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14/11/2006 | SUISSE | N°4P.193/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 novembre 2006, 4P.193/2006


{T 0/2}4P.193/2006 /ech Arrêt du 14 novembre 2006Ire Cour civile Mme et MM. les Juges Klett, Juge présidant, Favre et Mathys.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Pascal Pétroz, contre A.________,intimé, représenté par Me Mauro Poggia,Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, casepostale 3108, 1211 Genève 3. art. 9 Cst.; arbitraire dans l'appréciation des preuves, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière debaux et loyers du canton de Genève du 12 juin 2006. Faits: A.Selon contrat du

12 janvier 1984, la SI Y.________ a loué à A.________ unapparte...

{T 0/2}4P.193/2006 /ech Arrêt du 14 novembre 2006Ire Cour civile Mme et MM. les Juges Klett, Juge présidant, Favre et Mathys.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Pascal Pétroz, contre A.________,intimé, représenté par Me Mauro Poggia,Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, casepostale 3108, 1211 Genève 3. art. 9 Cst.; arbitraire dans l'appréciation des preuves, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière debaux et loyers du canton de Genève du 12 juin 2006. Faits: A.Selon contrat du 12 janvier 1984, la SI Y.________ a loué à A.________ unappartement de trois pièces dans l'immeuble sis à Carouge. Conclu pour un an,le bail se renouvelait ensuite d'année en année, sauf préavis de résiliationde trois mois. En avril 1998, X.________ SA, nouvelle propriétaire del'immeuble, a informé A.________ du changement de bailleresse. Par jugement du 22 janvier 2001, le Tribunal des baux et loyers du canton deGenève a condamné X.________ SA à effectuer divers travaux dans l'appartementloué par A.________, en vue de supprimer des nuisances sonores; par ailleurs,il a réduit le loyer de 15% dès le 1erfévrier 1999 jusqu'à l'élimination dudéfaut. Statuant sur appel de X.________ SA, la Chambre d'appel en matière debaux et loyers du canton de Genève a confirmé la décision de premièreinstance. Par arrêts du 31mai 2002, le Tribunal fédéral a rejeté le recoursde droit public (cause 4P.21/2002) et le recours en réforme (cause4C.65/2002) que X.________ SA avait déposés contre l'arrêt cantonal. A la suite d'infiltrations d'eau, A.________ avait introduit une autreprocédure contre X.________ SA en mai 2001. Par jugement du 6novembre 2003,le Tribunal des baux et loyers a réduit le loyer considéré de 50% du 15 au 31mars 2000 et condamné X.________ SA à supprimer les «cloques» au plafond dela chambre à coucher et du salon. Statuant le 6 septembre 2004 sur appel deA.________, la Chambre d'appel a annulé le jugement de première instance,«supprim[é] le loyer (...) du 15 mai 2000 au 8 juin 2000», condamnéX.________ SA à procéder à l'exécution des travaux de réfection liés auxinfiltrations et réduit le loyer de 3% du 29 mars 2001 jusqu'à la suppressiondu défaut. Par courrier du 20 janvier 2003, A.________ s'est plaint auprès de la régiedu bruit provoqué par la famille B.________, qui avait emménagé dansl'immeuble le 23 décembre 2002. Il exposait que ses nouveaux voisins depalier avaient entrepris des travaux durant les fêtes de fin d'année, ycompris pendant les jours fériés, et souvent jusque tard dans la nuit; enoutre, des éclats de voix, des cris d'enfants et des coups contre les mursperturbaient son sommeil. La régie a fait connaître ces griefs aux locatairesen cause par lettre du 23 janvier 2003.Le 26 février 2003, la régie (recte: l'avocat de la bailleresse) a informéA.________ que ses voisins de palier se plaignaient à leur tour de sonattitude; ils lui reprochaient de les avoir importunés à de nombreusesreprises et d'avoir «tenu des propos fort peu amènes quant à leur origine».Le locataire était invité à adopter un comportement conforme aux égards dusentre voisins, sous peine de voir son bail résilié. A.________ a contesté lesgriefs élevés à son égard. Par courrier du 28 février 2003 adressé à la régie, le locataire a réitéré saplainte liée au bruit excessif provenant de l'appartement occupé par lafamille B.________ (aspirateur le dimanche dès 9 heures; déplacements demeubles; cris et pleurs d'enfants; hurlements des parents). Par avis officiel du 8 mai 2003, X.________ SA a résilié le bail deA.________ pour le 30 juin 2003, au motif que, malgré les avertissements, lelocataire avait continué d'importuner le voisinage, en violation de l'art.257f CO. B.Par requête du 6 juin 2003, A.________ a agi en constatation del'inefficacité, subsidiairement en annulation de la résiliation du bail; ilcontestait le motif du congé invoqué, lequel n'était qu'un prétexte, etfaisait valoir que la raison réelle de la résiliation résidait dans leslitiges l'opposant à la bailleresse. Selon cette dernière, le congé étaitjustifié, car le locataire avait tenu des propos xénophobes à l'endroit deses voisins B.________ et harcelé cette famille. A la suite de l'échec de la tentative de conciliation, la cause a été portéedevant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Par jugement du 27mai 2005, cette instance a déclaré le congé valable et débouté les parties detoutes autres conclusions. Statuant le 12 juin 2006 sur appel de A.________, la Chambre d'appel enmatière de baux et loyers a cassé le jugement de première instance et annuléla résiliation du bail notifiée à A.________. C.X.________ SA interjette un recours de droit public. Elle conclut àl'annulation de l'arrêt attaqué. A. ________ propose le rejet du recours.Invitée à se déterminer sur le recours, la cour cantonale se réfère auxconsidérants de sa décision. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Le recours de droit public est ouvert contre une décision cantonale pourviolation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).Le recours est dès lors recevable en tant qu'il se fonde sur le griefd'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.). Rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), l'arrêt attaqué estfinal (cf. art. 87 OJ) dans la mesure où il met un terme au procès entre lesparties. La recourante est personnellement touchée par la décision entreprise, qui aannulé la résiliation du bail notifiée à l'intimé. Elle a ainsi un intérêtpersonnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pasété adoptée en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, laqualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ). Au surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 89 al. 1 et art.34al. 1 let. c OJ). 1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs d'ordre constitutionnel soulevés et suffisamment motivés dans l'actede recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1. p. 31, 258consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1cp. 53/54 et les arrêts cités). Le recourant ne peut se contenter de critiquerla décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel oùl'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit (ATF 128 I295 consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let. b OJ n'autorise pas l'auteur d'unrecours de droit public à présenter sa propre version des événements (ATF 129III 727 consid. 5.2.2). 2.Selon l'arrêt attaqué, les propos xénophobes attribués à l'intimé n'ont pasété établis à satisfaction de droit. Les seuls témoignages de B.________ etde sa belle-soeur habitant l'immeuble, C.________, ne sont pas suffisants àcet égard, car ils émanent de personnes en conflit avec l'intimé et sontmanifestement inexacts sur un autre point, soit l'absence de comportementsbruyants des familles B.________ et C.________, pourtant attestés par tousles autres locataires entendus sous serment. Néanmoins, la cour cantonalelaisse ouverte la question de savoir si l'intimé a manqué ou non d'égardsenvers ses voisins. En effet, selon l'arrêt attaqué, il ne ressort pas dudossier que l'intimé aurait importuné ses voisins B.________ ou tenu despropos xénophobes entre la réception de la lettre du 26 février 2003 et larésiliation du 8 mai 2003. Or, un congé fondé sur l'art. 257f al. 3 COsuppose que le locataire ait persisté dans son comportement fautif malgrél'intervention du bailleur. 2.1 Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante reproche à la cour cantonaled'avoir retenu arbitrairement qu'aucune doléance à propos du comportement del'intimé n'avait suivi la mise en demeure du 26février 2003. La Chambred'appel n'aurait pas tenu compte de plusieurs éléments. En premier lieu, lecertificat médical du 24 avril 2003 prouverait l'état d'anxiété du plus jeuneenfant de la famille B.________, lié au harcèlement continuel exercé parl'intimé. Deuxièmement, il ressortirait du témoignage de B.________ que cedernier s'est plaint plusieurs fois de l'attitude de l'intimé entre le 26février et le 8 mai 2003. La recourante invoque enfin une plainte de lafamille B.________, reçue par la régie le 28 avril 2003, ainsi qu'un courrierdu 15 mai 2003 de son conseil au mandataire de l'intimé, faisant état denouvelles réclamations de la famille B.________. 2.2 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement unenorme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte demanière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pasque sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décisionapparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral nes'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, encontradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifobjectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seulfait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable(ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211; 131 I 57 consid. 2, 217 consid. 2.1; 129I 8 consid. 2.1).En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits,l'autorité fait montre d'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sansraison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision,lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un telélément, ou encore lorsqu'elle tire des déductions insoutenables à partir deséléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41). 2.3 Au préalable, il convient de relever que la lettre de la familleB.________ reçue par la régie le 28 avril 2003 ne figure pas dans les chargésdes parties déposés en instance cantonale. Un tel élément nouveau estirrecevable. En effet, les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas étésoumis à l'autorité cantonale ne peuvent être pris en considération dans lecadre d'un recours de droit public pour arbitraire (ATF 119 II 6 consid. 4ap. 7; 118 III 37 consid. 2a p. 39); en bonne logique, la cour cantonale nesaurait en effet encourir le reproche d'arbitraire pour n'avoir pas tenucompte d'une pièce dont elle n'a pas eu connaissance. 2.4 Les autres éléments invoqués par la recourante ne sont pas de nature àfaire apparaître la constatation incriminée comme arbitraire. Le certificatmédical du 25 avril 2003 constate «probablement» un début d'état anxieux chezl'un des enfants B.________, que le médecin a revu «récemment»; sur la basedes explications de la mère, la pédiatre l'attribue au comportement del'intimé, ce qui ne suffit manifestement pas à établir ladite attitude aprèsle 26 février 2003. Quant au témoignage de B.________ (cf. procès-verbal du21 janvier 2005), il ne contient aucune indication précise sur les datesauxquelles le locataire se serait plaint à la régie des agissements del'intimé. Par ailleurs, le témoin fait remonter «vraisemblablement» àjanvier, février ou mars 2003 les travaux de carrelage qui auraient conduitl'intimé à requérir l'intervention de la police. Là aussi, la date est pourle moins imprécise; au demeurant, cette déclaration ne permet pas de retenirque l'intimé aurait manqué d'égards envers ses voisins. Enfin, le courrier del'avocat de la recourante du 15 mai 2003, faisant état de «nouvellesplaintes» de la famille B.________, est postérieur à la notification du congéet ne peut, en tout état de cause, entrer en considération pour reconstituerle comportement de l'intimé entre le 26 février et le 8mai 2003. Sur le vu de ce qui précède, le grief tiré d'une appréciation arbitraire despreuves est manifestement mal fondé. Pour le surplus, la constatation critiquée autorisait la cour cantonale àjuger que l'une des conditions d'une résiliation fondée sur l'art. 257f al. 3CO, soit la persistance dans le manque d'égards malgré la mise en garde dubailleur, n'était pas réalisée. Contrairement à ce que la recourante soutientdans la seconde partie de son mémoire, la Chambre d'appel n'avait donc pasnécessairement à trancher la question de savoir si l'intimé avait ou nonviolé son devoir de respect envers les voisins avant l'envoi de la lettre du26 février 2003. 2.5 En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il estrecevable. 3.Vu le sort réservé au recours, les frais judiciaires seront mis à la chargede la recourante (art. 156 al. 1 OJ). Celle-ci versera en outre des dépens àl'intimé (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève. Lausanne, le 14 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse La Juge présidant: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.193/2006
Date de la décision : 14/11/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-14;4p.193.2006 ?
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