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09/11/2006 | SUISSE | N°4P.166/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 novembre 2006, 4P.166/2006


{T 0/2}4P.166/2006 et 4C.230/2006/ech Arrêt du 9 novembre 2006Ire Cour civile Mmes et MM. les Juges Klett, Juge présidant,Rottenberg Liatowitsch, Favre, Kiss et Mathys.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ SA,recourante et demanderesse, représentée par Me Olivier Carrard, contre A.________,intimé et défendeur, représenté par Me Denis Mathey,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. 4P.166/2006art. 9 Cst.; appréciation arbitraire des preuves, 4C.230/2006TVA; impôt préalable; factures; responsabilité du mandataire, recours de

droit public et recours en réforme contre l'arrêt de la Chamb...

{T 0/2}4P.166/2006 et 4C.230/2006/ech Arrêt du 9 novembre 2006Ire Cour civile Mmes et MM. les Juges Klett, Juge présidant,Rottenberg Liatowitsch, Favre, Kiss et Mathys.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ SA,recourante et demanderesse, représentée par Me Olivier Carrard, contre A.________,intimé et défendeur, représenté par Me Denis Mathey,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. 4P.166/2006art. 9 Cst.; appréciation arbitraire des preuves, 4C.230/2006TVA; impôt préalable; factures; responsabilité du mandataire, recours de droit public et recours en réforme contre l'arrêt de la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève du 12 mai 2006. Faits: A.X. ________ SA (ci-après: X.________) est active dans le domaineinformatique. Par «contrat de collaboration» du 30 octobre 1998, elle aconfié à A.________, ingénieur commercial, la tâche de prospecter et denégocier des contrats de délégation de compétences, de ventes de licences etde prestations, relatifs à l'offre Z.________. Le statut de l'ingénieur étaitcelui de consultant externe à titre indépendant. A.________ était rémunéré àla commission, calculée sur la marge nette de chaque journée de délégation depersonnel facturée; le versement devait intervenir au plus tard dans les dixjours après le paiement du client. Les frais et débours résultant del'exercice normal de l'activité étaient à la charge du consultant; ses fraisde représentation lui étaient remboursés. Conformément à l'art. 8 du contrat,X.________ s'engageait à remettre à A.________ un relevé indiquant lescommissions acquises à la fin de chaque mois. L'art. 10 précisait que «tousimpôts et assurances sociales et autres assurances relatives à l'activité» encause étaient à la charge du consultant. Le 15 novembre 1999, A.________ a mis X.________ en demeure de lui fournir lerelevé des commissions à ce jour. Il lui a également réclamé un solde de8'651 fr.96, que la société lui a payé quelques jours plus tard. Le 3 mars 2000, l'ingénieur commercial s'est annoncé à l'Administrationfédérale des contributions (AFC) comme assujetti à la taxe sur la valeurajoutée (TVA) avec effet rétroactif au 1er janvier 1999, en qualité de«consultant en architecture de systèmes d'information». Son affiliation apris fin le 31 mars 2000. Le consultant était également associé-gérant deY.________Sàrl, elle-même immatriculée au registre des contribuables. En 2003, X.________ a fait l'objet d'un contrôle de l'AFC. La société avaitdéduit de ses décomptes trimestriels, à titre d'impôt préalable, le montanttotal de 38'526 fr.90, correspondant à la TVA relative aux prestations deservice fournies par A.________ en 1999 et 2000. Les factures produites, dontles dates s'échelonnaient entre le 30 juin 1999 et le 31 décembre 2000,s'élevaient au total, TVA comprise, à 556'280fr.76. Comme elles necomportaient pas le numéro de TVA de A.________, l'AFC a annulé la mise encompte de l'impôt préalable. Selon un courrier du 11 septembre 2003 adressépar l'AFC au conseil X. SA________, il appartient au destinataire, avant lepaiement, de contrôler les factures, en particulier la présence des mentionsessentielles comme le numéro d'immatriculation au registre des contribuables;en effet, les factures ne peuvent plus être corrigées après leur règlement.Dans certains cas de rigueur, l'AFC accepte toutefois que le fournisseurremette au destinataire, après coup, des attestations permettant à celui-cid'obtenir tout de même la déduction de l'impôt préalable. En conclusion,l'AFC impartissait à X.________ un délai supplémentaire au 30 septembre 2003pour lui faire parvenir «les attestations qui [avaient] trait à des facturesnon conformes émises par M. A.________ durant la période allant du 1erjanvier 1999 au 31 mars 2000». Le 19 septembre 2003, X.________ a demandé à A.________ de remplir lesattestations susmentionnées. Le prestataire a refusé. Il niait être l'auteurdes factures produites par Aria; il reprochait à cette société de ne pas luiavoir remis le relevé des commissions acquises, ce qui l'avait empêché deprocéder à la facturation. Il précisait par ailleurs qu'à partir du 1er avril2000, il avait facturé ses prestations à X.________ par l'intermédiaire deY.________Sàrl. Entre le 27 janvier et le 28 juin 1999, X.________ a donné une quinzained'ordres de paiement en faveur de A.________, pour un montant global de80'552 fr.55. Jusqu'au 6 mars 2001, elle a versé au prestataire de service lasomme totale de 556'005 fr.76. A. ________ a déclaré à l'AFC un chiffre d'affaires brut, TVA comprise, de274'191 fr.81, correspondant aux montants versés par X.________ du 28 janvier1999 au 30 mars 2000 selon les décomptes bancaires. Il s'est acquitté de laTVA y relative. B.Le 15 décembre 2003, X.________ a assigné A.________ en paiement de 38'526fr.90, plus intérêts à 5% dès le 1er novembre 2003. La demanderessereprochait au défendeur d'avoir établi des factures non conformes et d'avoirrefusé de lui remettre les attestations permettant de corriger cet état defait; elle s'était ainsi vu refuser par l'AFC la déduction du montant de TVAprécité à titre d'impôt préalable et en réclamait le remboursement par ledéfendeur.Par jugement du 29 septembre 2005, le Tribunal de première instance du cantonde Genève a condamné A.________ à payer à X.________ la somme de 38'526 fr.90avec intérêts à 5% dès le 15 décembre 2003.Statuant le 12 mai 2006 sur appel du défendeur, la Chambre civile de la Courde justice a annulé le jugement de première instance et débouté X.________ detoutes ses conclusions. C.X.________ forme un recours de droit public. Elle conclut à l'annulation del'arrêt attaqué. A. ________ propose le rejet du recours. Invitée à se déterminer, la cour cantonale se réfère aux considérants de sadécision. Parallèlement, X.________ a déposé un recours en réforme contre l'arrêtcantonal. A titre principal, elle conclut à l'annulation de la décisionattaquée et à la condamnation du défendeur à lui payer le montant de 38'526fr.90 plus intérêts à 5% dès le 15 décembre 2003. Elle demandesubsidiairement l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et le renvoi del'affaire à cette instance afin qu'elle statue sur le montant dû par ledéfendeur à la demanderesse. A. ________ conclut au rejet de ce recours également. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.En général, il est sursis à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droitconnu sur le recours de droit public (art. 57 al. 5 OJ). Cette règle souffretoutefois des exceptions dans des situations particulières, qui justifientl'examen préalable du recours en réforme (voir exemples in ATF 123 III 213consid. 1 p. 215; 122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 120 Ia 377 consid. 1 p. 379).Il se peut également que le Tribunal fédéral soit amené à examiner les deuxrecours en parallèle (ATF 117 II 630 consid. 1b p. 631; 111 II 398 consid. 1;arrêts 4P.316/2005 et 4C.414/2005 du 29 mars 2006, consid. 1; arrêt5C.146/2005 du 2mars 2006, consid. 1). En l'espèce, l'arrêt attaqué est fondé sur une double motivation. D'une part,la cour cantonale a jugé que l'intimé avait démontré avoir été empêché, dufait de la recourante, de facturer son activité pour la période du 1erjanvier 1999 au 31 mars 2000 et que, pour la période postérieure au 31 mars2000, il avait adressé des factures au nom de sa société, dont le numéro TVAfigurait sur les documents. Niant ainsi que les factures produites par larecourante aient été confectionnées par l'intimé, elle en déduitimplicitement qu'il ne peut être reproché au fournisseur de services d'avoirrédigé des factures ne comportant pas son numéro personnel d'immatriculationau registre des contribuables. D'autre part, la Cour de justice a considéréque, même en admettant que les factures produites émanassent de l'intimé, larecourante ne pouvait faire valoir aucune prétention en dommages-intérêts,faute d'avoir elle-même vérifié la conformité des pièces en question auxprescriptions de l'ordonnance du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeurajoutée (OTVA; RO 1994 II p. 1464 ss). Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivationsindépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune doitêtre attaquée avec le moyen de droit approprié (ATF 115 II 300 consid. 2a p.302; 111 II 397 consid. 2b, 398 consid. 2b; cf. également ATF 129 I 185consid. 1.6 p. 189; 122 III 488 consid. 2; 117 II 432 consid. 2a p. 441). Lecas échéant, le recourant devra attaquer l'une des deux motivations par lavoie du recours en réforme, en démontrant qu'elle viole le droit fédéral, etl'autre par celle du recours de droit public, en faisant valoir qu'elle porteatteinte à ses droits constitutionnels (ATF 115 II 300 consid. 2a p. 302; 111II 398 consid. 2b; cf.également ATF 121 III 46 consid. 2; 121 IV 94 consid.1b). Ces exigences sont posées à peine d'irrecevabilité pour chacun desmoyens de droit concernés (ATF 131 III 595 consid. 2.2 p. 598; 116 II 721consid. 6a p. 730). En l'occurrence, la recourante s'en prend à la première motivation dans sonrecours de droit public, exposant en substance que la cour cantonale aapprécié arbitrairement les preuves en retenant que les factures produites neprovenaient pas de l'intimé. Elle critique la motivation subsidiaire dans lerecours en réforme, expliquant notamment que l'intimé a violé ses obligationscontractuelles en établissant des factures incomplètes sur le plan de la TVAet en refusant, par la suite, de remplir le formulaire idoine. Ce faisant, larecourante respecte les exigences susmentionnées en matière de recours contreune décision comprenant plusieurs motivations. Cela étant, si la constatation selon laquelle les factures échelonnées entrele 1er janvier 1999 et le 31 mars 2000 n'émanaient pas de l'intimé devait serévéler insoutenable, encore faudrait-il, pour que le recours soit admis, quela décision apparaisse arbitraire dans son résultat, soit, en d'autrestermes, que l'origine des factures litigieuses soit un fait juridiquementpertinent. Or, la cour cantonale a précisément nié que tel soit le cas dansson argumentation subsidiaire, en jugeant que l'action aurait dû être rejetéemême si les factures litigieuses avaient été dressées par l'intimé. Commecette motivation-ci ne peut être critiquée que dans un recours en réforme, ils'ensuit que recours de droit public et recours en réforme doivent êtreexaminés dans un seul et même arrêt. 2.2.1Le recours de droit public est ouvert contre une décision cantonale pourviolation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).Le recours est dès lors recevable en tant qu'il se fonde sur le griefd'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.). Rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), l'arrêt attaqué estfinal (cf. art. 87 OJ) dans la mesure où il met un terme au procès entre lesparties. La recourante est personnellement touchée par la décision entreprise, qui l'adéboutée de ses conclusions en paiement. Elle a ainsi un intérêt personnel,actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptéeen violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pourrecourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ). Au surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 89 al. 1 et art. 34al. 1 let. c OJ). 2.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs d'ordre constitutionnel soulevés et suffisamment motivés dans l'actede recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1. p. 31, 258consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1cp. 53/54 et les arrêts cités). Le recourant ne peut se contenter de critiquerla décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel oùl'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit (ATF 128 I295 consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let. b OJ n'autorise pas l'auteur d'unrecours de droit public à présenter sa propre version des événements (ATF 129III 727 consid. 5.2.2). 3.Selon la recourante, les juges cantonaux ont apprécié les preuves de manièrearbitraire en retenant que les factures produites n'émanaient pas del'intimé. Elle reproche à la Chambre civile d'avoir écarté les témoignages de sesemployés, sans même disposer de témoignages contraires. De plus, comme lesdéclarations en cause avaient été jugées crédibles par le tribunal précédent,la cour cantonale aurait dû, en application de l'art. 307 de la loi deprocédure civile genevoise (LPC/GE), ordonner que les procédures probatoireseffectuées en première instance soient refaites devant elle si elles luiparaissaient défectueuses ou insuffisantes. Par ailleurs, la recourante faitvaloir que les pièces du dossier qui, selon la cour cantonale, contredisentles témoignages précités ne sont pas déterminantes. D'une part, il estinexact de prétendre que les montants figurant sur les factures sont parfoisdivergents de ceux perçus par le fournisseur de services; la recouranteproduit à cet égard un tableau qui démontre que les encaissements reçus etdéclarés par l'intimé à l'AFC entre le 31 juillet 1999 et le 31 mars 2000correspondent exactement aux montants facturés, même si les versements ontparfois été effectués en deux acomptes. D'autre part, le fait que certainesfactures soient postdatées ne suffirait pas pour établir qu'elles neproviennent pas de l'intimé. Enfin, la recourante est d'avis que la courcantonale ne pouvait déduire de la mise en demeure du 15 novembre 1999 quel'intimé avait été empêché de facturer son activité pour la période du 1erjanvier 1999 au 31 mars 2000. 3.1 La recourante se borne à citer l'art. 307 LPC/GE, mais n'explique pas enquoi la cour cantonale aurait méconnu arbitrairement le droit de procédurecantonal en n'appliquant pas cette disposition. Faute de motivationsuffisante, le grief est irrecevable dans cette mesure. 3.2 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement unenorme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte demanière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pasque sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décisionapparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral nes'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, encontradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifobjectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seulfait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable(ATF 132 III 209 consid. 2.1 p.211; 131 I 57 consid. 2, 217 consid. 2.1; 129I 8 consid. 2.1).En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits,l'autorité fait montre d'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sansraison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision,lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un telélément, ou encore lorsqu'elle tire des déductions insoutenables à partir
deséléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41). 3.2.1 Dans ses constatations, la cour cantonale a distingué deux périodes:celle allant du 1er janvier 1999 au 31 mars 2000 et celle postérieure au 31mars 2000. Selon l'arrêt attaqué, l'intimé a été empêché, durant la premièrepériode, de facturer ses prestations parce que la recourante s'est abstenuede lui remettre des relevés de commissions, en violation de l'art. 8 ducontrat. La cour cantonale précise à cet égard qu'elle ne retient pas lestémoignages contraires du personnel de la recourante sur ce point, «qui sontcontredits par les pièces du dossier (factures postdatées et montantsfacturés parfois divergents de ceux perçus).» Pour la seconde période, laChambre civile tient pour établi que l'intimé a facturé ses prestations parl'intermédiaire de sa société et que les factures comportaient alors unnuméro de TVA. 3.2.1.1 Le recours de droit public ne contient aucun grief motivé contrecette seconde constatation. Conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, leTribunal fédéral ne reverra donc que la constatation selon laquelle lesfactures produites par la recourante pour la période du 1erjanvier 1999 au31 mars 2000 n'émanaient pas de l'intimé. 3.2.1.2 Pour retenir ce fait, la cour cantonale s'est fondée sur troiséléments: l'absence de relevés de commissions de la part de la recourante, ladate des factures, postérieure aux encaissements, et la divergence existantparfois entre les montants facturés et les sommes perçues. Sur le premier point, la Cour de justice se borne à reprendre les allégationsde l'intimé. L'unique référence au relevé des commissions dans la partie «enfait» de l'arrêt attaqué est la mise en demeure adressée par l'intimé à larecourante en date du 15 novembre 1999. A la lecture de l'arrêt attaqué, onignore toutefois pour quel(s) mois le fournisseur de services réclamait cerelevé et si la recourante s'est finalement exécutée; on ne sait pas plus siles mois suivants, la mandante a également omis de remettre les relevés decommissions. Sur la seule base de la mise en demeure susmentionnée et desallégations de l'intimé, il apparaît arbitraire de tenir pour établi quecelui-ci a été empêché de facturer son activité pour la période du 1erjanvier 1999 au 31 mars 2000. Sur le deuxième point, il ressort effectivement du dossier que les factureslitigieuses comportent des dates postérieures aux versements correspondantseffectués par la recourante, en général sous forme d'acomptes. Cependant, ilne s'ensuit pas nécessairement que lesdites factures n'ont pas été émises parl'intimé. Ce dernier peut fort bien avoir fait connaître à la recourante lesmontants qu'il estimait lui être dus avant de dresser la facture. Ainsi,selon l'état de fait non critiqué de l'arrêt cantonal, l'intimé a réclamé àla recourante un solde de 8'651 fr.96 le 15 novembre 1999, qui lui a été payéquelques jours plus tard; ce montant figure dans la facture du 30 novembre1999 de 28'651 fr.96, laquelle englobe également l'acompte de 15'000 fr.versé le 3 novembre 1999 et celui de 5'000 fr. payé le 10 novembre 1999. Sur le troisième point, il y a lieu de relever que, sauf dans un cas, lesfactures litigieuses reprennent les montants versés par la recourante etdéclarés par l'intimé à l'AFC. Selon l'arrêt attaqué, la facture du 30 juin1999, d'un montant de 81'000 fr., ne correspond pas à la quinzaine deversements effectués par la recourante entre le 27 janvier et le 28 juin 1999pour la somme totale de 80'552 fr.55. En réalité, si l'on se fonde sur lesencaissements déclarés par l'intimé lui-même durant cette période, c'est unmontant global de 83'137 fr.85 qui a été versé au fournisseur de services etdéclaré par ce dernier à l'AFC (cf. pièce n°23b du chargé de l'intimé du 29novembre 2004). Cela étant, cette divergence entre montant encaissé etmontant facturé ne permet pas, là non plus, de conclure que cette facture et,a fortiori, toutes les autres factures n'ont pas été émises par l'intimé. 3.2.2 Sur le vu de ce qui précède, force est de constater que la courcantonale a procédé à une appréciation arbitraire des preuves en opérant unedéduction insoutenable à partir d'éléments non déterminants. En présence defactures, libellées au nom de l'intimé, qui, selon le témoignage de lacomptable et de l'ancien directeur de la mandante, avaient été remises par lemandataire, la Chambre civile ne pouvait pas, sans tomber dans l'arbitraire,déduire des trois éléments susmentionnés, même considérés conjointement, quel'intimé avait été empêché de facturer son activité entre le 1er janvier 1999et le 30 juin 2000 et, par là-même, que les factures produites étaientfausses en ce sens qu'elles n'émanaient pas du fournisseur de la prestation.Ainsi, le recours de droit public devra être admis si la décision attaquée serévèle également arbitraire dans son résultat, ce qui suppose que l'originedes factures litigieuses est un fait juridiquement pertinent. Il convient dèslors d'examiner, dans le cadre du recours en réforme, si, comme la courcantonale l'a reconnu, la responsabilité contractuelle de l'intimé n'est pasengagée quand bien même il serait l'auteur des factures litigieuses. 4.4.1Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusionscondamnatoires, et dirigé contre une décision finale rendue en dernièreinstance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur unecontestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr.(art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il aété déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises(art. 55 OJ). 4.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni la violationdu droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnementjuridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moinsque des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertancemanifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autoritécantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents,régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2. p. 106, 136 consid. 1.4. p. 140; 127 III 248 consid. 2c). Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écartede celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précisionde l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possibled'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté degriefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuvenouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pasouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatationsde fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 271consid. 2b/aa p. 277; 127 III 247 consid. 2c p. 252). 4.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà desconclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifsdéveloppés dans les écritures (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid.3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale(art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 22 consid.2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 5.La cour cantonale a nié toute responsabilité du défendeur envers lademanderesse, même dans le cas où les factures établies jusqu'au 31 mars 2000émaneraient du mandataire. Selon l'arrêt attaqué, il appartenait à lamandante de vérifier que les factures de son fournisseur étaient conformesaux prescriptions en matière de TVA. De plus, la demanderesse ne sauraitreprocher au défendeur de n'avoir pas déféré à sa mise en demeure du 19septembre 2003 puisqu'elle était elle-même en demeure. 5.1 D'après la demanderesse, la cour cantonale a violé le droit fédéral enadmettant que l'art. 28 al. 1 OTVA libérait de toute responsabilitécontractuelle le prestataire qui émet des factures non conformes, enl'absence de réclamation immédiate du destinataire. Dans un second grief, lademanderesse fait valoir que la Cour de justice devait examiner, sous l'angledu droit privé, si le défendeur était tenu de remplir la formule 1310 exigéepar l'AFC. A son avis, l'élaboration de factures défectueuses, lanon-immatriculation au registre des contribuables TVA à un moment donné et lerefus de remplir le formulaire idoine constituent autant de violations ducontrat engageant la responsabilité du défendeur envers la demanderesse. 5.25.2.1Les facturations litigieuses ont eu lieu sous l'empire de l'OTVA, envigueur jusqu'au 31 décembre 2000 (cf. Rivier/Rochat Pauchard, Droit fiscalsuisse - La taxe sur la valeur ajoutée, p. 8). L'art. 28 OTVA traite de lafacturation et du transfert de l'impôt; il correspond, hormis quelquesmodifications rédactionnelles, à l'art. 37 de la loi fédérale régissant lataxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le 1er janvier 2001 (LTVA; RS641.20). Selon l'art. 28 al. 1 OTVA, l'assujetti prestataire de servicesdoit, sur demande du destinataire assujetti à l'impôt, dresser une facturecomportant certaines indications, dont son nom, son adresse ainsi que sonnuméro d'immatriculation au registre des contribuables (let. a). La facture est un élément essentiel du système de la TVA. En mentionnant laTVA, elle atteste que le fournisseur de la prestation a décompté la TVA (ouva le faire) et permet au destinataire d'obtenir la déduction de l'impôtpréalable (Schaller/Sudan/Scheuner/Huguenot (éd.), TVA - Code annoté, p.196/197; Camenzind/Honauer/Vallender, Handbuch zum Mehrwertsteuergesetz, 2eéd., n. 1312, p. 448; Rivier/Rochat Pauchard, op. cit., p. 220/221). Eneffet, le droit suisse connaît le système de la TVA avec déduction de l'impôtpréalable (ou imputation de la taxe d'amont). Selon l'art. 29 al. 1 let. aOTVA (équivalent à l'art. 38 al. 1 let. a LTVA), l'assujetti qui utilise desbiens ou des prestations de service pour l'un des buts indiqués au 2e alinéa,peut déduire, dans son décompte, les montants d'impôt préalable que d'autresassujettis lui ont facturés, conformément à l'art. 28, pour des livraisons etdes prestations de services; en particulier, les prestations de servicesimposables donnent droit à la déduction de l'impôt préalable (art. 29 al. 2let. b OTVA). Selon les Instructions 1997 à l'usage des assujettis TVA, éditées par l'AFC,le destinataire de la prestation doit s'assurer, à la réception des factures,que celles-ci contiennent toutes les indications prescrites et sont exactes.Lorsque tel n'est pas le cas, les factures doivent être retournées, avantpaiement, pour être rectifiées. Une fois le paiement effectué, les facturesne peuvent plus être modifiées, «car il s'agit d'une opération commercialeclose» (ch. 779a; arrêt 2A.490/2003 du 13 janvier 2005, consid. 3.2). Néanmoins, lorsqu'il apparaît, à l'occasion d'un contrôle fiscal, qu'unefacture n'est pas conforme aux exigences de l'art. 28 OTVA, l'AFC donne lapossibilité au destinataire de la prestation de régulariser la situation enlui adressant le formulaire 1310 (intitulé «Attestation du fournisseur de laprestation au bénéficiaire de la prestation afin de faire valoir la déductionultérieure de l'impôt préalable, malgré une facturation formellementinsuffisante»; actuellement, formulaire 1550), en vue d'obtenir tout de mêmela déduction de l'impôt préalable. L'attestation doit être remplie par leprestataire (même arrêt, consid. 3.3). Cette possibilité n'existe toutefoisque si la facture est viciée par l'absence d'un ou de plusieurs des élémentssuivants, qui ne sont pas essentiels: numéro d'immatriculation duprestataire, date ou période de la livraison ou de la prestation de services,genre, objet et importance de la livraison ou de la prestation de servicesainsi que taux de l'impôt; en revanche, les noms et adresses du prestataireet du destinataire, ainsi que la contre-prestation et le montant de l'impôtdû constituent des éléments essentiels dont le défaut d'indication sur lesfactures ne peut être régularisé (Camenzind/Honauer/Vallender, op. cit., p.457/458). L'articulation des art. 28 et 29 OTVA permet aux assujettis de déduirel'impôt compris dans le prix qu'ils paient à leurs fournisseurs et d'inclurel'impôt qu'ils doivent eux-mêmes acquitter dans le prix de leurs propresopérations, le transférant ainsi jusqu'au consommateur final, qui supporte lacharge fiscale définitive (cf. ATF 123 II 295 consid. 5a p. 301, 385 consid.8 p. 394/395). Cela étant, le transfert de l'impôt du fournisseur au destinataire ressortità l'autonomie privée des parties, aucune norme ne rendant ce transfertobligatoire. En effet, selon l'art. 28 al. 6 OTVA, seuls les tribunaux civilssont compétents pour juger les contestations portant sur le transfert del'impôt (arrêt 2A.461/2002 du 2 juin 2003, consid. 3.2 in fine; arrêt2A.320/2002 et 2A.326/2002 du 2 juin 2003, consid. 5.2.1 et 5.4.1). En cas delitige entre deux contribuables en raison de factures non conformes à lalégislation sur la TVA, l'AFC ne peut donc rendre qu'une décision refusant ladéduction à l'acquéreur en raison des carences de la facture reçue dufournisseur, le juge civil étant compétent pour le litige relevant du droitprivé entre les deux parties (Rivier/Rochat Pauchard, op. cit., note de pied8, p. 220). 5.2.2 En l'espèce, les parties étaient liées par un mandat. La responsabilitédu mandataire est régie par l'art. 398 CO. Selon l'alinéa 2 de cettedisposition, le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne etfidèle exécution du mandat. Il doit faire preuve de diligence aussi bien dansles obligations de faire et de restituer que dans les obligations accessoires(Hofstetter, Le mandat et la gestion d'affaires, in Traité de droit privésuisse, vol. VII, tome II, 1, p. 112). Ces dernières se comprennent comme desdevoirs que les parties n'ont pas nécessairement envisagés, mais quidécoulent naturellement de l'obligation principale d'un contrat, conformémentau principe de la bonne foi (art. 2 CC; cf. Franz Werro, Le mandat et seseffets, n. 568, p. 194). Ainsi, l'acceptation d'un mandat implique la priseen compte des intérêts du mandant, en particulier un devoir de fidélité,lequel peut revêtir différentes formes (devoir de discrétion, interdiction dela double représentation; obligation de sécurité; devoir d'information parexemple) (Fellmann, Berner Kommentar, n. 23 et 24 et n. 40 ss ad art. 398CO). Selon certains auteurs, la délivrance d'une facture, support fiscal dela TVA, constitue une telle obligation contractuelle accessoire, découlant del'art. 2 CC (Rivier/Rochat Pauchard, op. cit., p. 220; en droit allemand:Stadie, in Rau/Dürrwächter, Kommentar zum Umsatzsteuergesetz, 8 éd., rem. 86et 141 ad § 14). 5.2.3 Cette manière
de voir doit être approuvée. Le mandataire dont lesprestations sont soumises à la TVA est tenu de fournir au mandant une factureremplie de façon à permettre à ce dernier de récupérer l'impôt préalable.Contrairement à l'opinion défendue par la cour cantonale, l'obligation dudestinataire, imposée par la pratique administrative, de vérifier laconformité de la facture aux prescriptions fiscales ne saurait escamoterl'obligation accessoire de l'émetteur de la facture envers son partenairecontractuel. En l'espèce, ce n'est toutefois pas tant l'absence du numérod'immatriculation sur les factures litigieuses qui a causé le dommage que lanon-remise des attestations selon le formulaire 1310, lesquelles ne pouvaientêtre remplies que par le défendeur. La question est donc de déterminer si, enadmettant que les factures émanent de lui, le fournisseur viole uneobligation contractuelle et peut ainsi engager sa responsabilité en refusantde compléter les documents susmentionnés. La réponse est manifestementpositive, même si le contrat liant les parties a alors pris fin. Celui quiétablit des factures non conformes est tenu de corriger son erreur afind'éviter, dans la mesure du possible, une perte financière à son partenairecontractuel. Découlant du devoir de fidélité du mandataire, une telleobligation répond à la sauvegarde générale des intérêts du mandant. Pour le surplus, l'argument de la demeure de la demanderesse, avancé dansl'arrêt attaqué, n'est pas pertinent. Comme on l'a vu dans la partie del'arrêt consacrée au recours de droit public, les éléments recueillis par lacour cantonale ne permettaient pas, sans tomber dans l'arbitraire, de retenirque la demanderesse n'avait fourni aucun relevé de commissions jusqu'au 31mars 2000. Au demeurant, l'éventuelle demeure de la demanderesse à ce sujetest hors de propos si les factures litigieuses sont attribuées au défendeur. Il s'ensuit que l'argumentation juridique subsidiaire développée dans l'arrêtattaqué est contraire au droit fédéral et ne saurait valider le rejet detoute prétention en dommages-intérêts de la demanderesse à l'encontre dudéfendeur. 6.En résumé, il apparaît, d'une part, que l'appréciation des preuves ayantamené la cour cantonale à constater que les factures du 1er janvier 1999 au31 mars 2000 n'émanaient pas de l'intimé est arbitraire et, d'autre part, quel'action en dommages-intérêts ne pouvait être entièrement rejetée aux motifsque la demanderesse n'avait pas vérifié la conformité des factures à lalégislation sur la TVA et qu'elle était en demeure de fournir des relevés decommissions. Comme l'une de ses motivations est inconstitutionnelle et quel'autre est contraire au droit fédéral, l'arrêt attaqué doit être annulé. Lacause sera renvoyée à la Cour de justice afin qu'elle procède à une nouvelleappréciation des preuves quant à l'origine des factures dont les datesoscillent entre le 1er janvier 1999 et le 31 mars 2000 et qu'elle se prononceune nouvelle fois sur la prétention en dommages-intérêts élevée par lademanderesse. 7.Vu le sort réservé aux recours, il se justifie de mettre les frais relatifsaux deux procédures à la charge de l'intimé (art. 156 al. 1 OJ). En outre, cedernier versera à la recourante une indemnité de dépens pour les deux recours(art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public est admis dans la mesure où il est recevable; lerecours en réforme est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause estrenvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 2.Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de l'intimé. 3.L'intimé versera à la recourante une indemnité de 5'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 9 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse La Juge présidant: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.166/2006
Date de la décision : 09/11/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-09;4p.166.2006 ?
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