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28/11/2006 | SUISSE | N°5C.174/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2006, 5C.174/2006


{T 0/2}5C.174/2006 /frs Arrêt du 28 novembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Nordmann et Zappelli, Juge suppléant.Greffière: Mme Jordan. A. ________,recourante, représentée par Me Nicolas Jeandin, avocat, contre Conseil d'Etat du canton de Genève, Chancellerie d'Etat, case postale 3964,1211 Genève 3. changement de nom, recours en réforme [OJ] contre l'arrêté du Conseil d'Etat du canton de Genèvedu 31 mai 2006. Faits : A.Le 6 juillet 1995, X.________, ressortissante suisse, sans descendant, ademandé à adopter A.________ et sa soeur B.________, toutes de

ux nées à Algerrespectivement les 9 juillet 1975 et 4 janvier...

{T 0/2}5C.174/2006 /frs Arrêt du 28 novembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Nordmann et Zappelli, Juge suppléant.Greffière: Mme Jordan. A. ________,recourante, représentée par Me Nicolas Jeandin, avocat, contre Conseil d'Etat du canton de Genève, Chancellerie d'Etat, case postale 3964,1211 Genève 3. changement de nom, recours en réforme [OJ] contre l'arrêté du Conseil d'Etat du canton de Genèvedu 31 mai 2006. Faits : A.Le 6 juillet 1995, X.________, ressortissante suisse, sans descendant, ademandé à adopter A.________ et sa soeur B.________, toutes deux nées à Algerrespectivement les 9 juillet 1975 et 4 janvier 1973, de nationalitéalgérienne, filles des époux Y.________. L'adoption a été prononcée par laCour de justice du canton de Genève le 16 avril 1996. B.Le 24 août 2005, A.________, qui a acquis ce patronyme ainsi que le droit decité de sa mère adoptive du fait de son adoption, a sollicité un changementde nom afin d'être autorisée à porter à l'avenir celui de son pèrebiologique, à savoir Y.________. Par arrêté du 31 mai 2006, le Conseil d'Etat du canton de Genève a rejetécette requête, les justes motifs prévus par la loi n'étant pas réalisés. Il aen bref considéré que la présente cause différait de celle publiée aux ATF108 II 1, en ce sens que la requérante portait le nom litigieux depuis plusde dix ans et était parfaitement intégrée en Suisse où elle avait terminé sesétudes et décidé de faire sa vie. Par ailleurs, le fait de porter des nomsdifférents dans divers pays était inhérent à de nombreuses adoptionsinternationales et les inconvénients normalement liés à un changement depatronyme opéré à la suite d'une adoption ne constituaient pas un juste motifde reprendre, dix ans après, le nom porté à la naissance. Lors de sonadoption, la requérante était en outre non seulement capable de discernement,mais encore majeure, et avait pratiquement rompu les relations avec safamille en Algérie, pays dans lequel elle ne se rendait que pourd'épisodiques vacances. De plus, l'existence d'une double identité en Suisseet en Algérie ne constituait en soi pas un juste motif au sens de la loi. Lareprise du nom antérieur laisserait de toute façon subsister la doubleidentité, voire la double filiation, dans la mesure où la requérante seraitdésignée, en Algérie, comme étant la fille de ses parents biologiques et, enSuisse, comme celle de sa mère adoptive, ce qui reviendrait à éluder lesconséquences de l'art. 267 al. 1 CC. Rien n'empêchait enfin l'intéressée dese marier en Suisse et de se rendre ensuite en Algérie pour rendre visite àsa famille, cela sans avoir à fournir d'explications aux autoritésalgériennes. C.A.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral, concluant à cequ'elle soit autorisée à changer de nom et à reprendre celui de son pèrebiologique. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Formé en temps utile contre une décision de l'autorité suprême qui refuseun changement de nom, le recours en réforme est recevable au regard des art.44 let. a , 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il ne faille rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations del'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faitspertinents et régulièrement allégués (art.64 OJ). Dans la mesure où lapartie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dansla décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions susmentionnées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il nepeut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits oude moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réformen'est donc pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et desconstatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p.140;127 III 248 consid. 2c p. 252 et les références). 2.La recourante reproche au Conseil d'Etat de ne pas l'avoir autorisée àreprendre le nom qu'elle portait avant son adoption. Reprenant en substanceles arguments soulevés en instance cantonale, elle soutient que l'acquisitionautomatique par la loi du patronyme de sa mère adoptive a eu des conséquencesdramatiques dans sa vie sur les plans administratif, affectif et moral. Lanon-reconnaissance de l'adoption par le droit algérien aurait eu pour effetde rendre difficile, voire impossible, toute visite à sa famille biologiquerésidant en Algérie, avec laquelle elle avait toujours gardé des contactsétroits et dont elle s'était encore rapprochée depuis le décès de sa mèreadoptive. La recourante dit avoir dû concrètement rompre tout contact avecson pays d'origine dont elle a conservé la tradition et la culture depuis sanaturalisation suisse le 2 février 2004. Elle assure en outre courir certainsrisques en se rendant en Algérie avec son passeport helvétique, puisqu'elledoit faire à cette fin des demandes auprès du consulat d'Algérie en Suissesous son nom actuel alors qu'elle n'est connue en Algérie que sous le nom deson père biologique. Son identité serait aussi un obstacle à la venue de safamille en Suisse. D'éventuelles visites à ses parents en Algérie mettraientquant à elles en péril les intérêts de ceux-là, voire leur sécurité, si lesautorités devaient apprendre son adoption. Le seul moyen dont elledisposerait aujourd'hui pour retrouver une vie normale serait dès lors dereprendre le nom qu'elle portait à sa naissance. 2.1 Aux termes de l'art. 267 al. 1 CC, l'enfant adopté acquiert le statutjuridique d'un enfant de ses parents adoptifs. De lege, l'adoption entraînedonc pour l'adopté l'acquisition du nom de famille de l'adoptant. L'adoptépeut toutefois reprendre son nom antérieur aux conditions ordinaires duchangement de nom telles qu'elles sont prévues à l'art. 30 al. 1 CC, car leprincipe de l'adoption plénière énoncé à l'art. 267 al. 1 CC n'a pas poureffet intangible que l'adopté doive conserver le nom de l'adoptant (ATF 108II 1 consid. 5a p. 4 et les références citées). Selon l'art. 30 al. 1 CC, le gouvernement du canton de domicile peut, s'ilexiste de justes motifs, autoriser une personne à changer de nom. Savoir sicette condition est réalisée est une question d'appréciation que l'autoritécantonale doit trancher selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC).Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral examine en principelibrement l'existence de justes motifs de changement de nom. Toutefois, ilobserve une certaine retenue et n'intervient que si la décision a été prisesur la base de circonstances qui ne jouent aucun rôle selon l'esprit de laloi ou si des aspects essentiels ont été ignorés (ATF 132 III 497 consid. 2p. 498; 126 III 1 consid. 2 p. 2 et les arrêts cités). Il y a de justes motifs au sens de l'art. 30 al. 1 CC lorsque l'intérêt durequérant à porter un nouveau nom l'emporte sur l'intérêt de l'administrationet de la collectivité à l'immutabilité du nom acquis et inscrit à l'étatcivil, et sur l'intérêt public à la fonction d'individualisation du nom (ATF126 III 1 consid. 3a p. 2). Pour apprécier cet intérêt, il convient de sefonder sur des critères objectifs; un changement de nom pour des raisonspurement subjectives est exclu (Riemer, Personenrecht des ZGB, 2e éd. 2002,p. 114, n. 230; Deschenaux/ Steinauer, Personnes physiques et tutelle, 4e éd.2001, p. 132 n. 427; Bühler, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, 2e éd. 2002,n. 7 ad art. 30 CC). L'autorisation de changer de nom peut être fondée surdes intérêts d'ordre moral, spirituel ou affectif. Ce qui est décisif est desavoir si les motifs invoqués sont suffisamment importants pour la justifier(ATF 108 II 1 consid. 5a p. 4; 98 Ia 449 consid. 2 p. 452). Dans la cause quia fait l'objet de l'arrêt paru aux ATF 108 précité, le Tribunal fédéral aconsidéré que le besoin d'une personne adoptée à l'âge de trente ans deporter à nouveau, quelques mois plus tard, son ancien nom de Lévy, lequelmarquait son appartenance à la communauté israélite, représentait un justemotif aux yeux de la loi. 2.2 Il convient préalablement de relever que, contrairement à sa soeur, larecourante, mineure lors de la demande d'adoption, a acquis le droit de citéde sa mère adoptive, et donc la nationalité suisse, dès le prononcé del'adoption (art. 267a et 268 al. 3 CC; art. 7 de la loi sur la nationalité(LN; RS 141.0); Stettler, Le droit suisse de la filiation, in Traité de droitsuisse, Vol. III, tome II,1, p. 177 et 179), et non en 2004 comme ellel'allègue dans son recours, probablement par erreur. Cela étant, comme l'a relevé à juste titre l'autorité cantonale, le cas de larecourante n'est pas comparable à celui traité dans la jurisprudence publiéeaux ATF 108 II 1. En particulier, la recourante a porté son nom d'adoption etpossédé la nationalité suisse durant près de 10 ans, et non durant quelquesmois comme dans l'affaire Lévy. Elle énumère certes de nombreuxinconvénients, lesquels seraient liés à son changement de patronyme etconcerneraient en particulier le maintien de relations étroites avec safamille en Algérie, ainsi que des problèmes relatifs à la reconnaissance deson éventuel mariage en Suisse. Or, ces circonstances n'ont pas été retenuespar l'autorité cantonale, dont les constatations de fait lient le Tribunalfédéral dans un recours en réforme (supra, consid. 1.2). Au demeurant, lesprétendues difficultés invoquées sont purement hypothétiques. Rien n'indique en effet dans la décision entreprise que les autoritésalgériennes créeraient des difficultés à la recourante ou sa famille restéeen Algérie du seul fait de l'adoption. Dans son recours, l'intéressée seborne à faire allusion, à plusieurs reprises, à de soi-disant dangers, sanstoutefois tenter de démontrer que le Conseil d'Etat aurait retenu les faitsde façon irrégulière au sens des art. 63 et 64 OJ (supra, consid. 1.2). Ellesoutient ne pas pouvoir se marier en Algérie et courir le risque de voir sonmariage ne pas être reconnu dans ce pays. Outre qu'il ne résulte pas del'arrêt querellé qu'elle veuille y contracter mariage ni qu'elle désire yvivre, l'éventualité d'une non-reconnaissance de son union ne constitueraitpas un motif suffisant pour admettre le changement de patronyme. Le Tribunalfédéral a jugé que la diversité des réglementations concernant le nom ne peutpas, à elle seule, justifier l'application de l'art. 30 al. 1 CC (ATF 126 III1 consid. 4 p. 4). En l'absence de circonstances, qui établiraient concrètement que le maintiende son nom de famille empêcherait la recourante de "retrouver une vienormale", l'exposerait à des "conséquences dramatiques", mettrait en "péril"les intérêts de ses proches et la contraindrait "de facto à rompre toutcontact avec son pays d'origine", on ne saurait considérer que le fait deporter le nom de sa mère adoptive fait subir à l'intéressée un préjudicesérieux et durable constitutif d'un juste motif au sens de l'art. 30 al. 1CC. Partant, c'est à bon droit que le gouvernement cantonal n'a pas autoriséle changement de nom. 3.Vu ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 156al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et auConseil d'Etat du canton de Genève. Lausanne, le 28 novembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.174/2006
Date de la décision : 28/11/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-28;5c.174.2006 ?
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