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10/11/2006 | SUISSE | N°C.198/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 novembre 2006, C.198/05


Cause {T 7}C 198/05 Arrêt du 10 novembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Métral Caisse Cantonale Genevoise de Chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève,recourante, contre O.________, intimée, représentée par Me Elisabeth Gabus-Thorens, avocate, ruedu Général-Dufour 11, 1204 Genève Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 1er juin 2005) Faits: A.Le 2 avril 2004, O.________ a demandé à la Caisse cantonale genevoise dechômage (ci-après : la caisse) de lui allouer des indemnités de chômage avecef

fet rétroactif dès le 2 février 2004. Elle a indiqué qu'elle rech...

Cause {T 7}C 198/05 Arrêt du 10 novembre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Métral Caisse Cantonale Genevoise de Chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève,recourante, contre O.________, intimée, représentée par Me Elisabeth Gabus-Thorens, avocate, ruedu Général-Dufour 11, 1204 Genève Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 1er juin 2005) Faits: A.Le 2 avril 2004, O.________ a demandé à la Caisse cantonale genevoise dechômage (ci-après : la caisse) de lui allouer des indemnités de chômage aveceffet rétroactif dès le 2 février 2004. Elle a indiqué qu'elle recherchait unemploi à temps partiel (50 %) et qu'elle avait résilié son dernier contrat detravail - avec l'entreprise «X.________», à B.________ - alors qu'elle étaitenceinte de son premier enfant, en décembre 1994. Elle a ajouté qu'ellen'avait par la suite plus repris d'activité lucrative afin de pouvoirs'occuper de ses trois enfants, nés respectivement les 4 janvier 1995, 18janvier 1998 et 24mai 2000. A la question :«Demandez-vous les prestations del'assurance-chômage à la suite de séparation de corps ou de divorce,d'invalidité ou de mort du conjoint, de suppression de la rente d'invaliditéou pour un événement semblable et résidiez-vous en Suisse au moment où s'estproduit l'événement en question [...] ?», elle a répondu par la négative. Par décision du 4 mai 2004, la Caisse cantonale genevoise de chômage a rejetéla demande d'indemnités (ci-après : la caisse). Elle a considéré queO.________ ne pouvait justifier d'aucune période de cotisation pendant ledélai-cadre de cotisation, courant du 2 février 2000 au 1er février 2004, cequi excluait le droit aux prestations. O. ________ s'est opposée à cette décision, en précisant qu'elle n'avait pascommuniqué tous les renseignements nécessaires à l'appui de sa demande et enproduisant un certificat de salaire établi le 22 mars 2004 par la sociétéY.________. Selon ce document, la société avait versé un salaire brut de12'827 fr. 35 en 2003 à O.________. Cette dernière a également produit unextrait de son compte individuel auprès de la caisse de compensationFER-CIAM, à Genève, dont il ressort qu'un revenu de 6'000 fr. a été annoncépar Y.________ pour les années 1997 et 1998, puis un revenu de 10'000fr. en1999, 12'000 fr. en 2000, 2001 et 2002, et 12'827 fr. en 2003. La caisse s'est procuré un extrait du Registre du commerce dont il ressortque O.________ était associée gérante, avec son époux, R.________, de lasociété Y.________, dont elle détenait une part de 1'000 fr. (R.________étant titulaire d'une part de 19'000fr.). Par lettre du 31 août 2004, elle aavisé O.________ de son intention de nier le droit aux prestations, au motifqu'elle occupait une position comparable à celle d'un employeur et ne pouvaitdonc pas se prévaloir d'une perte de travail à prendre en considération. O. ________, désormais représentée par Me Gabus-Thorens, a répondu, parlettre du 13 septembre 2004, qu'elle n'avait jamais eu de position dominante,ni pris aucune décision pour la société, en réalité dirigée par son époux.Depuis une année, le couple vivait séparé et R.________ avait mis fin à larelation de travail avec son épouse. O.________ alléguait également qu'ellese trouvait dans une situation difficile, dès lors qu'elle n'avait pas derevenu, se voyait refuser le droit aux prestations de chômage et étaitobligée d'entreprendre des démarches judiciaires contre son époux, pourobtenir le paiement de contributions d'entretien. Par décision sur opposition du 27 septembre 2004, la caisse a maintenu sonrefus de prester. B.O.________ a déféré la cause au Tribunal des assurances sociales du canton deGenève. Elle a allégué, à nouveau, qu'elle n'avait jamais eu de positiondominante au sein de la société Y.________, dont elle n'était restée associéeque sur le papier et qui était en réalité dirigée exclusivement parR.________. Elle vivait séparée de son époux depuis plus d'une année etcelui-ci avait mis fin à son contrat de travail unilatéralement. Par jugement du 1er juin 2005, la juridiction cantonale a admis le recours et«octroy[é] à la recourante les indemnités de chômage dès le 2 février 2004, àcondition qu'elle ait satisfait aux exigences de contrôle au sens de la loi»,sous suite de dépens. Les juges cantonaux ont considéré, après avoir entenduplusieurs témoins, que O.________ n'avait en réalité jamais travaillé pourY:________ et qu'elle avait présenté une demande d'indemnités de chômage enraison de la séparation d'avec son époux dans le courant de l'année 2003.Elle était donc libérée des conditions relatives à la période de cotisationet subissait une perte de travail à prendre en considération. C.La caisse interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,dont elle demande l'annulation, sous suite de frais. L'intimée demande ladésignation de sa mandataire en qualité d'avocat d'office et conclut au rejetdu recours, alors que le Secrétariat d'Etat en propose l'admission. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le droit de l'intimée à des indemnités journalières del'assurance-chômage. Il s'agit plus particulièrement de déterminer sil'intimée subit une perte de travail à prendre en considération et si elleest libérée des conditions relatives à la période de cotisation. 2.2.1Aux termes de l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré a droit à l'indemnité dechômage, à condition, notamment, d'être sans emploi ou partiellement sansemploi (art. 10), de subir une perte de travail à prendre en considération(art. 11) et de remplir les conditions relatives à la période de cotisationou d'en être libéré (art. 13 et 14 LACI). 2.2 Il y a lieu de prendre en considération une perte de travail lorsqu'ellese traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées consécutives(art. 11 al. 1 LACI). La perte de travail doit être contrôlable, de sorte queles personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent lesinfluencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organedirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participationfinancière à l'entreprise, et les conjoints de ces personnes qui sont occupésdans l'entreprise n'ont pas droit aux indemnités (cf. art. 31 al. 3 let. cLACI; ATF 123 V 238 consid. 7b/bb; DTA 2001 p. 225, [arrêt A. du 9 mai 2001,C 279/00]). Il n'en va différemment que si le salarié, qui se trouve dans uneposition assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivementl'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci, ou rompt définitivementtout lien avec elle. Dans ce contexte, la séparation de fait entre deuxconjoints, dont l'un est en position de fixer les décisions que prendl'employeur ou de les influencer considérablement, ne suffit pas à retenirune rupture définitive de tout lien avec cet employeur (DTA 2003 p. 120[arrêt B. du 16 septembre 2002, C 16/02], arrêt C. du 17 octobre 2005, C179/05). 2.32.3.1Des délais-cadres de deux ans s'appliquent, en règle générale, auxpériodes d'indemnisation et de cotisation (art. 9 al. 1 LACI). Le délai-cadreapplicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jouroù toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies. Ledélai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ansplus tôt (art. 9 al. 2 et 3 LACI). Le délai-cadre de cotisation de l'assuréqui s'est consacré à l'éducation de son enfant est de quatre ans si aucundélai-cadre d'indemnisation ne courait au début de la période éducativeconsacrée à un enfant de moins de dix ans (art. 9b al. 2 LACI). Toutenaissance subséquente entraîne une prolongation de deux ans au maximum de lapériode définie à l'al. 2 (art. 9b al. 3 LACI). 2.3.2 Conformément à l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites dudélai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze moisau moins une activité soumise à cotisation, remplit les conditions relativesà la période de cotisation. Sont libérées des conditions relatives à lapériode de cotisation les personnes qui, par suite de séparation de corps oude divorce, d'invalidité (art. 8 LPGA) ou de mort de leur conjoint ou pourdes raisons semblables ou pour cause de suppression de leur rented'invalidité, sont contraintes d'exercer une activité salariée ou del'étendre. L'événement en question ne doit toutefois pas remonter à plusd'une année et la personne concernée devait être domiciliée en Suisse aumoment où il s'est produit (art. 14 al. 2 LACI). 3.3.1Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régiepar le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la causedoivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pasabsolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer àl'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation desparties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigéd'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faitsinvoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquencesde l'absence de preuves (ATF125V195 consid.2 et les références; cf. ATF130I183 consid.3.2).3.2 Entre le moment du dépôt de sa demande de prestations àl'assurance-chômage et sa réponse au recours de droit administratif interjetédevant le Tribunal fédéral des assurances, l'intimée a présenté au moinstrois versions différentes des faits. D'abord, elle a allégué avoir travaillépour la dernière fois au service de l'entreprise «X.________» jusqu'en 1995,et a nié demander des prestations de chômage ensuite de séparation oudivorce. Plus tard, elle s'est prévalue de cotisations à l'assurance-chômageversées par Y.________ et a tenté de démontrer qu'elle avait effectivementreçu un salaire de cette société, en omettant d'indiquer qu'elle en était, aumoins formellement, associée gérante, avec son époux. Lorsque la caisse arefusé de prester au motif que O.________ se trouvait dans une positioncomparable à celle d'un employeur, celle-ci a précisé qu'en pratique, sonépoux dirigeait seul la société et qu'il avait quitté le domicile conjugaldans le courant de l'année 2003; depuis lors, il avait mis fin aux rapportsde travail avec son épouse, qui s'était vue contrainte de chercher un nouvelemploi. Finalement, l'intimée soutient qu'elle n'a jamais travaillé pourY.________ et qu'elle s'est entièrement consacrée à sa famille depuis lanaissance de son dernier enfant. Les salaires annoncés par son époux auxautorités fiscales et aux assurances sociales correspondent en réalité à desmontants qui lui étaient versés pour les besoins du ménage. 3.3 En l'occurrence, aucune des preuves administrées par l'instance cantonalene permet d'établir clairement l'une des trois versions des faits présentéespar l'assurée. D'une part, certains témoignages tendent à démontrer l'absenced'activité lucrative exercée par l'assurée au service de l'entrepriseY.________. D'autres part, les attestations de salaire produites, le fait quedes cotisations sociales sur ces salaires ont été versées et certainsdocuments bancaires attestant le versement régulier d'argent à l'intiméeconstituent autant d'indice d'une activité lucrative qui, le cas échéant,excluerait le droit aux prestations, conformément à la jurisprudence énoncéeau consid. 2.2 supra. Dans ces conditions, en présentant des allégationscontradictoires selon les besoins de la cause, alors qu'aucun moyen de preuvedécisif ne permet d'établir clairement la véracité de l'une ou l'autre desversions des faits présentées, l'intimée a rendu impossible l'établissementde la vérité, au degré de la vraisemblance prépondérante requis en droit desassurances sociales. Elle supporte donc les conséquences de l'absence depreuves, ce qui conduit à se fonder sur l'une ou l'autre des deux premièresversions des faits qu'elle a présentées, et à nier le droit aux prestations.Dans le premier cas, en effet, elle ne remplit pas la condition relative à lapériode de cotisation, sans pouvoir se prévaloir d'un motif de libération;dans le second cas, elle ne subit pas de perte de travail à prendre enconsidération, puisqu'elle occupe une position comparable à celle d'unemployeur. Cela étant, le point de savoir si la jurisprudence exposée auconsid. 2.2 supra serait également applicable dans l'hypothèse où latroisième version des faits présentée par l'intimée serait établie àsatisfaction de droit, comme le soutient le recourant et contrairement à ceque prétend l'intimée, peut être laissé ouvert. 4.4.1La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, desorte qu'elle est gratuite. Par ailleurs, l'intimée voit ses conclusionsrejetées, de sorte qu'elle ne peut prétendre de dépens à la charge de larecourante (art. 159 al. 1 OJ). 4.24.2.1Selon la loi (art. 152 OJ) et la jurisprudence, la prise en charge desfrais de défense d'une partie, au titre de l'assistance judiciaire, n'estallouée que si le requérant est dans le besoin et si l'assistance d'un avocatest nécessaire, ou du moins indiquée (cf. ATF 125 V 202 consid. 4a, 372consid. 5b). Une partie est dans le besoin lorsque ses ressources ne luipermettent pas de supporter les frais de procédure et ses propres frais dedéfense sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de safamille (cf. ATF 127 I 205 consid. 3b et les références). Les circonstanceséconomiques au moment de la décision sur la requête d'assistance judiciairesont déterminantes (ATF 108 V 269 consid. 4; cf. également Bühler, DieProzessarmut, in: Christian Schöbi, Frais de justice, frais d'avocat,cautions/sûretés, assistance juridique, Berne 2001, p. 190 sv.).4.2.2 Par acte du 5 septembre 2006, l'intimée a produit diverses piècescomplémentaires, dont un «plan de calcul de la prestation d'assistancepublique», joint à une décision du 21 juillet 2006 par laquelle l'Hospicegénéral de Genève refusait de renouveler les prestations d'assistancesallouées précédemment. Il ressort de ce plan de calcul, dont l'intimée n'apas précisé qu'il contiendrait l'une ou l'autre erreur, qu'elle perçoit unsalaire mensuel net de 175 fr., auquel s'ajoute une pension de 3'000 fr.versée par son époux et 600 fr. d'allocations familiales, soit un montanttotal de 3'775 fr. par mois. En ce qui concerne les charges, ce même plan decalcul fait état de 332fr. 60 par mois de primes d'assurance-maladie. Ilconvient d'y ajouter un montant 2'300 fr., majoré de 25 % (575 fr.), pour lacouverture des besoins de base de l'intimée (1'250 fr. pour une personneélevant ses enfants seule, auxquels s'ajoutent 350 fr. pour trois enfantsâgés de 6 à 12 ans; cf. Lignes directrices du 24novembre 2000 pour le calculdu minimum d'existence en matière de poursuite [minimum vital] selonl'article 93 LP, établies par la Conférence des préposés aux poursuites etfaillites de Suisse, BlSchKg 2001/2002, p. 19). L'intimée n'apporte aucunepreuve à l'appui des autres charges qu'elle allègue, de sorte qu'il n'y a paslieu de les prendre en considération. Le total des charges
de l'intimée(3'207 fr. 60, soit 2'300 fr. + 575 fr. + 332 fr. 60) lui laisse ainsi unmontant de 567 fr. 40 par mois à disposition (3'775 fr. - 3'207 fr. 60), quilui permet, en moins d'une année, d'assumer ses frais de défense sansassistance judiciaire. La requête de désignation d'office de MeGabus-Thorensest donc mal fondée. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurancessociales du 1er juin 2005 est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.La demande d'assistance judiciaire, tendant à la désignation d'un avocatd'office, est rejetée. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales et au Secrétariat d'Etat à l'économie. Lucerne, le 10 novembre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.198/05
Date de la décision : 10/11/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-10;c.198.05 ?
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