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27/11/2006 | SUISSE | N°2A.202/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 novembre 2006, 2A.202/2006


{T 0/2}2A.202/2006 /svc Arrêt du 27 novembre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président, Wurzburgeret Yersin.Greffier: M. Vianin. Administration fédérale des contributions,Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), 3003 Berne,recourante, contre X.________ SA, en liquidation,c/o Me Doris Leuenberger, avocate,intimée, Commission fédérale de recours en matière de contributions, avenue Tissot 8,1006 Lausanne. taxe sur la valeur ajoutée; déduction de l'impôt préalable, recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéra

lede recours en matière de contributions du 20 mars 2006. Faits...

{T 0/2}2A.202/2006 /svc Arrêt du 27 novembre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président, Wurzburgeret Yersin.Greffier: M. Vianin. Administration fédérale des contributions,Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), 3003 Berne,recourante, contre X.________ SA, en liquidation,c/o Me Doris Leuenberger, avocate,intimée, Commission fédérale de recours en matière de contributions, avenue Tissot 8,1006 Lausanne. taxe sur la valeur ajoutée; déduction de l'impôt préalable, recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéralede recours en matière de contributions du 20 mars 2006. Faits: A.La société X.________ SA, en liquidation (ci-après: la Société ou l'intimée),société anonyme sise à A.________, a été immatriculée dans le registre desassujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: TVA) du 1erjanvier1995 au 30 septembre 2002. Sa faillite a été prononcée par jugement du 19juin 2006. Selon l'inscription au registre du commerce, son but était:"achat, vente, exploitation d'un ou plusieurs avions d'affaires" et soncapital social, entièrement libéré, se montait à 1'250'000 fr.La société B.________ Inc., sise au Panama jusqu'au 4 mai 2001 (date àlaquelle elle a transféré son siège à A.________, sa nouvelle raison socialeétant B.________ SA), était propriétaire d'un avion de type Y.________. Dansle but de faire effectuer des travaux sur cet appareil, B.________ Inc.,agissant par son gérant C.________, s'est adressée à la société D.________SA), société anonyme sise à E.________, active dans le domaine aéronautiqueet immatriculée dans le registre des assujettis à la TVA. Un protocoled'accord non daté a été établi. Selon ce document, D.________ SA s'engageaità effectuer des travaux de maintenance et de mise en conformité aux normessuisses de l'avion précité, consistant notamment à changer les moteurs et àmodifier l'avionique. Les deux anciens moteurs étaient repris par D.________SA pour le prix de 225'000 US $ (ch. VII du protocole d'accord). Les travauxdevaient débuter le 14 décembre 1998 et la livraison intervenir au plus tardle 23 mars 1999 (ch. IX). Le prix total des travaux était fixé à 3'955'000 US$; à ce montant s'ajouterait le prix des travaux supplémentaires qui seraientdécouverts en effectuant ceux compris dans le forfait, pour autant queB.________ Inc. ait donné son accord à leur exécution (ch. VI). B.________Inc. devait verser un acompte de 755'000 US $ le 1erjuillet 1998, puis unacompte de 1'600'000 US $ lors du début des travaux et enfin le solde de1'375'000 US $ (soit le prix total diminué des acomptes précités et dumontant de la reprise des moteurs) lors de la livraison (ch. VIII).Finalement, les parties convenaient qu'un éventuel litige "pourrait êtresoumis" à la juridiction genevoise (ch. XI).Le 15 janvier 1999, la Société et B.________ Inc. ont passé une "conventionrelative à la mise à disposition d'un avion", portant sur l'appareil de typeY.________, qui se trouvait alors dans les ateliers de D.________ SA, pour ysubir les travaux précités. La convention était conclue pour une durée de 5ans (le contrat étant reconductible, art. 7 de la convention). B.________Inc. cédait l'usage exclusif de l'avion - dont elle demeurait propriétaire -à la Société, qui l'exploiterait pour son propre compte. L'avion devait êtreimmatriculé en Suisse et basé à l'aéroport de Z.________ (art. 4). Encontrepartie de la cession de l'usage de l'avion, la Société consentait un"investissement initial" de 6'500'000 US $ (TVA incluse), correspondant "à laprise en charge des factures de D.________ SA pour la transformation del'avion" (art.2 et 9). Cet investissement devait être amorti pendant ladurée de 5ans; par conséquent, pour le cas où la Société devrait êtredurablement et indûment privée de l'usage de l'avion, B.________ Inc.s'engageait à lui verser une indemnité correspondant à l'investissementinitial réduit de manière linéaire en fonction de la durée pendant laquellela Société avait pu user de l'appareil (art. 9). Par ailleurs, pendant toutela durée du contrat, la Société devait, à ses frais, entreprendre toutesdémarches et faire exécuter tous travaux nécessaires pour que l'avionconserve les autorisations délivrées par les autorités compétentes (art. 2).Finalement, la modification du contrat était soumise à la forme écrite (art.10). La convention était régie par le droit suisse et les tribunaux genevoisétaient seuls compétents pour connaître d'un litige éventuel (art. 11).Le 15 janvier 1999 également, la Société a passé une convention avecC.________ ainsi que son épouse ou leurs ayants droit. Selon le préambule,C.________ avait approché les actionnaires qui avaient repris la Société enleur offrant d'acquérir un paquet d'actions représentant au moins 20% ducapital. Il leur avait proposé de faciliter l'exploitation de l'avion demarque Y.________ par la Société qui n'avait pas les moyens de financer lestravaux de maintenance et de mise en conformité aux normes suisses dont ilfaisait l'objet. Dans ce but, il s'engageait à financer les travaux enquestion, en mettant à la disposition de la Société la somme de 6'500'000 US$. Cette somme serait créditée sur un compte courant d'associé au nom duprénommé; la créance ne devait pas porter intérêts (art. 6 de la convention).En contrepartie, la Société s'engageait à fournir à C.________, pendant ladurée du contrat, soit durant 8 ans, les services d'un avion taxi pour sesdéplacements internationaux, en lui accordant un droit d'usage prioritaire del'avion, jusqu'à concurrence de 120 "heures block" par année (art. 1 et 8).Dans les limites de ce forfait, la Société prenait à sa charge la plus grandepartie des frais d'exploitation de l'avion (art. 2 et 4). A la fin de chaqueannée, la Société établirait une facture d'un montant - indexable - de600'000 fr., qui serait débité du compte courant de C.________. Finalement,cette convention était régie par le droit suisse et les tribunaux genevoisétaient seuls compétents pour connaître d'un litige éventuel (art. 10).Des montants de 755'000 US $, valeur le 2 juillet 1998, et de 1'600'000 US $,valeur le 24 décembre 1998, ont été virés sur un compte bancaire deD.________ SA, sommes correspondant aux acomptes du prix des travaux. Lesecond avis de crédit indique que le virement a été effectué sur ordre deB.________ Inc. Sur le premier figure l'indication manuscrite "B.________",dont l'auteur est vraisemblablement D.________ SA.Des virements de 610'000 US $, valeur le 10 mars 1999, 1'300'000US$, valeurle 10 mai 1999, 500'000 US $, valeur le 28juillet 1999 et 1'350'000 US $,valeur le 2 novembre 1999, ont été effectués en faveur de D.________ SA. Lesavis de crédit indiquent qu'il s'agit d'une "avance sur les travaux commandéspar X.________" ou d'une "avance en faveur de X.________ SA" (10 mai 1999);celui du 2 novembre 1999 mentionne comme motif du paiement "X.________ S.A.,solde factures". L'avis du 10 mai 1999 indique en plus que le donneur d'ordreest B.________ Inc.La somme des montants virés était ainsi de 6'115'000 US $ (755'000 1'600'000+ 610'000 + 1'300'000 + 500'000 + 1'350'000).Les 21, 22 juillet et 22 octobre 1999, D.________ SA a adressé à la Sociététrois factures et une note de crédit pour un montant total (arrondi) de6'340'000 US $, TVA incluse. Selon D.________ SA, les factures ont étéacquittées par B.________ Inc. Le montant de 6'340'000 US $, diminué du prixde reprise des anciens moteurs (225'000 US $), correspond à la somme desvirements énumérés ci-dessus (6'340'000 ./. 225'000 = 6'115'000).La Société a mis en compte à titre d'impôt préalable déductible la TVAfacturée par D.________ SA.A partir de la fin de l'année 2000, la Société a connu des difficultésfinancières qui l'ont empêchée de poursuivre ses activités. B.________Inc. arésilié la convention du 15 janvier 1999. La convention conclue entre laSociété et C.________ a également été dénoncée de manière anticipée. Ayantperdu l'usage de l'avion Y.________ ainsi que de l'autre appareil exploitépar elle, la Société a cessé toute activité commerciale en janvier 2001. Ellea renoncé à faire valoir des prétentions à l'égard de B.________ Inc.,C.________ faisant de même à son encontre. B.Dans le courant des mois de septembre et octobre 2002, l'Administrationfédérale a procédé auprès de la Société à un contrôle portant sur lespériodes fiscales allant du 1er trimestre 1997 au 4èmetrimestre 2000. Auterme de ce contrôle, elle a établi le décompte complémentaire no 221719,d'un montant de 678'481 fr. plus intérêts. Pour l'essentiel, la repriseprovenait de ce que l'Administration fédérale n'avait pas admis en déductionl'impôt facturé par D.________ SA pour les prestations de maintenance et demise en conformité aux normes suisses de l'avion Y.________. L'Administrationfédérale a estimé, en effet, que les prestations en cause avaient été enréalité fournies non pas à la Société, mais à B.________ Inc.Le décompte complémentaire a été confirmé par décision du 21 août 2003 et pardécision sur réclamation du 14 décembre 2004.Cette dernière décision a été déférée à la Commission fédérale de recours enmatière de contributions (ci-après: la Commission de recours). La Société aexposé que la convention qu'elle avait conclue le 15 janvier 1999 avecB.________ Inc. constituait non pas un contrat de bail, mais un contrat deprêt à usage (art. 305 ss CO), l'usage de l'avion Y.________ ayant été cédé àtitre gratuit. Le fait que la Société avait pris à sa charge les coûts de lamise en conformité aux normes suisses de l'avion Y.________ ne changeait rienau caractère gratuit de la mise à disposition de l'appareil, car ils'agissait de frais nécessaires à l'usage convenu de la chose prêtée. Parailleurs, en s'engageant à assumer ces frais, la Société reprenait le contratconclu entre B.________ Inc. et D.________ SA. Cette dernière avait manifestéson accord à la reprise du contrat en adressant les factures des travaux à laSociété. Dès lors, la Société était bien la destinataire des prestations deD.________ SA et pouvait déduire l'impôt préalable facturé par cettedernière. Le fait que les travaux avaient été payés par un tiers, à savoirB.________ Inc., pour le compte de la Société, n'y changeait rien.Par décision du 20 mars 2006, la Commission de recours a admis le recours etrenvoyé la cause à l'Administration fédérale pour qu'elle statue à nouveaudans le sens des considérants. Elle a estimé que l'analyse des rapports dedroit civil ne permettait guère de résoudre la question de savoir qui étaitmatériellement le destinataire des prestations facturées par D.________ SA àla Société. En revanche, sous l'angle économique, il était clair que laSociété avait bénéficié, tout comme B.________ Inc., des prestations enquestion. Dès lors, la situation matérielle, appréciée sous l'angleéconomique, se trouvait en accord avec les aspects formels (facturation), desorte que la Société était en principe en droit de déduire à titre d'impôtpréalable la TVA facturée. Toutefois, les factures en question, qui étaientétablies en monnaie étrangère, n'indiquaient pas le montant de l'impôt enfrancs suisses, comme le prescrivaient les Instructions 1997 à l'usage desassujettis TVA. Comme il s'agissait d'un vice réparable, l'assujetti ayant lapossibilité de régulariser la situation en se faisant délivrer un formulairepar le prestataire, le dossier devait être retourné à l'Administrationfédérale pour qu'elle permette à la Société de procéder de la sorte et rendeensuite une nouvelle décision dans le sens des considérants. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Administrationfédérale demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,d'annuler cette décision et de confirmer la décision sur réclamation du 14décembre 2004. Elle dénonce une violation de l'art. 29 OTVA.La Commission de recours a renoncé à déposer des observations. L'intimée n'apas fait usage de la faculté qui lui a été accordée de se déterminer. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Le prononcé par lequel une autorité renvoie la cause à l'autoritéinférieure pour qu'elle rende une nouvelle décision constitue en principe unedécision incidente. Il s'agit en effet d'une simple étape avant la décisionfinale qui doit mettre un terme à la procédure. Une décision de renvoi revêten revanche le caractère d'une décision finale si elle tranche une questionde principe de manière à lier l'autorité inférieure (ATF 129 I 313 consid.3.2; 118 Ib 196 consid. 1b). Tel est bien le cas en l'espèce, dans la mesureoù l'autorité intimée a jugé que l'intimée était la destinataire desprestations fournies par D.________ SA et qu'elle était en droit - à lacondition que le vice de forme affectant les factures soit réparé - dedéduire à titre d'impôt préalable la TVA facturée par cette dernière. 1.2 Dirigé contre une décision finale qui a été prise par une commissionfédérale de recours (art. 98 lettre e OJ) et qui est fondée sur le droitpublic fédéral, le présent recours, qui a été déposé en temps utile et dansles formes prescrites par la loi, est recevable en vertu des art. 97 ss OJainsi que des art. 54 al. 1 OTVA et 66 al. 1 de la loi fédérale du 2septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (loi sur la TVA, LTVA,entrée en vigueur le 1er janvier 2001; RS 641.20).En vertu des art. 54 al. 2 OTVA et 66 al. 2 LTVA, l'Administration fédérale aqualité pour recourir (art. 103 lettre b OJ). 2.L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le1er janvier 1995, a été remplacée par la loi fédérale du même nom, du 2septembre 1999, entrée en vigueur le 1erjanvier 2001. Selon l'art.93 al. 1LTVA, les dispositions abrogées et leurs dispositions d'exécution restentapplicables, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, à tous lesfaits et rapports juridiques ayant pris naissance au cours de leur durée devalidité. L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée s'applique dèslors au présent litige, qui porte sur les périodes fiscales allant du 1ertrimestre 1997 au 4èmetrimestre 2000. 3.3.1L'art. 29 OTVA énonce les conditions générales de la déduction de l'impôtpréalable. A son alinéa 1er, il dispose que, si l'assujetti utilise des biensou des prestations de services pour l'un des buts indiqués au 2ème alinéa(parmi ceux-ci figurent les livraisons et les prestations de servicesimposables), il peut déduire, dans son décompte, notamment les montantsd'impôt préalable que d'autres assujettis lui ont facturés, conformément àl'art. 28, pour des livraisons et des prestations de services.Intitulé «Facturation et transfert de l'impôt», l'art. 28 OTVA dispose quel'assujetti qui effectue une livraison ou une prestation de services doit,lorsque le destinataire de la prestation assujetti à l'impôt le lui demande,établir une facture comportant les indications énumérées àl'al. 1.L'ordonnance ne précise pas qui est le destinataire de l'opération(prestation de services ou livraison de bien), au sens de l'art.28OTVA. 3.2 Selon
la doctrine, le destinataire de la prestation se déterminegénéralement d'après les règles contractuelles qui régissent l'opération.C'est donc en principe la personne qui s'est fait promettre la prestation(Rivier/Rochat Pauchard, Droit fiscal suisse, La taxe sur la valeur ajoutée,Fribourg 2000, p. 88; Daniel Riedo, Vom Wesen der Mehrwertsteuer alsallgemeine Verbrauchsteuer und von den entsprechenden Wirkungen auf dasschweizerische Recht, th. Zurich, Berne 1999, p. 253; Ivo P. Baumgartner, in:Kompetenzzentrum MWST der Treuhand-Kammer [édit.], mwst.com, Kommentar zumBundesgesetz über die Mehrwertsteuer, Bâle/Genève/Munich 2000, n.15 ad art.38). Riedo précise toutefois que le droit de déduire l'impôt préalable nedépend pas des formes de droit civil choisies par les parties, maisappartient au destinataire de la prestation qui supporte l'impôt préalablegrevant celle-ci (critère matériel). Le but de la déduction de l'impôtpréalable est en effet de permettre au destinataire de la prestation, quil'utilise pour effectuer des opérations imposables, de dégrever celles-ci dela charge préalable (principe de la neutralité de l'impôt; Riedo, loc. cit.).Selon Baumgartner, en revanche, la détermination du destinataire ne peut sefaire à l'aide de critères purement économiques, au vu de l'importance querevêt en droit de la TVA la manière dont les agents économiques apparaissentvers l'extérieur (cf. également Rivier/Rochat Pauchard, op. cit., p. 125: "leprestataire comme le destinataire de la prestation se déterminent sur la basedes rapports externes"). Au demeurant, il n'importe pas de savoir quieffectue la contre-prestation: ce peut être le destinataire de la prestationou un tiers qui le fait à sa place (Baumgartner, loc. cit.).Si la prestation que s'est fait promettre le destinataire entre finalementdans le patrimoine d'un tiers, qui en est le bénéficiaire, c'est le (premier)destinataire qui a le droit de déduire l'impôt préalable (Rivier/RochatPauchard et Baumgartner, loc. cit., qui se réfèrent à la doctrine allemande).Selon Riedo, au contraire, lorsqu'un tiers se fait promettre une prestationen son propre nom, mais pour le compte du (véritable) destinataire, qui paiela facture et utilise la prestation dans un but donnant droit à la déduction,c'est ce dernier qui peut déduire l'impôt préalable, même s'il n'est paspartie au contrat conclu avec le prestataire (loc. cit.). 4.4.1La recourante reproche à l'autorité intimée d'avoir apprécié les faits dela cause sous l'angle purement économique, alors que, selon la jurisprudence,il n'y a lieu de s'écarter des formes de droit civil choisies par les partiesqu'en présence d'une évasion fiscale. En s'en tenant aux formes choisies parles parties, la recourante relève que les prestations de maintenance et demise en conformité aux normes suisses de l'avion de type Y.________ ont étéeffectuées sur la base d'un protocole d'accord conclu entre B.________ Inc.et D.________SA. C'est B.________ Inc. également qui a effectué lacontre-prestation et versé les 6'115'000 US $, en agissant pour son proprecompte - puisqu'il s'agissait de l'exécution d'une de ses obligationscontractuelles - et non pour le compte de l'intimée. Au demeurant, larecourante relève qu'il n'existait aucune relation contractuelle entrel'intimée et D.________ SA. L'intimée était en revanche liée àB.________Inc., avec laquelle elle avait conclu un contrat de bail portantsur l'avion de marque Y.________, contre le versement de 6'500'000 US $. Del'avis de la recourante, l'intimée, utilisant à cet effet les fonds mis àdisposition par C.________, a effectivement versé ce montant à B.________Inc., et ce avant l'émission des factures qui lui ont été adressées parD.________ SA. Le versement de 6'500'000 US $ constitue ainsi lacontre-prestation de la location de l'avion et non celle des prestationsfournies par D.________ SA. L'intimée n'était pas la destinataire de cesdernières prestations, dont elle n'a pas payé le prix. La recourante enconclut que les factures qui lui ont été adressées par D.________ SA sontcertes formellement valables - sous réserve de l'indication du montant del'impôt en francs suisses -, mais ne correspondent pas à la situationmatérielle, dans la mesure où la destinataire des prestations fournies parcette société était B.________Inc. et non l'intimée. Elles auraient étéétablies dans le but de permettre à l'intimée de déduire l'impôt préalable,ce à quoi le véritable destinataire des prestations en question, B.________Inc., ne pouvait prétendre en l'absence d'assujettissement à la TVA. Lacondition matérielle que l'assujetti ayant mis en compte l'impôt préalable nesoit pas seulement le destinataire des factures, mais aussi celui desopérations concernées faisant défaut, l'intimée ne pourrait bénéficier de ladéduction. 4.2 Sans qu'il soit besoin de la qualifier de manière définitive - ce quisupposerait de déterminer, notamment, le droit qui la régit -, la conventionconclue à une date indéterminée entre B.________ Inc. et D.________ SAs'apparente à un contrat d'entreprise au sens des art.363 ss CO, en vertuduquel la première, propriétaire de l'avion et maître de l'ouvrage, a faitexécuter par la seconde des travaux de mise en conformité aux normes suissesde l'appareil.En ce qui concerne la convention conclue le 15 janvier 1999 entre B.________Inc. et l'intimée, soumise au droit suisse, il n'est pas nécessaire dedéterminer s'il s'agit d'un contrat de bail (art. 253 ss CO) ou de prêt àusage (art. 305 ss CO). Il convient en revanche de relever que, selon lestermes de cette convention, l'intimée s'est engagée à prendre à sa charge lecoût des travaux de maintenance et de mise en conformité aux normes suisseseffectués par D.________SA (art. 2), son "investissement initial" de6'500'000 US $ correspondant à la "prise en charge des factures deD.________SA pour la transformation de l'avion" (art. 9). Ce faisant,l'intimée a repris les obligations de B.________ Inc. à l'égard de D.________SA. Contrairement à ce qu'elle a affirmé dans son recours à l'autoritéintimée, il apparaît en revanche exclu que l'intimée ait pris la place deB.________ Inc. dans le contrat conclu avec D.________ SA (transfert ducontrat): la convention du 15 janvier 1999 ne prévoit nulle part une tellesubstitution. Du reste, un transfert du contrat ultérieur à la conventionaurait nécessité de modifier celle-ci, ce qui ne pouvait se faire qu'en laforme écrite (art. 10). Or, aucun amendement à la convention ne figure audossier et l'on ne saurait par conséquent voir dans le fait que D.________ SAa adressé ses factures à l'intimée un consentement donné par acte concluantau transfert du contrat. Ce comportement de D.________ SA peut tout au plusêtre interprété comme son consentement à la reprise des obligations deB.________Inc. par l'intimée.Les acomptes sur le prix des travaux effectués par D.________ SA ont étéversés - respectivement le 2 juillet et le 24 décembre 1998 - par B.________Inc. Après la conclusion de la convention du 15 janvier 1999, les versementsont été effectués - apparemment - toujours par B.________Inc., mais pour lecompte de l'intimée, ce qui est compréhensible si l'on considère qu'en vertude la convention précitée, l'intimée avait repris les obligations deB.________ Inc. à l'égard de D.________ SA. Quant au fait que B.________ Inc.a continué à effectuer ces versements après cette date, il peut s'expliquerpar les relations qui existaient entre C.________, d'une part, et B.________Inc. ainsi que l'intimée, d'autre part. Par convention du 15 janvier 1999,celui-ci s'était engagé à mettre à la disposition de l'intimée la somme de6'500'000 US $, qui devait lui permettre de payer les travaux de mise enconformité aux normes suisses de l'avion Y.________, conformément àl'engagement qu'elle avait pris le même jour vis-à-vis de B.________ Inc. Or,C.________ n'était pas seulement le gérant de B.________ Inc., mais égalementson principal actionnaire.Ainsi, du point de vue du droit civil, l'intimée n'était pas partie au"contrat d'entreprise" conclu avec D.________ SA, mais elle a par la suiterepris les obligations découlant de son exécution par l'"entrepreneur". Dansces conditions, il n'y a rien d'insolite à ce que D.________ SA ait établises factures au nom de l'intimée.Au demeurant, les prestations de D.________ SA devaient servir principalementà l'intimée, en lui permettant d'exploiter pour son propre compte l'avion àpartir de Z.________, soit d'exercer une activité imposable au titre de laTVA. Il était d'ailleurs prévu que son "investissement initial" consistant àprendre à sa charge les coûts des travaux de mise en conformité aux normessuisses de l'appareil serait amorti pendant la durée (5 ans) du contrat passéavec B.________Inc.Au vu de ce qui précède, l'intimée n'était certes pas le "maître del'ouvrage", qui s'était fait promettre les prestations de D.________ SA. Enrevanche, c'est elle qui devait - principalement - les utiliser, d'ailleurspour exercer une activité soumise à la TVA. C'est elle aussi qui a effectuéla contre-prestation, ou, plus exactement, c'est à elle que lacontre-prestation doit être imputée. Par conséquent, force est d'admettre quel'intimée était la destinataire des opérations en question et que, dans cettemesure, les factures se trouvent en adéquation avec la situation matérielle.Ainsi, l'on doit considérer que la recourante n'a pas établi de manièresuffisante que les factures ne correspondaient pas à la situation matérielle.Il y a par conséquent lieu de s'en tenir aux factures pour déterminer ledroit à la déduction de l'impôt préalable, sans méconnaître le caractèreparticulier du cas d'espèce.La question de savoir si l'intimée était la seule destinataire des opérationsen question, ou si le "maître de l'ouvrage", B.________Inc., avait égalementcette qualité, peut demeurer indécise. En effet, dès le moment où D.________SA a établi ses factures au nom de l'intimée, c'est elle seule qui peutdéduire l'impôt préalable et il n'importe plus de savoir si B.________ Inc.remplissait également la condition matérielle de la déduction. 5.Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Le dossierdoit être retourné à la recourante pour qu'elle donne la possibilité àl'intimée de corriger le vice formel affectant les factures et rende ensuiteune nouvelle décision, conformément à l'arrêt de l'autorité intimée.Succombant, la recourante - dont l'intérêt pécuniaire est en cause - doitsupporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 2, 153 et 153a OJ).L'intimée, qui ne s'est pas déterminée, n'a pas droit à des dépens. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté et la décision de la Commission fédérale de recours enmatière de contributions du 20 mars 2006 est confirmée. 2.Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commissionfédérale de recours en matière de contributions. Lausanne, le 27 novembre 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.202/2006
Date de la décision : 27/11/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-27;2a.202.2006 ?
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