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28/11/2006 | SUISSE | N°4C.325/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2006, 4C.325/2006


{T 0/2}4C.325/2006 /ech Arrêt du 28 novembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffier: M. Thélin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Pierre Heinis, contre N.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Sven Engel. contrat de travail; résiliation immédiate recours en réforme contre le jugement rendu le 21 août 2006 par la IIe Courcivile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Faits : A.X. ________ est un ancien cadre de M.________ SA. En 1994, afin de reprendrele département qu'il dirigeait et dont son e

mployeuse voulait se séparer, ila fondé la société N.________ ...

{T 0/2}4C.325/2006 /ech Arrêt du 28 novembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffier: M. Thélin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Pierre Heinis, contre N.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Sven Engel. contrat de travail; résiliation immédiate recours en réforme contre le jugement rendu le 21 août 2006 par la IIe Courcivile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Faits : A.X. ________ est un ancien cadre de M.________ SA. En 1994, afin de reprendrele département qu'il dirigeait et dont son employeuse voulait se séparer, ila fondé la société N.________ SA. Il a désormais exercé la fonction dedirecteur de cette nouvelle société, active dans l'étude et la réalisation demachines pour l'industrie. Dès le début et jusqu'à l'année 2001, les comptesannuels ont présenté une rubrique «provision salaire vacances dus» aumontant de 39'000 fr. dans les années 1996 à 1999, de 34'500 fr. en 2000 et,à nouveau, de 39'000 fr. en 2001.A la fin de 2002, les actionnaires étaient X.________, Y.________ etZ.________; la société détenait elle-même quatre actions. Par contrat du 2décembre 2002, tous trois ont vendu leurs actions pour le prix de 2'156'000fr. De cette somme, 1'496'000 fr. étaient dus au 15 décembre 2002; le soldedevait être versé en quatre tranches de 150'000 fr. aux 31 mars, 30 juin, 30septembre et 31 décembre 2003.Egalement le 2 décembre 2002, un contrat de travail a été conclu entreX.________ et la société; celle-ci l'engageait en qualité de directeur du 1erjanvier 2003 au 30 juin 2004, avec mission d'informer les nouveaux dirigeantset actionnaires de tous les aspects commerciaux, techniques et financiers del'entreprise. On précisait que cet engagement n'était pas la prolongationd'un contrat antérieur. Le salaire brut était fixé à 10'000 fr. par mois,payable treize fois par an. Le directeur s'obligeait à garder un «silenceabsolu» sur les affaires de la société, y compris après la fin des rapportsde travail; il souscrivait en outre une prohibition de concurrence pour ladurée de son engagement et les cinq années qui suivraient. En particulier, ils'interdisait d'exploiter une entreprise concurrente, d'y travailler ou des'y intéresser. B.Un différend s'est élevé entre les anciens et les nouveaux actionnaires ausujet de la valeur des actions et ceux-ci ont refusé le versement de lapartie du prix d'achat qu'ils devaient au 30 septembre 2003.Le 6 octobre 2003, au motif que ce différend empêchait une collaborationefficace entre les nouveaux actionnaires et le directeur, N.________ SA adécidé de suspendre l'activité de ce dernier avec effet immédiat. Dansl'attente d'un règlement du litige, le contrat de travail était maintenu etle salaire continuerait d'être versé. U. ________ SA est également active dans la fabrication d'appareils pourl'industrie. Y.________ en connaissait l'actionnaire principal et celui-cicherchait à remettre cette entreprise. Le 14 octobre 2003, Y.________ etX.________ ont visité ensemble ses locaux et installations. Ils se sont faitremettre divers documents concernant les affaires de la société, quicontenaient des informations importantes dans la perspective d'une éventuelleacquisition, et ils ont indiqué que leur interlocuteur pouvait s'adresser àN.________ SA s'il avait lui-même des questions à poser. Après la visite,X.________ communiqua rapidement que celle-ci n'aurait pas de suite. Surquoi, U.________ SA a écrit à N.________ SA pour demander la restitution desdocuments remis et une garantie de confidentialité au sujet des informationsqu'elle avait fournies.Le 20 octobre 2003, N.________ SA a communiqué à X.________ son licenciementimmédiat. Cette mesure faisait suite à la lettre reçue de U.________ SA.Selon l'employeuse, cet écrit révélait que son directeur envisageait, avecY.________, l'acquisition d'une entreprise concurrente, ce qui constituaitune violation du contrat de travail. Sans succès, X.________ s'est opposé àson licenciement et il a offert de reprendre son activité de directeur. C.Le 30 janvier 2004, X.________ a ouvert action contre N.________ SA devant leTribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Sa demande tendait au paiement de162'002 fr.05, en capital, à titre de prestations consécutives à unlicenciement abrupt et injustifié, ou de salaire correspondant à des vacancesnon prises, ou d'indemnité pour frais de voyage et de représentation.Contestant toute obligation, la défenderesse a conclu au rejet de l'action.La IIe Cour civile du Tribunal cantonal a statué le 21 août 2006; elle adonné gain de cause à la défenderesse. Selon son prononcé, les pourparlersamorcés entre le demandeur et l'actionnaire principal de U.________ SAconstituaient un juste motif de licenciement abrupt et aucune prestationn'était donc due par suite de ce congé. En tant que le litige portait sur lemontant de 39'000 fr. inscrit à la rubrique des vacances impayées dans lescomptes de la défenderesse, l'instruction n'avait pas établi que le demandeurfût personnellement créancier. Enfin, pour le surplus, les sommes réclaméesavaient déjà été payées. D.Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur requiert le Tribunalfédéral d'annuler le jugement du Tribunal cantonal.La défenderesse conclut au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci estrecevable. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans des conclusionsconcernant sa propre situation juridique. Il est dirigé contre un jugementfinal rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse leseuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il a été déposé en temps utile (art. 54 al.1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).Selon la jurisprudence relative à l'art. 55 al. 1 let. b OJ, le mémoire durecours en réforme doit comporter des conclusions chiffrées lorsque lacontestation porte sur des sommes d'argent. Le recours par lequel on requiertseulement l'annulation de la décision attaquée est en principe irrecevablefaute de satisfaire à cette exigence, sauf s'il apparaît qu'en casd'admission des griefs présentés, le Tribunal fédéral ne pourrait de toutemanière pas rendre un jugement final et que la cause devrait être renvoyée àla juridiction cantonale en application de l'art. 64 al. 1 OJ, pourcomplètement de l'état de fait et nouvelle décision (ATF 95 II 433 consid. 1p. 436; voir aussi ATF 111 II 384 consid. 1 in fine p. 386; 106 II 201consid. 1 p. 203).En l'occurrence, le demandeur s'abstient de présenter des conclusionschiffrées et il se borne à réclamer l'annulation du jugement rendu le 21août2006. Au regard de la disposition précitée, la recevabilité du recours estdonc douteuse; elle souffre toutefois de rester indécise car les griefssoulevés sont de toute manière voués à l'échec.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserved'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunalfédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faitsconstatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p. 140). La partie recourante n'est pasautorisée à critiquer les constatations de fait ni à alléguer des faits quin'ont pas été constatés (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'argumentation dudemandeur est donc de toute façon irrecevable dans la mesure où elle reposesur les procès-verbaux d'audition des témoins ou sur les pièces du dossierplutôt que sur les constatations du Tribunal cantonal. 2.Le demandeur reproche au Tribunal cantonal d'avoir retenu à tort l'existenced'un juste motif de résiliation immédiate. 2.1 Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de travailet que celui-ci était conclu pour une durée déterminée, dont l'échéance étaitfixée au 30 juin 2004. Le contrat n'était donc pas susceptible d'unerésiliation ordinaire avec observation d'un délai de congé, selon l'art. 335al. 1 CO, mais une résiliation immédiate pour de justes motifs, selon l'art.337 CO, pouvait entraîner son expiration avant la date convenue (UllinStreiff et Adrian von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 6e éd.,2006, ch. 4 ad art. 337 CO).D'après l'art. 337 al. 2 CO, on considère notamment comme de justes motifstoutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettentpas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports detravail. Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifsdoit être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faitsinvoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte durapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seulun manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat dutravailleur. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner unerésiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Parmanquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'uneobligation imposée par le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifierune résiliation immédiate (cf. ATF 129 III 380 consid. 2.2).Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4CC), si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Acette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier,notamment la position et la responsabilité du travailleur, la nature et ladurée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance desmanquements. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décisiond'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-cis'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudenceen matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui,dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elleignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; enoutre, le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d'unpouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestementinjuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 130III 213 consid. 3.1 p. 220; 129 III 380 consid. 2 p. 382). 2.2 Le Tribunal cantonal constate qu'en compagnie de Y.________, soit unautre des anciens actionnaires de la défenderesse, le demandeur a visité uneentreprise du même secteur d'activité qui était alors à remettre. Reçus parle patron de cette entreprise, ils ont éveillé l'impression d'agir pour lecompte de la défenderesse et d'être sérieusement à la recherche d'uneoccasion d'en développer les affaires par le rachat d'une exploitationsimilaire. Le tribunal juge que sur la base de l'information à elle parvenue,concernant cette visite, la défenderesse était fondée à croire que les deuxanciens actionnaires envisageaient d'acquérir eux-mêmes une exploitation dece genre et que le demandeur était donc prêt à violer de façon flagrante laprohibition de concurrence souscrite par lui. Le tribunal juge encore quedans le contexte du conflit qui s'était élevé entre les anciens et lesnouveaux actionnaires au sujet de la vente des actions, conflit qui avaitconduit la défenderesse à suspendre l'activité du demandeur, l'attitudeapparemment adoptée par ce dernier détruisait irrémédiablement le rapport deconfiance qui doit exister entre les parties au contrat de travail.Le demandeur rejette ce jugement mais il n'avance guère d'arguments pour leréfuter. Selon son exposé, il a accompagné Y.________ sur proposition decelui-ci; leur visite n'était qu'un simple divertissement et aucun des deuxn'envisageait de s'engager réellement dans des pourparlers tendant à unrachat de l'entreprise, que ce fût pour leur propre compte ou pour celui dela défenderesse. Cette présentation des faits est irrecevable dans la mesureoù elle comprend des éléments exorbitants des constatations opérées par leTribunal cantonal (consid. 1 ci-dessus). Pour le surplus, même si ledemandeur ne cherchait pas à entreprendre de nouvelles opérations dans ledomaine des machines destinées à l'industrie, cette autorité peut retenirsans excès de son pouvoir d'appréciation que l'apparence créée par ceplaideur lui était opposable, que cette apparence était gravement contraireaux stipulations du contrat de travail et que dans le contexte conflictuel oùelle survenait, on ne pouvait pas attendre de la défenderesse qu'ellepoursuivît la relation fondée sur ce contrat. 3.Le demandeur reproche au Tribunal cantonal de lui avoir dénié une prétentionde 39'000 fr. pour vacances non prises. L'arriéré de vacances remontecensément à l'époque où le demandeur était salarié de M.________ SA; ladéfenderesse aurait repris l'obligation correspondante.Aux termes des art. 329a al. 1, 329c al. 1 et 329d al. 2 CO, le travailleur adroit à quatre semaines de vacances, au moins, par année de service; en règlegénérale, elles lui sont accordées à chaque fois pendant l'annéecorrespondante et leur conversion en une prestation en argent est excluependant la durée des rapports de travail; cette conversion intervientéventuellement lorsque ceux-ci prennent fin (ATF 128 III 271 consid. 4 p.279).Le Tribunal cantonal ne constate pas que pendant certaines années de service,le demandeur n'aurait pas pris toutes les vacances auxquelles il avait droit.Il ne constate donc pas non plus la durée des vacances qui, le cas échéant,restaient à prendre au moment où les rapports de travail se sont terminés.Dans ces conditions, le droit fédéral n'offre aucun fondement à la prétentionconcernée. 4.Le mémoire de recours ne contient aucune allusion aux autres chefs de lacontestation terminée par le jugement du 21 août 2006; le Tribunal fédéraln'en est donc pas saisi (art. 55 al. 1 let. b et c OJ). Dans la mesure où ilest recevable, le recours doit être rejeté.La procédure du recours en réforme n'est pas gratuite car le montant de lademande, qui détermine la valeur litigieuse selon l'art. 343 al.2CO, étaitsupérieur au plafond de 30'000 fr. prévu par cette disposition (ATF 122 III495 consid. 4; 115 II 30 consid. 5b p. 41). A titre de partie qui succombe,le demandeur doit donc acquitter l'émolument judiciaire et les dépensauxquels l'autre partie peut prétendre (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 5'000 fr. 3.Le demandeur acquittera une indemnité de 6'000 fr. due à la défenderesse àtitre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Lausanne, le 28 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.325/2006
Date de la décision : 28/11/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-28;4c.325.2006 ?
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