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24/11/2006 | SUISSE | N°1P.441/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 novembre 2006, 1P.441/2006


{T 0/2}1P.441/2006 /col Arrêt du 24 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat, contre B.________,intimé, représenté par Me Miguel Oural, avocat,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de cassation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. procédure pénale; appréciation des preuves, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton deGenève du 15 juin 2006. Faits:

A.Par arrêt du 29 novembre 2005, la Cour correctionnelle avec jury d...

{T 0/2}1P.441/2006 /col Arrêt du 24 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat, contre B.________,intimé, représenté par Me Miguel Oural, avocat,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de cassation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. procédure pénale; appréciation des preuves, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton deGenève du 15 juin 2006. Faits: A.Par arrêt du 29 novembre 2005, la Cour correctionnelle avec jury du canton deGenève a condamné A.________, pour lésions corporelles graves et conduited'un véhicule automobile sous le coup d'un retrait du permis, à 2 ans et 10mois de réclusion. Elle a déclaré cette peine complémentaire à une autre de 2mois d'emprisonnement. Elle a par ailleurs révoqué le sursis assortissantcette peine et un autre assortissant une peine de 3 mois d'emprisonnement. B.La condamnation de l'accusé pour lésions corporelles graves repose, enrésumé, sur les faits suivants.Le 9 février 2004, A.________ s'est rendu en compagnie de C.________,D.________, E.________ et F.________, dans une discothèque de Genève. Aucours de la soirée, ils ont fini une bouteille de whisky entamée le dimancheprécédent et en ont bu une seconde. A un moment donné, une altercation s'estproduite avec un garde du corps, qui était intervenu afin que les prénomméscessent d'importuner une hôtesse, et le directeur de l'établissement,B.________, s'est dirigé vers le groupe pour le calmer. A.________ s'estalors emparé d'un couteau de marque Opinel et a frappé B.________ d'un coupviolent, de bas en haut, en direction du coeur. La lame a perforé la cagethoracique et le ventricule droit du coeur, entraînant une hémorragiemassive. Immédiatement après, A.________ et ses compagnons ont pris la fuiteà bord d'un véhicule, avant d'être interceptés par une patrouille de police.Lors de de l'interpellation, la gendarmerie a constaté que E.________, quiconduisait le véhicule, présentait des signes extérieurs d'ébriété et l'a dèslors soumis à un alcootest, qui a révélé une concentration d'alcool de 1g ?.Selon les déclarations de l'un des gendarmes, confirmées par celles d'untémoin, les passagers de la voiture ne présentaient en revanche pas de signesd'ébriété.La Cour correctionnelle a admis que l'alcool avait joué un rôle dans le gesteimpulsif de A.________ et en a tenu compte dans le cadre de l'art. 63 CP.Elle a en revanche refusé de mettre l'accusé au bénéfice d'une responsabilitérestreinte au sens de l'art. 11 CP et n'a pas ordonné de mesure enapplication de l'art. 44 CP. C.Saisie d'un pourvoi de A.________, la Cour de cassation genevoise l'a rejetépar arrêt du 15 juin 2006. En bref, elle a considéré comme infondés lesgriefs d'arbitraire, de violation du droit d'être entendu, à raison d'unemotivation insuffisante de l'arrêt de première instance quant au refus defaire application de l'art. 44 CP, et de violation de la loi pénale soulevésdevant elle. D.A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral, pourarbitraire dans l'appréciation des preuves et violation de son droit d'êtreentendu. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitantl'assistance judiciaire.L'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable et leMinistère public à son rejet. L'autorité cantonale se réfère à son arrêt. Cesdéterminations ont été communiquées au recourant, qui n'a pas répliqué. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut entrer enmatière que sur les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisammentmotivés dans le recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid.1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p.189). 2.Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, garanti parl'art. 29 al. 2 Cst. Il reproche à l'autorité cantonale d'avoir nié unemotivation insuffisante de l'arrêt de première instance quant au refus defaire application de l'art. 44 CP. 2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. impliquenotamment que le juge motive sa décision de manière à ce que le destinatairede celle-ci puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu et àce que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 129 I 232consid. 3.2 p. 236 et les références citées). Il suffit, pour satisfaire àces exigences, que l'autorité examine les questions décisives pour l'issue dulitige et expose les motifs qui fondent sa décision de manière à ce que ledestinataire de celle-ci puisse en saisir la portée et exercer ses droits derecours à bon escient; elle n'est pas tenue de discuter de façon détailléetous les arguments avancés et n'est pas davantage astreinte à se prononcerséparément sur chacune des conclusions qui lui sont présentées (ATF 130 II530 consid. 4.3 p. 540; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2bp.102). 2.2 Dans la mesure où le recourant allègue que la Cour correctionnelle auraitomis de statuer sur une conclusion qu'il avait prise devant elle, tendant àce qu'il soit mis au bénéfice d'un traitement ambulatoire au sens de l'art.44 ch. 1 CP, son grief revient en réalité à invoquer un déni de justice. Iln'établit toutefois aucunement avoir effectivement pris une conclusion en cesens en première instance. En particulier, il ne se réfère à aucun passage duprocès-verbal de l'audience de la Cour correctionnelle qui en attesterait.Sur ce point, le recours est par conséquent irrecevable, faute de motivationsuffisante (cf. supra, consid. 1). 2.3 Le juge n'est tenu d'envisager une mesure au sens de l'art. 44 CP(internement dans un établissement pour alcooliques ou dans un établissementhospitalier ou traitement ambulatoire) que si les conditions du prononcéd'une telle mesure apparaissent réunies, c'est-à-dire si le délinquant estalcoolique, si l'infraction commise est en rapport avec cet état et si lamesure est nécessaire pour prévenir de nouveaux crimes ou délits.L'arrêt attaqué considère qu'il résulte du raisonnement des premiers jugesque ces derniers ont nié l'existence d'un lien suffisant entre l'infractionet l'alcoolisme du recourant, que, par-là même, ils ont exclu le prononcéd'une mesure, notamment d'un traitement ambulatoire, selon l'art. 44 CP etque leur refus de faire application de cette disposition est ainsisuffisamment motivé.De l'arrêt de première instance, il ressort que les premiers juges ontconsidéré que les mobiles du recourant n'apparaissaient pas clairement, maisqu'on entrevoyait chez lui un large usage de la violence, comme réponse à dessituations non maîtrisées, qui pouvait être mis en partie sur le compte d'unedépendance à l'alcool. Ce raisonnement permettait à tout le moins decomprendre que, selon les premiers juges, l'addiction du recourant à l'alcooln'expliquait que partiellement sa difficulté à se maîtriser, qui étaitprincipalement à l'origine de l'acte reproché, et, partant, que pour euxl'addiction du recourant à l'alcool n'avait joué qu'un rôle limité dans lacommission de l'infraction. Certes, les premiers juges n'ont pas précisé que,par conséquent, ils estimaient que le prononcé d'une mesure au sens de l'art.44 CP ne se justifiait pas. Il pouvait toutefois être déduit sans difficultéde leur raisonnement qu'ils estimaient n'avoir pas de motif d'envisagerl'application de l'art. 44 CP, car ils tenaient pour insuffisant le lienexistant entre l'addiction du recourant à l'alcool et l'acte qui lui étaitreproché. Preuve en est que le recourant, en vue d'obtenir l'application del'art. 44 CP, a contesté dans son pourvoi en cassation et conteste encoredans son recours de droit public le refus d'admettre un rapport suffisammentétroit entre son addiction à l'alcool et l'infraction commise. Au reste, lerecourant apparaît malvenu de reprocher aux premiers juges de ne s'être pasmontrés plus explicites, dans la mesure où il n'est pas établi qu'il auraitréellement plaidé l'application de l'art. 44 CP devant eux, ce qu'il se borneà affirmer, sans le démontrer. Dans ces conditions, l'autorité cantonalepouvait admettre, sans violer le droit d'être entendu du recourant, quel'arrêt de première instance, sur le point litigieux, était suffisammentmotivé. 3.Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. 3.1 De jurisprudence constante, une décision n'est pas arbitraire du seulfait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soitmanifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation maisdans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9,173 consid. 3.1 p. 178). 3.2 Le recourant fait d'abord valoir que c'est arbitrairement que l'autoritécantonale a nié qu'il présentait, au moment des faits, un taux d'alcoolémiede 2,3 g ?, qui eût fait présumer qu'il avait agi en état de responsabilitérestreinte au sens de l'art. 11 CP.De la pièce 143 du dossier, dont se prévaut le recourant, il ressort que,suite à une demande de son mandataire, formulée dans un fax du 20 juillet2004, le juge d'instruction a téléphoné à un inspecteur de la brigadecriminelle pour s'enquérir du résultat d'un test à l'éthylomètre, auquel,selon le fax, aurait été soumis le recourant; après vérification,l'inspecteur a rappelé le juge d'instruction en lui indiquant qu'un testavait bien été effectué, mais par la brigade de la sécurité routière, desorte qu'il ne se trouvait pas en possession de la brigade criminelle;l'inspecteur a cependant précisé que seul le chauffeur de la voiture,E.________, avait été soumis à une prise de sang, dont le résultat avait étéversé à la procédure. Dès lors, contrairement à ce que soutient le recourant,la pièce qu'il invoque ne démontre pas qu'un alcootest aurait effectivementété pratiqué sur lui et qu'il aurait ensuite été égaré. Il n'était du moinspas arbitraire de le nier, d'autant que les pièces 71 ss du dossier tendentau contraire à confirmer qu'un seul alcootest a été effectué, sur leconducteur E.________, et que seul ce dernier, au vu du taux de 1g ? décelé,a été soumis à une prise de sang.Au demeurant, quand bien même un alcootest aurait été pratiqué sur lerecourant, il ne serait pas pour autant établi que ce dernier présentait untaux d'alcoolémie de 2,3 g ?. Rien ne vient étayer l'allégation d'un teltaux. En particulier, rien n'indique que le recourant aurait présenté dessignes extérieurs d'une alcoolémie aussi élevée. A lui seul, le tauxd'alcoolémie n'est en effet pas décisif; il ne fonde qu'une présomption d'unediminution de la responsabilité, laquelle peut être renversée en raisond'indices contraires (ATF 122 IV 49 ss). Or, comme le relève l'arrêt attaquéun taux d'alcoolémie tel qu'allégué se manifeste généralement par le fait quela personne titube, vomit, effectue des mouvements désordonnés ou a de ladifficulté à s'orienter. Aucune manifestation de ce genre n'a toutefois étéconstatée chez le recourant. Après l'agression, ce dernier a été parfaitementà même de prendre la fuite avec ses compagnons, puis, lors de soninterception, de répondre aux questions de la police. Le gendarme qui l'aentendu à cette occasion a d'ailleurs confirmé que le recourant ne titubaitpas, ni ne présentait de signes d' ébriété.Au vu de ce qui précède, il n'était en tout cas pas arbitraire, au sensrappelé ci-dessus (cf. supra, consid. 3.1), de considérer l'allégation d'untaux d'alcoolémie de 2,3 g ? comme non établie. 3.3 Le recourant reproche ensuite à l'autorité cantonale d'avoir niél'existence d'un lien étroit entre son alcoolisme et l'infraction commiseet, surtout, d'avoir considéré arbitrairement qu'une incompatibilité de ladémarche psychothérapeutique en cours avec l'exécution de la peine n'étaitpas établie. 3.3.1 L'autorité cantonale a justifié le refus de prononcer une mesure selonl'art. 44 CP, au motif que le lien, qu'elle n'a en soi pas nié, existantentre l'addiction du recourant à l'alcool et l'infraction commise n'était passuffisamment étroit. Savoir si c'est à tort ou à raison qu'elle a posé lacondition d'un lien étroit entre ces éléments, a nié qu'elle soit réaliséedans le cas d'espèce et, partant, a refusé le prononcé d'une mesure au sensde l'art. 44 CP relève de l'application du droit fédéral (cf. ATF 115 IV 90consid. 3c p. 92; 102 IV 74 consid. 1c p. 76; cf. également arrêt 6S.376/2002consid. 2.4), qui peut être contestée dans un pourvoi en nullité et nesaurait donc être remise en cause dans un recours de droit public (art. 269PPF; art. 84 al. 2 OJ). 3.3.2 De même, relève de l'application du droit fédéral la question de savoirsi un traitement ambulatoire, le cas échéant, est compatible avec l'exécutionde la peine et, partant, s'il se justifie ou non de suspendre l'exécution decelle-ci (cf. ATF 116 IV 101 consid. 1a p. 102; 115 IV 89 consid. 1 p. 87 ss,90 consid. 1d p. 93; 107 IV 20 consid. 4c p. 22/23; 105 IV 87 consid. 2b p.88). Elle ne se fût au demeurant réellement posée que si un traitementambulatoire, respectivement la poursuite du traitement actuellement en cours,avait été ordonné en l'espèce.Le présent grief, qui revient exclusivement à se plaindre d'une violation dudroit fédéral, est par conséquent irrecevable. 4.Le recours de droit public doit ainsi être rejeté dans la mesure où il estrecevable.Comme ses conclusions étaient d'emblée dépourvues de chance de succès,l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 152 al. 2 OJ). Lerecourant, qui succombe, devra donc supporter les frais (art. 156 al. 1 OJ)et une indemnité de dépens sera allouée à l'intimé, à la charge du recourant(art. 159 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant. 4.Une indemnité de dépens de 1800 fr. est allouée à l'intimé, à la charge durecourant. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, auProcureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève. Lausanne, le 24 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.441/2006
Date de la décision : 24/11/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-24;1p.441.2006 ?
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