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16/11/2006 | SUISSE | N°2P.337/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 novembre 2006, 2P.337/2005


{T 1/2}2P.337/2005 /ajp Arrêt du 16 novembre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.Greffier: M. Vianin. Municipalité de Morges, 1110 Morges,recourante, représentée par Me Alain Thévenaz, avocat, contre Karl Steiner SA, rue de Lyon 87, 1211 Genève 13,intimée, représentée par Me Philippe Reymond, avocat, Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014Lausanne, Département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud,1014 Lausanne. Autonomie communale; art. 9 Cst. (co

ntribution compensatoire pour places deparc), recours de droit...

{T 1/2}2P.337/2005 /ajp Arrêt du 16 novembre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.Greffier: M. Vianin. Municipalité de Morges, 1110 Morges,recourante, représentée par Me Alain Thévenaz, avocat, contre Karl Steiner SA, rue de Lyon 87, 1211 Genève 13,intimée, représentée par Me Philippe Reymond, avocat, Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014Lausanne, Département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud,1014 Lausanne. Autonomie communale; art. 9 Cst. (contribution compensatoire pour places deparc), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deVaud du 26 octobre 2005. Faits: A.La société Karl Steiner SA (ci-après: la Société ou l'intimée), a mis àl'enquête, du 25 avril au 14 mai 2003, une demande d'autorisation préalabled'implantation pour un bâtiment administratif avec garage souterrain de 121places (bâtiment A, seconde étape du projet) et une demande de permis deconstruire un bâtiment administratif avec garage souterrain de 140 places(bâtiment B, première étape). Les deux bâtiments devaient être construits surla même parcelle sise sur le territoire de la commune de Morges. Le nombre des places de parc prévues dans ce projet a fait l'objet denombreuses correspondances et discussions entre la municipalité de Morges(ci-après: la Municipalité ou la recourante), les services de l'Etat de Vaudainsi que les chefs des départements cantonaux concernés. Les autorisations et préavis des services cantonaux ont été réunis dansplusieurs synthèses successives établies par la Centrale des autorisationsCAMAC. Dans les deux premières synthèses, des 10 et 11 septembre 2003, le Service del'environnement et de l'énergie du canton de Vaud (SEVEN) a émis - encoordination avec le Service des transports - un préavis favorable sousréserve du redimensionnement de l'offre de stationnement. Il a relevé que,dans un périmètre où les valeurs d'immissions d'oxyde d'azote sont prochesdes valeurs limites de l'ordonnance fédérale du 16 décembre 1985 sur laprotection de l'air (RS814.318.142.1; OPair), il n'était pas possibled'appliquer le haut de la fourchette prévue par la norme VSS 640 290 (normede l'Union suisse des professionnels de la route) pour les zones de niveau Dquant à la qualité de la desserte en transports publics et qu'il fallaitappliquer une réduction de 30% du besoin-limite en places de stationnement.Cela avait pour conséquence de limiter le nombre des places constructibles à215 au maximum (total pour les deux étapes du projet). Dans deux nouvelles synthèses, des 17 et 20 octobre 2003, le Service del'aménagement du territoire du canton de Vaud (SAT) a admis la constructionde la totalité des places de stationnement prévues pour la première étape duprojet (bâtiment B), soit 140, tout en maintenant la limite de 215 placespour l'ensemble. Par décisions respectivement du 10 et du 24 novembre 2003, la Municipalité adélivré le permis de construire (bâtiment B) et le permis d'implantation(bâtiment A), en levant du même coup les oppositions formées à l'encontre duprojet en question. S'agissant du nombre de places de stationnement, ladécision du 10 novembre 2003 mentionnait ce qui suit (celle du 24 novembre2003 était en substance identique):"Pour l'heure, une calculation sommaire du nombre de places de stationnementest établie ci-dessous sur la base de votre projet. Elle tient compte de lavariante la plus probable, à savoir celle d'une affectation unique 'Activitésde service - bureaux'. Pour cette affectation, le Règlement sur le plan d'affectation de la ville deMorges (RPA 90) requiertPour information, projet A: 235 places de stationnement au lieu des 121places projetées soit un manque de 114 placesProjet B: 247 places de stationnement au lieu des 140 places projetées soitun manque de 107 places.L'application du plan des mesures OPair tendrait à limiter ces exigences demoitié (241 places pour l'ensemble au lieu des 482 places requises). Mais ilsemble que les conditions cadres (localisation du projet, desserte destransports publics, etc.) ne sont que partiellement remplies, de même que lesaffectations ne bénéficiant pas de la mixité (habitat-emploi) prévue. La Municipalité se détermine comme suit: elle admet que le propriétaire estdans l'impossibilité de construire sur son propre fonds une partie des placesde stationnement imposées, elle l'en dispense moyennant versement d'unecontribution s'élevant à CHF 4'000.00 par place; soitPour information, projet A un montant de CHF 456'000.00Projet B: un montant de CHF 428'000.Cette somme est exigible lors de la délivrance du permis d'habiter oud'utiliser. Ces montants pourront être révisés, d'une part, en fonction desaffectations définitives et, d'autre part, en fonction des placeseffectivement réalisées." B.Les décisions du 10 et du 24 novembre 2003 ont fait l'objet de plusieursrecours au Tribunal administratif du canton de Vaud. En premier lieu, des propriétaires d'immeubles situés à proximité immédiatedes bâtiments projetés ont interjeté recours à l'encontre des deux décisions. Le Département des infrastructures du canton de Vaud a fait de mêmes'agissant de la seule décision du 24 novembre 2003. Ce recours a été retirépar courrier du 16 septembre 2004. Enfin, la Société a recouru contre les deux décisions en tant qu'ellesfixaient, en relation avec la perception des contributions compensatoires, unnombre de places de stationnement requises différent de celui qui étaitautorisé par les services cantonaux compétents. Le 11 mai 2004, la Centrale des autorisations CAMAC a établi une nouvellesynthèse à la suite d'une réunion des représentants de la Municipalité, de laSociété et des services cantonaux. Dans celle-ci, le Service del'environnement et de l'énergie déclare admettre la construction de 140places de stationnement pour la première étape du projet (bâtiment B) et de121 places pour la seconde étape (bâtiment A), "pour autant que des mesuresd'accompagnement soient prises, c'est-à-dire un plan de mobilité à soumettreau Service de la mobilité et une réduction des émissions liées au chauffage".La position du Service de l'aménagement du territoire demeure en revanchecelle mentionnée dans les synthèses des 17 et 20 octobre 2003 (limitation à215 places au total). C.Par arrêt du 6 octobre 2004, le Tribunal administratif a rejeté les recoursdes propriétaires et confirmé les décisions d'octroi du permis de construireou d'implantation des 10 et 24 novembre 2003. Cette décision est entrée enforce. Par arrêt du 26 octobre 2005, le Tribunal administratif a admis le recours dela Société et annulé les décisions précitées en tant qu'elles portent sur laperception d'une contribution compensatoire pour places de parc. S'agissantde la recevabilité, il a rejeté les objections de la Municipalité selonlesquelles, d'une part, il n'était pas compétent en première instance - maisbien la Commission communale de recours en matière d'impôts - et que, d'autrepart, le recours était prématuré. Sur le fond, il a estimé que les règles dudroit fédéral de la protection de l'environnement sur la base desquelles lenombre de places de parc avait été calculé avaient le pas sur les règles dedroit communal prévoyant un autre nombre (supérieur) de places. Parconséquent, la Municipalité ne pouvait appliquer ses propres règles "dans leseul but de prélever la contribution de remplacement prévue par le règlementcommunal". D.Agissant par la voie du recours de droit public et celle du recours de droitadministratif dans un mémoire unique, la Municipalité demande au Tribunalfédéral, principalement, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer le dossierà l'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau dans le sens desconsidérants; à titre subsidiaire, elle conclut à ce que "les recours déposéspar Karl Steiner SA à l'encontre des remarques relatives aux taxescompensatoires pour places de stationnement manquantes", figurant dans sesdécisions des 10 et 24 novembre 2003, soient rejetés, le tout sous suite dedépens. Dans son recours de droit public, elle dénonce une violation de sonautonomie et une application arbitraire des dispositions pertinentes. Dansson recours de droit administratif, elle se plaint d'une mauvaise applicationdu principe de la force dérogatoire du droit fédéral. Par arrêt rectificatif du 5 décembre 2005, le Président du Tribunaladministratif a corrigé une erreur de plume figurant dans la partie dudispositif de la décision du 26 octobre 2005 concernant les dépens: ceux-ciétaient alloués non pas à Zschokke Entreprise Générale SA (recourante dansune affaire semblable tranchée par arrêt du même jour), mais à Karl SteinerSA. Par courrier du 8 décembre 2005, la Municipalité a précisé que sonrecours était également dirigé contre cet arrêt rectificatif. L'autorité intimée conclut au rejet des recours. L'intimée conclut au rejetdes recours dans la mesure où ils sont recevables, sous suite de frais etdépens. Le Service de l'aménagement du territoire n'a pas donné suite àl'invitation de se déterminer. Par courrier du 29 mai 2006, la Municipalité a produit deux permis deconstruire délivrés à l'intimée le 15 mai 2006, en relevant qu'elle avait"largement revu à la baisse", pour chacun des deux projets, le nombre -provisoire - de places de stationnement devant être normalement réalisé et,par voie de conséquence, le montant des contributions de remplacement dues. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Lorsque, comme en l'espèce, le recourant agit simultanément par la voiedu recours de droit public et du recours de droit administratif, il convient,en vertu de la règle de la subsidiarité du recours de droit public énoncée àl'art. 84 al. 2 OJ, d'examiner en premier lieu la recevabilité du recours dedroit administratif (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16; 126 I 97 consid. 1c p.101). 1.2 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours dedroit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droitpublic fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles émanentdes autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune desexceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale nesoit réalisée (ATF 131 II 58 consid. 1.1 p. 60, 361 consid.1.1 p. 364, 470consid. 1.1 p. 474 et les arrêts cités). Dans certains cas, la voie durecours de droit administratif est également ouverte à l'encontre dedécisions fondées sur du droit cantonal. Il en va ainsi lorsque la décisionse fonde sur des dispositions cantonales d'exécution du droit fédéral, quisont dénuées de toute portée propre, de sorte que matériellement la décisionrepose sur du droit fédéral. Tel est le cas aussi lorsque la décision estfondée sur du droit cantonal autonome (ou indépendant), mais que celui-ci setrouve dans un rapport suffisamment étroit avec une question de droitadministratif fédéral qui doit être résolue (ATF 132 II 188 consid. 1.1 p.191; 128II56 consid. 1a/aa p. 58 et la jurisprudence citée; Rhinow/Koller/Kiss, öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes,Bâle/Francfort 1996, n. 1228). En revanche, c'est la voie du recours de droit public qui est ouverte àl'encontre de décisions fondées (uniquement) sur le droit cantonal et neprésentant aucun rapport de connexité avec le droit fédéral. De même, si ledroit cantonal autonome contrevient à la législation-cadre (ou de principe)fédérale qu'il est censé réaliser, le grief de violation du principe de laprimauté du droit fédéral doit être soulevé par la voie du recours de droitpublic (ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 128 II 56 consid. 1a/aa p. 58 etles références). 1.3 La décision dont est recours tranche d'abord des questions derecevabilité en appliquant le droit cantonal et communal. Sur le fond, ellestatue sur le bien-fondé des décisions communales dans la mesure où celles-ciportent sur la perception d'une contribution communale de remplacement pourplaces de parc. Elle annule ces décisions en estimant que la Municipalité nepouvait pas, s'agissant de cette contribution, calculer en appliquant sespropres règles (règlement sur le plan d'affectation et la police desconstructions de la commune de Morges, approuvé par le Conseil d'Etat ducanton de Vaud le 2 mars 1990; ci-après: RPA) un nombre de places de parcrequis différent du nombre de places maximal que les services cantonauxcompétents ont autorisé en vertu du droit fédéral de la protection del'environnement, lequel avait le pas sur le droit communal en vertu duprincipe de la primauté du droit fédéral. La contribution de remplacement en cause est régie par le droit cantonal etcommunal, à l'exclusion du droit fédéral. La question litigieuse sur le fond,qui est celle de savoir si l'autorité intimée pouvait sans arbitraire annulerla contribution de remplacement dont la Municipalité a arrêté le principe,relève ainsi exclusivement du droit cantonal et communal et ce même si lenombre maximal des places de stationnement constructibles - lequel n'est pascontesté en lui-même - a été calculé sur la base du droit fédéral. Ladécision attaquée repose ainsi uniquement sur le droit cantonal et communal,de sorte que seule la voie du recours de droit public est ouverte, le recoursde droit administratif étant irrecevable. 2.2.1Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert aux particulierset aux collectivités lésés par des arrêtés ou des décisions qui lesconcernent personnellement ou qui sont d'une portée générale. Le recours de droit public est conçu pour la protection des droitsconstitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ). Il doit permettreà ceux qui en sont titulaires de se défendre contre toute atteinte à leursdroits de la part de la puissance publique. De tels droits ne sont reconnusen principe qu'aux citoyens, à l'exclusion des collectivités publiques qui,en tant que détentrices de la puissance publique, n'en sont pas titulaires etne peuvent donc pas attaquer, par la voie du recours de droit public, unedécision qui les traite comme autorités. Cette règle s'applique aux cantons,aux communes et à leurs autorités, qui agissent en tant que détentrices de lapuissance publique (ATF125 I 173 consid. 1b p. 175; 121 I 218 consid. 2ap.219; 120 Ia 95 consid. 1a p. 96-97 et les références citées). Lajurisprudence considère toutefois qu'il y a lieu de faire deux exceptionspour les communes et autres corporations de droit public. La première estadmise lorsque la collectivité n'intervient pas en tant que détentrice de lapuissance publique, mais qu'elle agit sur le plan du droit privé ou qu'elleest atteinte dans sa sphère privée de façon identique ou analogue à unparticulier, notamment en sa qualité de propriétaire de biens frappésd'impôts ou de taxes, ou d'un patrimoine financier ou administratif. Laseconde est reconnue lorsque la collectivité se plaint d'une violation de sonautonomie (art. 50 Cst., cf. ATF131 I 91 consid. 1 p. 93; 128 I 3 consid. 1cp. 7) ou d'une atteinte
à son existence ou à l'intégrité de son territoire,garanties par le droit cantonal (ATF 125 I 173 consid. 1b p. 175; 121 I 218consid. 2a p.219/220; 119 Ia 214 consid. 1a p. 216). La collectivité estalors aussi recevable à invoquer, à titre accessoire, la protection contrel'arbitraire ainsi que les autres droits découlant de l'art. 4 aCst., soitnotamment l'égalité, la proportionnalité, la bonne foi et le droit d'êtreentendu, à condition que ces griefs se trouvent en relation étroite aveccelui de la violation de l'autonomie communale (ATF 121 I 218 consid.4a p.220; 116 Ia 252 consid. 3b p. 255/256; 113 Ia 332 consid. 1b p. 333/334). Lenouvel art. 189 al. 1 lettre b Cst. a consacré cette jurisprudence, qu'il nemodifie pas (Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitutionfédérale, FF 1997 I p. 433; cf.Andreas Auer/Giorgio Malinverni/MichelHottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, Berne 2000, nos 2018 ss). 2.2 En l'espèce, la recourante prétend qu'en admettant l'existence d'unedécision attaquable sur le point de la taxe compensatoire et en se saisissantdu recours dirigé contre celle-ci - en niant du même coup la compétence de laCommission communale de recours en matière d'impôts - et en annulant cettecontribution, l'autorité intimée a appliqué le droit cantonal de manièrearbitraire et violé son autonomie. La qualité pour recourir doit dès lors luiêtre reconnue. La question de savoir si, dans le domaine juridiqueparticulier, elle est effectivement autonome n'est pas une question derecevabilité, mais de fond (ATF128 I 136 consid. 1.2 p. 139; 124 I 223consid. 1b p. 226; 120Ia203 consid. 2a p. 204 et la jurisprudence citée). 2.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droitpublic est de nature purement cassatoire (ATF 132 I 68 consid. 1.5 p. 71 etla jurisprudence citée). Dans la mesure où la recourante demande autre choseque l'annulation de l'arrêt attaqué, à savoir que le dossier soit renvoyé àl'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau dans le sens desconsidérants, ses conclusions sont dès lors irrecevables. Au surplus, les autres conditions des art. 84 ss OJ sont remplies, de sorteque le recours de droit public est recevable. 2.4 Dans un recours de droit public, l'allégation de faits nouveaux n'est enprincipe pas admissible. Cette règle connaît des exceptions, mais il doitdans tous les cas s'agir de faits antérieurs au prononcé de la décisionattaquée (W. Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd.,Berne 1994, p. 370 et les arrêts cités). En l'occurrence, les faits que larecourante a allégués dans son courrier du 29 mai 2006 sont postérieurs àl'arrêt du 26 octobre 2005, de sorte qu'ils ne peuvent être pris enconsidération. 3.3.1La recourante dénonce en particulier une violation de l'art. 45 de la loivaudoise du 5 décembre 1956 sur les impôts communaux (LICom; RS/VD 650.11),qui prévoit que la commission communale de recours connaît des recoursdirigés contre les décisions rendues notamment en matière de taxes spéciales.Elle soutient qu'en vertu du principe de la hiérarchie des normes et en tantque lex specialis, cette disposition l'emporte sur l'art. 141 RPA, sur lequell'autorité intimée a fondé sa compétence. En se saisissant au mépris de cesdispositions du recours interjeté par l'intimée, l'autorité intimée auraitviolé l'autonomie de la recourante et agi de manière arbitraire. 3.2 Selon la jurisprudence encore valable après l'entrée en vigueur de lanouvelle Constitution (cf. ATF 128 I 3 consid. 2a p. 8), une communebénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droitcantonal ne règle pas de manière exhaustive mais dans lesquels il lui laisseune liberté de décision relativement importante (ATF 129 I 410 consid. 1 et 2p. 412 ss; 129 I 313 consid.5.2 p. 320; 126 I 133 consid. 2 p. 136).L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrètesont déterminées essentiellement par la constitution et la législationcantonales (ATF 127 II 238 consid. 3a p. 240; 124 I 223 consid. 2b p. 226/227et les arrêts cités). Lorsqu'elle est reconnue autonome dans un domainespécifique, une commune peut notamment se plaindre, par la voie du recours dedroit public, du fait qu'une autorité cantonale de recours ou de surveillancea excédé son pouvoir d'examen ou a faussement appliqué des normes communales,cantonales ou fédérales régissant le domaine en cause; la commune peutégalement faire grief à ladite autorité d'avoir interprété trop largement undroit fondamental - comme en particulier la liberté du commerce et del'industrie - ou d'avoir transgressé un principe constitutionnel, limitantainsi de manière inadmissible son autonomie (cf. ATF 126 I 133 consid. 2p.136; 122 I 279 consid. 8c p. 291; 116 Ia 252 consid. 3b p. 256/257). LeTribunal fédéral examine librement l'interprétation du droit constitutionnelcantonal ou fédéral; en revanche, il ne vérifie l'application des règles derang inférieur à la constitution que sous l'angle restreint de l'arbitraire(ATF 132 I 68 consid. 1.1 p. 69/70; 122I279 consid. 8c p.291 et lajurisprudence citée). 3.3 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situationde fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clairet indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment dela justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211). A cet égard,le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autoritécantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, encontradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifsobjectifs ou en violation d'un droit certain. De plus, il ne suffit pas queles motifs de l'arrêt attaqué soient insoutenables, encore faut-il que cedernier soit arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitrairedu seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraîtconcevable, voire préférable (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211; 132 I 13consid. 5.1 p.17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219 et la jurisprudence citée). 4.4.1En vertu de l'art. 47 de la loi vaudoise du 4 décembre 1985 surl'aménagement du territoire et les constructions (LATC; RS/VD700.11), quitraite de l'objet des plans et des règlements d'affectation communaux, lescommunes peuvent prescrire la construction de places de stationnement etprévoir "la perception de contributions compensatoires, destinées à couvrirles frais d'aménagement de places de stationnement, à défaut de terrain privédisponible" (alinéa 2 ch. 6). Les communes disposent d'une liberté dedécision relativement importante et sont, partant, autonomes dans l'adoptionde ces dispositions et dans leur application. Dès lors, la recourante peut seprévaloir de son autonomie en affirmant que les recours dirigés contre lesdécisions sur la contribution compensatoire auraient dû être traités d'abordpar sa commission de recours, conformément à l'art. 45 LICom, de sorte quel'autorité intimée aurait dû décliner sa compétence. 4.2 L'art. 45 LICom dispose ce qui suit à son alinéa 2:"Sous réserve des articles 5 et 44 de la présente loi [dispositions qui nesont pas applicables en l'espèce], cette commission [i. e. la commissioncommunale de recours] peut être saisie d'un recours contre toute décisionprise en matière d'impôts communaux, de taxe communale de séjour et de taxesspéciales".Interprétée de manière littérale, cette disposition pourrait signifier, enl'espèce, que les décisions d'octroi du permis de construire oud'implantation pouvaient faire l'objet d'un recours devant la commissioncommunale, dans la mesure où elles portaient sur la contributioncompensatoire. Il existe toutefois de bons arguments pour soutenir que lescauses pouvaient directement être portées devant l'autorité intimée, commecelle-ci l'a admis. En effet, la contribution litigieuse constitue unecontribution de remplacement caractérisée par le fait qu'elle est due pourremplacer une autre prestation de droit public, à savoir la construction deplaces de stationnement, dont un particulier est redevable à titre principal.Elle est indissociable de cette obligation primaire. En règle générale, laperception de la contribution compensatoire est prévue déjà dans le permis deconstruire qui, d'une part, arrête le nombre des places de stationnement àréaliser et, d'autre part, fixe la contribution de remplacement pour lesplaces manquantes. Dans ces conditions, en cas de contestation, il convientque la question de la contribution de remplacement suive les mêmes voies dedroit que celle de l'obligation primaire, laquelle peut être soumisedirectement à l'autorité intimée. L'art. 45 LICom n'exclut d'ailleurs pasque, lorsqu'elle est saisie d'un litige concernant l'obligation de construiredes places de stationnement, l'autorité de recours cantonale traite aussi,par attraction de compétence, la question de la contribution de remplacement. Au demeurant, dans les décisions d'octroi du permis de construire oud'implantation, la recourante a elle-même indiqué expressément et sansréserve comme (seule) voie de droit le recours au Tribunal administratif.Elle justifie cette indication des voies de droit en arguant que, sur lepoint de la contribution de remplacement, il ne s'agissait pas de décisionsattaquables. On ne saurait toutefois qualifier d'arbitraire l'opinioncontraire de l'autorité intimée. En effet, s'il est vrai que les décisionsd'octroi du permis de construire ou d'implantation ne fixent pas de manièredéfinitive le montant de la contribution compensatoire, puisqu'elles fontdépendre son calcul exact de l'affectation effective des bâtiments, laquelledétermine le nombre de places de stationnement qui devrait être normalementréalisé, il n'en demeure pas moins qu'elles arrêtent le principe de laperception de la contribution. Si l'intimée n'avait pas contesté cesdécisions sur ce point, elle aurait dû se laisser opposer que la perceptionde la contribution en question était entrée en force dans son principe. Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée n'a pas agi arbitrairement niviolé l'autonomie de la recourante en se saisissant des recours dirigéscontre les décisions d'octroi du permis de construire ou d'implantation sousl'angle de la contribution de remplacement. Il reste à examiner ce qu'il enest de l'annulation de ladite contribution par l'autorité intimée. 5.5.1Les contributions de remplacement présupposent l'existence d'uneobligation primaire, soit d'une obligation de faire qui, à certainesconditions, puisse être remplacée par une prestation pécuniaire. Ellesdoivent compenser l'avantage que représente pour l'assujetti la dispense del'obligation primaire et appartiennent par conséquent aux contributionscausales. S'agissant des contributions compensatoires pour places destationnement manquantes, cet avantage équivaut aux coûts de constructionéconomisés, moins la diminution de valeur résultant de la perte de l'avantagede disposer de ses propres places de stationnement (A. Hungerbühler,Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 104/2003 p. 505 ss, 511, 527 et lesréférences). Les dispositions légales et réglementaires prévoient fréquemment que lacollectivité doit affecter le produit des contributions de remplacement à laconstruction de places de stationnement publiques, sans que le propriétaireassujetti au paiement de la contribution ait un droit à la réalisation del'ouvrage ou à l'attribution de certaines places déterminées. Selon d'autresréglementations, le propriétaire empêché de construire ses propres places destationnement a la possibilité d'acquérir des places dans un parkingcollectif existant ou à réaliser ("contributions d'achat" [Einkaufsbeiträge];voir p. ex. le § 245 de la loi zurichoise sur l'aménagement du territoire etles constructions [Gesetz vom 7. September 1975 über die Raumplanung und dasöffentliche Baurecht; RS/ZH 700.1]). Quant au règlement de la recourante, ilprévoit que les contributions compensatoires sont affectées à la constructionde places de stationnement accessibles au public, un fonds spécial étant crééà cet effet (art. 86 al. 3). Les propriétaires tenus de verser lescontributions n'ont toutefois pas de droit préférentiel à utiliser cesinfrastructures. Il ne s'agit donc pas de "contributions d'achat", quipourraient éventuellement être qualifiées de charges de préférence, mais depures contributions de remplacement. 5.2 Selon l'art. 86 al. 1 RPA, la Municipalité perçoit une contribution deremplacement "lorsqu'elle admet que le propriétaire est dans l'impossibilitéde construire sur son propre fonds tout ou partie des garages ou places destationnement" exigés. Cette disposition doit être interprétée en relationavec l'art. 47 al. 2 ch. 6 LATC, qui prévoit que la commune peut percevoirune contribution de remplacement lorsque le maître de l'ouvrage ne disposepas de suffisamment de terrain pour construire les places de stationnementexigées ("à défaut de terrain privé disponible"). A l'instar de réglementations plus anciennes, le règlement de la recourantene contient pas d'indications sur le point de savoir si et dans quelle mesurela contribution de remplacement est due, lorsque la construction du nombre deplaces de stationnement qui devrait être réalisé compte tenu de l'affectationet de la dimension des bâtiments ne peut pas être approuvée ou ne peut l'êtreque partiellement, pour des motifs tenant à la régulation du trafic ou àd'autres intérêts publics tels que la protection des sites ou de l'air.Certaines lois sur les constructions plus récentes règlent expressément cecas. Ainsi, la loi thurgovienne sur l'aménagement du territoire et lesconstructions (Planungs- und Baugesetz vom 16. August 1995; RS/TG 700)prévoit à son par. 73 al. 2 que la contribution de remplacement n'est pasdue, lorsque, dans le cas particulier, l'obligation de construire des placesde stationnement est supprimée par le règlement communal ou en raisond'intérêts publics importants. Selon le par. 58 al. 2 de la loi argoviennesur l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et lesconstructions (Gesetz vom 19. Januar 1993 über Raumplanung, Umweltschutz undBauwesen; RS/AG 713.100), l'obligation de verser une contribution deremplacement disparaît si la construction de places de stationnement estprohibée et qu'il n'existe pas de places de parc publiques à une distanceraisonnable de l'immeuble concerné. D'après le par. 246 al. 2 de la loizurichoise sur l'aménagement du territoire et les constructions, précitée, lacontribution ne doit pas être acquittée, dans la mesure où le manque deplaces de stationnement est dû à une décision de l'autorité qui a supprimédes possibilités d'aménager des places de parc privées. Le canton de Nidwaldconnaît une réglementation semblable (Gesetz vom 24. April 1988 über dieRaumplanung und das öffentliche Baurecht [RS/NW 611.1], art. 142 al. 2 danssa teneur du 28 avril 1996). A l'inverse, d'autres lois cantonales prévoient que la contribution deremplacement est due non seulement lorsque le maître
de l'ouvrage se trouvedans l'impossibilité de réaliser les places de stationnement requises pourdes motifs "de fait" tenant à l'état des lieux, tels que le manque deterrain, mais aussi lorsque leur réalisation est impossible pour des raisonsjuridiques. Ainsi, selon l'art. 18 lettre c de la loi bernoise du 9 juin 1985sur les constructions (RS/BE 721), une contribution de remplacement peut êtreexigée des maîtres de l'ouvrage qui n'ont pas la possibilité ou le droitd'aménager des places de stationnement en nombre suffisant. Les cantonsd'Appenzell Rhodes Intérieures, Bâle-Campagne, Obwald et Soleure connaissentune réglementation analogue (Baugesetz vom 28. April 1985 [RS/AI701], art.58 al. 2; Raumplanungs- und Baugesetz vom 8.Januar 1998 [RS/BL 400], § 107al. 1; Baugesetz vom 12. Juni 1994 [RS/OW 710.1], art. 46 al. 2; Planungs-und Baugesetz vom 3.Dezember 1978 [RS/SO 711.1], § 147 al. 4). Le canton deLucerne autorise les communes à percevoir une contribution de remplacementnotamment lorsque la construction des places de stationnement est interditepour des motifs tenant à l'aménagement du territoire, tels que la protectiondes sites ou de l'environnement (Strassengesetz vom 21März 1995 [RS/LU 755],§ 95 al. 1 en relation avec le § 94 lettre a). Contrairement aux dispositions qui viennent d'être mentionnées, le règlementde la recourante, interprété en relation avec l'art. 47 al. 2 ch. 6 LATC, neprévoit pas expressément la perception d'une contribution de remplacementlorsque les places de stationnement requises ne peuvent être réalisées pourdes motifs juridiques. Par ailleurs, lorsque l'interdiction de construire desplaces de stationnement équivaut à une restriction de l'usage du bâtiment (p.ex. parce qu'elle limite l'accès des clients utilisant un véhicule à moteur),on peut se demander si le fait que le maître de l'ouvrage n'a pas àconstruire le nombre de places réglementaire représente un avantageindividuel à compenser. La contribution qui serait éventuellement perçue dansun tel cas ne constituerait pas une contribution de remplacement, mais auraitun autre fondement, indépendant de la dispense de l'obligation de construiredes places de stationnement. De lege ferenda, le canton d'Argovie envisaged'introduire une telle réglementation en relation avec des projetsimmobiliers pour lesquels le nombre de places de stationnement correspondantaux besoins effectifs ne peut être réalisé pour des motifs d'intérêt public(tels que la sécurité du trafic ou la protection des sites), lescontributions perçues devant alors être affectées à la régulation du trafic,à des parkings publics et aux transports publics (voir le rapport explicatifdu Conseil d'Etat du canton d'Argovie du 3 novembre 2006 à l'appui du projetde révision partielle de la loi sur l'aménagement du territoire, laprotection de l'environnement et les constructions, précitée, ad § 55 ss). Lepoint de savoir si de telles contributions, qui doivent frapper directementle besoin potentiel de places de stationnement en lui-même, sont admissibleset quelle est leur nature n'a pas à être examiné plus avant dans le casparticulier. En effet, comme l'autorité intimée l'a admis, la contribution deremplacement prévue par le règlement de la recourante est conçue comme unepure contribution de remplacement, qui présuppose l'existence d'uneobligation primaire que le propriétaire de l'immeuble est dansl'impossibilité d'exécuter pour des motifs dont il a à répondre. Or, lorsque,comme en l'espèce, cette obligation tombe pour des motifs dont lepropriétaire n'a pas à répondre, tels que l'existence d'intérêts publicss'opposant à la construction des places de stationnement, il n'y a enprincipe pas lieu de percevoir de contribution de remplacement, en l'absencede dispositions contraires. L'argumentation de la recourante, selon laquelle la réduction du nombre desplaces de stationnement des projets en question l'obligerait à aménagerailleurs des places de parc publiques, ne conduit pas à une autre conclusion.On peut en effet se demander si les règles sur la protection de l'air, quisont à l'origine de cette réduction, ne s'opposent pas également à laconstruction de places "de remplacement" dans les environs. De toute manière,il n'existe pas entre la réduction du nombre des places de stationnementimposée à l'intimée et les coûts virtuels que la construction de places deparc publiques entraînerait pour la recourante de lien suffisant, de nature àjustifier la perception de la contribution litigieuse. Enfin, il n'importepas non plus que le canton ait fait dépendre son préavis favorable d'unecharge, à savoir l'établissement d'un plan de mobilité (parmi d'autresmesures tendant à la réduction des émissions), charge qui se rapported'ailleurs aux places de stationnement autorisées et non à celles quel'intimée a été "dispensée" de réaliser. Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée n'est pas tombée dansl'arbitraire en admettant que, sur la base de l'art. 86 RPA, l'intimée, quiétait disposée à réaliser le nombre requis de places de stationnement, maisen était empêchée par des restrictions cantonales fondées sur le droit del'environnement, ne doit pas acquitter de contribution de remplacement.Partant, le grief de violation de l'autonomie communale doit être rejeté surce point également. 6.Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours de droit publicdans la mesure où il est recevable. Succombant, la recourante - dont l'intérêt pécuniaire est en cause - doitsupporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 2, 153 et 153a OJ). L'intimée a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ), qu'il convient de mettreà la charge de la recourante. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit administratif est irrecevable. 2.Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 3.Un émolument judiciaire de 9'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 4.La recourante versera à l'intimée une somme de 10'000 fr. à titre de dépens. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, auTribunal administratif ainsi qu'au Département des institutions et desrelations extérieures du canton de Vaud. Lausanne, le 16 novembre 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.337/2005
Date de la décision : 16/11/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-16;2p.337.2005 ?
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