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17/11/2006 | SUISSE | N°C.192/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 novembre 2006, C.192/05


Cause {T 7}C 192/05 Arrêt du 17 novembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Gehring Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et assurance-chômage,TCRV, Effingerstrasse 31, 3003Berne, recourant, contre B.________, intimée, représentée par Me Bertrand Gygax, avocat, avenue duLéman 30, 1002 Lausanne, Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 3 juin 2005) Faits: A.Fondée en 1996, la société X.________ Sàrl a pour but notammentl'exploitation de magasins de vente d'articles cadeaux, gadgets, vÃ

ªtements etcosmétiques, ainsi que tous produits et articles. Son...

Cause {T 7}C 192/05 Arrêt du 17 novembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Gehring Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et assurance-chômage,TCRV, Effingerstrasse 31, 3003Berne, recourant, contre B.________, intimée, représentée par Me Bertrand Gygax, avocat, avenue duLéman 30, 1002 Lausanne, Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 3 juin 2005) Faits: A.Fondée en 1996, la société X.________ Sàrl a pour but notammentl'exploitation de magasins de vente d'articles cadeaux, gadgets, vêtements etcosmétiques, ainsi que tous produits et articles. Son capital social d'unmontant de 20'000fr. est entièrement libéré et détenu à hauteur de10'000fr. par la société Y.________ SA, de 8'000fr. par la sociétéZ.________ SA et, depuis le 1ermars 1999, de 2'000fr. par F.________,associé gérant au bénéfice de la signature individuelle inscrit au registredu commerce depuis le 8 mars 1999. L'épouse de F.________, B.________, a travaillé en qualité d'assistanteadministrative et commerciale au service de la société X.________ Sàrl depuisle 3 janvier 2003. En proie à d'importantes difficultés économiques, cettedernière a mis un terme à leur collaboration par courrier du 12 février 2004avec effet pour la fin du mois. B.________ s'est alors inscrite auprès del'Office régional de placement de Nyon (ci-après: ORP) en qualité dedemandeur d'emploi et requis le versement d'indemnités de chômage dès le16avril 2004. Par décision du 18 juin 2004 confirmée sur opposition le 1erfévrier 2005, la Caisse cantonale de chômage (ci-après: la caisse) lui adénié le droit à l'indemnité. Se référant à une directive du seco (IC 2003,B33), elle a exposé que les membres du conseil d'administration d'une SA demême que les associés gérants ou les tiers gérants d'une Sàrl ont, de parleur fonction, une position comparable à celle d'un employeur, de sortequ'aussi longtemps qu'ils la conservent, eux-même ou leur conjoint sontexclus d'emblée du cercle des ayants droit à l'indemnité de chômage. B.Par jugement du 3 juin 2005, le Tribunal administratif du canton de Vaud aadmis le recours formé par B.________ contre la décision sur opposition,annulé celle-ci et renvoyé la cause à la caisse pour nouvelle décision ausens des considérants. En bref, les premiers juges ont exposé qu'enreconnaissant un pouvoir décisionnel ex lege non seulement auxadministrateurs d'une SA mais également aux associés gérants d'une Sàrl, ladirective précitée outrepassait la jurisprudence du Tribunal fédéral desassurances à laquelle il y avait lieu de se tenir faute de délégationlégislative. Aussi ont-ils considéré qu'il convenait d'examiner à la lumièredes circonstances concrètes, l'étendue réelle du pouvoir décisionnel que leconjoint de l'intimée exerçait au sein de la société X.________ Sàrl. C.Le Secrétariat d'Etat à l'économie (ci-après: seco) interjette recours dedroit administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation, eninvoquant les mêmes motifs que ceux retenus par la caisse. Sous suite de frais et dépens, B.________ conclut au rejet du recours, aumotif que son époux ne disposait d'aucun pouvoir décisionnel au sein de lasociété. Elle fait valoir qu'en tant qu'associé minoritaire, il agissait surinstructions de ses coassociés dont il était en réalité l'exécutant. Elleajoute que ces derniers l'avaient du reste écarté de la société depuis le 1ermars 2004, se fondant sur les déclarations exprimées en ce sens par sonconjoint dans un courrier daté du 27février 2004. De leur côté, la caisse et l'ORP déclarent s'en remettre à justice. Considérant en droit: 1.Dès lors que l'intimée a retrouvé un emploi à partir du 1er septembre 2004,le litige porte sur son droit éventuel à des indemnités de chômage depuis le16 avril 2004 jusqu'au 31 août 2004. 2.Selon l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômagenotamment s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a) et s'ila subi une perte de travail à prendre en considération (let. b).Selon la jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situationprofessionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnitéde chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, ilcontinue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci demanière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par lebiais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation enmatière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, enparticulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition légale,n'ont pas droit à l'indemnité les personnes qui fixent les décisions queprend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualitéd'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore dedétenteur d'une participation financière à l'entreprise; il en va de même desconjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise.La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dansune position assimilable à celle d'un employeur, quitte définitivementl'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci; en pareil cas, on nesaurait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de mêmequand l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de larésiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société.Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre desindemnités de chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb; SVR 2001 ALV no 14 pp.41-42 consid. 2a; DTA 2000 no 14 p. 70 s. consid. 2). Le fait de subordonner, pour un travailleur jouissant d'une position analogueà celle d'un employeur, le versement des indemnités de chômage à la rupturede tout lien avec la société qui l'employait peut certes paraître rigoureuxselon les circonstances du cas d'espèce. Il ne faut néanmoins pas perdre devue les motifs qui ont présidé à cette exigence. Il s'est agi avant tout depermettre le contrôle de la perte de travail du demandeur d'emploi, qui estune des conditions mises au droit à l'indemnité de chômage (cf. art. 8 al. 1let. b LACI). Or, si un tel contrôle est facilement exécutable s'agissantd'un employé qui perd son travail ne serait-ce que partiellement, il n'en vapas de même des personnes occupant une fonction dirigeante qui, bien queformellement licenciées, poursuivent une activité pour le compte de lasociété dans laquelle elles travaillaient. De par leur position particulière,ces personnes peuvent en effet exercer une influence sur la perte de travailqu'elles subissent, ce qui rend justement leur chômage difficilementcontrôlable (ATF 123 V 239 consid. 7b/bb).En ce sens, la jurisprudence étend l'exclusion du conjoint au droit àl'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, à celui del'indemnité de chômage (cf. arrêt non publié M. du 26 juillet 1999[C123/99]; voir aussi Regina Jäggi, Eingeschränkter Anspruch aufArbeitslosenentschädigung bei arbeitgeberähnlicher Stellung durch analogeAnwendung von Art. 31 Abs. 3 lit. c AVIG, RSAS 2004, p. 9 s.). En effet, lesconjoints peuvent également exercer une influence sur la perte de travailqu'ils subissent, ce qui rend leur chômage difficilement contrôlable. Enoutre, aussi longtemps que cette influence subsiste, il existe unepossibilité de réengagement. Dans ce cas également, il s'agit de ne pasdétourner la réglementation en matière d'indemnité en cas de réduction del'horaire de travail, par le biais d'une disposition sur l'indemnité dechômage. 3.3.1En l'espèce, il est établi que durant la période déterminante, le conjointde l'intimée était l'unique associé gérant de la société inscrit au registredu commerce. 3.2 Selon les dispositions légales régissant l'organisation de la société àresponsabilité limitée, les associés ont non seulement le droit maisl'obligation de participer à la gestion de la société (art. 811 al. 1 CO). Enédictant cette disposition, le législateur est parti du principe que lespersonnes qui détiennent la société doivent également en assumer la direction(Watter, Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II,Bâle/Francfort-sur-le-Main 1994, rem. 2 ad art. 811 CO, p. 1377; von Steiger,Die Gesellschaft mit beschränkter Haftung, in: Zürcher Kommentar, tome 5c,Zurich 1965, rem. 1 ad art.811 CO, p. 439). A ce titre, les associés,respectivement les associés gérants lorsqu'il en a été désigné, occupentcollectivement une position comparable à celle du conseil d'administrationd'une société anonyme (Watter, op. cit., rem. 2 ad art. 811 CO, p.1377; voirégalement arrêts R. du 22 novembre 2002 [C 37/02] et B. du 30 août 2001 [C71/01]). A l'instar des administrateurs d'une SA (ATF 122 V 273 consid. 3),l'époux de l'intimée disposait ex lege du pouvoir de fixer les décisions degestion et de représentation que la société était amenée à prendre notammentcomme employeur ou, à tout le moins, de les influencer considérablement ausens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Cette circonstance permet à elle seuled'exclure le droit aux indemnités de chômage, sans qu'il soit nécessaire dedéterminer plus concrètement les responsabilités que le conjoint de l'intiméeexerçait concrètement au sein de la société (ATF 122 V 273 consid. 3). 3.3 Contrairement à l'avis des premiers juges, la caisse n'avait donc pas àvérifier quels étaient concrètement les pouvoirs du conjoint de l'intimée surles décisions de la société au moment où elle a été licenciée, ni s'il lesavait conservés par la suite. En particulier, il n'y avait pas lieu d'établirsi, comme prétendu par l'intimée, son conjoint avait été écarté de la sociétépar les propriétaires économiques de celle-ci au mois de février 2004, cedont on peut d'ailleurs légitimement douter dès lors qu'il a lui-même signé,le 23 avril 2004, l'attestation d'employeur retournée à la caisse dans lecadre de la demande d'indemnité de son épouse et qu'à ce jour encore, ildemeure inscrit au registre du commerce en qualité d'associé gérant de lasociété. Au demeurant, l'intimée n'a produit aucune pièce établissant leretrait des pouvoirs de gérant attribués à son conjoint (cf. art. 811 al. 1et 2 CO). Par ailleurs, l'argument de l'intimée selon lequel son époux ne disposaitconcrètement d'aucun pouvoir décisionnel en raison de sa participationminoritaire au capital social de la société n'est pas non plus convaincant.Dès lors que les pouvoirs de gestion et de représentation de la sociétéavaient été attribués à son conjoint (art. 811 al.2 CO), celui-ci avait ledroit - de par la loi et donc indépendamment de toute répartition du capitalsocial - d'accomplir au nom de celle-ci tous les actes que pouvait impliquerle but social (art. 718a al. 1 CO en rel. avec l'art. 814 al. 1 CO) etnotamment celui de réengager l'intimée. Il était ainsi en mesure d'influencerla perte de travail subie par cette dernière, rendant son chômagedifficilement contrôlable. Dans cette mesure, l'intimée est exclue du cercledes ayants droit à l'indemnité de chômage. Le jugement entrepris n'est doncpas conforme au droit fédéral et le recours se révèle bien fondé. 4.Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Représentéepar un avocat, l'intimée qui succombe n'a pas droit à des dépens (art. 159OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du 3 juin 2005 du Tribunal administratifdu canton de Vaud est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif ducanton de Vaud, à la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage et àl'Office régional de placement de Nyon. Lucerne, le 17 novembre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.192/05
Date de la décision : 17/11/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-17;c.192.05 ?
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