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10/11/2006 | SUISSE | N°U.394/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 novembre 2006, U.394/05


Cause {T 7}U 394/05 Arrêt du 10 novembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Cretton La Mobilière Suisse, Bundesgasse 35, 3001 Berne, recourante, représentée parMe Bernard Geller, avocat, place St-François 5, 1003 Lausanne, contre P.________, intimé, représenté par Me Jean-Luc Addor, avocat, avenue deTourbillon 3, 1951 Sion Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 15 juin 2005) Faits: A.Assuré contre les accidents par la «Mobilière Suisse, Société d'assurances»(ci-après: la Mobilière), P.________,

né en 1969, a été renversé par unevoiture le 30 mars 2002, alors...

Cause {T 7}U 394/05 Arrêt du 10 novembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Cretton La Mobilière Suisse, Bundesgasse 35, 3001 Berne, recourante, représentée parMe Bernard Geller, avocat, place St-François 5, 1003 Lausanne, contre P.________, intimé, représenté par Me Jean-Luc Addor, avocat, avenue deTourbillon 3, 1951 Sion Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 15 juin 2005) Faits: A.Assuré contre les accidents par la «Mobilière Suisse, Société d'assurances»(ci-après: la Mobilière), P.________, né en 1969, a été renversé par unevoiture le 30 mars 2002, alors qu'il était tombé en panne sur l'autoroute. Ila souffert d'une fracture bimalléolaire de la cheville droite avec luxationtibio-astragalienne, d'une dermabrasion étendue et profonde de la jambedroite, d'une plaie cutanéo-sous cutanée externe du genou gauche et d'unealgoneurodystrophie secondaire (rapports des docteurs T.________, serviced'orthopédie et de traumatologie de l'Hôpital X.________ et Y.________, etR.________, chirurgien orthopédique et médecin traitant, des 30 mars et 28octobre 2002). D'abord entières, du jour de l'accident au 31 mai 2002, les indemnitésjournalières ont été réduites de 30 %, du 1er juin au 31 août suivant, puisde 10 % dès cette date en raison des conclusions de l'enquête pénale:conduite d'un véhicule en étant pris de boisson. Estimant que son ébriété(taux moyen d'alcoolémie de 2,51g o/oo) n'avait joué aucun rôle dans ledéroulement des événements, l'assuré a réclamé le versement rétroactif del'intégralité des prestations en cause ou, à défaut, la notification d'unedécision formelle. Dans un premier temps, l'assureur-accidents a confirmé la réduction opéréejusqu'alors, considérant que le comportement de l'intéressé avait étédangereux et constitutif de plusieurs infractions à la loi fédérale du 19décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; décision du 24 mai 2004),puis, ayant offert la possibilité à P.________ de retirer son opposition, aporté le taux à 50 %, dès le 1erseptembre 2002, pour mieux tenir compte dela gravité des fautes et des recommandations de la «Commission ad hocsinistres LAA» relatives à la fixation du taux de réduction en fonction dutaux d'alcoolémie (décision sur opposition du 27 juillet 2004). B.L'assuré a déféré la décision sur opposition au Tribunal des assurances ducanton de Vaud, concluant en substance à la suppression rétroactive de laréduction de ses prestations dont le taux de 50 % était en tout état de causedisproportionné. Par jugement du 15 juin 2005, la juridiction cantonale a admis partiellementle recours. Elle estimait que le taux d'alcoolémie n'était pas le seulélément déterminant et qu'une réduction de 20 % apparaissait équitable etproportionnée. C.La Mobilière interjette recours de droit administratif contre ce jugementdont elle requiert l'annulation. Elle conclut, sous suite de dépens, à laconfirmation de la décision sur opposition. L'intéressé s'en remet à justice et conclut, sous suite de dépens également,au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé public a renoncé à sedéterminer. Considérant en droit: 1.1.1 Est seule litigieuse la question du taux de réduction des indemnitésjournalières octroyées à l'intimé. 1.2 La loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit desassurances sociales (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domainede l'assurance-accidents. Le cas reste toutefois régi par les dispositions dela LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selonlequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faitsjuridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 446 sv. consid. 1.2.1,127 V 467 consid. 1, 126V165 consid. 4b), dès lors que pour fixer laquotité de la réduction des prestations en cause, seuls comptent lecomportement de l'assuré lors de l'accident du 30 mars 2002 et lescirconstances de ce dernier. 1.3 Faisant application de l'art. 21 al. 1 LPGA, la juridiction cantonale aretenu que le comportement de l'intimé était constitutif d'un délit au sensde l'art. 91 al. 1 LCR (délit lorsque le taux d'alcoolémie est qualifié commeen l'espèce) et que le lien de causalité entre ce dernier et le dommage étaitétabli au degré de la vraisemblance prépondérante. Bien que ces éléments ne fassent pas partie de l'objet du litige, on noteraque l'application de l'ancien droit permet d'aboutir à une conclusionidentique, dans la mesure où les conditions d'application de l'art.37 al. 3première phrase aLAA se retrouvent intégralement dans le nouveau droit (art.21 al. 1 LPGA et 37 al. 3 première phrase LAA pris dans leur systématique);il n'est par conséquent pas nécessaire de revoir le jugement entrepris surces points, d'autant plus que le résultat obtenu n'est pas critiquable:l'assuré a été reconnu coupable de conduite d'un véhicule en étant pris deboisson; l'ancienne et la nouvelle législation supposent que l'accident soitsurvenu lors ou à l'occasion de la commission d'une infraction, ce quiimplique l'existence d'un lien objectif et temporel entre l'acte délictueuxet l'atteinte à la santé, sans qu'il soit nécessaire, contrairement à ce queprétendait l'intimé en instance cantonale, que l'acte comme tel soit la causede l'atteinte à la santé (ATF 119 V 246 consid. 3c et les références;Frésard/Moser-Szeless, Refus, réduction et suspension des prestations del'assurance-accidents: état des lieux et nouveautés, HAVE/REAS 2005 p. 129). 2.2.1Les premiers juges ont confirmé le principe même de la réduction desindemnités journalières, estimant que le taux d'alcoolémie n'était pas leseul critère dont il fallait tenir compte et que l'on ne pouvait se fondersur le seul fait que l'infraction commise constituait un délit. Admettantcertes que le comportement de l'assuré était inadapté, ils ont toutefois prisen considération les circonstances et les conséquences de l'accident, àsavoir que l'intimé n'était pas au volant de son véhicule lorsque l'actedommageable s'était produit, que ce dernier était à l'arrêt, en panne, surune surface interdite au trafic et que le conducteur de l'autre véhiculen'avait pas fait preuve de toute l'attention requise par les événements, puisavait continué son chemin sans se soucier des conséquences. 2.2 L'assureur recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir faitpasser le taux de réduction de 50 à 20 % en se distançant de la pratique duTribunal fédéral des assurances qui fait dépendre ledit taux de celui del'alcoolémie, en s'écartant sans motif sérieux de la réduction opérée et enpassant sous silence une grande partie du comportement totalement inadapté del'assuré, à l'exception du fait que celui-ci se trouvait sous l'influence del'alcool. 3.3.1Le jugement entrepris expose correctement les principes jurisprudentielsrelatifs au pouvoir d'appréciation limité du juge des assurances, et parconséquent étendu des assureurs-accidents, en matière de réduction deprestations, aux critères dont il faut tenir compte pour déterminer laquotité de cette dernière, à la pratique des assureurs-accidents, confirméemaintes fois par le Tribunal fédéral des assurances, selon laquelle le tauxde réduction est fonction du degré d'alcoolémie et à la valeur de cettepratique, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer. 3.2 On rappellera au préalable que le juge des assurances sociales n'est paslié par les constatations (désignation des prescriptions enfreintes) etl'appréciation (évaluation de la faute commise) du juge pénal et peut s'ens'écarter notamment lorsque les faits ou leur qualification juridique ne sontpas convaincants (ATF 125 V 242 consid. 6a et les références). Dans le cas particulier, il ressort du dossier qu'après avoir passé deuxjours, au cours desquels il affirme n'avoir dormi que trois heures, àpréparer et à procéder à l'ouverture officielle d'un magasin dont il était legérant ou l'administrateur, l'intimé a pris le volant de son véhicule durantla nuit du 29 au 30 mars 2002, aux alentours de 4h45; son taux d'alcoolémiese situait entre 2,19 et 2,83g o/oo. Entré sur l'autoroute à W.________, il aroulé en direction de V.________, où il résidait, même s'il possédait unpied-à-terre à U.________. Sa voiture ayant des ratés, il a décidé des'arrêter à hauteur de S.________. Contrairement à ce qu'il prétend et à cequ'a retenu la juridiction cantonale, il ne s'est pas immobilisé sur la banded'arrêt d'urgence, ni sur une zone interdite au trafic, mais au beau milieude la voie d'accès à l'autoroute comme cela ressort sans conteste du rapportde police. Il est alors sorti du véhicule, sans enclencher les feux de panne,ce qui a été fait par son passager, et s'est placé en bordure des voies deroulement pour faire signe aux autres usagers de la route, sans mêmeinstaller au préalable de triangle de panne; il était vêtu d'une tenuesombre. Peu après, une voiture, qui s'était engagée sur la voie d'accès àl'autoroute, l'a percuté en voulant éviter le véhicule stationné au milieu dupassage, puis a poursuivi son chemin. Par ordonnance pénale succincte et nonmotivée, l'assuré a été reconnu coupable de conduite d'un véhicule automobileen étant pris de boisson (art. 91 al.1 LCR) et exempté de toute peine enapplication de l'art. 66bis CP. 3.3 Au regard de ce qui précède, il apparaît que le comportement de l'assuréest constitutif d'un délit (conduite en état d'ébriété avec un degréd'alcoolémie moyen de 2,51g o/oo), même si celui-ci a été exempté de toutepeine en raison des conséquences directes de ses agissements sur sa proprepersonne (ATF 129 V 358 sv. consid. 3.2), lequel est à l'origine del'accident et des atteintes en découlant, ainsi que l'a retenu la juridictioncantonale, ce qui n'est du reste plus contesté en instance fédérale, et étaittotalement inadapté aux circonstances. Ce comportement, comme cela ressortdes faits corrigés tels que rappelés, constitue en outre de gravesinfractions aux règles de la circulation; il tombe ainsi sous le coup del'art. 90 LCR, en relation notamment avec les art. 26 (se comporter de façonà ne pas gêner, ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformémentaux règles établies) et 37 al. 2 (ne pas arrêter un véhicule, ni le parqueraux endroits où il pourrait gêner ou mettre en danger la circulation) LCR,ainsi que 36 al. 3 OCR (utilisation de la bande d'arrêt d'urgence et desplaces d'arrêt prévues pour les véhicules en panne et signalées comme tellesqu'en cas de nécessité absolue; ne pas s'engager sur la chaussée). Il n'existait par conséquent aucune raison de s'écarter de la pratique desassureurs-accidents, liant le taux de réduction au degré d'alcoolémie etadmise par le Tribunal fédéral des assurances, les circonstances de l'acteincriminé auxquelles font référence les premiers juges étant par ailleurserronées (la voiture n'était pas arrêtée sur une surface interdite au trafic,mais au beau milieu de la voie d'accès à l'autoroute) ou non-pertinentes (lefait que l'intimé n'était pas au volant de sa voiture n'a pas d'incidencepuisqu'il suffit que l'accident soit survenu lors ou à l'occasion de lacommission d'une infraction sans qu'il soit nécessaire que l'acte comme telsoit la cause de l'atteinte à la santé). On notera encore que le lien entrel'acte délictueux et l'atteinte à la santé peut certes être rompu par unefaute particulièrement grave d'un tiers (Frésard/Moser-Szeless, op. cit., p.129). Cependant, le fait de se déplacer sur la gauche, même sur une surfaceinterdite au trafic, pour éviter une voiture arrêtée en plein milieu de lachaussée ne semble pas interrompre le lien de causalité entre le comportementde l'intimé et les dommages subis, dans la mesure où l'attention duconducteur du deuxième véhicule était focalisée sur l'obstacle se trouvant aumilieu d'une voie d'accès à l'autoroute et que selon le principe de laconfiance, celui-ci ne devait pas s'attendre à voir surgir un individu enprovenance des voies de roulement rapides, d'autant plus que ce dernier étaitvêtu de couleurs sombres. Le fait que le deuxième conducteur ait pris lafuite est par ailleurs postérieur à l'accident et n'a pas d'influence surcelui-ci.Les circonstances invoquées par les premiers juges ne constituaient donc pasdes raisons sérieuses de substituer leur point de vue à celui de l'assureurrecourant qui bénéficiait, comme mentionné, d'un très large pouvoird'appréciation en la matière. Le recours est ainsi bien fondé, de sorte quele jugement doit être annulé et la décision de l'assureur recourantconfirmée. 4.Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). L'assureurrecourant, qui a conclu à l'octroi de dépens, ne saurait toutefois enprétendre, aucune indemnité n'étant allouée, en règle générale, auxorganismes chargés de tâches de droit public (art. 159 al. 2 in fine OJ; ATF118 V 169 sv. consid. 7 et les références). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du 15 juin 2005 du Tribunal desassurances du canton de Vaud est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de dépens. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. Lucerne, le 10 novembre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.394/05
Date de la décision : 10/11/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-10;u.394.05 ?
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