La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2006 | SUISSE | N°1A.176/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 novembre 2006, 1A.176/2006


{T 0/2}1A.176/2006 /fzc Arrêt du 8 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. X. ________,Y.________,recourants, représentés par Me Vincent Jeanneret, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la Finlande, recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusationdu canton de Genève du 12 juillet 2006. Faits: A.Le 3 juillet

1998, le Parquet de la circonscription de Turku (Finlande) ...

{T 0/2}1A.176/2006 /fzc Arrêt du 8 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. X. ________,Y.________,recourants, représentés par Me Vincent Jeanneret, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la Finlande, recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusationdu canton de Genève du 12 juillet 2006. Faits: A.Le 3 juillet 1998, le Parquet de la circonscription de Turku (Finlande) aadressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'uneenquête dirigée contre X.________ et son épouse, pour des délits deblanchiment d'argent et de fraude dans la faillite. Il était reproché àX.________ d'avoir soustrait des biens aux créanciers dans le cadre d'unefaillite prononcée le 2 juillet 1996, en acquérant des meubles et desimmeubles par le biais de deux sociétés et en acheminant des fonds sur descomptes ouverts auprès de la banque A.________ à Genève. Le blocage de cescomptes et la production de la documentation bancaire étaient requis. Après être entré en matière, le 20 juillet 1998, le Juge d'instruction ducanton de Genève a ordonné, le 25 août 1998, la transmission à l'autoritérequérante des documents relatifs à deux comptes, détenus l'un par X.________et sa mère Y.________, l'autre par Y.________ uniquement. Par arrêt du 30août 1999 (cause 1A.142/1999), le Tribunal fédéral a confirmé cette décision,en considérant notamment que même si les montants bloqués étaient le produitde soustractions fiscales, l'entraide était requise à des fins exclusivementpénales, soit pour la répression d'infractions dans la poursuite et lafaillite. B.Le 29 novembre 2005, le Procureur de Turku a adressé une demande d'entraidecomplémentaire. Par jugement du 18 janvier 2002, le Tribunal de GrandeInstance de Turku avait condamné X.________ à un an et sept mois de prisonpour "faute de débiteur aggravée", ainsi qu'au paiement à l'Etat suédois de304'252 Euros d'indemnité. A l'occasion d'une saisie en faveur des Etatssuédois (créancier principal) et finlandais, X.________ avait cachédifférents biens qu'il aurait dû déclarer à l'inventaire, en particulier lesfonds se trouvant sur le compte n°xxx; les fonds se trouvant sur l'autrecompte saisi en Suisse appartenaient à son épouse. Par arrêt du 30 septembre2003, la Cour d'appel de Turku avait porté la peine d'emprisonnement à deuxans et deux mois, et l'indemnité allouée à l'Etat suédois à 2'594'384,54Euros. Cet arrêt était définitif. La demande d'entraide tend au transfert,sur un compte du Bureau des saisies à Helsinki, des fonds se trouvant sur lecompte n° xxx. Par ordonnance du 10 mars 2006, le Juge d'instruction genevois a considéréque les conditions posées à l'art. 74a EIMP étaient réalisées, et a ordonnéle transfert des avoirs se trouvant sur le compte n°xxx, devenu le n° yyy. Sur recours de X.________ et Y.________, la Chambre d'accusation a, parordonnance du 12 juillet 2006, modifié cette décision en limitant letransfert à 2'594'384,54 Euros, montant fixé dans le jugement d'appel. Endépit d'une requête déposée par X.________ devant la Cour européenne desdroits de l'homme (CourEDH), rien ne permettait de penser que les garantiesdécoulant de la CEDH n'avaient pas été respectées dans la procédure menée enFinlande. Même si les fonds bloqués étaient le produit de soustractionsfiscales, la confiscation avait été prononcée pour des infractions dans lafaillite. Indépendamment des conditions particulières de répression tellesque le prononcé d'une faillite ou la délivrance d'un acte de défaut de biens,les faits décrits tombaient, en droit suisse, sous le coup des art. 163 à 165CP. La demande d'entraide ne constituait pas un abus de droit. C.X.________ et Y.________ forment un recours de droit administratif. Ilsdemandent l'annulation de cette dernière ordonnance et, en tant que debesoin, de la décision du Juge d'instruction, ainsi que le refus du transfertdes avoirs. Subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause au Juged'instruction, pour nouvelle décision. Plus subsidiairement, ils demandent desurseoir à statuer jusqu'à droit connu devant les instances de Strasbourg. La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge d'instructionconclut au rejet du recours et au transfert de l'intégralité des fondsdéposés sur le compte, conformément selon lui au dispositif du jugement de laCour d'appel de Turku. L'Office fédéral de la justice conclut à laconfirmation de l'ordonnance attaquée. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision declôture portant sur la remise à l'Etat requérant des fonds saisis en Suisse(art. 15 al. 1 EIMP, mis en relation avec les art. 74a et 80d de la mêmeloi). Les recourants, titulaires du compte visé par l'ordonnance de remise,ont qualité pour agir (ATF 131 II 169 consid. 2.2 et les arrêts cités). 2.Aux termes de l'art. 74a EIMP, à la demande de l'autorité étrangèrecompétente, les objets ou valeurs saisis à titre conservatoire peuvent luiêtre remis au terme de la procédure d'entraide, en vue de confiscation ou derestitution à l'ayant droit (al. 1). Ces objets ou valeurs comprennentnotamment le produit ou le résultat de l'infraction, la valeur deremplacement et l'avantage illicite (al. 2 let. b). La remise peut intervenirà tous les stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décisiondéfinitive et exécutoire de l'Etat requérant (al.3). Lorsque la remise estdemandée en exécution d'une décision définitive et exécutoire dans l'Etatrequérant, la question de savoir si les objets ou valeurs réclamésproviennent de l'infraction doit être considérée comme tranchée (ATF 131 II169 consid. 6 p. 175), ainsi que celle de savoir si les objets ou valeurs enquestion doivent être restitués ou confisqués (ATF 123 II 595 consid. 4e p.604/605), à moins qu'il n'apparaisse d'emblée que tel n'est manifestement pasle cas (ATF 129 II 453). 2.1 Pour les recourants, les conditions de l'art. 74a EIMP ne seraient pasréalisées; les fonds déposés sur le compte proviendraient de soustractionsfiscales au détriment du fisc suédois; or, de telles infractions ne donnentpas lieu à l'entraide en vertu des art. 3 al. 3 EIMP et 2 let.a CEEJ. Lefait d'agir par la voie de l'entraide judiciaire par l'entremise d'un Etattiers constituerait un subterfuge de la part des autorités suédoises. Celaressortirait clairement du fait que le recourant n'a pas été condamné pourrecel et blanchiment d'argent, et que l'intégralité du montant transféré seraremis au fisc suédois. Ces faits étaient inconnus au moment où le Tribunalfédéral a statué sur la première demande d'entraide. Les recourants seprévalent également de l'impossibilité de poursuivre en Suisse les créancesfiscales étrangères. 2.2 L'entraide judiciaire ne peut certes pas être accordée par la Suisse pourla répression d'infractions de nature fiscale - sous réserve de l'escroqueriefiscale. Telle n'est toutefois pas l'infraction pour laquelle le recourant aété condamné en Finlande. L'entraide est en effet exclusivement requise àraison de délits dans la poursuite et la faillite, le recourant se voyantreprocher d'avoir tu l'existence d'avoirs à l'étranger alors que ceux-ciauraient dû faire l'objet d'une saisie. L'Etat requérant n'a nullement tentéde dissimuler la nature de la créance: il a été affirmé dès la premièredemande d'entraide que les sommes déposées en Suisse provenaient desoustractions fiscales. L'Etat requérant n'a pas non plus eu besoin desrenseignements transmis par la Suisse pour établir l'existence d'infractionsfiscales: la créance de l'Etat suédois a été établie antérieurement au dépôtde la première demande d'entraide. Celle-ci ne concerne donc que lerecouvrement, indépendamment de la nature de la dette, et le fisc étrangerapparaît comme un simple créancier. L'entraide n'est donc pas requise pourles besoins d'une procédure visée à l'art. 3 al. 3 EIMP, et on ne sauraitfaire à l'Etat requérant le reproche d'une quelconque manipulation.Contrairement à ce que soutiennent les recourants, les fonds soustraits à unemesure d'exécution forcée constituent bien le résultat de l'infraction, ausens de l'art. 74a al. 2 let. b EIMP. 3.X.________ estime que la procédure étrangère ne serait pas conforme auxexigences découlant de la CEDH. Le 2 juillet 1996, il avait été interrogé parla police finlandaise. A cette occasion, il n'avait pas été rendu attentif àson droit de refuser de s'incriminer, ce qui lui aurait évité de faire desrévélations sur ses avoirs à l'étranger. Le recourant se réfère à la requêtequ'il a déposée devant la CourEDH le 18 octobre 2004, et estime qu'il yaurait lieu de surseoir à statuer jusqu'à droit connu sur cette requête. 3.1 L'art. 2 EIMP prévoit que la demande d'entraide est irrecevable si laprocédure à l'étranger n'est pas conforme aux principes fixés par la CEDH oule Pacte ONU II. Cette disposition s'applique également à une demanded'entraide tendant à la restitution d'objets ou valeurs au sens de l'art. 74aEIMP (cf. ATF 123 II 134 consid. 7b; 595 consid. 4e p. 605). Lorsque l'Etatrequérant produit un jugement de confiscation exécutoire, l'Etat requis n'aen principe pas à s'immiscer dans les détails de la procédure étrangère pouren vérifier la conformité à l'ensemble des garanties de procédure. Il ne peutsanctionner, par le refus de sa collaboration, que les violations clairementétablies. 3.2 En l'occurrence, le grief du recourant porte sur les modalités de sonaudition par la police finlandaise. Le recourant prétend qu'il aurait étéforcé de révéler la présence de ses avoirs, sans possibilité de se taire. Iln'étaye toutefois nullement ses déclarations; on ignore ainsi notammentl'objet et le contexte de l'interrogatoire, l'importance effective, dans lecadre de l'ensemble de la procédure pénale, des déclarations faites à cetteoccasion par le recourant, ainsi que les possibilités de réparer le viceallégué devant une instance nationale. Faute d'une connaissance de laprocédure pénale étrangère dans son ensemble, il n'est pas possible de seprononcer sur le grief.Quoi qu'il en soit, X.________ a saisi les organes de Strasbourg, et unereconnaissance par ceux-ci de la violation alléguée est susceptibled'apporter au recourant une réparation satisfaisante. Il n'y a donc pas lieunon plus de surseoir à statuer sur ce point. 4.Les recourants invoquent enfin le principe de la spécialité qui feraitobstacle, selon eux, à la transmission des fonds à un Etat tiers (la Suède),et à une utilisation à des fins fiscales. L'argument est mal fondé: lorsquel'Etat tiers a la qualité de lésé dans l'Etat requérant, rien ne s'oppose àce que les fonds saisis en Suisse lui soient remis, lorsque tel estprécisément le but de la demande d'entraide. Cela correspond au sens del'art. 74a al. 1 in fine EIMP. Quant au risque d'utilisation à des finsfiscales des renseignements (effectivement prohibée par l'art. 67 EIMP), lerecourant n'explique pas en quoi il consisterait, dans la mesure où ladécision attaquée ne porte pas sur la transmission de renseignements ou dedocuments. Le Tribunal fédéral s'est d'ailleurs déjà prononcé à ce propos àl'occasion du recours dirigé contre la transmission des documents bancaires(arrêt du 30 août 1999/1A.142/1999), et il n'y a pas à revenir sur cettequestion. 5.Se référant à sa décision de clôture, le Juge d'instruction est d'avis que letransfert devrait s'étendre à la totalité des avoirs déposés sur le compte,comme le requiert le Procureur de Turku. Bien qu'une reformatio in peius soiten principe possible, en vertu de l'art. 25 al. 6 EIMP, il n'y a pas lieu d'yprocéder en l'occurrence. En effet, la demande d'entraide tendait à latransmission de l'intégralité des avoirs, sans préciser le montant réclamé.Or, le jugement de dernière instance a fixé le montant de l'indemnité due parX.________ à l'Etat suédois à 2'594'384,54 Euros. Comme le relève la Chambred'accusation, seul ce montant peut être considéré comme faisant l'objet dujugement de restitution. Faute d'explications claires de la part del'autorité requérante, il n'en va pas de même des différents frais qui nepeuvent être considérés comme le produit de l'infraction ainsi que desintérêts dont l'autorité requérante a produit un décompte, mais qui n'ont pasfait l'objet de la décision judiciaire rendue dans l'Etat requérant.L'ordonnance attaquée est donc, sur ce point également, conforme au droitfédéral. 6.Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Un émolumentjudiciaire est mis à la charge des recourants, conformément à l'art.156 al. 1OJ. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge des recourants. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, auJuge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsiqu'à l'Office fédéral de la justice (B 111447). Lausanne, le 8 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.176/2006
Date de la décision : 08/11/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-08;1a.176.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award