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06/11/2006 | SUISSE | N°1S.25/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 novembre 2006, 1S.25/2006


{T 0/2}1S.25/2006 /col Arrêt du 6 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourant, représenté par Me Stefan Disch, avocat, contre Ministère public de la Confédération,Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,case postale 334, 1000 Lausanne 22,Office des juges d'instruction fédéraux,rue du Mont-Blanc 4, case postale 1795, 1211 Genève 1,Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes,via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzone. refus de mise en liberté, recours contre l'arrêt de la Cour de

s plaintes du Tribunal pénal fédéral du 7septembre 2006. Faits: ...

{T 0/2}1S.25/2006 /col Arrêt du 6 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourant, représenté par Me Stefan Disch, avocat, contre Ministère public de la Confédération,Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,case postale 334, 1000 Lausanne 22,Office des juges d'instruction fédéraux,rue du Mont-Blanc 4, case postale 1795, 1211 Genève 1,Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes,via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzone. refus de mise en liberté, recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 7septembre 2006. Faits: A.Le 28 octobre 2002, le Ministère public de la Confédération a ouvert uneenquête préliminaire contre le ressortissant kosovar A.________ pourinfraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et participation à uneorganisation criminelle. Le 10 décembre 2002, la prévention a été étendue aublanchiment d'argent. A.________ est soupçonné d'avoir mis sur pied, avec desmembres de sa famille et des tiers, un trafic international estimé àplusieurs centaines de kilos d'héroïne et de cocaïne, avec des ramificationsen Suisse. Il a été arrêté en Macédoine le 2 août 2003 et extradé à la Suissele 29 octobre 2003. Il se trouve depuis lors en détention préventive.Le 26 mars 2004, le Ministère public de la Confédération a rejeté unepremière demande de libération provisoire formée par A.________. La Cour desplaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour des plaintes) aconfirmé cette décision au terme d'un arrêt rendu le 17 mai 2004. Le 9juillet 2004, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il étaitrecevable, le recours interjeté contre cet arrêt par A.________ (cause1S.1/2004).Le 15 septembre 2005, le Juge d'instruction fédéral a ordonné l'ouvertured'une instruction préparatoire à l'encontre de A.________, de ses frères,B.________ et C.________, et de leur père pour présomption de participation àune organisation criminelle, de blanchiment d'argent et d'infraction grave àla loi fédérale sur les stupéfiants. Par décision du 6 octobre 2005, il arejeté la requête de mise en liberté de A.________ et maintenu la détentionen raison des risques de fuite et de collusion. La Cour des plaintes aconfirmé cette décision sur plainte du prévenu au terme d'un arrêt rendu le10 novembre 2005. Le 24janvier 2006, le Tribunal fédéral a rejeté le recoursformé par A.________ contre cet arrêt (cause 1S.51/2005). B.Le 8 août 2006, A.________ a requis sa mise en liberté provisoire eninvoquant une violation des principes de la célérité et de laproportionnalité. Le Juge d'instruction fédéral a refusé de faire droit àcette requête au terme d'une décision prise le 15 août 2006 que la Cour desplaintes a confirmée sur plainte du prévenu par arrêt du 7 septembre 2006.Elle a considéré qu'il existait des indices suffisants de participation à uneorganisation criminelle. Elle a estimé que le maintien de la détention sejustifiait par un risque de fuite qui ne pouvait être pallié par le dépôt desûretés, en raison de l'origine douteuse de l'argent qui pourrait servir degarantie. Elle a retenu enfin que la détention était proportionnée au regardtant de la peine à laquelle le prévenu pourrait être condamné que de lamanière dont la procédure était conduite. C.Agissant par la voie du recours au sens de l'art. 33 al. 3 let. a LTPF,A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt et d'ordonner samise en liberté immédiate, le cas échéant assortie de sûretés. A titresubsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pournouvelle décision dans le sens des considérants.Le Juge d'instruction fédéral et le Ministère public de la Confédérationconcluent au rejet du recours. La Cour des plaintes se réfère à son arrêt.Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses conclusions. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.La décision par laquelle le Tribunal pénal fédéral maintient la détentionpréventive ordonnée pour les besoins d'une procédure pénale conduite par leMinistère public de la Confédération constitue une mesure de contrainteattaquable devant la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral selonl'art. 33 al. 3 let. a LTPF, mis en relation avec l'art. 2 al. 1 ch. 4 RTF,dans sa teneur du 23 mars 2004 (RO 2004 p.2343; cf. ATF 131 I 52 consid.1.2.2 p. 54). Le recours est donc recevable. 2.Aux termes de l'art. 44 PPF, un mandat d'arrêt ne peut être décerné contrel'inculpé que s'il existe contre lui des présomptions graves de culpabilité.Il faut en outre, soit que sa fuite soit présumée imminente - tel est le casnotamment lorsque l'inculpé est prévenu d'une infraction punie de réclusionou qu'il n'est pas en mesure d'établir son identité ou n'a pas de domicile enSuisse (ch. 1) -, soit que des circonstances déterminées fassent présumer quel'inculpé veuille détruire les traces de l'infraction ou induire des témoinsou coïnculpés à faire de fausses déclarations ou compromettre de quelqueautre façon le résultat de l'instruction (ch. 2). Cela correspond auxexigences de légalité, d'intérêt public et de proportionnalité que doitrespecter toute restriction à la liberté personnelle consacrée à l'art. 10al. 2 Cst., en vertu des art. 31 al. 1 et 36 al. 1, 2 et 3 Cst. et de l'art.5 CEDH. L'inculpé détenu pour présomption de fuite peut être mis en libertésous la condition de fournir des sûretés garantissant qu'en tout temps il seprésentera devant l'autorité compétente ou viendra en subir sa peine (art. 53PPF). 3.Le recourant ne discute pas les charges qui pèsent sur lui. Il contestel'arrêt attaqué en tant qu'il retient l'existence d'un risque de fuite queledépôt de sûretés ne pourrait pallier en raison de l'origine douteuse desfonds qui pourraient être fournis en garantie. 3.1 Selon la jurisprudence, un risque de fuite ne doit pas s'apprécier sur laseule base de la gravité de l'infraction même si la perspective d'une longuepeine privative de liberté permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125I 160 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités); il doit s'analyser en fonctiond'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité,ses liens familiaux, sa situation financière, ses ressources économiques, sesliens avec l'Etat qui le poursuit et ses contacts avec l'étranger, qui fontapparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable(ATF 117 la 69 consid. 4 p. 70 et les arrêts cités). Par ailleurs,conformément à l'art. 5 § 3 dernière phrase CEDH, le prévenu a le droitd'être libéré s'il lui est possible de fournir des sûretés propres à garantirsa présence aux débats et, le cas échéant, sa soumission au jugement, lorsquel'incarcération n'a plus d'autre justification que le danger de fuite (cf.art. 53 PPF). L'importance de la garantie doit être appréciée au regard desressources du prévenu, de ses liens avec des personnes pouvant lui servir decaution, et de la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perdre lemontant agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toutevelléité de fuite (ATF 105 Ia 186 consid. 4a p. 187, citant l'arrêt rendu le27 juin 1968 par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaireNeumeister c. Autriche, Série A, vol. 7, § 14). Lorsque l'instruction pénaleporte sur des détournements de fonds importants, dont une grande partie n'apas pu être récupérée, l'autorité chargée de fixer la caution doit fairepreuve d'une grande prudence, car il est toujours à craindre que le prévenune profite de sa mise en liberté pour tenter de récupérer le produit del'infraction soustrait à la justice. L'autorité ne peut pas, dans ce cadre,faire abstraction de l'importance des sommes détournées et fixer le montantde la caution en tenant compte uniquement de la situation actuelle duprévenu, indépendamment des agissements délictueux qu'il aurait commis (arrêt1P.764/2004 du 26 janvier 2005 consid. 5.1; cf. aussi l'arrêt de la Coureuropéenne des droits de l'homme dans la cause Punzelt contre Républiquetchèque, du 25 avril 2000, §§ 85 ss). Elle peut éventuellement prendre enconsidération, à l'appui d'un refus de mise en liberté moyennant sûretés, lefait que l'origine de l'argent à verser est inconnue (arrêt de la Coureuropéenne des droits de l'homme du 26 janvier 1993 dans la cause W. c.Suisse, Série A n°254A, § 33). 3.2 Le recourant n'invoque aucune circonstance nouvelle importante quipermettrait de remettre en cause l'appréciation du risque de fuite tel qu'ilavait été retenu dans l'arrêt du 24 janvier 2006. Le danger de fuite s'estmême accru à la suite du mandat d'arrêt international lancé contre lerecourant en mai 2006 par les autorités judiciaires italiennes pour desinfractions de même nature. La Cour des plaintes a estimé que ce risque nepouvait être pallié par le dépôt de sûretés, compte tenu de l'origineillicite de l'argent qui pourrait être versé en garantie. Le recourant n'adonné aucune indication sur sa situation financière et celle de sa famille.Il est soupçonné d'être à la tête d'un vaste trafic de stupéfiants qui aporté sur des quantités très importantes de drogue et qui a permis de dégagerdes bénéfices importants. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile,voire impossible d'évaluer le montant qui serait raisonnablement exigible etapte à écarter le risque de fuite, ou à atténuer ce risque dans une mesuresuffisante, tout en garantissant que ce montant ne provienne pas des fonds àl'origine de l'activité délictueuse reprochée au recourant. Dans une tellesituation, l'alternative ne consiste pas nécessairement dans la libérationimmédiate du prévenu, en cas de danger de fuite avéré, mais dans le maintiende la détention, pour autant que la durée de celle-ci ne soit pas excessiveau regard de la peine encourue, ce qui est le cas comme on le verra plus loin(cf. arrêt 1P.764/2004 du 26 janvier 2005 consid. 5.2). Cela étant, la Courdes plaintes pouvait, sans violer la garantie de la liberté personnelle,confirmer le rejet de la demande de libération provisoire présentée par lerecourant en raison d'un risque de fuite et s'abstenir de fixer un montantsusceptible d'être déposé à titre de sûretés. 4.Le recourant estime que la durée de sa détention, soit trois ans et troismois, serait excessive au regard de la peine à laquelle il s'expose etjustifierait sa libération immédiate. Il voit également une violation duprincipe de célérité garanti à l'art. 29 al. 1 Cst. et aux art. 5 § 3 et 6 §1 CEDH dans le fait qu'aucune investigation significative n'a été menéedepuis l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral. 4.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH, le prévenu doit êtrelibéré lorsque la durée de son incarcération se rapproche de la peineprivative de liberté qui sera éventuellement prononcée. L'incarcération peutaussi être disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de laprocédure pénale (ATF 128 I 149 consid. 2.2 p. 151; 125 I 60 consid. 3d p.64; 124 I 208 consid. 6 p. 215 et les arrêts cités). Le caractère raisonnablede la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les circonstancesparticulières de la cause, eu égard à la complexité de l'affaire, aucomportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'àl'enjeu du litige pour le prévenu (ATF 124 I 139 consid. 2c p. 142; 119 Ib311 consid. 5b p. 325; 117 Ib 193 consid. 1c p. 197). N'importe quel retardn'est pas suffisant pour justifier l'élargissement du prévenu. Il doit s'agird'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître quel'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chefdans un délai raisonnable. En cas de retard de moindre gravité, desinjonctions particulières peuvent être données, comme par exemple la fixationd'un délai de détention maximum; c'est au surplus au juge du fond qu'ilappartient, le cas échéant par une réduction de peine, de tenir compte d'uneviolation de l'obligation de célérité (ATF 128 I 149 consid. 2.2 p. 151/152). 4.2 En l'espèce, le recourant estime être exposé tout au plus à une peinemaximale de réclusion de cinq ans, de sorte que la détention subie à ce jourserait excessive. Il se réfère en cela exclusivement à la peine prévue en casde condamnation pour participation à une organisation criminelle. Il perdcependant de vue qu'il est également soupçonné de blanchiment d'argent etd'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants. S'il devait êtrereconnu coupable de ces chefs d'accusation, il encourt une peine de réclusiond'une durée largement supérieure à celle de la détention préventive subie àce jour. Le principe de la proportionnalité est donc respecté de ce point devue et ne justifie pas l'élargissement immédiat du recourant.Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur le grief tiré de la violation duprincipe de célérité dans l'arrêt rendu le 24 janvier 2006. Il avait alorsconclu que la police judiciaire fédérale n'avait pas failli à son obligationde diligence dans la conduite de l'enquête, compte tenu de l'ampleur dutrafic de stupéfiants mis en place, de ses ramifications internationales, quiont nécessité de nombreuses investigations à l'étranger, et de l'absence decollaboration du recourant. Il invitait néanmoins le Juge d'instructionfédéral à procéder aux confrontations et aux autres mesures d'instructionnécessaires avec la plus grande attention, de manière à éviter uneprolongation excessive de la détention préventive. Depuis lors, ce magistrata procédé à l'audition d'un témoin couvert par la garantie de l'anonymat, les10février et 26 juin 2006. Deux agents de la police judiciaire fédérale sesont rendus à sa requête du 28 mars au 4 avril 2006 au Kosovo afin dedéterminer l'état des biens immobiliers de la famille A.________. Ils ontrendu leur rapport le 15 août 2006. Le Juge d'instruction fédéral a procédé àdiverses mesures d'instruction visant à faire rapatrier en Suisse lesvéhicules du recourant saisis au Kosovo. Il a adressé une commissionrogatoire en Autriche aux fins d'accéder au dossier pénal d'une personne quiy était détenue et une commission rogatoire en Italie pour procéder àl'audition de plusieurs personnes en qualité de témoins. Il a enfin confiédivers mandats à la police judiciaire fédérale. Ainsi, même si elle n'apeut-être pas suivi un rythme particulièrement soutenu, l'instruction n'a pasnon plus connu de période d'inactivité susceptible de tomber sous le coup del'art. 5 § 3 CEDH, ce qui avait été jugé décisif dans le cas évoqué par lerecourant pour conclure à une violation du principe de célérité (JAAC 1997 n°101 p. 929). L'instruction préparatoire arrive à son terme. La policejudiciaire fédérale doit déposer incessamment son rapport de synthèse. LeJuge d'instruction fédéral a annoncé qu'une fois ce rapport déposé, ilprocéderait à l'exécution des dernières commissions rogatoires encore ensuspens et à une série d'auditions du recourant afin de cadrer définitivementles charges dirigées à son encontre, avant de prononcer la clôture del'instruction préparatoire. Il convient
d'en prendre acte en invitant le Juged'instruction fédéral à prendre un soin tout particulier au bon déroulementde cette procédure et à clore l'instruction dans les plus brefs délais, demanière à ce que l'audience de jugement puisse intervenir au plus vite dansle courant de l'année 2007, comme le souligne le Ministère public de laConfédération. 5.Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant quisuccombe (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auMinistère public de la Confédération, à l'Office des juges d'instructionfédéraux et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Lausanne, le 6 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1S.25/2006
Date de la décision : 06/11/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-06;1s.25.2006 ?
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