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10/11/2006 | SUISSE | N°1P.716/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 novembre 2006, 1P.716/2006


{T 0/2}1P.716/2006 /col Arrêt du 10 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourante, représentée par Me Pierre Schifferli, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. détention préventive, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 6octobre 2006. Faits: A.A. ________, ressortissante française, se trouve en détention préventive àGenè

ve depuis le 4 avril 2006, sous l'inculpation d'abus de confiance...

{T 0/2}1P.716/2006 /col Arrêt du 10 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourante, représentée par Me Pierre Schifferli, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. détention préventive, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 6octobre 2006. Faits: A.A. ________, ressortissante française, se trouve en détention préventive àGenève depuis le 4 avril 2006, sous l'inculpation d'abus de confiance, voired'escroquerie. Il lui est reproché d'avoir, avec son ami B.________, détournéles fonds investis par des clients dans le cadre d'une société de gestion defortune.La détention préventive a été prolongée pour deux mois par ordonnance de laChambre d'accusation du 11 avril 2006.Le 6 juin 2006, le Juge d'instruction a requis une nouvelle prolongation. Ilrelevait que les revenus de l'activité de gestion de fortune ne permettaientpas de couvrir les coûts de fonctionnement, et que la présence de mallesmétalliques dans les bureaux évoquait un prochain déménagement. De nouveauxplaignants s'étaient manifestés, pour un préjudice total d'au moins dixmillions de francs. Le 7 juin 2006, A.________ a demandé sa mise en libertéprovisoire, indiquant qu'elle était une simple employée sans aucun pouvoir dedécision, de sorte que la gravité des faits à sa charge devait êtrerelativisée. Le 8 juin 2006, le Juge d'instruction a refusé la mise enliberté et transmis la procédure à la Chambre d'accusation.Par ordonnance du 9 juin 2006, la Chambre d'accusation a refusé la mise enliberté provisoire et prolongé la détention pour deux mois. L'inculpée, quimaîtrisait les aspects administratifs, savait que les charges dépassaientlargement les revenus et ne pouvait ignorer l'existence d'opérationsfrauduleuses. Les besoins de l'instruction, (audition de nouveaux plaignantset confrontations) et le risque de collusion (s'agissant notamment del'utilisation des fonds détournés) justifiaient le maintien en détention. Lerisque de fuite était concret. B.Le 4 août 2006, le Juge d'instruction a fait droit à une demande de mise enliberté, considérant que le rôle de A.________ était nettement secondaire parrapport à celui de B.________, dont elle était l'assistante. Le Procureurgénéral a toutefois fait opposition à l'élargissement de l'inculpée.Par ordonnance du 8 août 2006, la Chambre d'accusation a rejeté la demande demise en liberté et prolongé la détention pour une nouvelle période de deuxmois. Les déclarations faites à la police par d'anciens employés etconsultants faisaient apparaître que le rôle de l'inculpée dans lesdétournements n'était pas secondaire. Des témoins devaient être entendus parle Juge d'instruction et il existait un risque de collusion, tant à l'égardde ces témoins que s'agissant de l'usage des fonds détournés. Le risque defuite a été confirmé.Une nouvelle demande de mise en liberté provisoire a été rejetée le 15septembre 2006 par le Juge d'instruction: les audiences, à raison d'unematinée par semaine, étaient programmées jusqu'à la fin de l'année, comptetenu des nouvelles plaintes. Par ordonnance du 21septembre 2006, la Chambred'accusation a confirmé cette décision. A.________ était apparue, pourcertains clients, au même niveau hiérarchique que B.________, tous deuxdisposant de la signature individuelle. Le risque de collusion perdurait,s'agissant notamment de la destination des fonds détournés. C.Par ordonnance du 6 octobre 2006, la Chambre d'accusation a autorisé laprolongation de la détention préventive jusqu'au 6 décembre 2006, en seréférant à son ordonnance du 21 septembre 2006 et en ajoutant que denouvelles plaintes avaient encore été déposées, à propos desquelles laprévenue devait être entendue. D.A.________ forme un recours de droit public. Elle conclut à l'annulation decette dernière ordonnance, ainsi qu'à sa mise en liberté immédiate.La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de son ordonnance. LeProcureur général conclut au rejet du recours.Invitée à répliquer, la recourante a maintenu ses conclusions, Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu endernière instance cantonale (art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ). La recourante,personnellement touchée par l'arrêt attaqué qui autorise la prolongation pourdeux mois de sa détention préventive, a qualité pour recourir selon l'art. 88OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, lesconclusions tendant à la mise en liberté immédiate sont recevables (ATF 124 I327 consid. 4b/aa p. 333). 2.Dans un grief de nature formelle, qu'il convient d'examiner en premier, larecourante reproche à la Chambre d'accusation d'avoir considéré qu'elle s'enrapportait à justice sur le principe de la détention, alors qu'elle s'y étaitclairement opposée. La cour cantonale aurait ainsi méconnu les objectionssoulevées par la recourante. Par ailleurs, l'ordonnance attaquée renvoie à lademande de prolongation du Juge d'instruction, laquelle est très succincte etrenvoie elle-même aux ordonnances rendues les 8 août et 21 septembre 2006;cela ne constituerait pas une motivation suffisante. 2.1 La mention selon laquelle la recourante ne se serait pas opposée à ladétention dans son principe peut résulter d'une simple erreur de plume, sansdoute due au fait que le coïnculpé B.________ s'en était effectivementrapporté à justice sur ce point. Une telle erreur ne prête pas à conséquence,pour autant que les considérants de l'ordonnance attaquée répondent demanière satisfaisante aux objections soulevées par la recourante. 2.2 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère à toutepersonne le droit d'exiger qu'un jugement ou une décision défavorable à sacause soit motivé. Cette garantie tend à donner à la personne touchée lesmoyens d'apprécier la portée du prononcé et de le contester efficacement,s'il y a lieu, devant une instance supérieure. Elle tend aussi à éviter quel'autorité ne se laisse guider par des considérations subjectives oudépourvues de pertinence; elle contribue, par là, à prévenir une décisionarbitraire. En règle générale, il suffit que l'autorité mentionne au moinsbrièvement les motifs qui l'ont guidée, sans qu'elle soit tenue de répondre àtous les arguments présentés (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussiATF 126 I 97 consid. 2b p. 102, 125 II 369 consid. 2c p. 372, 124 II 146consid. 2a p. 149). Cela concerne notamment les décisions consécutives à unedemande de prolongation de la détention, sur laquelle l'autorité doit statuerà bref délai; il est d'ailleurs admis que celle-ci peut se borner à adhéreraux motifs de la demande ou à ceux d'une décision antérieure (ATF 123 I 31consid. 2 p. 33). 2.3 L'ordonnance attaquée est motivée par renvoi, aux motifs du Juged'instruction d'une part et à l'ordonnance du 21 septembre 2006 d'autre part.La demande de prolongation se réfère elle-même à l'ordonnance du 21 septembre2006. Si cette dernière se réfère également à des décisions précédentes, ellecontient néanmoins des indications quant aux raisons du maintien endétention: elle mentionne les déclarations selon lesquelles la recouranten'avait pas qu'un rôle subalterne et serait intervenue activement; ellerelève le risque de collusion en rapport avec les nouvelles plaintes déposéeset le risque de disparition du butin, étant encore mentionné le manqued'explications complètes quant à l'utilisation des fonds détournés. Cesindications sont suffisantes pour comprendre les raisons de la prolongationde détention. Elles répondent, au moins dans une certaine mesure, auxobjections soulevées par la recourante, et permettent en tout cas à cettedernière de recourir en connaissance de cause. Cela étant, la Chambred'accusation pouvait retenir que les considérations émises deux semainesauparavant dans le même cadre avaient conservé leur pertinence. Les exigencesminimales de motivation sont par conséquent satisfaites. 3.Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la libertépersonnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si ellerepose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espècel'art. 34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE; cf. également l'art.27 Cst./GE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecterle principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doitêtre justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou undanger de collusion ou de réitération (cf. art. 34 let. a à c CPP/GE). Lagravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, àelle seule, pas suffisante (ATF 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à cesconditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes(art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 34 in initioCPP/GE).S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunalfédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois del'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grandeliberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162consid. 3b). 4.Même si elle relativise l'importance des faits qui lui sont reprochés, enprétendant n'avoir eu qu'un rôle secondaire par rapport à B.________, larecourante ne conteste pas l'existence de charges suffisantes. Elle estimetoutefois que sa détention ne serait plus justifiée par les besoins del'instruction, compte tenu de l'ordonnance de mise en liberté rendue le 3août 2006. Le risque de collusion retenu par la Chambre d'accusation seraittotalement abstrait. Les locaux de la société ont été évacués etl'intégralité des dossiers clients a été saisie. La recourante se dit dansl'impossibilité de donner des explications sur l'acheminement des fonds,ceux-ci ayant été perdus par dans une opération aux Comores. La recouranten'aurait pas activement participé à cette opération. 4.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêtpublic lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est àcraindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaîtreou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autresprévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefoisse contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent àtoute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul lemaintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance (ATF128 I 149 consid. 2.1 p.151, 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257 consid.4c p. 261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes ligneset sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actesd'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du prévenuen compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p.33/34,116 Ia 149 consid. 5 p. 152). 4.2 Dans son ordonnance du 21 septembre 2006, la Chambre d'accusation arelevé que, selon certains témoignages, le rôle de la recourante ne se seraitpas limité à celui d'un exécutant; la recourante serait apparue commel'associée de , intervenant activement, en particulier dans les relationsavec un établissement bancaire. En dépit des nombreux témoignages faisantapparaître la recourante comme dépourvue de pouvoir de décision, il demeurede sérieuses incertitudes sur la question, déterminante pour la recourante,de son degré de participation dans les détournements. L'ordonnance du21septembre 2006 relève aussi que toutes les personnes concernées n'ont paspu être entendues de manière contradictoire. Ainsi, même si tous lesdocuments relatifs aux clients ont été saisis dans les bureaux de la société,il subsiste un risque que la recourante ne profite d'une mise en liberté pourtenter d'influencer les témoins afin qu'ils présentent une version des faitsqui lui soit plus favorable. Il existe également un risque de collusion en cequi concerne les fonds détournés: la recourante, qui prétend ne rien savoir àce sujet, est tout de même l'amie intime de B.________ avec qui elletravaillait; ce dernier affirme que l'ensemble des fonds détournés aurait étéperdu dans un investissement aux Comores, mais cela reste à vérifier. Ilexiste donc également un risque que la recourante ne tente, en cas delibération, d'entraver la recherche des sommes détournées. Le risque decollusion apparaît suffisamment concret. 4.3 Toutefois, si la détention préventive devait se prolonger encore, ilappartiendra à la Chambre d'accusation de se montrer plus explicite à proposdu risque de collusion, et de tenir compte au plus près des résultats del'instruction. La simple référence à de nouvelles plaintes, sans précisionsquant à leur incidence sur la situation de la recourante, et le renvoi à desprécédentes décisions qui peuvent avoir perdu une partie de leur actualité,pourraient ne plus suffire.Dans sa décision du 8 août 2006, la Chambre d'accusation a aussi estimé quele risque de fuite ne pouvait être écarté, compte tenu de la nationalitéfrançaise de la recourante. Le Juge d'instruction retient lui aussi ce risquedans son ordonnance du 15 septembre 2006. En revanche, dans son ordonnance du21 septembre 2006, la cour cantonale a renoncé à examiner cette question.Compte tenu de la motivation par renvois successifs, il n'est pas possible desavoir si le risque de fuite est encore d'actualité ou s'il a étédéfinitivement écarté. En cas de nouvelle prolongation, il serait souhaitableque l'autorité se montre plus explicite à ce propos également. 5.Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté. Unémolument judiciaire est mis à la charge de la recourante, conformément àl'art. 156 al. 1 OJ. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, auProcureur général et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice ducanton de Genève. Lausanne, le 10 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.716/2006
Date de la décision : 10/11/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-10;1p.716.2006 ?
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