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14/11/2006 | SUISSE | N°P.32/06

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 novembre 2006, P.32/06


Cause {T 7}P 32/06 Arrêt du 14 novembre 2006IVe Chambre Mme et MM. les Juges Widmer, Schön et Frésard. Greffière : Mme Moser-Szeless L.________, recourant, représenté par Me Julien Fivaz, avocat, place du Port2, 1204 Genève, contre Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du Lac 37, 1815 ClarensService juridique, 1815Clarens, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 15 mars 2006) Faits: A.M.________ était au bénéfice de prestations complémentaires. A la suite du décès de la prénommée, survenu le 22 décembre 2003, la Caissecantonale vau

doise de compensation AVS (ci-après: la caisse) a réclamé àL.___...

Cause {T 7}P 32/06 Arrêt du 14 novembre 2006IVe Chambre Mme et MM. les Juges Widmer, Schön et Frésard. Greffière : Mme Moser-Szeless L.________, recourant, représenté par Me Julien Fivaz, avocat, place du Port2, 1204 Genève, contre Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du Lac 37, 1815 ClarensService juridique, 1815Clarens, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 15 mars 2006) Faits: A.M.________ était au bénéfice de prestations complémentaires. A la suite du décès de la prénommée, survenu le 22 décembre 2003, la Caissecantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la caisse) a réclamé àL.________, veuf de feue M.________ et héritier unique de celle-ci, larestitution d'un montant de 1'523fr. correspondant à la rente d'invaliditéet les prestations complémentaires versées à tort pour le mois de janvier2004 (décision du 8 janvier 2004). Saisie d'une demande de remise formée parL.________, la caisse lui a demandé de fournir différents documents, dont lesdernières déclarations d'impôts (courrier du 11mars 2004). A cette occasion,l'administration a constaté que l'intéressé avait cessé son activité detechnicien-dentiste indépendant et commencé à travailler comme représentantau service de X.________ Gmbh dès le 1er août 2001 (cf. rapport de situationdu 16avril 2004). Sur la base des nouveaux éléments dont elle a euconnaissance, la caisse a, par décisions du 10 mai 2004, supprimé le droit defeue M.________ à des prestations complémentaires pour la période du 1er août2001 au 31 décembre 2003, et réclamé à la succession de la prénommée unmontant de 24'379fr.15 représentant les prestations indûment perçues(22'892fr.), ainsi que le remboursement de frais médicaux (1'487fr.15). Après avoir remboursé la somme de 1'523fr., L.________ s'est opposé à ladécision en restitution et a demandé la remise des montants réclamés. Sonopposition a été rejetée par décision du 20août 2004, au motif que laprétention en remboursement des prestations indues était née à partir du 1eraoût 2001, soit du vivant de la bénéficiaire, et que son époux ne pouvait seprévaloir de la bonne foi en relation avec la remise de l'obligation derestituer. B.Saisi d'un recours formé par l'intéressé contre cette décision, le Tribunaldes assurances du canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 15 mars 2006. C.L.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,dont il demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il demande quele tribunal constate qu'il n'est pas tenu à restitution. La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral desassurances sociales a renoncé à présenter des déterminations. Considérant en droit: 1.1.1 Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent êtreexaminés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquelsl'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'unemanière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, ladécision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justicepar voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a étérendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peutpas être prononcé (ATF131V164 consid.2.1, 125V414 consid.1a, 119Ib36consid.1b et les références citées).Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, laprocédure juridictionnelle administrative peut être étendue, pour des motifsd'économie de procédure, à une question en état d'être jugée qui excèdel'objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par ladécision, lorsque cette question est si étroitement liée à l'objet initial dulitige que l'on peut parler d'un état de fait commun, et à la condition quel'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure aumoins (ATF130V503, 122V36 consid.2a et les références). 1.2 En l'espèce, la décision administrative du 10 mai 2004 portaitexclusivement sur la restitution des prestations complémentaires indûmentperçues; l'intimée a toutefois indiqué dans la décision sur opposition du 20août 2004 que les conditions d'une remise de la créance en restitutionn'étaient pas remplies. Par ailleurs, saisie d'un recours contre la décisionsur opposition, la juridiction cantonale a étendu la procédure à la remise del'obligation de restituer. Dans la mesure où l'intimée s'était déjà expriméeà ce sujet dans la procédure d'opposition, puis dans sa duplique du 23décembre 2004 en instance cantonale, la procédure juridictionnelle pouvait,pour des motifs d'économie de procédure, être étendue à cette questionétroitement liée à la restitution de prestations indûment perçues et quiétait en état d'être jugée. 2.Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est pas le mêmesuivant que le procès concerne ou non l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance. Sont réputées prestations d'assurance au sens de l'art.132al.1 OJ, les prestations dont on examine la légitimité lors de la survenance del'éventualité assurée (ATF122V136 consid.1, 120V448 consid.2a/bb).Selon une jurisprudence constante, cette notion comprend également larestitution de prestations indûment touchées (comme des rentes d'invalidité);en revanche, tel n'est pas le cas de la remise de l'obligation de restituer(ATF112V 100 consid.1b et les références). Lorsque ces deux points doiventêtre examinés au cours de la même procédure, le pouvoir d'examen est enprincipe étendu conformément à l'art.132OJ en ce qui concerne l'obligationde restituer, tandis que, s'agissant de la question de la remise d'une telleobligation, les art.104 let.a et105 al.2OJ sont applicables(ATF122V136 consid.1, 98V276 consid.3). En ce qui concerne la remisede l'obligation de restituer, le recours de droit administratif peut doncêtre formé uniquement pour violation du droit fédéral, y compris l'excès etl'abus du pouvoir d'appréciation (art.104 let.aOJ); les faits pertinentsconstatés par les premiers juges ne peuvent être contestés que s'ils sontmanifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris derègles essentielles de procédure (art.104 let.b en corrélation avecl'art.105 al.2OJ). En revanche, dans la procédure de recours portant surla restitution de prestations indûment touchées, le pouvoir d'examen duTribunal fédéral des assurances s'étend également à l'opportunité de ladécision attaquée; le tribunal n'est alors pas lié par l'état de faitconstaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écarter des conclusionsdes parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art.132 OJ). 3.3.1Aux termes de l'art. 25 al. 1, première phrase, LPGA, les prestationsindûment touchées doivent être restituées. Sont notamment soumis àl'obligation de restituer le bénéficiaire des prestations allouées indûmentou ses héritiers (art. 2 al. 1 let. a OPGA). Comme par le passé, soit avantl'entrée en vigueur de cette loi au 1er janvier 2003, l'obligation derestituer suppose aujourd'hui encore, conformément à la jurisprudence rendueà propos de l'art. 47 al. 1 aLAVS ou de l'art. 95 aLACI (p. ex., ATF 129 V110 consid. 1.1, 126 V 23 consid.4b, 122 V 21 consid. 3a), que soientremplies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procéduralede la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ontété allouées (ATF 130 V 320 consid. 5.2 et les références). En ce quiconcerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer desprestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps nesont pas liées à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 139consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal, après ladécouverte du fait nouveau. 3.2 Après le 1er août 2001, l'intimée a alloué des prestationscomplémentaires qui ont été calculées en fonction (notamment) des revenusréalisés par l'époux de la bénéficiaire à titre d'indépendant; elle ignoraitalors que celui-ci avait abandonné son activité d'indépendant au profit d'unemploi salarié lui permettant de réaliser un salaire plus important que sonbénéfice antérieur. Cette circonstance - changement d'activité lucrative duconjoint du bénéficiaire -, qui n'est venue à la connaissance de l'intiméequ'après le décès de feue M.________, aurait dû être prise en compte pourfixer les prestations complémentaires. Dès lors qu'il s'agit d'un faitimportant de nature à conduire à une appréciation juridique différente, maisqui a été découvert après coup, on est en présence d'un motif de révisionprocédurale (ATF 122 V 138 consid. 2d et les arrêts cités). Dans cescirconstances, l'intimée était fondée, par ses décisions du 10 mai 2004, ànier à feue M.________ tout droit à des prestations complémentaires du 1eraoût 2001 au 31 décembre 2003 et à réclamer à la succession de la prénomméeles prestations perçues pendant cette période. L'obligation de restituer lesprestations complémentaires ne dépend en l'espèce pas d'une violation del'obligation de renseigner, mais il s'agit simplement de rétablir l'ordrelégal, après la découverte d'un fait nouveau. 3.3 Le recourant soutient que la créance en remboursement de l'intimée - quiserait née avec la décision de restitution le 10 mai 2004, soit après ledécès de la bénéficiaire - ne pourrait entrer dans la masse successorale,faute d'avoir existé à l'ouverture de la succession.Cet argument n'apparaît pas fondé au regard de la jurisprudence du Tribunalfédéral des assurances, selon laquelle la dette de la personne tenue àrestitution passe aux héritiers - sauf répudiation de la succession - audécès de cette dernière (ATF 105 V 82 consid. 3, 96 V 73 consid. 1), mêmelorsque l'administration n'a pas fait valoir la créance en restitution duvivant de la personne tenue à restitution (ATF 129 V 70 consid. 3 et l'arrêtcité). En effet, les droits et les obligations pécuniaires du de cujus quiressortissent au droit public sont transmis aux héritiers avec le reste deson patrimoine; par conséquent, la dette en restitution du défunt devient unedette personnelle des héritiers. L'obligation de restitution du de cujuspasse aux héritiers (à condition qu'ils acceptent la succession) mêmelorsqu'elle n'a pas encore fait l'objet d'une décision; il suffit pour celaque la dette découle d'un rapport de droit que l'assuré a créé de son vivant.En vertu du principe de l'universalité de la succession, les héritierspeuvent, même dans ce cas, être recherchés personnellement (RCC 1959 p. 402consid. 2, 1970 p. 578 consid. 1). Dès lors que la créance en restitutionporte sur des prestations versées (en trop) à la bénéficiaire pour la périodeallant d'août 2001 à décembre 2003 et relève d'un rapport de droit créé duvivant de celle-ci, l'obligation de restitution a passé au recourant, même sila décision y relative n'a été prise qu'après le décès de son épouse. 4.Il reste à examiner si la juridiction cantonale était fondée à nierl'existence de la bonne foi du recourant, en tant que l'une des conditions dela remise de l'obligation de restituer. 4.1 A cet égard, le jugement entrepris expose de manière exacte lajurisprudence qui définit la bonne foi en tant que condition de la remise,ainsi que le principe régissant l'obligation de renseigner sur toutchangement dans la situation personnelle et toute modification sensible dansla situation matérielle du bénéficiaire de la prestation (art. 24OPC-AVS/AI). On précisera que la remise de l'obligation de restituer doit être accordéeaux héritiers s'ils étaient eux-mêmes de bonne foi et que la restitution lesmette dans une situation difficile (ATF 96 V 72; RCC 1970 p. 579 consid. 2 etles arrêts cités; cf. également ATF 105 V 84 consid. 4). 4.2 La juridiction cantonale a retenu en substance que bien que régulièrementinformés du fait qu'ils devaient renseigner l'administration sur toutchangement intervenant dans leur situation matérielle et personnelle -notamment par le biais de notices accompagnant toutes les décisions renduesen matière de PC -, les époux L.________ n'ont pas signalé à l'organecompétent le changement du statut professionnel du recourant à partir du 1eraoût 2001. En ne renseignant pas à temps l'administration, le recourant a,selon l'autorité cantonale de recours, violé son obligation d'annoncer toutemodification dans sa situation matérielle ou personnelle et, partant, commisune négligence grave; ce d'autant plus qu'il n'a pas présenté spontanément àl'administration l'intégralité des documents relatifs à sa situationfinancière, mais plutôt tenté de la cacher à l'organe compétent. Le recourant conteste avoir été soumis à un devoir de renseignerl'administration, dès lors qu'il n'était pas le bénéficiaire (direct) desprestations. Seule sa défunte épouse était obligée de renseigner l'organecompétent en vertu de l'art. 24 OPC-AVS/AI, de sorte qu'on ne saurait luireprocher le non-respect de ce devoir. Le recourant critique également laconstatation des faits à laquelle a procédé la juridiction cantonale, en cequ'il ne serait nullement établi et même contraire à la réalité qu'il aitvoulu cacher des informations à l'administration. 4.3 En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que depuis le dépôt de lademande de prestations complémentaires en octobre 1999, c'est avant tout lerecourant qui s'est occupé de renseigner régulièrement l'autorité compétentesur les revenus et la fortune du couple lorsqu'elle en faisait la demande etde traiter avec elle s'agissant des modalités du calcul et du versement desprestations allouées à M.________. Ainsi, s'est-il adressé à l'autoritécompétente en septembre 1995 pour «s'étonner» de n'avoir pas reçu lesprestations complémentaires (rapport de situation du 14 septembre 1995 établipar le service des assurances sociales Y.________). En juin 1998, il a faitparvenir à l'autorité compétente les informations relatives à ses revenus,ainsi que ceux de son épouse (courrier du 15 juin 1998), après quel'administration lui en avait fait la demande. C'est à lui également quel'agence communale d'assurances sociales s'est adressée pour requérir lesdocuments relatifs à la pension alimentaire versée à son ex-épouse.Compte tenu des contacts réguliers et presque exclusifs que l'administrationa eus avec le recourant en ce qui concerne les prestations complémentairesdont a bénéficié sa femme, il y a lieu de retenir que le recourant s'estprésenté aux yeux de l'autorité compétente comme le représentant de sonépouse. Aussi, était-il tenu en cette qualité d'informer l'administration detoute modification survenue dans sa situation financière (ou celle de sonépouse). Par ailleurs, le recourant savait, vu les demandes de renseignementde l'administration qui lui étaient directement adressées à ce sujet et lesdocuments qu'il lui a fournis au fur et à mesure, que l'étendue de sesrevenus étaient déterminants pour le calcul des prestations versées à sonépouse. Partant, il ne pouvait ignorer l'importance d'une modification de sesrevenus pour l'allocation des prestations, et on pouvait attendre de luiqu'il déclare l'augmentation
- très importante, puisque le revenu durecourant avait plus que doublé pour atteindre un montant annuel supérieur à60'000fr. - de ses revenus liés à sa nouvelle activité salariée débutée enaoût 2001. L'omission d'en informer l'autorité compétente relève dès lors,sinon d'un comportement dolosif comme l'a retenu la juridiction cantonale,pour le moins d'une négligence grave. Par conséquent, la bonne foi du recourant au sens de l'art. 25 al. 1 LPGAdoit être niée, ce qui suffit pour exclure la remise de l'obligation derestituer. 5.La présente procédure, qui a pour objet tant la restitution de prestationsd'assurance que la remise de l'obligation de restituer celles-ci, estgratuite (comp. RJAM 1981 n° 445 p. 78). Le recourant, qui succombe, n'a pasdroit à des dépens (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. L'avance de frais versée par lerecourant, d'un montant de 1'800fr., lui est restituée. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 14 novembre 2006Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Juge présidant la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.32/06
Date de la décision : 14/11/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-14;p.32.06 ?
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