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28/11/2006 | SUISSE | N°2P.181/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2006, 2P.181/2006


{T 0/2}2P.181/2006 /viz Arrêt du 28 novembre 2006IIe Cour de droit public MM les juges Merkli, président,Wurzburger et Berthoud, suppléant.Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon. A. ________,recourante, représentée par Me Yves Bertossa, avocat, contre Office du personnel de l'Etat de Genève,rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3,Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, casepostale 1956, 1211 Genève 1. Art. 8 et 9 Cst.; résiliation des rapports de service, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deGenève du 30 mai 2006

. Faits : A.A. ________ a été engagée à partir du 1er août 2...

{T 0/2}2P.181/2006 /viz Arrêt du 28 novembre 2006IIe Cour de droit public MM les juges Merkli, président,Wurzburger et Berthoud, suppléant.Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon. A. ________,recourante, représentée par Me Yves Bertossa, avocat, contre Office du personnel de l'Etat de Genève,rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3,Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, casepostale 1956, 1211 Genève 1. Art. 8 et 9 Cst.; résiliation des rapports de service, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deGenève du 30 mai 2006. Faits : A.A. ________ a été engagée à partir du 1er août 2003 en qualité decollaboratrice scientifique par le Département de l'action sociale et de lasanté du canton de Genève, devenu le Département de l'économie et de la santé(ci-après: le Département cantonal), à un taux d'activité de 70%. Son posteétait rattaché à la Direction générale de la santé, section des programmes deprévention et de promotion de la santé. A la requête de la Direction générale de la santé, l'Office du personnel del'Etat de Genève (ci-après: l'Office du personnel), par décision du 16 mars2005, a mis fin aux rapports de service de A.________, qui était alors encoreen période probatoire, pour le 30 juin 2005. Invoquant une rupture du lien deconfiance, il a fait valoir que l'attitude de l'intéressée était de nature àporter préjudice à l'image du service pour lequel elle travaillait et auxrelations que celui-ci se devait d'entretenir avec ses partenairesassociatifs. Les reproches formulés à l'encontre de A.________ tenaient auxliens d'amitié qu'elle avait entretenus avec le Professeur B.________ et auxpropos qu'elle avait tenus au sujet des deux défenseurs genevois de la luttecontre le tabagisme. Ceux-ci étaient les directeurs d'associations aveclesquelles le Département cantonal collaborait régulièrement et avaientdénoncé des liens occultes du Professeur B.________, auteur de publicationsscientifiques sur le tabagisme passif, avec la société X.________. B.Le 18 avril 2005, A.________ a recouru auprès du Tribunal administratif ducanton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) contre la décisionprécitée de l'Office du personnel du 16 mars 2005. Elle a conclu à lareconnaissance du caractère abusif de son licenciement et à sa réintégration,subsidiairement au paiement d'une indemnité correspondant à 18 mois desalaire brut avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2005. C.Dans son arrêt du 30 mai 2006, le Tribunal administratif a partiellementadmis le recours de A.________. Il a constaté que la résiliation des rapportsde service était contraire au droit et a proposé la réintégration del'intéressée. Il a précisé que si l'autorité compétente refusait deréintégrer A.________, l'intéressée ne pouvait prétendre, comme employée enpériode probatoire, au versement d'une indemnité, celle-ci étant réservée auxseuls fonctionnaires. Par courrier du 28 juin 2006, le Directeur général de l'Office du personnel arejeté la proposition de réintégration. D.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt duTribunal administratif et de renvoyer la cause à cette autorité pour unenouvelle décision. Elle dénonce la violation des principes de la protectioncontre l'arbitraire, de l'égalité de traitement et de la force dérogatoire dudroit fédéral. En substance, elle critique la législation cantonale dans lamesure où celle-ci ne prévoit pas, pour les employés de l'Etat, de sanctionfinancière en cas de licenciement injustifié alors que les fonctionnairesplacés dans la même situation ont droit à une indemnité pouvant oscillerentre l'équivalent d'un mois à vingt-quatre mois de traitement brut. Le Tribunal administratif s'en rapporte à justice quant à la recevabilité durecours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. LeConseiller d'Etat, Chef du Département des finances du canton de Genève,conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292 et les arrêts cités). 1.1 L'objet du recours consiste à déterminer si l'absence légale dedédommagement pécuniaire, en cas de licenciement contraire au droit d'uneemployée non réintégrée, est arbitraire et contraire au principe del'égalité. Dans cette mesure, la recourante est habilitée à saisir leTribunal fédéral selon l'art. 88 OJ. 1.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droitpublic ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 132 III291 consid. 1.5 p. 294; 131 I 166 consid. 1.3 p. 169). Lesconclusions de larecourante qui sortent de ce cadre sont dès lors irrecevables. 1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites parla loi, le présent recours est recevable au regard des art. 84ss OJ. 2.La recourante reproche à l'autorité intimée d'avoir fait preuve d'arbitraireen lui déniant d'avance une quelconque indemnité, en dépit de l'illégalité deson licenciement, au motif qu'une telle réparation n'était prévue par l'art.31 al. 3 LPAC qu'en faveur des fonctionnaires et non des employés. Elle seplaint également de la violation du principe de l'égalité, le traitement plusfavorable réservé aux fonctionnaires par ladite disposition n'étant pasjustifié par des motifs objectifs et fondés. La recourante met ainsi en cause la constitutionnalité de la dispositionsusmentionnée. 2.1 La constitutionnalité de la norme critiquée ne peut être examinée qu'àtitre préjudiciel, dans le cadre d'un contrôle concret (sur ce type decontrôle et le contrôle abstrait, cf. ATF 113 Ia 257 consid. 3b p.261). Sila norme s'avérait inconstitutionnelle, le Tribunal fédéral pourraituniquement casser la décision qui l'applique (ATF 132 I 153 consid. 3 p.154): il n'aurait pas la possibilité d'annuler la norme qui subsisterait entant que telle, bien qu'elle devienne ipso facto inapplicable dans le senscritiqué (ATF 121 I 102 consid. 4 p. 103/104; 115 Ia 224 consid. 7a) p. 227). 2.2 Le principe de l'égalité (art. 8 Cst.) et celui de l'interdiction del'arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées (ATF 110 Ia 7 consid. 2bp.13, 132 I 157 consid. 4.1 p. 162/163). Un arrêté de portée générale violele principe de l'interdiction de l'arbitraire lorsqu'il ne repose pas sur desmotifs sérieux et objectifs ou s'il est dépourvu de sens et de but. Il violele principe de l'égalité lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui nese justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait àréglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vudes circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traitéde manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas demanière différente. Il faut que le traitement différent ou semblableinjustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité detraitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire,consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manièresemblable ou inversement (ATF 132 I 157 consid. 4.1 p. 162/163; 129 I 1consid. 3 p. 3 et les arrêts cités). 2.3 Le statut du personnel du canton de Genève est régi par la loi généralegenevoise du 4 décembre 1997 relative au personnel de l'administrationcantonale et des établissements publics médicaux (ci-après: LPAC ou la loirelative au personnel de l'administration cantonale) et par le règlementgenevois d'application du 24 février 1999 de la loi générale relative aupersonnel de l'administration cantonale et des établissements publicsmédicaux (ci-après: RLPAC). Ladite loi distingue le temps d'essai, qui duretrois mois au plus (art. 20 al. 1 LPAC), de lapériode probatoire, qui est enprincipe de trois ans (art. 45 al. 1 let. a RLPAC). Selon l'art. 6 LPAC, estun employé le membre du personnel régulier qui accomplit une périodeprobatoire. Est fonctionnaire lemembre du personnel régulier nommé pour unepériode indéterminée après avoir accompli, comme employé, un périodeprobatoire au cours de laquelle il a donné satisfaction (art. 5 LPAC et 45al. 1 let. a RLPAC). Pendant le temps d'essai et la période probatoire,chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service en respectant ledélai de résiliation; l'employé est entendu par l'autorité compétente et peutdemander que le motif de résiliation lui soit communiqué (art. 21 al. 1LPAC). Il faut, par contre, un motif objectivement fondé pour mettre fin auxrapports de service du fonctionnaire (art. 21 al. 2 let. b LPAC). Sous letitre "Recours contre une décision de résiliation des rapports de service",l'art. 31 LPAC prévoit:"1 Peut recourir au Tribunal administratif pour violation de la loi toutmembre du personnel dont les rapports de service ont été résiliés. 2 Si le tribunal retient que la résiliation des rapports de service estcontraire au droit, il peut proposer à l'autorité compétente laréintégration. 3 En cas de décision négative de l'autorité compétente concernant unfonctionnaire, le tribunal fixe une indemnité dont le montant ne peut êtreinférieur à 1 mois et supérieur à 24 mois du dernier traitement brut àl'exclusion de tout autre élément de rémunération."Le droit cantonal confère donc aux employés et fonctionnaires de l'Etat lafaculté de contester la résiliation de leurs rapports de service auprès duTribunal administratif. Si cette instance constate que le licenciement estcontraire au droit, il peut proposer la réintégration du collaborateurconcerné. Si l'autorité compétente la refuse, aucune indemnité n'est due àl'employé licencié illégalement, alors que le fonctionnaire placé dans lamême situation y a droit - différence voulue par le législateur: cf. Mémorialdes séances du Grand Conseil, 53e législature, 1996, no 43/VI, ad. art. 30 p.6363 -. Il ressort du texte légal, d'une part, que le Tribunal administratifpeut renoncer à proposer la réintégration, d'autre part, que l'autoritécompétente n'est pas tenue d'y procéder. Dans les deux hypothèses, l'employéde l'Etat, s'il a certes obtenu la reconnaissance du caractère infondé de sonlicenciement - satisfaction toute symbolique -, est dépourvu de tout moyend'obtenir réparation. Cette réglementation est insatisfaisante dans la mesureoù le défaut de conséquence économique d'un licenciement contraire au droitvide le recours au Tribunal administratif d'une part significative de sonsens et le comportement illégal de l'Etat n'est pas sanctionné. En l'espèce, l'autorité intimée a jugé que le licenciement de la recouranteétait arbitraire. Il ne ressort toutefois pas du dossier que la recouranteait perçu son salaire au-delà de l'échéance du délai de résiliation desrapports de service. En fait, il a suffi que l'Office du personnel refuselaconiquement la réintégration de la recourante, sans même indiquer, parexemple, s'il avait tenté de trouver un autre poste correspondant auxcapacités de l'intéressée, pour que le licenciement arbitraire soit dépourvude toute réparation pour la recourante et de toute sanction pour l'Etat. Untel résultat, qui heurte de manière choquante le sentiment de la justice etde l'équité, doit être qualifié d'arbitraire et l'art. 31 al. 3 LPAC, en tantqu'il dénie aux employés de l'Etat tout droit à une réparation, doit êtreconsidéré comme inconstitutionnel. 2.4 En principe, lors d'un contrôle concret, le juge constitutionnel ne peutappliquer une loi qu'il a reconnue comme non conforme à la Constitution etdoit ainsi annuler la décision attaquée (ATF 116 V 198 consid. II/3a p. 212;112 Ia 311 consid. 2c p. 313). Il peut cependant, dans certains cas,constater l'inconstitutionnalité de la décision entreprise mais renoncer àl'annuler et rejeter le recours, le cas échéant dans le sens des considérants(ATF 110 Ia 7 consid. 6 p. 26/27 s'agissant d'un contrôle abstrait; ZBl88/1987 p. 306 consid. 5 p. 313/314 et 87/1986 p. 482 consid. 2c p.485/486s'agissant d'un contrôle concret). Une telle décision est usuellement nommée"Appellentscheid" (décision incitative), car elle comporte un appel plus oumoins précis et directif à l'égard du législateur afin qu'il élabore uneréglementation conforme à la Constitution (Walter Kälin, Das Verfahren derstaatsrechtlichen Beschwerde, Berne 1994, 2e éd., p. 403). Une décisionincitative a ainsi pour conséquence, d'une part, de maintenir une décisionviciée et de débouter un recourant qui obtient gain de cause et, d'autrepart, de légitimer les autorités à continuer à appliquer, au moinstemporairement, une norme reconnue comme n'étant pas conforme à laConstitution jusqu'à ce que le législateur adopte une nouvelle réglementation(cf. Andreas Auer, L'effet des décisions d'inconstitutionnalité du Tribunalfédéral, in PJA 5/92 p. 559 ss, n. 23, p.564). Une décision incitative nepeut-elle être admise qu'exceptionnellement et pour de justes motifs (ATF 112Ia 311 consid. 2c p. 313; RDAF 1998 2 148 consid. 3b/aa p. 153/154).L'abandon de la norme jugée inconstitutionnelle ne devrait, ainsi, passeulement entraîner un manque relativement insignifiant, mais un véritablevide juridique (cf. ATF 123 I 56 consid. 3c p. 61). Il faut, en outre, d'unepart, que l'intéressé ou la collectivité risque de subir un préjudiceexcessif car, par exemple, toute une réglementation serait bouleversée, unetâche publique importante ne pourrait provisoirement plus être accomplie - dumoins plus de façon satisfaisante - ou une règle antérieure égalementinconstitutionnelle serait remise en vigueur, en raison de l'annulation de lanorme en cause. Il faut, d'autre part, que le juge ne puisse pas, dans lecadre de ses compétences, remplacer la norme défectueuse par uneréglementation particulière valable jusqu'à ce que le législateur ait agi(arrêt non publié 2P.106/2003 du 23 décembre 2003 consid. 3.2).2.5 Dans le cas particulier, les conditions au prononcé d'une décisionincitative ne sont pas remplies. L'annulation de l'arrêt entreprisn'entraînerait pas de vide juridique important et ne bouleverserait pasl'application de la loi relative au personnel de l'administration cantonale;il n'empêcherait pas l'accomplissement des tâches publiques que cette loiréglemente. En outre, le Tribunal administratif pourrait aisément, dans lecadre de ses compétences, faire de l'art. 31 al. 3 LPAC une applicationconforme à la Constitution en allouant à la recourante une indemnité pourlicenciement non conforme au droit, comme la loi le prévoit pour lesfonctionnaires. A cet égard, le principe de l'égalité de traitement necommande pas que le montant de l'indemnité soit identique. En effet, la loirelative au personnel de l'administration cantonale distingue clairement lesemployés et les fonctionnaires, dont le statut est différent. Il n'y a doncpas violation du principe de l'égalité dans le fait de traiter différemmentdeux catégories de collaborateurs présentant des caractéristiquesdifférentes.
Bien que l'art. 336a CO ne soit pas directement applicable enl'espèce, en vertu de l'art. 342 al. 1 let. a CO - de ce point de vue, legrief du recourant tiré d'une violation du principe de la primauté du droitfédéral est infondé -, le Tribunal administratif pourrait s'inspirer de laréglementation qu'il contient, globalement moins favorable que celle réservéeaux fonctionnaires genevois, pour régler la situation des employésillégalement licenciés et non réintégrés. Finalement, dans le cas d'espèce,le Tribunal administratif, en fixant le montant de l'indemnité, devra tenircompte du fait que la recourante a ou non touché son salaire au-delà du 30juin 2005, date de la fin des rapports de service. 3.Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il estrecevable et l'arrêt entrepris annulé. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). Le canton deGenève doit verser à la recourante une indemnité pour ses dépens (art. 159al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêtduTribunal administratif du canton de Genève du 30 mai 2006 est annulé. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 2'000fr. àtitre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, àl'Office du personnel et au Tribunal administratif du canton de Genève. Lausanne, le 28 novembre 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.181/2006
Date de la décision : 28/11/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-28;2p.181.2006 ?
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