, mais qu'il s'est périmé fauted'avoir été utilisé. S'il fallait y voir une condition à la reprise de dette,force est de constater que celle-ci s'est réalisée. L'arrêt attaqué n'est pasnon plus arbitraire sur ce point. 4.Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir arbitrairementrefusé d'appliquer le délai de prescription de cinq ans prévu dans la loicantonale d'impôts (LI/VD), en appliquant le délai de dix ans de l'art. 127CO. La prétention de la commune se rapprochait d'une contribution deplus-value, soit une charge de préférence, plutôt que d'une créancecontractuelle.Comme le relève la cour cantonale, la prescription des créances s'impose, endroit public, en vertu d'un principe général. En cas de silence de la loi,l'autorité doit s'inspirer des solutions adoptées par le législateur dans descas analogues (Grisel, op. cit. p. 664). La cour cantonale a considéré que ledélai de cinq ans prévu dans la LI/VD n'était pas applicable car il nes'agissait pas d'un impôt fixé en vertu d'une décision unilatérale, mais d'unmontant fixé d'un commun accord avec l'administré. La commune avait pour sapart agi en tant que maître de l'ouvrage, et s'était engagée, selon le ch. IVde la convention, à défendre les intérêts du propriétaire envers lemandataire. Il s'agit là de critères raisonnables qui justifientl'application par analogie des règles du droit des contrats (cf. égalementles exemples mentionnés par Grisel, op. cit. p. 664, notamment le cas de lacréance en remboursement d'une taxe de raccordement). Quand bien même lasolution préconisée par le recourant apparaît également défendable, il n'y apas pour autant arbitraire. 5.Le recourant estime enfin que la commune aurait dû agir en réalisation degage, le contrat prévoyant une hypothèque légale sur l'immeuble. L'arrêtattaqué serait muet sur ce point. Tel qu'il était soulevé, le grief nenécessitait toutefois pas de réponse particulière: en effet, si le recourantentendait invoquer le beneficium excussionis realis, il devait agir par lavoie de la plainte au sens de l'art. 17 LP (art. 41 al. 1bis LP). En outre,l'argument était manifestement dénué de fondement puisque la commune n'a pasrequis l'inscription d'une hypothèque légale (ATF 129 III 360). Il n'y a doncni arbitraire, ni déni de justice. 6.Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure oùil est recevable. Conformément aux art. 156 al. 1 et 159 OJ, l'émolumentjudiciaire et l'indemnité de dépens allouée à la commune de Chardonne sontmis à la charge du recourant qui succombe. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à la Commune de Chardonne, àla charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à laCommune de Chardonne et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal ducanton de Vaud.
Lausanne, le 29 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.434/2006
Date de la décision : 29/11/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-29;1p.434.2006 ?
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